La conceptualisation de la notion d’industrie du lobbying

Les relations d’influence et le niveau de pouvoir d’influence de ces différentes classes d’acteurs subissent des transformations notables tandis qu’en corollaire, le lobbying ne semble plus être l’apanage des cercles fermés des seuls initiés.

   Selon Toffler & Toffler (2006, p. 370) « Many NGOs battle corporations such as Monsanto, Shell Oil and McDonald’s. …/…. Less visible but more numerous and, in aggregate, far more influential are countless other NGOs like worldwide business associations, professional groups, sports clubs, scientific organizations and other entities. …/… Some NGOs defend producers’ interests. Others defend consumers. » Dans le domaine de l’économie politique des canaux du commerce, Lemoine et Badot (2011) observent également qu’ « à l’intérieur du canal, le pouvoir semble glisser des producteurs, distributeurs, agences et mass media vers l’ubinaute, les réseaux sociaux et quatre familles d’acteurs au service des pratiques de ‘shazamisation’10. Une telle évolution apparaît comme une manifestation empirique du « Powershift » de Toffler (1990) et devrait conduire les dirigeants à réorienter leurs investissements stratégiques. » En parallèle à ces premiers constats, un défi actuel consiste à sortir notre monde de l’emprise des énergies basées sur le charbon et l’uranium, afin de se tourner vers un futur fait d’énergies non polluantes et durables. Le concept de Troisième révolution industrielle (Rifkin, 2012) a ainsipour fondement l’émergence d’une convergence nouvelle entre la communication et l’énergie. « The Internet has been a very powerful communication tool in the last 20 years. …/… We are in the early stages of a convergence of Internet communication technology with a new form of energy that is by nature distributed and has to be managed collaboratively and scales laterally.» Beaucoup d’ONG combattent des sociétés telles Monsanto, Shell Oil and McDonald’s. …/… Moins visibles mais plus nombreuses, et au total bien plus influentes, sont les innombrables autres ONG telles que les associations professionnelles mondiales, les groupes professionnels, les clubs de sport, les organisations scientifiques, et autres entités. Certaines défendent les intérêts des producteurs, d’autres défendent les consommateurs. Les quatre familles d’acteurs sont : les concepteurs d’applications de front-office, les fabriquants de ‘devices’ de la mobilité, les concepteurs d’applications de back-office, les gestionnaires de bases de données constituées à partir des catalogues électroniques des producteurs et des distributeurs, à partir des données numérisées par les particuliers eux-mêmes et à partir des données transitant par les réseaux sociaux. LEMOINE, Jean-François et BADOT, Olivier, La ‘shazamisation’ de l’offre : modalités, devenir, et implications managériales,2011/4, Management et Avenir, N°44, pp. 187-196, p. 194. 10 Ibid. p. 188. Lancée en 2002, Shazam est une application de reconnaissance musicale pour smartphones consistant à obtenir en quelques secondes après avoir scanné un morceau de musique entendu n’importe où, son titre et la pochette de son disque et éventuellement à l’acheter sur iTunes instantanément. Les applicationsinspirées de Shazam et le fait de pouvoir « tagguer » instantanément tout ce que l’on désire constituent pour LEMOINE et BADOT la notion de « shazamisation » de l’offre. Rifkin fait référence à un glissement vers un “pouvoir latéral”, qu’il définit comme une nouvelle force dans notre monde. La démocratisation des communications a permis à près d’un tiers de la population mondiale de partager de la musique, de la connaissance, des informations et la vie sociale, marquant l’une des avancées les plus marquantes dans l’histoire de l’évolution de notre espèce .Cette démocratisation de l’accès aux nouvelles formes de communication distribuées et l’émergence de ce nouveau pouvoir latéral sont à rapprocher de l’émergence de nouveaux acteurs, dont les communautés d’ONG, qui utilisent ses nouveaux usages et applications pour sefaire entendre et accroître leur poids et leur influence vis-à-vis d’acteurs plus traditionnels. “The Internet has transformed marketing from a significant expense to a negligible cost, allowing start ups and small enterprises to compete with many of the giant business enterprises of the 21st century.” L’arrivée de nouveaux entrants – start-ups et entreprises de taille réduite – telle qu’évoquée ci-dessus par Rifkin, est à rapprocher de l’émergence de nouveaux acteurs de lobbying, qui optimisent l’usage gratuit ou peu onéreux des nouvelles technologies pour développer des actions d’influence de grande ampleur et défier les acteurs traditionnels sur leur terrain séculaire. L’accélération des processus d’innovation liés à Internet transforment les modes de communication et d’usage des biens et services et ne bénéficient pas seulement au monde des affaires. Par ricochet, les individus consommateurs s’organisent de façon latérale et distribuée, avec de nouvelles armes. Ils cherchent à gagner des parts de pouvoir, des parts “d’influence latérale”.« Taken together, armed with computers, Internet access, and the latest communications equipment, and supported by lawyers, doctors, scientists, and other professionals, NGOs form afast-growing cross-border force, with which nations and corporations both will be increasingly compelled to share power. Moreover, the proliferation of NGOs is just beginning.Ces changements et l’arrivée de nouveaux acteurs se vérifient aux niveaux national et européen. La troisième révolution industrielle est présentée comme une possibilité de voir émerger une nouvelle Europe sociale au 21ème siècle (Rifkin, Da Graça Carvalho, Consoli & Bonifacio, 2008 ) .Cela nous amène à l’idée que les liens tissés par les individus consommateurs peuvent aisémentdépasser les frontières nationales grâce à Internet et leur permettre de constituer des groupements et des coalitions transversales et développer des stratégies de lobbying à l’échelle européenne,notamment via l’utilisation du Règlement européen sur l’initiative citoyenne européenne.Quelle serait alors la place des stratégies de lobbying à l’heure de l’émergence d’une nouvelle Europe sociale favorisée par cette troisième révolution industrielle ?

