La compréhension en lecture : quels processus cognitifs ?

LA COMPRÉHENSION EN LECTURE

Afin de pouvoir aider au mieux nos élèves et ne pas s’appuyer uniquement sur des « ressentis » pour construire notre enseignement, il est essentiel de comprendre précisément ce qu’est la compréhension en lecture et les processus cognitifs qui interviennent.

Qu’est ce que la compréhension ?

Définition

Je partirai de la définition que propose Goigoux, qui présente la compréhension comme étant «une construction de significations, réalisée par un sujet (lecteur) à partir d’un texte écrit, dans un contexte de lecture. Cette construction est le fruit d’une interaction entre les données propres au texte et les connaissances du lecteur (connaissances linguistiques et connaissances conceptuelles) en fonction des buts qu’il poursuit à travers cette lecture. » Il illustre sa définition par le schéma suivant.
Même si elle est un peu complexe, cette définition permet de mettre en lumière le fait que la compréhension en lecture est d’abord une construction, ce n’est pas quelque chose d’inné ni qu’on apprend une bonne fois pour toute, c’est un processus nouveau et différent pour chaque texte que le lecteur va rencontrer. De plus, elle nécessite une implication forte du lecteur , puisque la définition précise qu’avant même la lecture, le sujet doit avoir conçu, parfois sans en avoir conscience, un but à sa lecture et qu’il doit pouvoir mobiliser ses connaissances au cours de celle-ci. Enfin, et c’est peut être l’essentiel, la compréhension du texte ne peut avoir lieu que si le lecteur interagit avec le texte. Avant, pendant et après la lecture, la construction du sens ne peut se faire que si le lecteur met en relation ce que lui dit le texte et ce qu’il sait déjà. Or, cette interaction n’est pas quelque chose de simple et nécessite une charge attentionnelle et des capacités cognitives importantes que nous allons maintenant détailler.

La compréhension en lecture : quels processus cognitifs ?

Selon les auteurs et les recherches qu’ils ont menées, la terminologie est différente mais on peut observer, que ce soit chez Giasson, Cèbe, Thomazet ou Goigoux, des invariants même si la manière de les présenter n’est pas identique.
En effet, Giasson explique que la compréhension en lecture repose sur trois types de processus :
– Les processus d’intégration : ils désignent le fait de faire des liens à partir d’indices de relation (connecteurs spatio -temporels et anaphores) et des inférences.
– Les macro-processus : la capacité d’identifier les idées principales du texte.
– Les processus d’élaboration : faire les inférences non prévues par le texte et qui permettent de créer une image mentale, raisonner sur le texte, réagir émotivement et intégrer les idées nouvelles apportées par le texte.
Goigoux, quant à lui, identifie trois niveaux de traitements cognitifs nécessaires à l’activité mentale qu’est la compréhension en lecture :
– L’identification des mots : l’attribution d’une première signification.
– Les micro-traitements textuels : la construction de la signification des groupes de mots grâce à la maîtrise de la ponctuation, des liens logiques, des reprises anaphoriques notamment.
– Les macro-traitements et représentation mentale : la construction de la représentation mentale, identification des idées principales.
Enfin, Cèbe et Goigoux , ne parlent plus de processus cognitifs mais de compétences nécessaires à la compréhension (cela s’explique certainement par le fait que l’ouvrage est une méthode destinée à pouvoir être utilisée par les enseignants le plus rapidement possible). Elles sont au nombre de cinq :
– Compétences de décodage (automatisation des procédures d’identification des mots écrits)
– Compétences linguistiques (syntaxe et lexique)
– Compétences référentielles (connaissances « sur le monde », connaissances encyclopédiques)
– Compétences textuelles (genre textuel, énonciation, ponctuation, cohésion, cohérence, inférences)
– Compétences stratégiques (régulation, contrôle et évaluation, par l’élève, de son activité de lecture)
De fait, il est important de retenir que pour comprendre un texte, différents processus cognitifs sont en jeu et qu’ils agissent à différents niveaux. Ces différents niveaux sont d’ailleurs présents chez tous les auteurs, quelque soit la terminologie utilisée. Le lecteur performant doit être capable de travailler avec précision au cœur du texte pour comprendre son organisation précise (micro-traitement chez Goigoux, processus d’intégration chez Giasson) tout en parvenant à prendre le recul nécessaire afin de dégager l’essentiel du superflu à l’aide de connaissances extérieures au texte (macro -traitement chez Goigoux et macro processus et processus d’élaboration chez Giasson). C’est très certainement la nécessité de combiner deux processus cognitifs différents qui rend l’activité de lecture difficile d’autant plus chez des élèves dont la charge attentionnelle est limitée et la capacité à se décentrer peuévidente.

