La connectivité à méso-échelle, entre Maurice et La Réunion

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Matériels et Méthodes

Sites d’étude

Les sites d’étude sont l’Océan Indien occidental et la Mer Méditerranée. Il s’agit de deux zones climatiques distinctes, la première se trouvant en zone tropicale, et la seconde en zone tempérée. Ainsi, dans l’Océan Indien, le terme « récif » fait référence au substrat corallien, et en Méditerranée, au substrat rocheux.

Océan Indien

L’emprise de la zone d’étude à l’échelle régionale, dans l’Océan Indien Occidental, se situe entre 2 ° N et 35 ° S et 25 à 70 ° E (Figure 3). Elle inclut ainsi des récifs côtiers et insulaires (45 425 km²). L’emprise de la zone d’étude à méso-échelle, quand à elle, concerne les îles Maurice et de La Réunion.
L’océan Indien est sous l’influence d’une circulation subtropicale anticyclonique. Le courant Sud équatorial se déplace d’Est en Ouest entre 4 ° N et 20 ° S à environ 0.1 m.s-1 (Woodberry et al., 1989), et se sépare en deux branches près de Madagascar (Tomczack & Godfrey, 1994 ; Chapman et al., 2003). Une branche passe au nord de l’île et diverge au niveau des Comores pour former le courant côtier Est Africain d’une part, et les tourbillons du Canal du Mozambique d’autre part. L’autre branche, le courant Est malgache, se dirige vers le sud et se prolonge le long de la côte africaine par le courant des Aiguilles. Ce courant d’origine tropicale, rencontre à la pointe sud de l’Afrique, le puissant courant circumpolaire qui entraîne une grande partie de ses eaux vers l’est provoquant de nombreux tourbillons.
Le climat de la région est tropical. Des cyclones peuvent se produire de manière épisodique durant la saison des pluies, de novembre à mai (été austral). Ils provoquent des perturbations importantes de l’écosystème marin, à différentes échelles spatiales et temporelles, pouvant parfois affecter les récifs coralliens et modifier leur structure (Harmelin-Vivien, 1994, Gardner et al., 2005).
La région s’étend sur environ 40 degrés de latitude et accueille une grande biodiversité (Obura et al., 2004 ; WWF, 2004a, b ; Tessema & Salm, 1998). Elle abrite au moins 350 espèces de coraux (Obura, 2012), 11 espèces de mangrove, 12 espèces d’herbiers, ainsi que 1500 espèces de poissons, 3000 espèces de mollusques, 450 espèces de crabes, 300 espèces d’échinodermes et cinq des sept espèces de tortues marines répertoriées dans le monde (WWF, 2004a, b ; Guerreiro et al., 2010). Malgré ces atouts environnementaux, la région est confrontée à des défis environnementaux et de gestion des ressources (Moffat et al., 1998). Quatre menaces majeures de la biodiversité marine ont été identifiées dans la région : la surexploitation des ressources naturelles, la dégradation des habitats, les pollutions terrestres, et la pollution marine (Billé & Rochette, 2010 ; Borja et al., 2008 ; WWF, 2004a, c, d).
La première AMP de l’océan Indien occidental a été mise en place en 1965 au Mozambique (IUCN, 2000), suivie par Madagascar et le Kenya (UNEP-WCMC, 2010). Les premières AMP créées avaient tendance à être de petite taille (inférieure à 10 km²) et conçues pour protéger un habitat spécifique. Dans les années 1990, les AMP deviennent plus grandes, elles intègrent des usages multiples et sont basées sur des formes de gestion plus participatives (Rocliffe et al., 2014). Aujourd’hui, tous les pays de la région ont mis en place des AMP, excepté la Somalie où les plans de conservation sont difficiles à mettre oeuvre (IUCN, 2000 ; Barrow et al., 2007). Au total 75 AMP ont été créées dans la région, soit une couverture totale de 183 975 km² (Figure 4). Cependant, cela représente moins de 10 % du plateau continental de la région (Rocliffe et al., 2014). 66 % des récifs coralliens de l’océan Indien occidental sont considérés à risque vis à vis des menaces locales, dont la moitié avec un risque élevé voir très élevé, en particulier en Somalie, Tanzanie, Comores et La Réunion, où plus de 90 % des récifs sont menacés par les activités humaines telles que la surpêche, la pollution des bassins versants, et la pêche à la dynamite (Rocliffe et al., 2014).

