La conception comportementale de la maladie d’Alzheimer

La conception comportementale de la maladie d’Alzheimer

L’avancement des sciences et de la technologie permet aujourd’hui aux êtres humains de vivre plus longtemps (Institut de la statistique du Québec, 2009; Ministère de la santé et des services sociaux, 2011). Bien que la plupart des gens vieillissent sans complications majeures, d’autres doivent vivre avec certaines maladies chroniques, infectieuses ou liées au vieillissement, ce qui peut parfois diminuer leur autonomie au point de devoir avoir recours à une assistance extérieure pour combler certains besoins. Le vieillissement de la population a des conséquences sur l’augmentation des maladies dégénératives reliées au vieillissement, comme la maladie d’Alzheimer (Alzheimer’s Association, 2012). Parmi les personnes hébergées, entre 60% et 80% des personnes sont atteintes d’un déficit cognitif (Ministère de la santé et des services sociaux du Québec, 2009).

Les enjeux médicaux et sociaux liés aux conditions de vie des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer sont souvent identifiés comme les plus importants des prochaines décennies (Alzheimer’s Association, 2012; Association québécoise d’établissement de santé et de services sociaux, 2007), car plus la maladie progresse, plus les symptômes deviennent complexes et intenses. De plus, le soutien social est souvent limité ainsi que les ressources financières des personnes atteintes (Alzheimer’s Association, 2012), ce qui peut les rendre vulnérables aux abus de toutes sortes (Blaxland, Sammut, & Williams, 2006; Wolf, 1998). Afin de répondre aux besoins grandissants de la population vieillissante, plusieurs sont d’avis que le gouvernement devra développer, dans le réseau public, des modèles novateurs d’hébergements susceptibles d’offrir la possibilité de vieillir dans la dignité (Alzheimer’s Association, 2012 ; Ministère de la santé et des services sociaux du Québec, 2009).

Un de ces modèles novateurs est l’approche créée par madame Nicole Poirier en 1996 et appliquée concrètement à la Maison Carpe Diem. Cette approche se distingue par sa conception « positive » de la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer et par son mode d’intervention qui accorde une grande importance à la qualité des relations entre l’intervenant et la personne atteinte, car elles seraient déterminantes pour son bienêtre. Ainsi, la personne est perçue comme un être de relations et c’est en adoptant une attitude et des comportements qui favorisent l’expression de ses forces que l’aidant participe à l’élaboration de relations respectueuses et humaines avec l’aidé.

Le premier chapitre de cet essai décrit les différentes façons de concevoir la maladie d’Alzheimer et les approches qui leur sont associées dans l’intervention auprès des personnes atteintes. Le deuxième chapitre fait état de la démarche méthodologique de l’étude: son déroulement, les caractéristiques des participants ainsi que les instruments de mesure. Le troisième chapitre présente les résultats des analyses qualitatives sur les liens entre le bien-être des résidents de Carpe Diem et les interventions employées par le personnel. Finalement, le quatrième chapitre approfondit les résultats obtenus, en posant un regard critique sur la manière dont l’approche Carpe Diem répond aux besoins psychologiques des résidents, et évalue son impact sur la qualité de vie et la dignité des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.

Le premier chapitre expose la problématique que constitue la maladie d’Alzheimer (MA). Ce trouble cognitif est d’abord décrit sur les plans épidémiologiques, symptomatologiques, financiers et psychosociaux. Puisque de nombreuses personnes souffrant de cette maladie vivent dans les centres d’hébergement de longue durée, la qualité des soins est ensuite abordée sous l’angle des orientations ministérielles et des visites d’appréciation. La troisième partie du chapitre traite des approches utilisées dans l’intervention auprès des personnes atteintes de la MA, soit l’approche neurologique, l’approche comportementale, l’approche environnementale et l’approche humaniste. Ce chapitre se termine par la description de l’approche Carpe Diem, dont il sera question dans la recherche.