Une bonne compréhension : un objectif du socle commun de compétence

Pourtant, les programmes de français et le socle commun sont unanimes : la compréhension en lecture est un objectif majeur de l’enseignement au collège. Parmi les sept compétences établies par le socle commun, la première est la maîtrise de la langue française et le texte précise qu’elle est une « priorité absolue ». La maîtrise de la langue française passe par « la capacité à lire et à comprendre des textes variés », capacité qui arrive en tête. Dans le livret personnel de compétences, cette capacité est scindée en différents items à valider :
– Adapter son mode de lecture à la nature du texte et à l’objectif proposé.
– Repérer les informations dans un texte à partir des éléments explicites et des éléments implicites nécessaires.
– Utiliser les capacités de raisonnement, ses connaissances sur la langue, savoir faire appel à des outils appropriés pour lire.
– Dégager par écrit ou oralement, l’essentiel d’un texte lu.
– Manifester par des moyens divers sa compréhension de textes variés.
La compréhension en lecture est donc présentée comme étant une compétence essentielle et dont l’acquisition doit être une priorité pour tous les enseignants. Cependant, à la lecture de ces textes ainsi que des programmes de français, on se rend compte qu’aucune indication n’est donnée concernant la démarche à suivre pour l’enseignement de cette capacité. De même,aucune progressivité n’est proposée dans les apprentissages entre la classe de sixième et la classe de troisième.
Le livret personnel de compétence indique néanmoins que l’élève doit savoir « faire appel à des outils appropriés », ce qui sous entend certainement qu’il est nécessaire d’enseigner des procédures de lecture dont l’élève doit savoir se servir. La notion de procédure se retrouve également dans la formule « adapter son mode de lecture ». Cependant, même si l’on retrouve les différents processus cognitifs nécessaires à la compréhension en lecture (repérer les informations explicites et implicites, utiliser ses connaissances sur la langue, dégager l’essentiel d’un texte lu), ils sont juxtaposés, ne permettant pas forcément à l’enseignant de comprendre le lien existant entre l’acquisition de ces différentes capacités et le fait d’être compétent en lecture.
De même, on trouve simplement dans le préambule des programmes de français, l’indication suivante : « En approfondissant ce qui a pu être acquis au cours de l’enseignement primaire, on développe l’aptitude des élèves à s’interroger sur les effets produits par les textes, sur leur sens, leur construction et leur écriture. »
Les programmes de français visent donc le développement de compétences utiles à tout acte de lecture, notamment la maîtrise de la langue, la cohérence textuelle, l’accroissement du lexique et des connaissances du monde mais ils ne proposent pas réellement d’indications sur la manière de développer ces compétences.

