La constitution genetique du cerveau humain

Jean-Pierre Changeux est un neurobiologiste français connu pour ses recherches dans les domaines des neurosciences, de l’art, de l’éthique. Il est professeur au Collège de France et dirige le Laboratoire de neurobiologie moléculaire de l’Institut Pasteur. Fidèle à une conception moniste des rapports entre le mental et le cérébral, il montre que les résultats issus des neurosciences ainsi que les travaux récents sur les réseaux de neurones artificiels ou sur les dissections d’animaux, ont permis de découvrir que le cerveau est le lieu des combinaisons moléculaires, cellulaires et cognitives. Changeux est auteur et coauteur de plusieurs articles et livres dont L’Homme neuronal publié en 1983 fait ici l’objet de notre réflexion. Cet ouvrage constitue en quelque sorte un résumé de ses cours dispensés au Collège. Ainsi, il définit l’objet de sa théorie neurobiologiste :

« Il s’agit de tenter d’établir une relation causale permanente entre structure et fonction, qui prenne en compte les niveaux d’organisation successifs de la matière chez les êtres vivants : du niveau le plus élémentaire, celui des atomes et des molécules, aux niveaux les plus élevés, qui se manifestent dans le cas du cerveau par la genèse de la pensée consciente » .

Par là, Changeux montre que l’appareil biologique est régi par une organisation relationnelle en plusieurs niveaux dont le plus élevé représente la sphère mentale. Il pose ainsi une relation causale entre structure du cerveau et fonction de la pensée. De ce fait, les états et phénomènes mentaux pourraient être étudiés dans une perspective purement connexionniste et que tout comportement ou toute représentation psychique pourrait s’expliquer, en dernière instance, matériellement, c’est-à-dire par le fonctionnement électrochimique des neurones. En d’autres termes, pour ce neurobiologiste, la pensée et ses corollaires tels que les sensations, les émotions, la mémoire, la conscience etc. sont le résultat d’interactions entre neurones qui véhiculent des impulsions électriques et des substances chimiques appelés « neurotransmetteurs ». De façon précise, un neurotransmetteur peut être défini comme une substance chimique intervenant dans la transmission du signal nerveux au niveau de la synapse chimique qui sert de jonction entre neurones, mais aussi entre neurones et d’autres catégories cellulaires. En effet, la connaissance du système nerveux et, partant, des facultés cognitives du cerveau ayant été depuis longtemps une affaire de quelques disciplines telles que la neurobiologie, la neurophysiologie, la neuropsychologie, la neuropsychiatrie, etc., Jean-Pierre Changeux pense que cette question est devenue de nos jours un thème pluridisciplinaire. Le cerveau ne peut plus être conçu comme une « boîte noire » dont on ignore les états internes. Voilà pourquoi, il exprime déjà dans la préface de L’Homme neuronal le vœu de partager ces connaissances nouvelles avec des lecteurs d’horizons divers et variés.

« Un nouveau monde se dessine, dit-il, et le moment paraît opportun d’ouvrir ce champ du savoir à un public plus large que celui des spécialistes et, si possible, de lui faire partager l’enthousiasme qui anime les chercheurs en ce domaine » .

Il s’agit de rendre accessible ces nouveaux développements scientifiques de façon claire à un large public. Cette large ouverture montre que la question de l’acquisition et de la représentation formelle des connaissances et des modes de raisonnement n’est pas du seul ressort du philosophe, de l’anthropologue, du neuroscientifique, de l’informaticien, du logicien, du linguiste, entre autres, mais intéresse désormais un public divers et varié. Cette réflexion sur la cognition est devenue donc une question centrale et transversale. Avec ce nouveau paradigme des « sciences cognitives », il ne s’agit plus d’expliquer les états et phénomènes mentaux sous une approche purement psychologique, introspective, mais d’étudier le cerveau, « siège de la pensée », avec la méthode expérimentale qui a permis à la science de découvrir les lois de la nature.