Historique et développement du lobbying aux Etats-Unis, enFrance et en Europe

  Le lobbying serait né aux Etats-Unis. C’est tout au moins l’idée communément reçue. Romagni (1995) resitue quant à lui l’ancrage du lobbying en Grande-Bretagne, où le terme « lobby » évoque tout d’abord les couloirs de la Chambre des Communes britannique. Au début du XIXème siècle, le terme évolue pour désigner un groupe de pression. Ainsi vers 1830, le lobby est un groupe de pression qui agit sur les élus de la Chambre des Lords et de la Chambre des Communes. Puis le lobby part à la conquête des Etats-Unis, qui devient la patrie du lobbying. Le terme est lié au Président Ulysses S. Grant, qui désignait sous le terme de lobbying la salle d’attente de l’Hôtel Willard à Washington, où ses bureaux étaient établis ; de nombreux solliciteurs s’y pressaient chaque jour afin de faire entendre leurs points de vue sur les projets mis en chantier par le gouvernement. Le terme est également lié à la personne de Sam Ward, qui est considéré comme l’inventeur de la pratique du lobbying aux Etats-Unis, dans les années 1870, ce qui lui valut le surnom de « Roi du Lobbying. » Aux Etats-Unis, le lobbying est de longue date une action légitime, protégée par le Premier . Le gouvernement des Etats-Unis est fondé sur le principe de lareprésentation des intérêts et surle principe de l’équilibre des trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire mais aussi sur le droit des intérêts non gouvernementaux à prendre part à la mise en œuvre des législations. Farnel (1994) en conclue qu’« on peut donc affirmer que le lobbying est à l’origine des EtatsUnis d’Amérique. » En France, La notion même de lobbying fait son apparition officielle dans les années 1960. Le terme « lobby » est retenu pour la première fois dans l’édition de 1962 du Grand Larousse Encyclopédique, et s’implante ainsi de façon officielle mais relativement confidentielle dans la langue française. Attarca (2001) observe que « le terme ‘lobbying’ est passé dans le langage courant malgré l’absence de définition précise admise par tous. ». L’auteur fait référence à Lamarque (1994),pour qui « le lobbying semble être un terme suffisamment expressif pour que sa traduction par des termes approchants (action d’influence, communication avec les pouvoirs publics) ne soit nécessaire. » Benoît Le Bret, Chef de cabinet de Jacques Barrot, Vice-président de la Commission européenne, observe que « le fait même que la langue française ne dispose pas d’un mot permettant d’exprimer la réalité du lobbying moderne et son rôle dans la société et dans la prise de décision est révélateur de la nécessité d’expliquer cette réalité. […] Pendant longtemps, le « lobbying » c’est-à-dire l’expression organisée des intérêts particuliers, a été en France ignoré,décrié. » Dans les faits, l’action de lobbying est encore regardée parfois avec méfiance en France, jusqu’à faire l’objet d’idées préconçues et être encore associée par certains à la notion de corruption. Huyghe (2008) constate que « l’un des problèmes que pose le lobbying en France et celui du mot et de la chose. Nul ne doute que les groupes de pression existent dans notre pays, ni qu’ilssoient puissants. […] Outre le fait qu’il s’agit d’un angliscisme, […] le motsuscite des réticences. » Pour Debouzy (2003), « la question est de savoir pourquoi le lobbying a si mauvaise presse enFrance et pourquoi il existe dans ce pays une telle réticence des autorités  publiques à son endroit, au moins lorsqu’il s’affiche comme tel. Car il est en effet une forme de lobbying jugée acceptable, voire légitime, par les autorités et l’opinion publique, comme celui des « syndicats représentatifs » ou des organisations patronales. Cette sorte de lobbying rejette d’ailleurs cette appellation, se parant plutôt des oripeaux de la « concertation » ou du« dialogue social ». La distinction entre « bon » et « mauvais » lobbying renvoie ainsi à la culture politique et sociale française. » Autret (2003) situe l’apparition du lobbyisme en France aux années 1980. L’alternance politique du 10 mai 1981 s’est alors accompagnée de l’arrivée de nouveaux interlocuteurs face aux chefs d’entreprise. « L’alternance crée donc un besoin d’intermédiation », selon Autret. Les premiers lobbyistes travaillent plutôt au sein même des entreprises et ils créent en 1985 l’Association Professionnelle des Responsables des Relations avec les Pouvoirs Publics.Puis vient en 1991 la création de l’Association Française des Conseils en Lobbying et Affaires Publiques. Les deux associations sont dotées de codes de déontologie liés aux activités de leurs membres. En 2012, il n’y a toujours pas de dispositif règlementaire de contrôle commun aux deux assemblées. Aucune disposition parlementaire n’a été prise au Sénat au sujet de l’action de lobbying. S’agissant de l’Assemblée Nationale, depuis 200933, l’adoption de règles de transparence et d’éthique applicables à l’activité de lobbying repose sur l’inscription volontaire des lobbyistes sur un registre public. Seules 144 personnes seraient recensées à ce titre, selon le récent rapport de l’association Transparence internationale, qui juge le bilan « décevant ».Un Code de conduite également adopté par le Bureau de l’Assemblée nationale est applicable aux représentants d’intérêts. Jean Gicquel, le premier déontologue de l’Assemblée nationale, a été élu par le Bureau de l’Assemblée Nationale le 15 juin 2011. Le déontologue traite en priorité le dossier qui concerne les groupes de pression ou lobbys, qui travaillent le plus souvent dans l’ombre de l’Assemblée. « La fonction de déontologue a été créée le 6 avril 2011 par le bureau de l’Assemblée nationale à l’issue des conclusions d’un groupe de travail conduit par des députés de la majorité et de l’opposition chargés de réfléchir aux moyens de prévenir les conflits d’intérêts et de contrer le poids des lobbys au Parlement », explique Jean Gicquel. Lors de la réunion du 22 février 2012 du Bureau de l’Assemblée nationale, Jean Gicquel a présenté son rapport autour des trois thèmes définis dans sa lettre de mission adressée par M. le Président de l’Assemblée nationale le 24 juin 2011 : l’organisation des colloques à l’Assemblée nationale, l’existence de clubs parlementaires et les organismes extra parlementaires.