Vers une défmition de la maladie d’Alzheimer 

La définition de la maladie d’Alzheimer et ses critères diagnostiques ne cessent d’évoluer comme en témoignent les différences observées entre la quatrième version (1994) du Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux (DSM-IV) et la cinquième version du même ouvrage publié en 2013. Dans le DSM-IV, la MA est définie comme un type de démence caractérisé par un déclin continu et graduel des fonctions cognitives et de la capacité à agir dans un but précis (American Psychiatric Association, 1994). La cinquième version, quant à elle, remplace la notion de démence  (terme jugé péjoratif par de nombreux spécialistes) par la notion de trouble neurocognitif majeur. Le trouble neurocognitif léger constitue un ajout dans cette nouvelle version et décrit une atteinte cognitive qui est plus sévère que l’oubli normal, mais qui n’est pas assez sévère pour compromettre l’autonomie de la personne (American Psychiatric Association, 2013). La MA entraîne des troubles significatifs dans la vie sociale et professionnelle de la personne atteinte et elle est associée à une chute importante de son niveau de fonctionnement antérieur. Dans la quatrième comme dans la cinquième version du DSM, un diagnostic de MA doit exclure toute autre cause spécifique ou condition médicale affectant la mémoire et la cognition. Ainsi, les symptômes ne doivent pas être d’origine alcoolique ou être induits par des drogues. Les déficits ne doivent pas se manifester dans le cadre d’un syndrome confusionnel aigu (délirium) et ne doivent pas être expliqués par un trouble psychiatrique, comme la dépression majeure ou la schizophrénie. (American Psychiatric Association, 1996,2013).

Épidémiologie

Le Ministère de la santé et des services sociaux (20 Il) a recensé 100 000 cas de MA au Québec en 2009. Les prévisions estiment qu’en 2015, il Y en aura 120 000 et 160000 en 2030. De plus, le nombre de nouveaux cas augmente très rapidement: en 2003 ils étaient près de 23 000, ils passeront à 28000 en 2015, pour atteindre 43 000 en 2030. Il est estimé que presque un baby-boomer sur cinq souffrira de la MA (Ministère de la santé et des services sociaux du Québec, 2009).

Les causes de la MA sont méconnues, mais elle statistiquement associée à l’âge. En effet, c’est à partir de la soixantaine que le pourcentage de personnes atteintes devient plus important. Même si cette affection est considérée comme sporadique, non héréditaire, elle peut quand même (dans peu de cas) se manifester de façon répétée dans une même famille  . Elle est aussi plus fréquente parmi les analphabètes que parmi les universitaires.

En ce qui concerne la distribution géographique, les données indiquent que la MA se manifeste avec des pourcentages comparables dans toutes les populations du globe, à l’exception du Japon (où la moitié des déficits cognitifs est due non pas à la MA, mais à la démence vasculaire) et des pays en voie de développement où, à âge égal, cette maladie est plus rare (Boller, Dalla Barba, Suarez, & Traykov, 2005).

Symptômes cognitifs

Parmi les nombreuses altérations cognitives, ce sont celles affectant la mémoire, l’attention et le langage qui dominent le tableau clinique de la personne atteinte de la MA. Ces altérations cognitives se répercutent sur diverses sphères de la vie comme le niveau d’autonomie de la personne, ses habilités sociales, ses activités et sa capacité d’entretenir des relations avec ses proches (BolIer et al., 2005).

En effet, l’une des premières fonctions affectées par la MA est la mémoire. Chaque symptôme cognitif est relié à une atteinte mnésique particulière. Cependant, la nature de l’atteinte et sa gravité diffèrent d’une personne à l’autre, si bien que l’on observe une grande variété de profils cognitifs dans la MA. De manière générale, la mémoire de travail (mémoire à court terme) est le premier type de mémoire à être atteint. Ce type de mémoire permet à la personne de stocker, restituer et traiter des informations nouvelles. Lorsqu’elle est altérée, la personne oublie ce qui est très récent et devient moins habile à retenir des consignes, à résoudre des problèmes et à effectuer des tâches (Auriacombe, Croisile, Etcharry-Bouyx, & Vercellotto, 2012; Boller et al., 2005).