Mer Méditerranée

La mer Méditerranée est une mer intercontinentale qui couvre une superficie d’environ 2,5 millions de km² (Figure 5). Elle est reliée à l’océan Atlantique par le détroit de Gibraltar à l’Ouest, et à la mer de Marmara et la mer Noire à l’Est. Elle est également connectée à la mer Rouge dans le Sud-Est par le canal de Suez.
La circulation générale de surface en Mer Méditerranée est relativement complexe. En effet, le bassin méditerranéen est divisé en plusieurs petites mers (Figure 5) et sa géomorphologie sous-marine est fortement accidentée. La profondeur moyenne de la mer Méditerranée est d’environ 1 500 mètres avec une profondeur maximum enregistrée à 5 267 mètres dans la mer Ionienne. La mer Méditerranée se divise en deux bassins, séparés par une dorsale peu profonde (le détroit de Sicile), entre la Sicile et la Tunisie : la Méditerranée occidentale (0,85 million km²) et la Méditerranée orientale (1,65 million km²).
Les courants de surface suivent des trajectoires tortueuses (Figure 6), influencées par la météorologie et les saisons. Ils présentent des variabilités temporelles allant de la journée à la saison. Ils peuvent former des gyres (tourbillons) de quelques centaines de kilomètres dont la durée de vie varie de quelques mois à quelques années (Millot & Taupier-Letage, 2005).
La température de surface (SST) annuelle moyenne de la mer montre une forte saisonnalité, avec des gradients allant d’Ouest en Est et du Nord au Sud (Hopkins, 1985). La production biologique diminue du Nord au Sud et d’Ouest en Est ; elle est inversement proportionnelle à l’augmentation de la température et de la salinité (Danovaro et al., 1999). La circulation générale de surface de la mer Méditerranée est assez complexe ; elle a déjà été décrite en détail (Hopkins, 1985 ; Pinardi et al., 2006). Les gyres résultant des courants peuvent s’étendre sur des centaines de kilomètres pendant plusieurs mois, voire plusieurs années (Millot & Taupier-Letage, 2005).
La mer Méditerranée ne représente que 0,82 % de la surface des océans. Pourtant, elle abrite 4 à 18 % de la biodiversité marine mondiale (Coll et al., 2010) avec près de 17 000 espèces marines connues à ce jour, dont plus de 600 espèces de poissons. Une grande partie des espèces marines méditerranéennes sont endémiques (Boudouresque, 2004). Coll et al. (2010) ont mis en évidence un gradient décroissant de la biodiversité allant des régions nord-ouest vers le sud-est, associé aux patrons de production primaire. La biodiversité est également généralement plus élevée dans les zones côtières et les plateaux continentaux. Les eaux côtières peu profondes abritent des espèces clés et des écosystèmes sensibles, tels que les herbiers et les assemblages coralligènes, tandis que les eaux profondes abritent une faune unique et fragile.
La population méditerranéenne vivant sur les bandes côtières s’élève maintenant à 460 millions de personnes (environ 7 % de la population mondiale) dont 150 millions sur la côte elle-même. En 2007, les pays méditerranéens ont accueilli 275 millions de touristes, soit environ 30 % de la population mondiale. Les écosystèmes marins connaissent des niveaux de menaces sans précédent (Coll et al., 2012) telles que la dégradation et la perte d’habitat, les impacts de la pêche, la pollution, le changement climatique, l’eutrophisation et l’arrivée d’espèces exotiques. Ces menaces touchent le plus grand nombre de groupes taxonomiques de Méditerranée et beaucoup de ces espèces sont maintenant classées par l’UICN comme menacées ou en danger (Coll et al., 2010 ; Costello et al., 2010).
1,08 % de la surface de la Méditerranée est sous protection juridique et 8,22 % dans la zone des 12 miles nautiques. L’inventaire des AMP méditerranéennes réalisé par MedPAN (Gabrié et al., 2012 ; Figure 7) décompte 677 AMP, ce qui représente environ 7 % du nombre total d’AMP mondiales : 161 ont un statut national, 9 un statut international et 507 sont des sites Natura 2000 en mer. 96 % de ces AMP sont situées dans le bassin nord de la Méditerranée (83 % sans Natura 2000).