Le lobbying : entre opacité et transparence

  Basilien (2009) résume la situation actuelle de façon générique : « Le lobbying suscite des réactions fortes et éveille des positions dures. Soit il est célébré de manière exagérée : le lobbying est regardé comme le mode moderne de pratique de la démocratie directe. Soit il est dénigré de façon outrancière : le lobbying est appréhendé comme la manifestation de la soumission du politique à l’économique, voire l’invasion de la corruption dans la sphère publique. » Certains auteurs soulignent l’opacité qui, selon eux, entoure depuis toujours cette activité. « En France, le lobbying est, par définition, discret, obscur, souterrain. » , (Debouzy, 2003).« En France, le lobbying fait partie de ces pratiques ‘grises’ : ni tout à fait interdite au sens des règles de droit, ni tout à fait acceptée et reconnue comme démarche légitime. », (Attarca, 2001). L’aspect confidentiel des pratiques traditionnelles de lobbying direct ne sont pas étrangères à cette opinion communément relayée jusqu’au grand public.De même que Debouzy (2003) mentionne que « la distinction entre « bon » et « mauvais » lobbying renvoie ainsi à la culture politique et sociale française. » , Malaval et Décaudin(2005) font la différence entre « un lobbying ‘vertueux’ et un lobbying ‘honteux’ ». Les raisons de l’ambiguïté perçue autour du lobbying sont liées, selon les auteurs, à la légitimité du projet de lobbying et au fait qu’il contribue ou pas à l’intérêt général. Les auteurs proposent par ailleurs une analyse de la légitimité du lobbying en croisant le niveau d’intérêt général et le type de mise en œuvre en fonction de son caractère « politiquement correct ». En France, au-delà de ces distinctions entre ‘bon’ et ‘mauvais’ lobbying, entre lobbying‘vertueux’ ou ‘honteux’, certains acteurs se refusent à reconnaître quelque légitimité que ce soit à l’acte de lobbying ; ils s’opposent en fait à toute notion de réglementation accrue du lobbying et ce pour deux motifs très différents. Il y a d’une part ceux qui ne veulent pas que cette pratique soit réglementée car ils pratiquent un lobbying aux frontières de la légalité.

L’impossible mesure du succès du lobbying ?

  Mesurer la réelle efficacité d’une action de lobbying est un sujet très sensible pour les acteurs concernés. Au même titre qu’il est souvent difficile de mesurer le succès d’une campagne de communication institutionnelle. « Grassroots management is a complicated business. Grassroots managers generally claim that it can take several years to achieve grassroots effectiveness» souligne Fleischer (2003, p. 373). En effet, les débats qui entourent une problématique faisant l’objet de stratégies d’influences’étirent souvent sur une période très longue, parfois plusieurs années ; c’est une des raisons pour lesquelles il est difficile d’analyser précisément la valeur d’une action de lobbying dans un processus de décision qui implique sur une longue période de nombreux acteurs – concurrents pour certains et alliés pour d’autres. Par ailleurs, si la plupart des représentants des autorités publiques concèdent volontiers l’utilité du lobbying, il n’est pas certain qu’ils admettent que leurs décisions puissent être réellement influencées par ces actions de lobbying. C’est un facteur qui accroît encore la difficulté à mesurer la réussite d’une action de lobbying à des fins d’influence. Berry (1977) s’exprime ainsi sur la difficulté de faire la preuve de l’influence. « The issue is to prove that the Public Interest Group – PIG caused government officials to change their behaviour in some manner. How is one actually to know that it was an interest group that caused L’aspect problématique de la mesure du succès du lobbying et de la mesure de l’influence trouve une réponse partielle et généraliste dans la théorie de l’accès développée par Bouwen, pour quiles lobbies cherchent à avoir accès aux législateurs pour les influencer. L’étude de cet accès fournit ‘un bon indicateur d’influence’, selon l’auteur qui précise qu’accès au législateur n’implique pas nécessairement influence mais c’est néanmoins une condition nécessaire à l’exercice de l’influence dans le processus législatif européen.Les conclusions de cette théorie de l’accès développée à partir d’études de cas de niveau européen, ont un caractère généraliste qui peut être utilisé à d’autres niveaux de lobbying local, national. Mais l’indicateur d’influence que représente l’accès aux décideurs n’est pas le seul à prendre en compte dans l’évaluation du succès d’une stratégie de lobbying. Le calendrier formel des étapes d’une procédure législative – qu’elle soit de rang européen ou national – le niveau professionnel de compétences de chaque lobbyiste, la notoriété de l’organisation que représente le lobbyiste ou de la cause que défend le lobbyiste, la densité et la pérennité du réseau de contacts qualifiés et personnels de chaque lobbyiste, sont d’autres indicateurs importants qui contribuent au succès d’une stratégie de lobbying et à la mesure du succès de l’influence. La nature du lobbying doit également être prise en compte à ce sujet. Fleischer (2003) a particulièrement étudié la question de l’évaluation de l’efficacité des techniques de grassroots.Mais ce constat ne peut-il pas s’appliquer de même pour toute activité liée aux domaines de la communication externe d’entreprise, du marketing, de la veille informationnelle ? …. Il semble que l’activité de lobbying attire et génère ce type d’observation bien plus souvent que les autres activités ci-dessus listées.Certains lobbyistes préfèrent inverser la question en ne cherchant pas tant à mesurer le succès d’une opération mais en pensant à ce qu’il serait advenu si aucune action de lobbying n’avait été entreprise sur tel ou tel sujet. Cette remarque nous a été faite à plusieurs reprises lors de nos entretiens qualitatifs : « Si nous n’avons pas totalement obtenu gain de cause, tout au moins nos actions ont-elles permis d’arriver à une décision finale plus mesurée que les textes initiaux ne le laissaient augurer. »A défaut de pouvoir mesurer le succès de leurs opérations avec autant de précision qu’ils le souhaiteraient, certains acteurs de lobbying décident de mesurer la qualité de leur propre image, la façon dont ils sont perçus par leurs pairs, par les médias et par leurs cibles.