Ensuite, ce sont les autres aspects de la mémoire (mémoire à long terme) qui sont généralement atteints. La mémoire à long terme, quant à elle se divise en trois sous catégories: la mémoire épisodique, la mémoire sémantique et la mémoire procédurale. La mémoire épisodique est responsable du rappel d’informations qui ont été acquises dans le passé de la personne. Lorsqu’elle est atteinte, il devient difficile pour la personne de se souvenir de certains événements de sa vie personnelle. La mémoire sémantique réfère aux connaissances générales et à la compréhension du langage. Lorsque la mémoire sémantique est déficitaire, la personne atteinte de la MA peut en venir à avoir de la difficulté à nommer ce qu’elle voit ou entend et à reconnaitre certains visages ou objets. Finalement, la mémoire procédurale concerne les habilités à réaliser les différentes étapes d’une tâche (Boller et al., 2005). Lorsqu’elle est atteinte, la personne devient incapable d’effectuer des gestes menant à un objectif (apraxie), même si elle conserve des fonctions motrices et sensorielles normales. Par exemple, dans l’apraxie de l’habillage, la personne a de la difficulté à se souvenir de la séquence des gestes pour mettre ses vêtements. La personne oublie d’abord comment s’habiller, puis comment se déshabiller. Ensuite, elle ne sait plus comment faire chacun des gestes, puis elle oublie la fonction de chaque vêtement (Bolier et al., 2005).

De plus, les tâches nécessitant la manipulation simultanée d’informations différentes, ainsi que celles impliquant une grande flexibilité cognitive, deviennent difficiles à réaliser (BolIer et al., 2005). Ce n’est pas tant que la capacité d’attention soit atteinte, mais la capacité à partager l’attention. Ainsi, l’exécution de tâches requérant différentes opérations cognitives simultanées sera plus laborieuse et la personne aura plus de difficulté à comprendre l’information provenant de deux sources différentes (BolIer et al., 2005).

Les troubles du langage (aphasie) peuvent être aussi présents dès le début de la maladie, bien qu’ils soient moins sévères que les troubles de la mémoire ou des fonctions exécutives. Plusieurs facteurs peuvent affecter la présence et la sévérité des troubles du langage. D’abord, l’histoire familiale de la personne : les cas de MA familiale présentent plus rapidement une atteinte du langage. Néanmoins, les troubles du langage seraient plus notables chez les patients présentant une évolution rapide de la maladie (BolIer et al., 2005). Les désordres sont manifestes dans l’expression et la compréhension du langage. Durant les premières étapes de la maladie, lorsque les pertes cognitives de la personne restent légères ou modérées, le discours de la personne reste fluide, mais le manque de mots et un manque de relation logique dans la verbalisation font en sorte qu’il est difficile d’établir un véritable dialogue. La personne éprouve de la difficulté à nommer quelques personnes et quelques objets (BolIer et al., 2005). Plus tard, la compréhension orale devient déficiente et on voit apparaître, au niveau du langage, des transformations ou des répétitions de mots et de sons. La richesse des formes syntaxiques utilisées s’appauvrit et peut comporter des erreurs de structure. Conséquemment, l’expression langagière s’appauvrit et peut conduire à un mutisme (BolIer et al., 2005).

Impacts financiers

L’augmentation des personnes atteintes de la MA et des maladies apparentées aura un grand impact sur le système de santé québécois. En 2000, il a été estimé que les coûts de l’ensemble des soins leur étant destinés s’élevaient à 5,5 milliards de dollars. Selon le Ministère de la santé et des services sociaux du Québec (2009), le coût des soins pour une personne atteinte de dégénérescence cognitive de type Alzheimer est trois fois plus élevé que pour une personne non atteinte. Parmi les maladies neurologiques, la maladie d’Alzheimer occupe le i ème rang parmi celles qui coûtent le plus cher au système médical (Ministère de la santé et des services sociaux du Québec, 2009). De plus, selon Beeri, Werner, Davidson et Noy (2002), la proportion du budget associé à la réduction des symptômes comportementaux et psychologiques d’une personne atteinte de la MA peut représenter jusqu’à 30% des coûts de son hébergement.

La MA a aussi un impact financier sur les proches aidants. Ils doivent parfois délaisser partiellement ou en totalité leur travail afin de prendre en charge ce que la personne atteinte n’est plus en mesure d’assumer (Ministère de la santé et des services sociaux du Québec, 2009).