Un bagage lexical et culturel insuffisant

De nombreuses études soulignent un appauvrissement du bagage lexical de nos élèves et il est évident que cela nuit à la compréhension en lecture. D’ailleurs, lorsqu’on interroge les élèves ayant des difficultés à comprendre un texte, c’est la principale voire la seule difficulté qu’ils sont capables d’identifier en pointant du doigt les mots qu’ils ne comprennent pas. Pauline et Kendra sont clairement en difficulté d’un point de vue lexical. Si l’on obser ve la partie concernant le vocabulaire des évaluations EGPA, Pauline a acquis 73% du palier I et 27.2% du palier II. Quant à Kendra, elle a acquis 94.74% du palier I et 9.09% du palier II. Pauline comme Kendra valide clairement le palier I mais sont très largement en deçà de ce qu’on attend d’un élève en fin de CM2. On peut s’étonner de l’écart important qui existe entre leur performance au palier I et celle du palier II, mais il est très intéressant de lire ces résultats au regard de ce qu’écrivent Goigoux et Cèbe : « Dès l’âge de 8 ans, l’essentiel des connaissances encyclopédiques, expressions et mots nouveaux appris par un élève se trouve dans les textes qu’il lit (ou qu’on lui lit), quand, jusque là, il provenait des situations de communication orale. Un bon lecteur ne cesse de s’enrichir lexicalement alors qu’un mauvais lecteur s’appauvrit. » Ce déficit lexical et culturel est donc à la fois une cause et une conséquence des difficultés de compréhension en lecture qu’ont nos élèves. Il n’est donc pas étonnant que l’écart entre le palier I et le palier II soit important : on peut supposer que les difficultés importantes qu’ont rencontrées Pauline et Kendra en compréhension en lecture ont ralenti et rendu difficile l’acquisition de nouveaux mots et de nouvelles connaissances.
L’enseignement du lexique est donc essentiel et on peut observer qu’il occupe beaucoup les professeurs de français étant donné la réaction d’un nombre important d’élèves : très souvent, lorsqu’on leur demande de réagir suite à la lect ure d’un texte, ils commencent par énumérer le lexique posant un problème sémantique. Cependant, un bagage lexical et culturel insuffisant n’est pas la seule difficulté de nos élèves. En effet, il arrive régulièrement que certains élèves auxquels on a expliqué le vocabulaire inconnu demeurent incapables de saisir le sens d’un texte.

Des difficultés à assurer la cohérence textuelle

En effet, pour comprendre un texte dans sa globalité et être capable de se le représenter mentalement, identifier le vocabulaire ne suffit pas. Il faut être capable de relier les phrases entre elles, trier les informations afin de retenir les éléments importants en laissant de coté les autres. Cette intégration sémantique est rendue difficile, car un lecteur peu performant a déjà déployé beaucoup de ses ressources cognitives à l’identification des mots, comme nous l’avons vu plus haut. De fait, on remarque que les élèves parviennent souvent à réaliser cette intégration sémantique en tout début de texte mais ne le font plus ensuite. Ils sont donc incapables de faire évoluer l’image mentale qu’ils se sont créée au commencement du texte et assurer la cohérence textuelle. Leur compréhension est alors incomplète voire fausse.
Autre écueil, leur compréhension se fait en « îlots », ils comprennent les principales informations du texte mais laissent de côté celles qu’ils ne comprennent pas sans que cela leur pose problème, ou encore ne parviennent pas à relier les informations entre elles. Les inférences de liaison sont difficiles à réaliser pour les élèves, en particulier les relations causales mais également les relations temporelles, surtout lorsque les événements ne sont pas présentés dans l’ordre chronologique. Par exemple, il sera extrêmement difficile pour un élève en difficulté de comprendre qu’un auteur explique les causes qui ont poussé un personnage à agir, en particulier si ces causes sont exposées après que l’action du héros ait été mentionnée.
Or, cela est très fréquent dans les textes.
Pauline éprouve clairement des difficultés à faire des inférences, elle perçoit quelques détails du texte, mais ne parvient pas à les relier entre eux. Elle éprouve également des difficultés à repérer le nombre de personnages, étant donné que les reprises anaphoriques sont sources de confusions. De fait, elle est, la plupart du temps, incapable de se créer une image mentale du texte, ou de dégager les idées essentielles. Un des premiers textes que j’ai pu étudier avec elle était Les Fées de Charles Perrault, il l’a beaucoup déstabilisée. Lorsque je lui ai demandé ce qu’elle avait compris, elle m’a répondu « rien ». Je lui ai donc demandé quels étaient les personnages de l’histoire. Elle a tout de suite parlé de la veuve, elle a su expliquer le sens de ce mot. Elle avait compris que la veuve avait deux filles mais n’a pas su en dire plus. Je lui ai alors demandé de répondre à un petit QCM, en n’hésitant pas à relire le texte. Ce QCM m’a permis d’identifier qu’elle avait compris des choses et elle répondait logiquement à la plupart des questions. Par contre, elle confondait les deux sœurs : elle n’a pas identifié clairement laquelle était aimée et laquelle était détestée par la mère , elle n’a pas compris que l’aînée n’allait pas à la source avec plaisir, que la fée changeait d’apparence. Elle a retenu une série d’éléments (et l’utilisation du QCM l’y a aidée) mais elle n’a compris ni le sens global du texte, ni les relations qu’entretiennent les personnages entre eux.
Kendra, quant à elle, a plus de facilité à réaliser des inférences, elle parvient plus facilement à assurer la cohérence textuelle. Face au même texte, et placée dans la même situation que Pauline, elle répond correctement et rapidement à l’ensemble des questions. Nous verrons par la suite que Kendra se retrouve en difficulté lorsqu’il faut déduire des informations implicites pour comprendre le texte. De plus, il est important de noter que lorsque Kendra et Pauline sont confrontées à la lecture des Fées, leur compréhension du texte est facilitée par le recours au questionnaire qui guide leur lecture et les aide à faire les inférences nécessaires. De fait,elle accède au sens du texte mais ne sont pas autonomes dans leur lecture.

Des malentendus sur l’activité de lecture

Les difficultés des élèves en ce qui concerne la compréhension en lecture s’expliquent également par le fait qu’ils ne savent pas ce que cela veut dire, et pire ils font un contre -sens.
La plupart des élèves en difficulté pense que comprendre un texte c’est être capable de décoder tous les mots ou encore de rechercher des informations demandé es par un questionnaire.
Ils n’ont pas conscience que lire un texte est une activité dans laquelle il est nécessaire de chercher à comprendre au fur et à mesure de l’avancée du texte. De fait, ils ont beaucoup de difficultés à se montrer actifs et se contentent d’une seule lecture, ce qui leur coûte déjà beaucoup d’énergie. Et même lorsqu’on leur demande de se replonger dans le texte pour améliorer leur compréhension, ils le relisent intégralement, sans être capables de cibler les passages plus complexes. Pauline et Kendra n’ont pas le réflexe de relire spontanément un texte et Pauline a de grandes difficultés à rester concentrée jusqu’au bout de sa lecture, même pour un texte d’une quarantaine de lignes.
Plus problématique, on se rend compte que les pratiques scolaires influencent négativement la représentation que les élèves se font de l’activité de lecture. L’utilisation très fréquente de questionnaires de lecture et même dans une certaine mesure l’échange élèves-professeur, confortent les élèves dans l’idée que la compréhension n’est pas le fruit d’un processus autonome, mais qu’elle dépend d’un questionnaire ou du questionnement du professeur et donc d’une aide extérieure. Comment rendre les élèves autonomes alors qu’à chaque fois que l’on pratique la lecture en classe, on les place dans une situation de dépendance ? C’est ce que résume très bien Goigoux à travers cette formule : « les professeurs aident les élèves à lire les textes mais sans leur dire comment ils font pour les aider. Toutes ces aides restent implicites et probablement largement non conscientes chez les professeurs eux-mêmes. Elles sont très efficaces car la plus grande partie des élèves parvient en effet à comprendre le texte. Mais lorsque le maître se retire, les élèves sont incapables de se débrouiller seuls ». Il convient donc d’examiner les différents outils qui permettraient aux élèves de se dégager peu à peu de la tutelle du professeur pour être capables de lire correctement de manière autonome.

Des hypothèses pour y remédier

La clarté cognitive

En interrogeant les élèves, on se rend compte qu’ils sont capables d’expliquer ce qu’ils sont en train de faire, mais pas ce qu’ils sont en train d’apprendre. Or, Goigoux explique que les élèves en difficulté sont ceux qui ont le plus besoin de transparence dans les apprentissages, ils ont besoin qu’on les aide à construire une clarté cognitive, et ce sur trois plans:
– Le long terme (utilité des savoirs, rôle dans leur vie quotidienne, ouverture culturelle…)
– Le moyen terme (objectif de fin d’année : savoirs, savoir-faire, représentations)
– Le court terme, dans chaque situation-problème (compétences développées).
Dans le cas présent, c’est davantage la clarté cognitive à court terme qui nous intéresse. Il est important que l’élève sache que lo rsqu’il lit un texte, il ne le fait pas pour répondre à un questionnaire, mais bien parce que le texte que le professeur lui propose présente des difficultés qu’il va avoir à résoudre pour augmenter ses performances en lecture et, de fait, avoir accès à de nouvelles connaissances. Il est important que l’élève identifie clairement l’objectif de la séquence en termes d’apprentissage. Cette clarté cognitive permet aux élèves en difficultés de donner du sens à ce qu’ils font. Cela joue souvent sur leur motivation, mais leur permet également de fixer plus facilement les notions qu’ils vont rencontrer, puisqu’ils ont conscience de l’intérêt de l’acquisition de ces notions. De fait, s’ils identifient clairement le lien entre la notion et l’objectif qu’elle permet d ’atteindre, ils auront plus de facilité à la réutiliser dans une autre situation.

L’enseignement de stratégies

Cependant, la clarté cognitive seule ne permet pas de rendre des élèves autonomes en lecture.
En effet, on observe que lorsque le professeur explique à l’élève les processus métacognitifs qui agissent lorsqu’il lit (ou lorsqu’il l’aide à en prendre conscience), il est extrêmement présent auprès de l’élève. Cet élève reste donc dans une position de dépendance à l’égard du professeur. Au mieux, en cas de réussite de l’activité, il ne s’attribue pas réellement cette réussite et pire, en cas d’échec, il ne comprend pas pourquoi il n’y est pas parvenu alors qu’il a fait tout son possible. Se développe alors un sentiment d’injustice et de découragement.
L’enseignement avec un maximum de clarté cognitive doit donc s’accompagner, comme le recommandent de nombreux chercheurs, de l’enseignement de stratégies de lecture. Que ce soit Goigoux, Cèbe, Oczkus ou Mc Laughlin et Allen, ils montrent tous que l’acquisition de stratégies permet aux élèves de gagner en autonomie en lecture. Ces stratégies ont l’avantage de donner un cadre à l’élève en difficulté. Face à une situation inconnue et sans cadre, l’élève a tendance à solliciter immédiatement l’adulte témoignant son impuissance. Au contraire, offrir une stabilité à l’élève, un schéma qui pourrait apparaître a priori contraignant, permettrait à l’élève d’exercer son autonomie. Ce besoin de stabilité, théorisé notamment par Bruner , permet aux élèves d’être dans un cadre sécurisant nécessaire à la réflexion, à l’intérieur duquel ils vont pouvoir anticiper, contrôler leur lecture, découvrir de nouvelles choses. De fait, ils accèdent, sans l’adulte, au sens d’un texte, ce qui ne peut qu’augmenter leur sentiment de compétence et entraîne de nouveaux progrès.
Dans cette perspective, la méthode d’apprentissage Lector&Lectrix est intéressante puisqu’elle propose une démarche permettant l’acquisition de ces stratégies. Cependant, cette méthode est difficilement utilisable telle quelle en cours de français, puisque les textes proposés ne sont pas toujours littéraires, mais très souvent des faits divers et ils sont de niveaux très différents afin de pouvoir être utilisés tout au long de la scolarité au collège, de la sixième à la troisième. De fait, je me suis imprégnée des principes pédagogiques et didactiques de cette méthode, sans réellement utiliser ces séquences, même si je pense que j’aurai l’occasion d’y recourir de temps en temps, dans mes expériences futures