Méthodes d’analyses

Marine Geospatial Ecology Tools, le modèle de dispersion larvaire

Les patrons de dispersion larvaire ont été modélisés à l’aide du logiciel Marine Geospatial Ecology Tools (MGET) (Roberts et al., 2010b ; http://code.env.duke.edu/projects/mget). L’outil de modélisation est basé sur un algorithme eulérien d’advection-diffusion en deux dimensions (Treml et al., 2008), qui simule la dispersion hydrodynamique des larves.
En sortie de simulation (Figure 8), l’outil fournit une série temporelle d’images représentant la concentration des larves dans la zone d’étude, et une matrice de connectivité qui précise, pour chaque paire de récifs, le pic de concentration de larves relâchées au niveau du récif source i qui atteint le récif de destination j.
L’hypothèse de base de ce modèle admet que les larves de poissons sont passives lors de la phase de vie pélagique.
Pour la mise en oeuvre de l’outil, il faut tout d’abord définir l’étendue géographique et les caractéristiques de la zone d’étude (trait de côte, habitats : récifs, substrat rocheux, herbiers, etc). Ensuite, le téléchargement des produits de courants géostrophiques issus de données altimétriques se fait via le site Internet AVISO (Archiving, Validation and Interpretation of Satellite Oceanographic data). Ils sont téléchargeables directement via la « boite à outils » MGET par protocole OPeNDAP (Open-source Project for a Network Data Access Protocol). Ces produits sont disponibles à différentes résolutions temporelle (journalière ou hebdomadaire) et spatiale (en fonction de la zone d’étude). Enfin, les paramètres biologiques de la simulation sont renseignés : la date de début de simulation (correspondant à la date de ponte des oeufs) ainsi que la durée de la simulation (correspondant à la durée de vie larvaire pélagique). Les autres paramètres de la simulation peuvent être définis par défaut ; il peut cependant être utile de les adapter au contexte de l’étude (pas de temps, densité initiale de larves, pourcentage limite de densité de larves, coefficient de diffusion en m²/seconde).

Analyses des sorties de modèle

Compte tenu des différents cas d’étude rencontrés, nous avons utilisé différentes méthodes d’analyse des résultats de sortie de modèle, à savoir les séries temporelles de densités larvaires et les matrices de connectivité.

Séries temporelles de densités larvaires

Les séries temporelles de densité larvaire sont une série d’images produites en sortie de modèle représentant les densités larvaires exprimées en larves par km². Elles permettent de suivre le déplacement du pool de larves dans la zone d’étude, en fonction du pas de temps défini pour la simulation. Ainsi, nous pouvons récupérer une image toute les minutes ou toutes les heures par exemple, sur toute la durée de la simulation de dispersion larvaire.