Impacts psychosociaux

L’incompréhension des gens à l’égard des symptômes psychologiques et comportementaux associés à la MA contribue à perpétuer de nombreux préjugés à son sujet. Dès le moment du diagnostic ou des premiers symptômes, les familles et les amis des personnes atteintes se sentent souvent dépourvus et impuissants (Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux, 2007), particulièrement dans un contexte d’absence de soutien de l’État et d’un manque de formation du personnel de la santé.

La personne atteinte subit les conséquences de ces préjugés et devient davantage à risque de se faire humilier, menacer, infantiliser, ignorer ou isoler. Elle risque aussi davantage d’entendre des propos dégradants sur sa personne, sur son âge ou son degré d’autonomie, ce qui a une incidence directe sur son identité, sur l’image qu’elle se fait d’elle-même et de la valeur qu’elle s’accorde. L’estime de soi ainsi que la dignité de la personne sont directement attaquées, ainsi que la confiance que la personne porte envers son avenir et envers les autres. À partir de ce moment, une panoplie de nouveaux symptômes psychologiques et comportementaux peut apparaître en signe de manifestation de ce malaise généralisé.

De plus, les personnes atteintes peuvent devenir des personnes vulnérables aux abus, comme la négligence et la maltraitance. En effet, Bouffard (2012) indique que la présence de problèmes de santé (physiques ou psychologiques), la difficulté à s’exprimer, la consommation de psychotropes et le manque de contacts sociaux seraient des facteurs de vulnérabilité aux abus dans la population âgée. Les personnes les plus vulnérables sont les personnes qui présentent des symptômes dépressifs, un délirium ou de sévères pertes cognitives (comme la MA) et celles qui résistent ou s’opposent aux interventions. Les personnes qui deviennent un fardeau pour un proche épuisé ou à bout de ressource sont aussi des personnes vulnérables aux abus (Bouffard, 2012).

État des soins en CHSLD 

Dans le but d’améliorer les conditions de vie des personnes âgées en perte d’autonomie vivant en CHSLD, le Ministère de la santé et des services sociaux a présenté, en 2003, ses orientations sur la philosophie et les pratiques devant prévaloir dans ses centres d’hébergement. Ces orientations visent à améliorer les services offerts et à considérer le milieu d’hébergement comme un milieu de vie, c’est-à-dire, un lieu où les goûts, les besoins, les valeurs et les habitudes de la personne sont considérés comme des éléments essentiels. L’emphase est mise sur les besoins psychosociaux, comme le besoin de maintenir des relations affectives et des liens sociaux. Les orientations visent aussi la  satisfaction des besoins psychologiques comme le besoin d’appartenance, d’estime de soi, d’actualisation et de reconnaissance (Ministère de la santé et des services sociaux, 2003). La prochaine section fait donc état des orientations ministérielles visant l’application de l’approche milieu de vie dans les CHSLD, ainsi que les constats observés à la suite des visites d’appréciation visant à évaluer l’intégration de ces orientations dans les milieux d’hébergement.

Les principes directeurs des orientations ministérielles 

Approche centrée sur la personne 

Les orientations ministérielles s’inspirent de l’approche centrée sur la personne. La personne est reconnue dans sa totalité (un être biopsycho-socio-spirituel) et les besoins découlant de chacun de ces aspects sont reconnus et des moyens doivent être mis en place pour les satisfaire, et ce, dans la mesure du possible. Les interventions doivent prendre en considération les capacités et les forces de la personne et doivent viser le maintien et même le renforcement de l’autonomie (Ministère de la santé et des services sociaux, 2003). Dans l’approche centrée sur la personne, les besoins psychosociaux deviennent la priorité et l’organisation administrative et clinique doit se faire en fonction de cette priorité. li appartient donc à l’établissement (administrateurs, gestionnaires et intervenants) d’orienter ses décisions en fonction des besoins de ses résidents et de donner priorité à ceux-ci. Au-delà des besoins physiologiques de base (alimentation, élimination, sommeil, respiration, locomotion et hygiène corporelle … ), les décisions doivent prendre en compte les besoins psychosociaux de la personne hébergée comme le fait de se sentir en sécurité, d’entretenir des relations affectives avec les autres, de développer son estime d’elle-même et d’agir selon sa volonté et ses capacités. Au-delà des besoins psychosociaux, l’établissement doit reconnaître et répondre aux besoins de reconnaissance, de dignité et de respect (Ministère de la santé et des services sociaux, 2003).