C’est dans ce sens que nous avons choisi de faire un commentaire analytique de ce célèbre ouvrage autour de la problématique de La matérialité du mental dans L’Homme neuronal de Jean-Pierre Changeux. En effet, parler de la matérialité du mental, c’est penser, comme le montre Changeux, que le psychisme, considéré comme une réalité spirituelle, immatérielle, a une base cérébrale et peut, par conséquent, être étudié avec les lois de la nature. Pour lui, « l’identité entre états mentaux et états physiologiques ou physicochimiques du cerveau s’impose en toute légitimité » . Ce qui voudrait dire que l’activité mentale se résume à des propriétés physiologiques ou physicochimiques du cerveau dont il est possible de traiter avec les méthodes expérimentales en vigueur dans les sciences de la nature.

Si le cerveau est généralement défini comme l’organe-siège de la conscience, de la pensée, de la mémoire et du contrôle de toutes les fonctions de l’organisme, la question qui se pose alors serait de savoir si les états et phénomènes mentaux, présumés immatériels et spirituels, donc inintelligibles, peuvent être réellement expliqués par le fonctionnement des organisations neuronales, et définis comme des objets matériels du dispositif cérébral. En d’autres termes, comment le cerveau peut-il former des configurations neuronales dans ses circuits de cellules nerveuses et être à même de transformer ces configurations neuronales en configurations mentales qui constituent ainsi le niveau le plus élevé du phénomène biologique qu’est la pensée ?

Ainsi, pour exposer sa théorie neurobiologiste, Changeux recourt à la thèse de l’évolution en accordant un certain pouvoir aux gènes. En effet, il tente de découvrir les fonctions psychiques associées à chacun des niveaux d’organisation du cerveau, sans pour autant l’isoler de son environnement et de son histoire. D’inspiration darwinienne, il propose un schéma de variation-sélection qui instaure une sorte de « lutte pour l’existence entre les connexions neuronales ». Pour lui, les capacités d’exploitation et de représentation du système nerveux évoluent et s’élargissent de l’environnement physique et biologique à l’environnement social et culturel. En d’autres termes, les dispositions innées s’enrichissent désormais d’une flexibilité qui démultiplie les capacités du cerveau à comprendre le monde et, par ricochet, celles de l’homme à agir sur celui-ci, à créer une culture, à la propager et à la transmettre d’une génération à une autre. Tout cela montre clairement que pour étudier le cerveau de l’homme, il faudrait nécessairement prendre en compte son vécu environnemental et historique.

LA CONSTITUTION GENETIQUE DU CERVEAU HUMAIN

LA THESE EVOLUTIONNISTE 

Le darwinisme neuronal de Changeux

Jean-Pierre Changeux apparaît comme l’un des plus grands représentants du darwinisme neuronal ou darwinisme neural-mental. Celui-ci se présente comme une hypothèse de la pensée évolutionniste en neurosciences selon laquelle le processus de la connaissance s’effectue par sélection de groupes neuronaux. Ainsi, cette architecture neurale-mentale qui va des composantes moléculaires et cellulaires aux « objets mentaux » est régie par une forme d’organisation dans laquelle règne une certaine dépendance entre les niveaux inférieurs et supérieurs. Pour expliquer ce rapport d’interdépendance au sein des groupes neuronaux, Changeux met en exergue un schéma de variation-sélection analogue à celui proposé par Darwin à travers sa théorie de l’évolution. Rappelons que Darwin, à travers son célèbre ouvrage intitulé L’Origine des espèces, souligne l’importance de la « lutte pour l’existence ». En effet, il introduit le principe de la « sélection naturelle » comme mécanisme de « conservation des variations favorables et rejet des variations nuisibles ». D’inspiration darwinienne, Changeux soutient que l’évolution par variation et sélection peut s’appliquer au développement du cerveau d’une manière strictement épigénétique, sans entraîner aucune modification du génome. Un des avantages de cette thèse développée aussi par Gérald Maurice Edelman, directeur de l’institut de neuroscience à La Jolla en Californie, dans sa Biologie de la conscience sous le sous-titre de « darwinisme neuronal » est de permettre de mieux comprendre la variabilité épigénétique de notre organisation cérébrale. A ce titre, nous pouvons retenir l’idée de la sélection naturelle résumée dans L’Homme neuronal en ces termes :

« Pour qu’un système s’auto-organise, il va de soi qu’il ne saurait y avoir seulement de création de diversité. Une sélection pourra avoir lieu par la comparaison des objets mentaux entre eux, par leur entrée en résonance ou leur dissonance. » .