MISE EN PLACE ET ANALYSE

La mise en place de l’enseignement réciproque

Séance de présentation des stratégies

Cette séance n’a pas eu lieu en septembre, tout d’abord parce que Kendra et Pauline n’étaient pas encore incluses mais également parce que je n’en avais pas encore pris connaissance à travers mes lectures. Elle a eu lieu un peu avant les vacances de Noël. De fait, à ce moment là de l’année, je connaissais bien le niveau de mes élèves en compréhension en lecture et leurs besoins. Cette séance a duré un peu plus d’une heure : je leur ai expliqué que nous allions rédiger ensemble une fiche-outil intitulée « comment bien comprendre un texte ? » et que nous allions l’expérimenter immédiatement en corrigeant le DS bilan de séquence. Cette évaluation finale portait notamment sur la compréhension du texte La princesse au petit pois de Hans Christian Andersen. Nous avons commencé par faire la liste de toutes les techniques que les élèves utilisaient, ou qu’ils connaissaient sans forcément les utiliser, lorsqu’ils cherchaient à comprendre un texte. Très rapidement, ils ont identifié l’ensemble des stratégies, sauf celle correspondant au verbe « prédire ». Je leur ai alors expliqué que toutes les stratégies évoquées pouvaient se résumer en quatre verbes, que j’allais leur demander de retenir afin de pouvoir peu à peu être capables d’utiliser ces stratégies pour n’importe quel texte et dans n’importe quelle matière.
Ils ont très bien compris les termes « questionner » et « résumer ». Le terme « clarifier » a, par contre, dû être explicité mais cela a permis de mettre en œuvre la stratégie correspondante. En effet, je leur ai expliqué qu’une des manières de clarifier le sens d’un mot était d’étudier samorphologie, d’identifier ses suffixes, préfixes et de se demander si on ne connaissait pas un mot de la même famille. Ils ont, de fait, rapidement pu déduire que clarifier quelque chose voulait dire « rendre plus clair ». Un élève a rebondi en expliquant qu’il était important de clarifier les mots qu’on ne connaissait pas pour comprendre un text e. J’ai ensuite attiré leur attention afin qu’ils ne réduisent pas le sens de « clarifier » au simple fait d’expliquer le vocabulaire inconnu : clarifier c’est aussi identifier les passages plus complexes et essayer de comprendre pourquoi ils résistent à notre compréhension. Je leur ai expliqué que certains passages fonctionnaient comme des énigmes, et qu’il fallait tenter de rassembler des indices au fil du texte pour accéder au sens. J’ai insisté sur la nécessité d’être actif et de posséder des techniques pour décoder les passages les plus difficiles. Le texte La princesse au petit pois de Hans Christian Andersen, était intéressant à cet égard, car la dernière phrase du texte « Et ceci est une vraie histoire » est réellement énigmatique, son sens est largement implicite, voirehermétique. Il présentait une réelle difficulté pour l’ensemble des élèves, même pour des lecteurs plutôt performants. Quelques élèves n’y avaient pas trop prêté attention et s’étaient arrêtés à une lecture explicite sans se poser de question ni prendre du recul vis-à-vis du texte : « si Andersen dit que son histoire est vraie, c’est qu’elle a eu lieu dans la réalité ». Mais pour une grosse majorité, le fait qu’Andersen termine son conte par « Et ceci est une vraie histoire » les a interpelés. Ils ont globalement manifesté leur incompréhension, ce qui est positif. Cela veut dire qu’ils ont intégré le fait que le conte est un genre particulier qui possède ses propres codes dont l’un est la présence de l’imaginaire. Il est donc absurde de terminer un conte en disant que c’est une histoire qui a existé dans la réalité. Je leur ai donc précisé que c’était très bien de se poser des questions, et que le fait que cela leur semble bizarre, devait les inciter à essayer de comprendre cette phrase autrement. Mais comment ? Je leur ai dit que le reste du texte devait forcément nous aider et que peut être il serait intéressant de s’attarder sur le mot « vraie ». Ils ont relevé que l’adjectif était récurrent dans le texte, toujours utilisé pour caractériser la princesse. Je leur ai alors demandé de m’expliquer avec leurs mots ce qu’était une « vraie princesse ». Ils ont établi ensemble la liste suivante : sensible, qui n’a aucun défaut, parfaite, authentique. Je leur ai fait remarquer qu’ils avaient oublié « qui existe dans la réalité, réelle », ils ont rejeté ma proposition en réussissant à expliquer que le mot « vraie » a plusieurs sens et que celui que je leur proposais n’était pas adapté. Je les ai donc invités à trouver le sens adapté à la dernière phrase. Un élève a alors spontanément émis un jugement de valeur en disant que l’auteur « se la pétait » en affirmant que son conte n’avait pas de défaut, qu’il était parfait. J’ai alors insisté sur le fait qu’il nous avait fallu du temps, et nous poser des questions pour réussir à comprendre le sens de cette phrase mais que c’était eux qui y étaient parvenus, qu’ils étaient donc capables d’y arriver en se forçant à se poser des questions.
La même démarche a été réalisée pour les trois autres verbes « prédire », « questionner » et « résumer ». A chaque fois, j’essayais de leur donner des outils en m’appuyant sur les documents d’Oczkus (voir annexe 3, 4, 5 et 6), tout en les invitant à les utiliser immédiatement, afin qu’ils les expérimentent et puissent se rendre compte de leur utilité.