Les orientations ministérielles misent sur la compétence et l’attitude de son personnel. Une attitude humaine, empreinte de respect, de patience, de disponibilité, de motivation et de créativité favorise de meilleures relations entre les employés et le résident, et par extension, une meilleure qualité de vie (Ministère de la santé et des services sociaux, 2003).

Les lieux physiques et l’emplacement de l’établissement doivent favoriser le maintien des liens sociaux et familiaux et ressembler le plus possible à un lieu résidentiel et non institutionnel. Les lieux doivent assurer la sécurité et l’intimité du résident. L’environnement doit stimuler les capacités physiques et cognitives et compenser les pertes cognitives, motrices et sensorielles (Ministère de la santé et des services sociaux, 2004).

Les visites d’appréciation 

À la suite d’incidents en CHSLD rapportés par les média, le ministère de la santé et des services sociaux a institué des visites d’appréciation en utilisant le cadre de référence des orientations ministérielles. 47 centres d’hébergement ont été visités dans le but d’évaluer la qualité des soms. La majorité des résidences visitées ont été choisies en fonction des difficultés qu’elles présentaient sur le plan de la qualité des soins. Les visites d’appréciation ont permis d’identifier les facteurs qui viennent influencer l’établissement de milieux de vie et de comprendre davantage les difficultés auxquelles font face les centres pour mettre en brame les orientations ministérielles (Ministère de la santé et des services sociaux, 2004).

Constats des visites d’appréciation des CHSLD

Le rapport des visites d’appréciation fait état des difficultés à implanter une approche centrée sur la personne, tel que demandé par les orientations ministérielles. Il indique que, de façon générale, les employés ont de bonnes intentions et ont le souci d’offrir de bons soins et une qualité de vie à leurs résidents (Ministère de la santé et des services sociaux, 2004). Néanmoins, l’alourdissement de la clientèle, le manque de personnel, ainsi qu’un déficit sur le plan de la formation (particulièrement pour les cas de diagnostics multiples ou de déficits cognitifs) entrainent un essoufflement, un sentiment d’impuissance et la démotivation des intervenants (Ministère de la santé et des services sociaux, 2004). Le rapport observe également que dans 38% des milieux visités, la communication entre les résidents et le personnel est limitée et lorsqu’elle a lieu, des propos infantilisant et irrespectueux sont utilisés (Ministère de la santé et des services sociaux, 2004). Dans une proportion similaire, les résidences visitées n’incitent pas les personnes à socialiser; elles sont confinées dans leur chambre une partie de la journée, elles ont peu de temps pour prendre leur repas et il n’y a pas d’activités favorisant le maintien de leurs capacités (Ministère de la santé et des services sociaux, 2004). Dans 12% des résidences visitées, le personnel est peu attentif aux besoins des personnes et demeure centré sur les soins à prodiguer et sur les tâches à accomplir. Les résidents sont souvent seuls dans leur chambre, dans un fauteuil gériatrique ou dans leur lit. Ils sont couchés très tôt et ils peuvent attendre jusqu’à 12 heures avant qu’un intervenant soit disponible pour les lever (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2004). Lorsque les membres du personnel manifestent des comportements inappropriés envers la clientèle et que la qualité des services diminue, des protocoles sont prévus pour sanctionner de tels comportements mais ils sont peu utilisés (Ministère de la santé et des services sociaux, 2004).

La philosophie de soins des résidences visitées est axée principalement sur les soins physiques et les services médicaux, délaissant la dimension psychologique, sociale, spirituelle et culturelle. D’ailleurs, le rapport signale un manque d’accès à divers professionnels de la santé comme les physiothérapeutes, les psychologues, les travailleurs sociaux et les médecins (Ministère de la santé et des services sociaux, 2004). En outre, le roulement du personnel ne permet pas l’intégration de l’approche centrée sur la personne, ni la connaissance des besoins spécifiques de chaque résident et la façon optimale d’interagir avec lui (Ministère de la santé et des services sociaux, 2004). Les résidents deviennent donc dépendants du personnel et ont difficilement accès à de l’aide lorsque leurs droits et leur dignité sont atteints.