Matrices de connectivité

Dans le cadre des études de connectivité dans l’Océan Indien et en Méditerranée, nous avons exploité les matrices de connectivité produites en sortie de modèle afin de générer des segments spatiaux ou des matrices de migration entre les sites.
 Segments spatiaux
Les matrices de connectivités produites en sortie de modèle peuvent être représentées sous forme de segments spatiaux (logiciel ArcGIS 10.2.2), reliant les paires de sites connectés. Ces segments informent sur la concentration, la distance et la direction du flux larvaire.
L’analyse de ces segments spatiaux permet également de déterminer le niveau de connectivité globale à l’échelle de la région : la connectance, qui est le ratio entre les connexions réalisées sur les connexions possibles.
 Matrices de migration
Les matrices de connectivité obtenues en sortie de modèle permettent de produire des matrices de migration (logiciel R, R Development Core Team, 2012). Ces matrices de migration représentent soit la proportion de larves venant de chaque site (matrice d’import de larves), soit la proportion de larves exportées vers chaque site (matrice d’export de larves).
 Clustering
Les matrices de connectivité obtenues en sortie de modèle peuvent également servir à identifier les groupes de récifs fortement connectés à l’échelle sous régionale. Le clustering est une méthode statistique d’analyse des données, qui vise à diviser un ensemble de données en différents groupes homogènes partageant des caractéristiques communes. Ainsi, les objets réunis au sein d’un même groupe (appelé cluster) sont d’avantage similaires entre eux que ceux des autres groupes. Cela permet de découvrir les groupements naturels d’un ensemble d’objets (Jain, 2010). Pour obtenir un bon clustering, il faut minimiser l’inertie intra-classe pour obtenir les clusters les plus homogènes possibles, et maximiser l’inertie inter-classe pour obtenir des sous-ensembles bien différenciés. Pour cette analyse, nous avons utilisé l’outil APCluster, implémenté sous le logiciel R (Bodenhofer et al., 2011). Il s’agit d’une méthode d’ « affinity propagation » dont l’algorithme est basé sur le « passage de messages » entre points. Contrairement aux autres algorithmes de clustering (k-means ou k-medoids), il n’est pas nécessaire de déterminer ou d’estimer le nombre de clusters avant d’exécuter l’algorithme. L’outil APCluster a été initialement développé pour regrouper des photos de visages, détecter des gènes dans les données de puces à ADN, identifier les phrases représentatives dans un manuscrit ou encore dans l’étude des connexions entre aéroports (Frey & Dueck, 2007).
 Indice de centralité
L’analyse de clustering peut être approfondie par un indice de centralité. La centralité se réfère aux indicateurs qui permettent l’identification des noeuds les plus importants dans un réseau. Ce concept a d’abord été développé dans l’analyse de réseaux sociaux pour identifier la ou les personnes les plus influentes dans un réseau par exemple.
La centralité d’intermédiarité permet de mettre en évidence les récifs centraux, qui agissent comme des passerelles au sein du réseau. En effet, les sites ayant un indice de centralité fort sont essentiels pour permettre le passage d’individus et donc de gènes à travers le réseau sur plusieurs générations. Ils sont ainsi identifiés comme sites prioritaires de conservation.
L’indice de centralité d’intermédiarité a été déterminé à partir des matrices de connectivité à l’aide de l’outil igraph implémenté sous le logiciel R (Csardi & Nepusz, 2006). Les résultats sont également présentés en termes d’occurrence pour identifier les sites avec une forte centralité indépendamment de la durée de vie larvaire des espèces.

Evaluation de la connectivité dans l’Océan Indien

La connectivité à méso-échelle, entre Maurice et La Réunion

Dans le cadre de cette étude, nous avons cherché à déterminer si des larves de poissons récifaux qui recrutent et s’installent sur les récifs réunionnais peuvent provenir de Maurice, distante de 200 km. Pour ce faire, nous avons confronté les résultats issus de simulation de dispersion larvaire avec des observations biologiques de post-larves in-situ.
Ce travail a donné lieu à une publication intitulée « Validation of a fish larvae dispersal model with otolith data in the Western Indian Ocean and implications for marine spatial planning in data-poor regions », (Crochelet et al., 2013 ; Ocean and Coastal Management), présentée dans le Chapitre 4.1.4.