Vision pluraliste versus vision corporatiste : impact sur les différences de pratiques du lobbying aux Etats-Unis, en France et au niveau de l’Union européenne

  Nos recherches nous ont permis d’identifier des visions, des approches différentes du lobbying, qui induisent des différences notables dans la façon dont l’activité est perçue et pratiquée aux Etats-Unis, en France et en Union européenne.L’approche pluraliste prévaut dans les pays anglo-saxons, tandis que l’approche corporatiste se remarque principalement dans les pays latins.Le système pluraliste se veut un mécanisme de défense du peuple contre un Etat potentiellement envahissant. Le principe de la compatibilité entre intérêt général et intérêt particulier est accepté, ce qui implicitement reconnaît au peuple la capacité à participer à une réforme. Dans le cadre du système corporatiste, l’intérêt général supplante l’intérêt privé. Le pouvoir central est fort ; on s’adresse en conséquence au niveau le plus élevé possible en privilégiant un appui, un contact personnel, tandis que les actions de lobbying à moyen, voire long terme ne sont pas privilégiées. Dans le prolongement de ces données, nous examinons la façon dont le lobbying est défini par deux encyclopédies.On peut, dans le même ordre d’idée, se demander si l’appréciation de l’activité de lobbying ne fluctue pas selon l’éthique religieuse et l’ethos économique affiché par les pays. L’hypothèse de Weber sur le rôle essentiel de l’ascétisme protestant dans la genèse de la rationalité capitaliste moderne nous paraît renvoyer à la façon dont l’activité du lobbying a été si longtemps honnie en France et de manière plus générale dans les pays latins, tandis qu’en Angleterre, dans les pays d’Europe du Nord et aux Etats-Unis en tout premier lieu, le lobbying se développait de façon ouverte, tel un rouage central de la vie économique de ces sociétés. Weber fait état de ce que « beaucoup des plus riches territoires de l’Empire (allemand, Ndr), qui étaient favorisés par la nature ou par la facilité des communications et qui étaient les mieux développées économiquement, …/… s’étaient justement tournés au XVIème siècle vers le protestantisme, et les répercussions profitent encore aujourd’hui aux protestants dans leur lutte économique pour l’existence. » Il aborde également la question concernant « la raison pour laquelle les territoires économiquement les plus développés étaient particulièrement prédisposés à une révolution ecclésiale. » Le facteur de l’abandon du traditionalisme économique est avancé par l’auteur pour expliquer l’inclinaison à douter de la tradition religieuse et à se démarquer en se révoltant contre les autorités traditionnelles en général. L’auteur poursuit en indiquant que dans le cas du protestantisme, il ne s’agirait pas tant d’une révolte visant l’élimination de la domination ecclésiale sur la vie en général mais bien plus d’un remplacement de la forme de domination pré existante par une autre forme de domination plus contraignante encore, de par un puritanisme exacerbé. Ainsi cette propension à s’ouvrir à d’autres éthiques religieuses – fussent-elles plus radicales que celles abandonnées – nous semble avoir permis de forger, dans les pays d’Europe du Nord, des mentalités capables de questionner un ordre établi et de s’ouvrir plus facilement aux changements. Weber mentionne « l’intense développement de la vie religieuse ecclésiale aux Etats-Unis et l’imprégnation religieuse de la vie dans son ensemble, facteur spécifique de l’« américanisme » originel. Nous pouvons penser que dans les pays d’Europe du Nord et aux Etats-Unis, l’avènement du lobbying a été vécu comme une nouvelle rupture vis-à-vis d’une domination économique et politique préexistante, sans que cela ne remette en cause les dogmes religieux en vigueur. Le lobbying est ainsi devenu au fil des décennies une nouvelle forme de domination. Il a été perçu et accepté en tant que tel, sans pour autant nuire ou remettre en cause l’imprégnation religieuse qui subsiste de nos jours dans la vie américaine.