L’organisation institutionnelle du travail, qui prévaut dans plusieurs centres depuis de nombreuses années, est un obstacle majeur à l’humanisation des soins (Ministère de la santé et des services sociaux, 2004). La routine de travail est axée sur la tâche et elle est organisée selon un horaire précis, imposé aux résidents, qui favorise l’efficacité et les besoins de l’établissement au détriment des besoins d’autonomie et d’autodétermination de la clientèle (Ministère de la santé et des services sociaux, 2004). Par exemple, les repas doivent être planifiés avec les services alimentaires, qui eux, sont structurés en fonction d’un horaire bien précis, ce qui laisse peu de place pour la souplesse requise pour répondre aux divers besoins des personnes hébergées. Conséquemment, le temps dont dispose l’usager pour sa période de repas est parfois insuffisant, ce qui cause des problèmes de dénutrition et de malnutrition (Ministère de la santé et des services sociaux, 2004) .

L’environnement physique est aussi identifié comme étant un autre obstacle à l’application des principes relatifs au milieu de vie. Lorsqu’il est mal adapté, il nuit à l’efficacité des intervenants en augmentant leur charge de travail et il nuit aux résidents en limitant leurs déplacements, en menaçant leur sécurité et leur intimité (Ministère de la santé et des services sociaux, 2004).

Les observations ont permis de constater que 55,9% des établissements ont des aménagements physiques désuets qui ne favorisent pas le maintien de l’autonomie fonctionnelle du résident et qui contreviennent à son autonomie psychosociale. Dans ces cas, le résident est porté à rester dans sa chambre, socialise de moins en moins, s’isole, déprime et se résigne. Le manque de salles de bain et de toilettes a aussi un impact direct sur l’apparition précoce de l’incontinence et de l’utilisation des chaises d’aisance, ce qui atteint l’autonomie, le confort, l’intégrité et la dignité du résident.

De plus, dans 60,3 % des établissements, l’aménagement physique n’assure pas la sécurité des résidents. L’équipement médical ou des chariots de toutes sortes encombrent les lieux, ce qui diminue la possibilité de circuler et rappelle le caractère institutionnel de l’établissement (Ministère de la santé et des services sociaux, 2004). En ce qui concerne le besoin d’intimité, seulement 61,6% des résidents aurait une chambre privée. De plus, la rareté des locaux pour fraterniser ou recevoir de la visite ne leur permet pas d’entretenir des relations affectives ou sexuelles (Ministère de la santé et des services sociaux, 2004).

Les visites d’appréciation ont permis de conclure que même si le personnel a à cœur la qualité des services et la qualité de vie des résidents et qu’il assure les besoins physiologiques de base, il n’arrive pas à combler les besoins psychologiques et sociaux. En général, le plan d’intervention individualisée est déficitaire comme le sont les activités récréatives, sociales et spirituelles. De plus, des mesures de contention sont encore utilisées dans certains établissements pour pallier le manque de personnel et afin d’éviter des chutes. Puisque les gestionnaires ont de plus en plus de responsabilités et de personnel à encadrer, la qualité des soins est de plus en plus difficile à gérer (Ministère de la santé et des services sociaux, 2004).

Le concept de milieu de vie, tout comme les concepts de respect et de dignité, demeurent mal connus, imprécis et non intégrés dans certaines organisations (Ministère de la santé et des services sociaux, 2004). Plusieurs grandes contraintes (ressources humaines, administratives et environnementales limitées) font en sorte que les valeurs proposées par l’approche milieu de vie sont difficilement réalisables concrètement (Ministère de la santé et des services sociaux, 2004). La majorité des intervenants et des gestionnaires du réseau de la santé ont été formés avec les valeurs d’efficacité et de soins prévalant dans l’approche institutionnelle, ce qui ne concorde pas avec les attitudes nécessaires à l’implantation de l’approche milieu de vie. Afin d’effectuer la transition, l’ensemble de l’organisation des services doit être repensé, que ce soit le processus de sélection du personnel ou l’organisation des tâches. Le rapport ajoute qu’il faut même s’attaquer à la perception que le personnel a de son travail, des résidents, de la souffrance et de la mort. (Ministère de la santé et des services sociaux, 2004).