L’idée de Changeux est que le système d’organisation interne des gènes du cerveau s’effectue à la fois à travers un générateur de diversité et un système de sélection. A un moment donné, des éléments mentaux se recombinent entre eux, varient de façon aléatoire, et élaborent des formes transitoires qui relèvent du niveau d’organisation supérieur. Il y a donc production de variations « darwiniennes » qui peuvent accéder transitoirement à ce niveau supérieur d’organisation. Ainsi, un mécanisme de sélection stabilise certains de ces états transitoires et engendre un niveau d’organisation plus élevé – celui de la pensée – où s’élaborent l’organisation des conduites, la planification des comportements, les intentions etc. Autrement dit, l’organisation génétique du cerveau caractérisée par un système de variation sélection au niveau des assemblées de neurones lui confère des propriétés associatives qui favorisent des enchaînements et emboîtements à partir desquels émergeraient des fonctions mentales. Le mental serait donc le produit d’une activité combinatoire qui procède par stabilisation sélective du capital génétique. Ainsi, c’est à partir de ces opérations qui se réalisent sous forme de système dans lequel apparaît une multitude de neurones divers et variés qu’émergent des états mentaux tels que la conscience. D’ailleurs, de l’avis de Changeux :

« Ces enchaînements et emboîtements, ces ” toiles d’araignée “, ce système de régulation fonctionneront comme un tout. Doit-on dire que la conscience ” émerge ” de tout cela ? Oui, si l’on prend le mot ” émerger ” au pied de la lettre, comme lorsqu’on dit que l’iceberg émerge de l’eau. Mais il nous suffit de dire que la conscience est ce système de régulations en fonctionnement » .

Il ressort donc de ce constat du neurobiologiste français qu’un état mental comme la conscience est un processus, une fonction du dispositif cérébral émanant de l’interconnexion entre les neurones. Il s’inscrit ainsi dans la perspective émergentiste selon laquelle les processus évolutifs sont compatibles avec l’apparition des formes mentales et organiques plus complexes qui émergent au cours de l’évolution. Ce qui implique qu’il existe des niveaux d’organisation distincts tels que la conscience qui se réduisent, par leur nature, aux états qui les produisent ou aux mécanismes causaux physicochimiques. De ce point de vue, la conscience serait le résultat d’une interaction de neurones qui se déroule durant tous le processus de l’évolution des espèces.

Par conséquent, il ne faudrait pas alors se limiter seulement à l’étude du cerveau mais tenter aussi de comprendre le développement de l’espèce humaine en partant de la fécondation à l’âge adulte. C’est tout le sens de cette recommandation de Changeux selon laquelle, « comprendre le cerveau ne suffit plus. Il faut y ajouter l’enchaînement, dans le temps, de tous les états successifs qui conduisent de l’œuf à l’adulte » . Cela revient à dire que pour mieux comprendre l’organisation si embrouillée du système nerveux, il serait nécessaire de partir de l’évolution de générations de cellules vers cet organe très complexe qu’est le cerveau.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LA CONSTITUTION GENETIQUE DU CERVEAU HUMAIN
CHAPITRE PREMIER : LA THESE EVOLUTIONNISTE
1. Le darwinisme neuronal de Changeux
2. Les origines génétiques du cerveau humain
CHAPITRE II : L’HERITAGE BIOLOGIQUE ET SOCIOCULTUREL
1. La transmission génétique
2. La transmission socioculturelle
DEUXIEME PARTIE : L’EXPLICATION PHYSICO-CHIMIQUE DU MENTAL CHEZ CHANGEUX
CHAPITRE III : LE CERVEAU, RECEPTACLE DES FONCTIONS COGNITIVES
1. Anatomophysiologie du cerveau
2. Les thèses localisatrices
CHAPITRE IV : LE CERVEAU, UN RESEAU NEURONAL
1. La théorie psychoneurale de Changeux
2. Le mental, un processus de la machine cérébrale
TOISIEME PARTIE : ENJEUX ET CRITIQUES DE L’ŒUVRE
CHAPITRE V : PROBLEMES EPISTEMOLOGIQUES
1. La complexité du cerveau
2. Obstacles scientifiques
CHAPITRE VI : ENJEUX PHILOSOPHIQUES
1. La spécificité de l’humain
2. Un problème idéologique
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *