La conception anthropologique de spinoza

l’ontologie spinoziste

De la substance à l’homme

La substance constitue le premier palier sur lequel Spinoza s’appuie pour bâtir toute son ontologie. Nous ne pouvons entamer notre réflexion sur la substance sans au préalable nous poser la question suivante : pourquoi Spinoza a-t-il besoin d’une redéfinition de cette notion, si dans toute la philosophie classique jusqu’à l’époque moderne cette notion a occupé une place centrale ? Pour cerner cette problématique, il sera plus judicieux de faire un bref rappel de la conception qu’Aristote et Descartes ont eue de ce terme. Il ne s’agit pas pour nous, ici, de nous inscrire dans une étude comparative, mais seulement de voir comment l’héritage scolastique a perçu ce concept qui a souvent été source d’équivoque et d’ambiguïté. Après cela, nous essayerons de situer la légitimité de l’approche spinoziste de cette notion pour en saisir la portée et le sens qui se révèlera au cours de notre lecture de l’Ethique.

La notion de substance chez Aristote 

Pour Aristote la substance représente trois choses différentes : la forme, la matière et le composé des deux . De ces trois choses, seul le « composé des deux » ou « substance composée » correspond à ce que nous appelons d’ordinaire substance. Donc nous sommes tentés de dire que ‘‘ousia’’ signifie la chose (substance) et ses causes internes, la matière et la forme (la forme étant ce qui correspond à l’essence et la matière le substrat). Chez Aristote le recours à la notion de substance obéit à un besoin épistémologique afin de résoudre le problème que pose l’être. En effet, aux yeux du stagirite, la notion de substance permet d’ordonner les multiples significations de l’être car, dans la réalité ‘‘ousia’’ est le support permanent des attributs de l’être et dans les énoncés, il est le sujet des prédicats. Ce qui peut vouloir dire que dans la conception aristotélicienne la substance s’applique à tous les êtres. Cependant, Aristote estime que la seule et véritable substance demeure l’individu car, à ses yeux, le propre de la forme c’est de se réaliser dans un être individuel. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, au ommet de son « échelle de la nature »  se trouve l’homme, ce qui laisse voir une ontologie verticale c’est-à-dire hiérarchisée.

Ce que Descartes entend par substance

Avec Descartes nous assistons à une nouvelle vision de la substance, elle s’apparente aux supports permanents des attributs : qualités ou accidents. Cependant elle se présente sous la forme du dualisme. C’est cela que laisse entendre cette formule : « Que chaque substance a un attribut principal, et que celui de l’âme est la pensée, comme l’extension est celui du corps (étendu).»

On note un éclatement de la substance en deux chez Descartes : substance pensante et substance étendue. Ce qui fait dire à F. Alquié que cette conception cartésienne de la substance est solidaire de l’idée d’une ontologie qui soit en mesure de livrer l’être à la connaissance. Cela semble être une façon, de l’avis de Alquié, d’expliquer le principe de la distinction des pensées. Il faut, en outre, remarquer que pour Descartes ce sont les attributs qui donnent accès à la substance. Descartes s’enferme ainsi dans la voie de l’attribution, c’est la raison pour laquelle il conçoit une substance pensante et une substance étendue car il semble confondre attribut et substance. Il s’avère dans ces définitions d’Aristote et de Descartes concernant la substance qu’il manquait l’expression « ce qui est conçu par soi ». C’est là une remarque fondamentale sur laquelle Deleuze attire notre attention. A ses yeux, cette expression « rend impossible une pluralité de substances ayant même attribut, […] ». En effet, ce qui découle de cette remarque c’est que chez Spinoza, la substance jouit d’une autonomie incommensurable. Ce qui fait d’elle une « causa sui », cause de soi. Ce qui veut dire qu’elle jouit d’une existence absolue ; elle se suffit à elle-même. Cependant, il nous faut dores et déjà signaler que cette autonomie de la substance ne fait pas d’elle un être isolé et transcendant car, elle subsume toute la réalité ou du moins toute la réalité s’exprime en elle. C’est cela même qu’il faut entendre par « Deus sive natura ». Ce qui veut dire qu’une réflexion sur Dieu est en même temps une réflexion sur la substance ou sur la Nature. Les êtres qui composent la nature ne sont rien d’autres que des conséquences qui découlent de la substance et à cet effet, ils expriment chacun effectivement l’être de la substance. A ce propos, Pierre Macherey nous dit ceci : « Il est intéressant que la formule Deus sive natura intervienne en vue de rendre compte du lien nécessaire qui passe en Dieu entre ce qu’il est et ce qu’il fait, entre sa nature, qui est d’être en et par soi et en conséquence d’exister nécessairement et éternellement, et son action à travers laquelle cette nature se développe comme puissance. » .