Le lobbying aux Etats-Unis

  Les Etats-Unis ont adopté une vision pluraliste du lobbying ancrée autour des valeurs de tolérance, de discussion, d’ouverture sur les valeurs privées avec, en corollaire, l’acceptation des institutions sociales qui représentent ces valeurs privées. La société reconnaît le droit spécifique des acteurs non-gouvernementaux à participer à la mise en œuvre de la loi. Rappelons que le lobbying est aux Etats-Unis une activité légale, protégée par le Premier Amendement de la Constitution des Etats-Unis d’Amérique.Dés 1938, une disposition constitutionnelle, le Foreign Registration Act, stipulait que les représentants d’intérêts étrangers devaient s’inscrire auprès du Département de la Justice américain. En 1946, le Federal Regulation of Lobbying Act65 élargit cette mesure à l’ensemble des acteurs du lobbying, incluant les américains.Attarca (2001) rappelle que « le lobbying est l’expression du pluralisme des intérêts qui composent la nation américaine », tout en soulignant que « cette conception n’est pas sansambigüité, car les lobbies qui apparaissent comme une composante de la démocratie américaine sont par ailleurs perçus comme une menace potentielle pour ce même système démocratique (Lassale, 1996). Le rapport ambigu qu’entretiennent les Américains avec le lobbying et les lobbies renvoie sur le plan institutionnel au paradoxe dit ‘de Madison’ (Berry, 1988). Selon Madison66, la limitation du pouvoir de certains lobbies qui peuvent être nuisibles à la 64 The U.S. Department of Justice, dirigé par l’Attorney General des Etats-Unis.ce. » En 1995, le Lobbying Disclosure Act remplace le texte de 1946 ; le nouveau texte rend obligatoire la publication d’informations concernant les contacts des lobbyistes avec les représentants de l’administration américaine. Un code de conduite – le Lobbying Disclosure Act Guidance69 – régit les actions des lobbyistes, qui voient en contrepartie leur profession gagner en crédibilité et en légitimité. Le lobbying est le résultat de techniques et de stratégies qui sont traitées par la loi américaine Ethics Reform Act du 30 novembre 198970, qui amende la loi Ethics in Government Act71 votée en 1978.Enfin par deux fois, le 14 juillet 2005 puis le 9 janvier 2007, le texte d’un nouveau projet de loi intitulé ‘Lobbying and Ethics Reform Act’72, a été présenté devant le Sénat américain. Nosrecherches sur le site web du Congrès américain, nous ont permis de constater que ce nouveau projet de loi a fait l’objet de la publication d’un rapport au 1er août 2007. Puis plus aucune présentation ou discussion ultérieure n’est mentionnée ; le processus visant à faire de ce projet un réel texte de loi a été stoppé.