Afin d’insuffler un changement, l’ensemble des travailleurs de la santé doit être formé à l’approche centrée sur la personne et ceux-ci doivent être porteurs des valeurs sous jacentes. Le travail doit être organisé de façon à favoriser le travail d’équipe avec les autres membres du personnel, ainsi qu’avec les membres des familles et surtout, avec le résident lui-même (Ministère de la santé et des services sociaux, 2004). D’autres projets novateurs devront s’implanter afin de permettre aux personnes âgées de vivre dans un milieu enrichissant, empreint d’humanisme et de dignité.

Conclusion 

Dans un contexte où les services offerts aux personnes atteintes de la MA sont fragilisés par l’alourdissement des symptômes cognitifs et psychologiques de la clientèle, l’augmentation des troubles de comportements et par le manque de personnel formé, il devient pertinent d’étudier les approches non-conventionnelles afin de comprendre leurs forces et leurs faiblesses pour ultimement améliorer les façons de faire actuelles. La présente étude s’est intéressée à l’approche Carpe Diem et à son impact sur le bien-être et la dignité des personnes bénéficiaires. Elle relève que, par son approche humaniste, la Maison Carpe Diem offre un accompagnement centré sur les besoins, qui contribue à préserver le mieux-être de ses résidents. C’est principalement en considérant que les besoins psychologiques des personnes influencent leurs comportements, et que ceux-ci constituent une grande source d’information sur leur niveau de bien-être, que les intervenants à Carpe Diem réussissent à actualiser cette approche. Les comportements, qu’ils soient dérangeants ou non, sont porteurs d’une signification. TI s’agit d’une façon de s’adapter à sa situation, de s’indigner contre sa situation, de conserver le contrôle de sa vie et d’être reconnu. En étant à l’écoute de ces comportements et en tentant de satisfaire les besoins psychologiques sous-jacents, les intervenants de la Maison Carpe Diem contribuent à préserver la dignité des personnes qu’ils accompagnent. D’ailleurs, en démontrant qu’en dépit des troubles cognitifs, la capacité et la volonté de créer un lien interpersonnel perdure très longtemps, cette étude appuie la littérature scientifique soutenant la pertinence d’un processus thérapeutique malgré certaines pertes cognitives.

 

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Table des matières

Introduction
Contexte théorique
Vers une définition de la maladie d’Alzheimer
Épidémiologie
Symptômes cognitifs
Impacts financiers
Impacts psychosociaux
État des soins en CHSLD
Les principes directeurs des orientations ministérielles
Approche centrée sur la personne
Les visites d’appréciation
Constats des visites d’appréciation des CHSLD
Les approches principales utilisées auprès des personnes atteintes de la MA
L’approche neurologique
La conception neurologique de la MA
Le traitement découlant de la conception neurologique
L’approche comportementale
La conception comportementale de la maladie d’Alzheimer
Le traitement des manifestations comportementales
L’approche environnementale
Le traitement découlant de la conception environnementale
Conclusion des approches traditionnelles
L’approche humaniste et la MA
La conception humaniste de la maladie d’Alzheimer
Le traitement découlant de la conception humaniste
L’approche Carpe Diem
Conception de la maladie
Philosophie de soins
Les interventions
L’équipe de travail
La sélection du personnel
Conclusion et objectif de l’étude .
Méthode
Déroulement
Participants
Instruments de mesure
Détérioration cognitive
Méthodes projectives
Résultats
Cueillette des données
La réduction des données
La présentation des résultats
Première participante: Mme A
Deuxième participante: Mme B
Troisième participante: Mme C
Q ., . . MD uatneme partlcipant
Cinquième participante: Mme E
Sixième participante: Mme F
Synthèse des résultats
Discussion
Besoins psychologiques
Besoin de sécurité
Besoin d’appartenance et d’amour
Besoin d’estime de soi
Besoin d’actualisation
Besoins cognitifs
Les résultats à la lumière des connaissances actuelles
Limites de l’approche Carpe Diem
La perception des personnes atteintes à l’égard
des interventions
L’impuissance vécue par les intervenants
Difficultés dans la mise en pratique de l’approche
Retombées cliniques et recommandations
Les forces et les faiblesses de la recherche
Limites des entretiens
Conclusion

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