Un cadre de l’activité de lecture

Suite à cette séance, l’utilisation de ces quatre stratégies a été largement généralisée lors de l’activité de lecture pour que les élèves se familiarisent avec ces stratégies, et qu’elles puissent devenir un cadre rassurant au sein duquel ils pourraient devenir des lecteurs autonomes. J’ai donc essayé de systématiser le recours à ces stratégies sans pour autant les utiliser de manière caricaturale et comme entrée principale de l’étude des textes. En effet, il me semble important que les élèves continuent à réagir spontanément, avec leurs émotions, lorsqu’ils lisent un texte, et qu’ils ne croient pas que lire un texte se réduit à plaquer ces quatre stratégies. L’objectif est bien que les élèves parviennent à avoir recours à ces stratégies mais uniquement lorsqu’ils en ont besoin, sans que cela devienne une obsession et les empêche d’apprécier untexte.
L’utilisation de ces stratégies m’a néanmoins poussée à revoir la manière d’évaluer mes élèves en terme de compréhension de texte. En effet, je souhaitais, pour clore ma séquence sur la lecture intégrale du Petit Prince, évaluer leur compréhension en lecture. Mais en observant l’évaluation que j’avais utilisée l’année précédente, je me suis rendue compte que je n’évaluais pas vraiment leur compréhension globale, mais davantage leur compréhension de détails et leur capacité à réutiliser des points de grammaire et des connaissances vus pendant la séquence. J’ai choisi de repenser complètement mon évaluation et de la centrer sur la compréhension globale en différant l’évaluation des connaissances et de la grammaire à un autre moment. J’ai choisi de travailler à partir d’un extrait différent de celui des années précédentes, le chapitre XXII qui est la rencontre entre le petit prince et l’aiguilleur (voir annexe 7). L’extrait est court mais complexe et oblige les élèves à réfléchir et à utiliser des stratégies pour en découdre avec le sens du texte. J’ai essayé de concevoir mon questionnaire comme un moyen de les aider dans ce cheminement et non comme une succession de questions disparates vérifiant leur compréhension de détails. J’ai donc conçu les questions de l’évaluation comme des aides pour utiliser les trois stratégies qui me semblaient nécessaires à la compréhension correcte de l’extrait.