Définitions provenant des acteurs du lobbying

  Nous avons relevé les définitions de professionnels qui mettent chacun l’accent sur une spécificité différente du lobbying. Leur regard n’est pas sans lien avec leur nationalité d’origine. Tout d’abord Ian Greer (1985), lobbyiste parlementaire britannique influent, apporte une vision du lobbying américain, qui est lié à la notion de service client et au concept d’« advocacy », que l’on peut traduire par « action de défense et de soutien d’une cause » :Ici c’est la notion de professionnalisme de l’activité de lobbying qui est mise en exergue. D’autres témoignages convergent dans ce même état d’esprit. Pour Daridan et Luneau, tous deux lobbyistes de métier, « le lobbyiste doit être convaincant plutôt que connivent. » Lors d‘un entretien accordé à l’occasion de la sortie de leur ouvrage en 2012, ils reviennent sur les trois messages qu’ils ont souhaité délivrer en écrivant ce livre. « Le premier est que la réalité du lobbying est loin de la caricature que l’on en fait. Le lobbying est un métier à part entière, passionnant qui se professionnalise et se généralise. Le second est que beaucoup d’acteurs socio-économiques font du lobbying, pas seulement les entreprises mais aussi les syndicats, les ONG, les églises, les établissements publics… Tout le monde fait du lobbying avec les mêmes outils, les mêmes méthodes et ceux qui n’en font pas devraient en faire. Le troisième message c’est que plus il y a de lobbying, mieux c’est pour la démocratie. Le lobbying permet de mettre les points de vue, les arguments des différents intérêts représentés en concurrence, et donc d’éclairer les politiques en les confrontant à la réalité du terrain pour, in fine, établir de meilleures normes, mieux acceptées de tous. » Lamarque (1996) nous apporte la vision qu’ont les agences [françaises, Ndr] du lobbying. « A la plupart des agences, le lobbying apparaît comme un travail d’information, qui vise un publiccible : les pouvoirs publics. […] Le lobbying vise à mettre en place des moyens de communications destinés à informer les pouvoirs publics pour prendre en compte les intérêts d’une profession, d’un corps social ou d’un pays. » Dans le cadre du même article, Lamarque nous fait également part de la différence de définition que certains professionnels établissent entre les termes de « public affairs », de « relations institutionnelles » et celui de lobbying. « Le lobbying se donne pour but de faire évoluer le cadre règlementaire et législatif d’une activité, alors que les ‘public affairs’ supposent de gérer une image auprès des pouvoirs publics. » Le Picard, Adler et Bouvier (2000) donnent une définition du lobbying également recueillie auprès de professionnels du lobbying, qui met également en exergue la cible première que représentent les pouvoirs publics. Pour ces professionnels, il s’agit de « la façon dont les agents économiques et sociaux informent les pouvoirs publics, afin d’obtenir une prise en compte de leurs positions dans l’élaboration ou le changement de la législation ou de la réglementation.». Dans une de ses contributions aux Notes du Think Tank français l’IFRI – Institut Français des Relations Internationales, Debouzy (2003) n’hésite pas à définir le lobbying dans les termes concrets suivants : « Appelons les choses par leur nom : le lobbying est une contribution à l’écriture de la loi. »