Méthodes

Le modèle de dispersion larvaire a été paramétré à l’aide des données biologiques issues des analyses otolithométriques. L’espèce cible dans cette étude est le mérou gâteau de cire (Figure 9), connu à la Réunion sous le nom créole « macabit » (Epinephelus merra, Bloch 1793), Cette espèce est largement distribuée dans la région Indo-Pacifique (Randall & Heemstra, 1993).
Les larves ont été collectées sur la côte Ouest de l’île, à St Paul et St Leu, lors de l’épisode de recrutement massif de larves du 15 mars 2002 faisant suite à un épisode cyclonique. Les informations sur les stades de vie larvaire du mérou ont été recueillies en laboratoire par analyse otolithométrique. Les otolithes sont des concrétions minérales, métaboliquement inertes, situées au niveau de l’oreille interne des poissons osseux (Figure 10). Elles ont la propriété d’incorporer et archiver quotidiennement, et de façon permanente, les éléments chimiques contenus dans l’eau environnante, au cours de la croissance des individus. Ils enregistrent ainsi tous les évènements marquants de la vie du poisson depuis sa naissance (Campana et al., 1999). Il est ainsi possible de connaître très exactement l’âge en jours grâce à des marques très fines déposées quotidiennement sur les otolithes. L’épaisseur de ces accroissements journaliers va également permettre de déterminer les différentes étapes du développement larvaire (éclosion, résorption des réserves vitellines, ouverture buccale, premier repas planctonique…). Les variations des conditions de vie du milieu (changement de milieu, abondance ou absence de nourriture, pollutions, stress…) sont également identifiables à partir d’une part, des variations d’épaisseur des marques journalières et d’autre part, de leur composition chimique.
Les résultats issus de cette analyse ont permis de paramétrer le modèle MGET avec une date de libération des larves fixée au 31 Janvier 2002 et une durée de vie larvaire pélagique de 29.5 jours ( 1.2 jours).
La date d’arrivée des larves sur les récifs réunionnais, déterminée par analyse otolithométrique, a ainsi pu être comparée avec la date prédite par le modèle. Pour ce faire nous avons utilisé les cartes de séries temporelles de densité larvaire afin de suivre l’évolution du pool de larves.

Résultats principaux

Les résultats de l’analyse otolithométrique ont révélé que les larves recueillies sur la côte Ouest de l’île de La Réunion, à St Paul et à St Leu, appartiennent probablement à la même cohorte et ont été transportées dans les mêmes conditions environnementales durant leur phase pélagique (Pothin, 2005).
La simulation de dispersion larvaire (Figure 11) montre que les larves relâchées depuis les récifs réunionnais sont entrainées vers le sud-ouest, alors que les larves relâchées depuis les récifs mauriciens, également transportées vers le sud-ouest, atteignent les côtes nord-est de La Réunion 4 jours plus tard, et les sites de collecte 15 jours plus tard. Cela correspond à la gamme de temps déduite des analyses otolithométriques (29.5 jours). La simulation met également en évidence que les larves relâchées depuis les autres récifs voisins de la région (Rodrigues, Saint Brandon, Tromelin et la côte Est malgache) n’atteignent pas les récifs réunionnais.

La connectivité à l’échelle régionale dans l’Océan Indien

Dans le cadre de cette étude, nous avons cherché à caractériser la connectivité entre les récifs coralliens de la région de l’Océan Indien occidental, à l’aide d’un modèle de dispersion larvaire, appliqué aux populations de poissons récifaux.
Ce travail a donné lieu à une publication intitulée « A model-based evaluation of Western Indian Ocean connectivity – Implications for future marine spatial planning policies », soumise au journal ICES Journal of Marine Science, et présentée dans le chapitre 4.2.4.

Méthodes

Nous n’avons pas ciblé d’espèce en particulier, mais avons travaillé de manière générique en simulant des épisodes de dispersion larvaire pour des espèces de poissons récifaux dont la DVL serait de 10, 20, 30, 40, et 50 jours, ce qui représente la gamme la plus fréquente chez les poissons récifaux de l’Océan Indien. Les larves ont été relâchées depuis tous les récifs de l’Océan Indien occidental durant 5 ans (de 2006 à 2010), le jour de la nouvelle lune. Les conditions d’obscurité lors de cette phase lunaire diminuent les risques de prédation et favorisent ainsi le recrutement larvaire.