On constate à travers cette analyse que la nature obéit à un monisme absolu car, en identifiant Dieu à la Nature, Spinoza lève l’équivoque sur l’idée d’un dualisme qui prévalait dans la nature. Pour mieux comprendre cette idée du monisme ontologique, essayons de voir comment Spinoza définit la substance. « J’entends par substance ce qui est en soi et est conçue par soi : c’est-à-dire ce dont le concept n’a pas besoin du concept d’une autre chose, duquel il doive être formé. » Dans cette définition, on note qu’en dehors du caractère autonome dont jouit la substance et que nous avons signalé ci-dessus, il se révèle un autre aspect qui a trait à l’existence d’une substance unique. En effet, à y regarder de plus prés on voit que l’expression « ce qui est en soi et est conçu par soi » traduit de façon on ne peut plus claire l’idée que l’essence de la substance est corrélée à son existence. C’est-à-dire pour reprendre la formule de Spinoza «…ce dont l’essence enveloppe l’existence » On retrouve la même idée quand le philosophe hollandais dit : « Il appartient à la nature d’une substance d’exister. » .

La question de la servitude et la problématique de la liberté

Le conatus moteur de l’existence

« J’appelle servitude l’impuissance humaine à réguler et à contrôler les affects […].».

A y regarder de plus prés, dans l’utilisation du terme impuissance, on sent l’écho de puissance (potentia). Cela nous amène à la façon dont Spinoza définit la nature humaine comme puissance. Ce qui veut dire que si dans la servitude nous sommes déterminés par l’impuissance alors c’est que cette puissance qui définit notre individualité n’est pas une puissance absolue parce qu’elle est sans doute exposée au mécanisme des fluctuations passionnelles. Autrement dit, nous sommes en permanence soumis à l’ambivalence des passions qui nous confinent dans l’activité et la passivité. L’état de servitude n’est donc pas un état figé où l’individu serait enfermé à jamais, car comme le dit Spinoza « par perfection et par réalité j’entends la même chose » . Ainsi, la perfection pour une chose singulière consiste donc à chercher dans le cadre de son existence une essence adéquate à sa nature (puisque l’homme étant un mode fini son essence ne peut en aucune manière envelopper son existence) car, c’est une qualité qui revient à la substance. L’homme peut parvenir à un idéal de perfection tout en cherchant à persévérer dans son être puisque « L’effort par lequel chaque chose s’efforce de persévérer dans son être n’est rien en dehors de l’essence actuelle de la chose » .

Ce qui préfigure une issue heureuse à l’homme car, il peut se départir de l’état de servitude à condition qu’il soit enclin à persévérer de son être (conatus). Quand on sait que « l’effort par lequel chaque chose s’efforce de persévérer dans son être, n’enveloppe aucun temps fini, mais un temps indéfini », alors nous sommes à même de comprendre que la vie de l’homme ne se définit pas sous une perspective sombre et malheureuse.

En effet, autant il persévère dans son être, autant il se met à la hauteur de son conatus. Ainsi, chaque individu peut prétendre à une perfection qui soit conforme à sa nature (l’homme, le cheval et l’insecte). Donc notre tendance à nous départir de la servitude est en quelque sorte inscrite dans notre nature d’homme comme le cheval peut prétendre à l’accomplissement de son essence de cheval et l’insecte en réalisant toutes les potentialités que lui accorde sa nature d’insecte : « Chaque chose sans exception l’insecte comme le cheval et le cheval comme l’homme, tend vers le type de perfection qui lui est propre, en vertu d’une dynamique essentielle dont l’impulsion originaire est inscrite dans son conatus » .

S’il en est ainsi, qu’est ce qui explique alors cette inclination naturelle que nos avons d’être souvent impuissant devant la force des passions ? Pour comprendre cette situation dans laquelle se trouve l’homme, il nous faut d’abord définir ce qu’est une passion. Il ne s’agit pas de la considérer en elle-même, mais plutôt de l’aborder en tant que fondement de la vie affective. Or, nous savons que le désir est le moteur de l’existence car, il permet à l’individu d’accroître sa puissance d’agir (c’est-à-dire de passer d’une perfection moindre à une perfection plus grande dans les strictes lois que lui imposent sa nature voire son conatus). De cette tension vers la réalisation de son être il se peut que l’individu tire de la joie c’est-à-dire quand cet effort trouve un écho favorable, ou de la tristesse lorsque cet effort est amoindri.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
I- LA CONCEPTION ANTHROPOLOGIQUE DE SPINOZA
I-1- DE LA SUBSTANCE AUX REALITES SINGULIERES
I-2- L’HOMME : UNE REALITE UNIFIEE
II- LA QUESTION DE LA SERVITUDE OU LA PROBLEMATIQUE DE LA LIBERTE
II-1- LE CONATUS : MOTEUR DE L’EXISTENCE
II-2- LIBERTE OU NECESSITE NATURELLE ?
III- DE L’ETAT NATUREL A L’ETAT CIVIL
III-1- L’ETAT DE NATURE ET LE DROIT NATUREL
III-2-DE L’ÉTAT CIVIL A LA TYPOLOGIE DES FORMES DE GOUVERNEMENT : LE CHOIX DE LA DÉMOCRATIE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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