Un travail plus précis pour approfondir certaines stratégies

Il m’a semblé important également que les élèves prennent conscience que les différentes stratégies n’ont pas la même pertinence et la même utilité selon les textes. Par exemple, ils ont compris que lorsqu’on étudiait en classe des extraits du Petit Prince, la stratégie « prédire » n’avait pas beaucoup de sens puisqu’ils avaient déjà tous lu intégralement le texte et qu’ils avaient déjà des attentes précises en relisant le passage. Cette stratégie a donc été peu travaillée durant la séquence. Par contre, j’ai pu la travailler avec les élèves lors de la séquence qui concernait l’étude des Métamorphoses d’Ovide. Cette séquence est construite à partir d’un groupement de textes évoquant différentes métamorphoses de la mythologie. Nous avons commencé par étudier la métamorphose de Daphné. Suite à cette métamorphose et avant la lecture de la deuxième, j’ai demandé aux élèves de prédire ce qu’ils allaient lire.
Cette stratégie est vraiment intéressante à plusieurs égards, d’abord parce qu’elle apporte un côté ludique qui plaît aux élèves (ils font un parallèle avec l’activité de voyance qui les amuse) et crée une appétence. Par ailleurs cela m’a permis de voir ce qu’ils avaient retenu de la métamorphose précédente sans les évaluer formellement ou sans leur poser la question « Alors qu’est-ce que vous avez retenu de la séance précédente ? », rappel au combien nécessaire, mais qui est souvent rébarbatif aux yeux des élèves. Enfin, et c’est le but principal de cette stratégie, elle aide les élèves à établir une intention de lecture et leur permet, pendant la lecture, de mieux interagir avec le texte : quelles prédictions étaient bonnes ? Quels passages du texte contredisent mes prédictions ?
Après l’étude de la métamorphose de Daphné, voici les prédictions proposées par les élèves :
– Il va y avoir quelque chose qui se transforme (2 élèves)
– On va lire une métamorphose d’Ovide (11 élèves)
– Il y aura un personnage de la mythologie grecque (7 élèves)
– On va lire un autre poème de la mythologie grecque (1 élève)
– Il va y avoir de la magie (1 élève)
– Il y aura la présence d’un dieu de la mythologie grecque (3 élèves)
– Il y a une personne qui va se métamorphoser parce qu’elle est en danger (1 élève)
– Ça va parler d’aventure (Pauline)

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Table des matières
I DESCRIPTION DU CADRE DE L’EXPERIMENTATION
1) Présentation de l’établissement
2) Présentation de la classe
3) Mise en place de l’inclusion
II LA COMPREHENSION EN LECTURE
1) Qu’est ce que la compréhension ?
a. Définition
b. La compréhension en lecture : quels processus cognitifs ?
c. Une bonne compréhension : un objectif du socle commun de compétence
2) Ce qui dysfonctionne chez un lecteur peu performant
a. Un bagage lexical et culturel insuffisant
b. Des difficultés à assurer la cohérence textuelle
c. Des malentendus sur l’activité de lecture
3) Des hypothèses pour y remédier
a. La clarté cognitive
b. L’enseignement de stratégies
c. De nouveaux principes didactiques
III MISE EN PLACE ET ANALYSE
1) La mise en place de l’enseignement réciproque
a. Séance de présentation des stratégies
b. Un cadre de l’activité de lecture
c. Un travail plus précis pour approfondir certaines stratégies
2) Analyse des progrès
a. … des élèves en général
b. …de Kendra
c. …de Pauline
3) Les limites de la démarche
a. Un cadre encore friable
b. Une continuité nécessaire
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE 
ANNEXES

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