Matrices de migration

Les matrices de connectivité mensuelles obtenues en sortie de modèle ont été moyennées afin d’obtenir une matrice de connectivité moyenne globale sur ces 5 années, pour chaque DVL. Ces dernières ont permis de produire, à l’aide du logiciel R (R Development Core Team, 2012) des matrices de migration. Ces matrices de migration représentent soit la proportion de larves venant de chaque récif (matrice d’import de larves), soit la proportion de larves exportées vers chaque récif (matrice d’export de larves).

Clustering

Nous avons ensuite cherché à identifier les groupes de récifs fortement connectés à l’échelle sous régionale. Nous avons ainsi appliqué un algorithme de clustering sur les matrices de connectivité moyenne pour chaque DVL, à l’aide de l’outil APCluster, implémenté sous le logiciel R (Bodenhofer et al., 2011).
Les résultats sont présentés sous forme de cartes à l’échelle régionale. Les numéros utilisés pour l’identification des récifs sont présentés dans la Figure 12.

Indice de centralité

Nous avons enfin déterminé l’indice de centralité de chaque récif pour identifier les sites prioritaires de conservation. L’indice de centralité d’intermédiarité a été déterminé à partir des matrices de connectivité à l’aide de l’outil igraph implémenté sous le logiciel R (Csardi and Nepusz, 2006). Les résultats sont d’abord présentés pour chaque DVL, puis en termes d’occurrence pour identifier les récifs avec une forte centralité indépendamment de la DVL. Pour se faire, nous avons compté le nombre de fois où la valeur de centralité pour une DVL donnée est plus élevée que la DVL moyenne, ce qui donne le nombre d’occurrence, présenté de 0 (nul) à 5 (maximal).

Résultats principaux

Matrices de migration

Pour une DVL de 30 jours (valeur médiane testée), les résultats suggèrent que les récifs de la région sont connectés de manière inégale. Il y a une forte inter-connectivité au sein de plusieurs sous-régions, et une connectivité plus faible lorsqu’on considère la région dans son ensemble. Cette tendance est manifeste que ce soit dans les matrices de migration d’imports ou d’exports de larves. Par exemple, les résultats indiquent des liens solides entre les récifs dans la région du Canal du Mozambique (Figure 13, région H), entre les îles Nord des Seychelles (B), les îles Sud des Seychelles (C), et entre Tromelin et les récifs Est malgache (E). En outre, bien que l’archipel des Mascareignes semble être fortement interconnecté, il est isolé des autres récifs de la région (F).
Lorsque la DVL augmente, le nombre de connexions entre les récifs augmente. Pour de faibles DVL, certains récifs sont complètement déconnectés du réseau, il n’y a ni import ni export de larve. C’est le cas par exemple pour les récifs de Pebane (25), de la péninsule de Masoala / Sainte Marie (19), Tromelin ou encore l’archipel des Mascareignes pour une DVL de 10 jours. Le récif de Pebane (25), quant à lui, est déconnecté du réseau quelle que soit la DVL.
Pour les besoins d’une étude de dispersion des sargasses (algues brunes ; Mattio et al., 2013), un zoom a été porté sur la région des Mascareignes (Figure 14). Ces résultats sont issus directement des matrices de migration présentées ci-dessus. Cela illustre d’avantage l’évolution des connexions entre les récifs, en fonction des DVL. Les résultats montrent des connexions faibles mais possibles depuis St Brandon, Rodrigues et La Réunion vers l’île Maurice à partir de 20 jours de DVL.