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Table des matières

REMERCIEMENTS
PREAMBULE
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE
1 – Influence et consommateurs : constat d’un glissement vers un nouveau type de pouvoir
2 – Le lobbying : de l’ombre vers la lumière ?
3 – Propositions de départ et objectifs de recherche
4 – Intérêts théorique, méthodologique et managérial : spécificités de la recherche
5 – Plan de la thèse
CHAPITRE 1 – DELIMITATION ET POSITIONNEMENT DU CONCEPT D’INDUSTRIE DU LOBBYING 
SECTION 1 – CONTEXTES HISTORIQUE ET THEORIQUE
1 – Le contexte de l’émergence du lobbying
2 – Vision pluraliste versus vision corporatiste : impact sur les différences de pratiques du lobbying aux Etats-Unis, en France et au niveau de l’Union européenne
3 – Le lobbying sur le plan législatif
4 – Le contexte théorique : les apports initiaux concernant l’industrie du lobbying et la stratégie d’influence des groupements de consommateurs
SECTION 2 – DELIMITATION ET POSITIONNEMENT DU LOBBYING 
1 – Constat sur l’état des recherches académiques traitant du lobbying
2 – Une diversité de définitions du lobbying
3 – Les typologies liées au lobbying
SECTION 3 – UNE APPROCHE PAR LE CONCEPT D’INDUSTRIE
1 – La conceptualisation de la notion d’industrie du lobbying
2 – L’opérationnalité business et ‘terrain’ de la notion d’industrie du lobbying
SECTION 4 – APPLICATION DU MODELE DES CINQ FORCES A L’INDUSTRIE DU LOBBYING 
1 – L’intensité de la concurrence sectorielle au sein de l’industrie du lobbying existante : rivalité entre lobbyistes et contre-lobbyistes, groupes d’intérêt privé et d’intérêt public
2 – Le pouvoir de négociation des fournisseurs
3 – Le pouvoir de négociation des clients ou acheteurs
4 – La menace de nouveaux entrants
5 – La menace ou l’opportunité de nouveaux services de substitution
6 – L’influence des pouvoirs publics
7 – Graphe des relations et actions développées par les différentes forces de l’industrie du lobbying
8 – Graphe des schémas relationnels développés par les acteurs en présence
9 – Offre en information et offre en influence : un double objet d’échange entre acteurs de l’industrie du lobbying
CHAPITRE 2 – DELIMITATION ET POSITIONNEMENT DES STRATEGIES D’INFLUENCE DES GROUPEMENTS DE CONSOMMATEURS
SECTION 1 – DELIMITATION ET POSITIONNEMENT DU CONCEPT D’INFLUENCE
1 – Les définitions de l’influence
2 – Les types d’influence et les techniques
3 – Influence, persuasion, manipulation : différentes notions qui se rattachent au pouvoir
SECTION 2 – LE POSITIONNEMENT DES GROUPEMENTS DE CONSOMMATEURS
1 – L’histoire de la protection du consommateur
2 – Définitions et différentiation des organisations de consommateurs
3 – Les groupements européens de consommateurs : leur niveau d’influence
4 – Les groupements de consommateurs de stature nationale : leur niveau d’influence
5 – Les groupements de consommateurs orientés vers le consommateur final : leur niveau d’influence