Evaluation de la connectivité en Méditerranée

Les connectivités entre les populations marines ont été caractérisées en Mer Méditerranée et au sein du réseau d’AMP, à l’aide d’un modèle de dispersion larvaire.
Ce travail a donné lieu à une publication intitulée « A model-based assessment of fish larvae dispersal in the Mediterranean Sea: implications for local management and regional cooperation », soumise au journal Marine Policy, et présentée dans le chapitre 5.4.

Méthodes

Cette étude concerne les espèces de poissons vivants sur substrat rocheux. Cet habitat très diversifié abrite des espèces de poissons qui ont une forte importance socio-économique et écologique tels que les labridés, les sparidés ou encore les serranidés comme Epinephelus marginatus, qui est l’espèce la plus emblématique de la mer Méditerranée.
Pour la plupart de ces espèces, la reproduction a lieu durant la période estivale. La DVL a été fixée à 30 jours dans le modèle MGET, ce qui correspond à la DVL moyenne estimée pour ces espèces (Macpherson & Raventos, 2006). Les larves ont été relâchées sur tout le pourtour méditerranéen, tous les 30 km, le premier jour de chaque mois sur la période estivale (de juin à septembre) entre 2005 et 2010. Les matrices de connectivité mensuelles obtenues ont été moyennées, afin d’obtenir une matrice de connectivité moyenne globale sur la période d’étude. Nous avons distingué les sites « protégés » (se trouvant dans le périmètre d’une AMP) et « non protégés », et étudié les connexions entre ces sites : 1) entre AMP, 2) des AMP vers la côte (avec ou sans statut de protection), 3) de la côte vers les AMP, et 4) de la côte vers la côte.
Pour étudier la connectivité au sein du réseau d’AMP, nous avons considéré exclusivement les AMP de catégorie IUCN II (parc national) et IV (zone de gestion des espèces/habitats), en raison de leur statut de protection pour la faune marine.
La matrice de connectivité moyenne globale sur la période d’étude a été exploitée afin de générer des segments spatiaux ou des matrices de migration entre les sites.

Segments spatiaux

Les matrices de connectivités ont été représentées sous formes de segments spatiaux (logiciel ArcGIS 10.2.2), reliant les paires de sites connectées. Ces segments informent sur la concentration, la distance et la direction du flux larvaire. Nous avons également déterminé le niveau de connectivité globale de la région à partir de la connectance, qui est le ratio entre les connexions réalisées sur les connexions possibles. Les résultats sont présentés à l’échelle du bassin méditerranéen mais également par pays.

Matrices de migration

Les matrices de connectivité mensuelles obtenues ont également été moyennées afin d’obtenir une matrice de connectivité moyenne globale sur la période estivale entre 2005 et 2010. Cette dernière a permis de produire, à l’aide du logiciel R (R Development Core Team, 2012), des matrices de migration d’import et d’export de larves. Les résultats sont présentés par pays. Ils prennent en compte la production de larves par les sites « protégés » et les sites « non protégés ».

Résultats principaux

Connexions entre AMP

L’analyse de connectivité entre AMP montre une connectance entre paires de sites de 6,8 % (rapport entre les connexions réalisées sur les connexions possibles), dont 4,7% dans le bassin occidental, 1,8 % dans le bassin oriental et le 0,3 % entre les deux bassins. La distance médiane des connexions réalisées est d’environ 200 km.
Les résultats mettent en évidence deux zones distinctes (Figure 19): le bassin occidental et le bassin oriental. Le bassin occidental est plus fortement interconnecté que le bassin oriental. Ainsi, il existe des connexions entre les AMP d’Espagne, France, Italie, Malte, Tunisie, Algérie et Maroc. Ces dernières pourraient être reliées sur plusieurs générations aux AMP de la mer Adriatique, via la Sicile puis Malte.
Dans la partie orientale, il existe des échanges entre les AMP de Grèce et de Turquie, de Chypre et de Turquie et entre la Syrie, le Liban, Israël et la Turquie. Les échanges entre les AMP de la mer Egée (Grèce, Turquie) semblent être inexistants. Les AMP d’Egypte et de Tunisie semblent également isolées. La séparation en deux zones dans la mer Méditerranée reflète ainsi le faible nombre d’AMP du bassin oriental.

Connexions entre les AMP et la côte

En ce qui concerne les connexions depuis les AMP vers la côte (avec ou sans statut de protection) ou depuis la côte vers les AMP, la connectance entre paires de sites est de 3.7 %, et la distance médiane des connexions réalisées est d’environ 187 km.
L’analyse de connectivité montre de nouveau que le nombre de connexions dans le bassin occidental est plus important que dans le bassin oriental. De plus, comme cela a été mis en évidence précédemment, les échanges entre la mer Adriatique et le bassin occidental se font via la Sicile puis Malte.

Connexions côtières

L’analyse des connexions entre paires de sites (avec ou sans statut de protection) montre une connectance d’environ 3 %, et une distance médiane des connexions réalisées d’environ 187 km. Les matrices de migrations d’imports et d’exports, résumés par pays, mettent en évidence des échanges transnationaux. Néanmoins, la connectivité nationale, c’est-à-dire les échanges entre les sites d’un même pays, reste largement dominante du fait de la proximité entre les sites. L’auto-recrutement est ainsi compris entre 50 % (Liban) et 98 % (Grèce, Lybie) (Figure 20a). L’arrivée d’autres larves, issues d’allo-recrutement, provient des pays les plus proches voisins. Par exemple au Maroc, 71 % des larves sont issues d’auto-recrutement et 29 % arrivent d’Espagne. La matrice d’exports (Figure 20b) met en évidence les contributions entre les pays. Dans l’ensemble, la majorité des larves restent dans leur pays d’origine, comme indiqué par la diagonale de la matrice. La rétention locale des larves, c’est-à-dire la fraction des larves produites localement qui restent dans leur pays d’origine, est comprise entre 57 % (Syrie) et 98 % (Grèce et Egypte). La plupart des exports de larves se fait vers les pays voisins.

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Table des matières

Liste des abréviations
1 Préambule
2 Etat de l’art
3 Matériels et Méthodes
3.1 Sites d’étude
3.1.1 Océan Indien
3.1.2 Mer Méditerranée
3.2 Méthodes d’analyses
3.2.1 Marine Geospatial Ecology Tools, le modèle de dispersion larvaire
3.2.2 Analyses des sorties de modèle
4 Evaluation de la connectivité dans l’Océan Indien
4.1 La connectivité à méso-échelle, entre Maurice et La Réunion
4.1.1 Méthodes
4.1.2 Résultats principaux
4.1.3 Discussion
4.1.4 Validation of a fish larvae dispersal model with otolith data in the Western Indian Ocean and implications for marine spatial planning in data-poor regions (Crochelet et al., 2013; Ocean and Coastal Management; doi:10.1016/j.ocecoaman.2013.10.002)
4.2 La connectivité à l’échelle régionale dans l’Océan Indien
4.2.1 Méthodes
4.2.2 Résultats principaux
4.2.3 Discussion
4.2.4 A model-based evaluation of Western Indian Ocean connectivity – Implications for future marine spatial planning policies (Crochelet et al., 2015a ; soumis à ICES Journal of Marine Science)
5 Evaluation de la connectivité en Méditerranée
5.1 Méthodes
5.2 Résultats principaux
5.2.1 Connexions entre AMP
5.2.2 Connexions entre les AMP et la côte
5.2.3 Connexions côtières
5.3 Discussion
5.4 A model-based assessment of fish larvae dispersal in the Mediterranean Sea: implications for local management and regional cooperation (Crochelet et al., 2015b ; soumis à Marine Policy)
6 Synthèse
6.1 Implications en termes de coopérations internationales
6.2 Avantages et limites des analyses de connectivités à l’aide d’un modèle de dispersion larvaire
6.3 Perspectives
7 Références bibliographiques
8 Annexes
8.1 Autres publications du même auteur (non présentées dans cette thèse) .
8.2 Participations à des conférences

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