CHAPITRE 3 – LE LOBBYING MIX. QUAND LE E-LOBBYING VIENT ENRICHIR LE GRASSTOP LOBBYING ET LE GRASSROOTS LOBBYING
SECTION 1 – LE CONCEPT DU E-LOBBYING
1 – E-lobbying, cyber-lobbying : les raisons de notre choix d’appellation
2 – Définition du e-lobbying
3 – Les objectifs et les techniques du e-lobbying
4 – les groupements de consommateurs et les techniques de e-lobbying
SECTION 2 – LE E-LOBBYING : INTERET, MENACE OU OPPORTUNITE SELON LES NIVEAUX D’INFLUENCE 
1 – Le e-lobbying au niveau stratégique institutionnel
2 – Le e-lobbying au niveau opérationnel BtoB en Europe
3 – Le e-lobbying au niveau opérationnel BtoC
CHAPITRE 4 – EXPLORATION DES DETERMINANTS DE L’INDUSTRIE DU LOBBYING
SECTION 1 – CHOIX EPISTEMOLOGIQUE
1 – La pertinence du cadre conceptuel par les apports d’une enquête de type exploratoire
SECTION 2 – PROTOCOLE DE RECHERCHE CONCERNANT NOS DEUX ETUDES DE CAS
1 – Le choix d’une stratégie de recherche et de collecte de données qualitatives par études de cas
2 – Le choix de nos deux études de cas à caractère unique
SECTION 3 – PROTOCOLE DE RECHERCHE CONCERNANT NOTRE ENQUETE PAR ENTRETIENS
1 – Le choix d’une stratégie de recherche et de collecte de données qualitatives par enquête
2 – Traitement des données et analyse manuelle et informatique via NVivo 10
CHAPITRE 5 – PRESENTATION DES RESULTATS DE NOTRE ETUDE QUALITATIVE 
SECTION 1 – PRESENTATION DETAILLEE DE NOS DEUX ETUDES DE CAS
1 – le choix d’une analyse qualitative par étude de cas à caractère unique
2 – Etude de cas concernant le règlement européen sur l’initiative citoyenne européenne
3 – Etude de cas concernant le Bureau Européen des Unions de Consommateurs – BEUC
4 – Le BEUC, ses membres et l’initiative citoyenne européenne
SECTION 2 – PRESENTATION DETAILLEE DES RESULTATS DE NOTRE ENQUETE QUALITATIVE A VISEE EXPLORATOIRE 
1 – Trois catégories d’unions de consommateurs
2 – Le mouvement consumériste et les débuts des associations de consommateurs dans les pays européens
3 – L’importance actuelle des droits des consommateurs dans les pays européens
4 – Un rapport différent à l’acte de lobbying
5 – Des positionnements différents en termes de nature de lobbying
6 – Les missions des associations de consommateurs
7 – Les cibles directes des associations de consommateurs
8 – Le rapport à Internet et la présence sur les médias sociaux
9 – Une mobilisation des consommateurs en demi-teinte
10 – Un problème récurrent : comment attirer les nouvelles générations de consommateurs ?
11 – Des stratégies d’influence différentes selon la catégorie d’unions de consommateurs
12 – Affiliation au BEUC
13 – L’avenir des associations de consommateurs au plan national et au plan européen
CONCLUSION GENERALE
1 – Les apports théoriques et méthodologiques
2 – Les apports opérationnels
3 – Les limites de la recherche
4 – Les voies de recherche futures
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ANNEXES
ANNEXES

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