La compréhension d’albums de littérature de jeunesse à l’école maternelle

La littérature de jeunesse occupe une place importante dans les programmes de l’école maternelle depuis les programmes de 2002. Les instructions officielles de 2015, en vigueur aujourd’hui, soulignent que « l’école maternelle occupe une place privilégiée pour offrir [aux élèves] une fréquentation de la langue de l’écrit, très différente de l’oral de communication » à travers la lecture de textes de littérature de jeunesse mais aussi de textes documentaires. L’origine de mon questionnement résulte de ma pratique de classe : j’ai remarqué que les moments d’écoute d’album sont très appréciés des élèves. Au cours de cette activité de réception, ils sont à l’écoute, attentifs au texte lu et impatients de découvrir les images. Cependant, je me suis rapidement interrogée sur ma pratique, d’une part, qui se limitait à des questions préparées en amont puis posées aux élèves et sur son efficacité, d’autre part, pour développer des compétences de compréhension chez les élèves. Comment travailler la compréhension autrement que sous la forme d’un questionnement adressé aux élèves ? Quelles difficultés l’enseignant doit-il aider de jeunes élèves à surmonter, sur le plan de la compréhension, lors de l’étude d’œuvres de littérature de jeunesse? Pour tenter de répondre à ce questionnement, il s’agira de présenter, dans un premier temps, la place de la lecture littéraire à l’école, l’album, choisi ici comme support pour conduire cet apprentissage et de s’interroger sur les problèmes de compréhension et d’interprétation rencontrés par les élèves. Dans un second temps, je m’attacherai à décrire le dispositif mis en place dans une classe de grande-section afin de tenter de répondre à ma problématique puis les données recueillies seront analysées et interprétées.

Le cadre théorique 

Littérature et lecture littéraire

Définir la littérature est quelque peu problématique. Certains auteurs ont tenté d’en délimiter les contours. Le titre du chapitre 2 d’un ouvrage de Poslaniec (2002) Agiter les pieds dans le plat ou Sait-on définir la littérature présage de la difficulté, voire de l’impossibilité de le faire. La définition ne peut utiliser la frontière parfois dressée entre un texte de fiction et un texte fonctionnel puisque celle-ci est floue. Il semble, selon lui, que la postérité soit un bon indicateur pour déterminer si une œuvre est littéraire ou non mais ce critère est peu satisfaisant puisque nous nous interdisons alors tout jugement sur les œuvres contemporaines. Marcoin (2002) s’est aussi interrogé sur la « chose littéraire ». Il indique que le mot de littérature renvoyait autrefois à tout ce qui était présenté sous forme de « lettres », et plus particulièrement à tout un ensemble de textes, aussi bien religieux que juridiques ou scientifiques, qui étaient dits d' »autorité ». Aujourd’hui encore, on parle d’une littérature scientifique. De nos jours, des ouvrages de vulgarisation pour la jeunesse, transmettent une documentation au travers de personnages et de situations fictives, sans pour autant être classés dans le rayon « littérature ». Il s’interroge, comme Poslaniec, sur la distinction du « fictionnel » et du « non fictionnel », et qui ne correspond pas exactement à la distinction entre « littéraire » et « non littéraire ». Marcoin (2002) indique que « la notion de lecture littéraire conduit parfois à négliger tout ce qui relèverait du savoir, de la morale ou de l’émotion, pour s’appliquer à des problèmes spécifiques, qu’on ne rencontrerait pas dans d’autres sortes de textes, philosophiques ou scientifiques ». Il reconnaît que cette approche est tentante, puisqu’ elle permet d’aborder les textes comme des problèmes à résoudre. Le plaisir de l’élucidation reste un objectif essentiel pour le développement cognitif de l’enfant. Mais il s’agit moins, selon lui, d’expliquer le texte ou de le commenter que de repérer les blancs ou les nœuds, les endroits où  » ça joue « , comme on dit qu’un mécanisme  » a du jeu « .

Marcoin (2002) conclut ainsi :
En définitive, si l’on est incapable de répondre à la question :  » Qu’est-ce que la littérature ? « , il n’en reste pas moins qu’il existe une distinction entre le littéraire et le non-littéraire, distinction antérieure à mon expérience, distinction imposée en quelque sorte, même si elle est contestable et sans cesse fluctuante. Cette distinction est signifiée par les livres eux-mêmes, par leur présentation, par la collection dans laquelle ils s’insèrent, et les études littéraires accordent une place grandissante à l’histoire de la librairie. (Marcoin, 2002, para 23) .

Si définir les contours de la littérature n’est pas aisé, Catherine Tauveron (2002) met tout de même en évidence plusieurs caractéristiques du texte littéraire :
– il est lacunaire : le lecteur doit imaginer consciemment ou inconsciemment une multitude de détails non fournis. Il achève l’œuvre. Le lecteur ne doit pas seulement faire des inférences mais aussi combler des béances. Cela implique deux opérations: la détection et le comblement, que le maître opère bien souvent à la place de l’élève par son questionnement.
– il peut être stratégiquement ambigüe voire contradictoire. L’ambiguïté peut se trouver au niveau des personnages, de leurs motivations, de l’issue de leur parcours, ou encore au niveau de l’univers dans lequel ils évoluent.
– il a du jeu (expression aussi utilisée par Marcoin ci-dessus) et le sens du jeu. Elle envisage la lecture littéraire comme l’occupation d’un territoire de jeu. Ce territoire se présente comme une aire parcourue d’accidents sémantiques (silences, ambigüités, contradictions), d’allusions à un hors texte (en communication avec d’autres textes, culture à mobiliser) dans laquelle le lecteur se heurte à des obstacles pensés. Le jeu que le texte littéraire initie est un jeu interactif. Le lecteur doit être doté d’initiatives c’est-à-dire traiter chaque élément du texte comme un indice potentiel. Cela exige une « occupation » des lieux, une appropriation de la part du lecteur.

Un tel texte nécessite une activité à la jonction du cognitif et du culturel, il va s’agir d’expliciter, avec les enfants eux-mêmes la règle du jeu. Tauveron (2002) emploie différentes images pour caractériser les différents rôles qu’endosse le lecteur face au texte littéraire : il joue au détective qui rassemble les indices et les pièces éparses du puzzle. Il est orpailleur, cherchant des filons de sens. Il doit conjuguer méfiance et adhésion : être sur ses gardes pour éviter les leurres, tomber dans les pièges pour évaluer leur finesse, tel un stratège. Il doit interpréter, faire appel à sa mémoire affective et culturelle et enfin être un tisserand, c’est-à-dire tisser des liens entre les mots du texte et avec d’autres textes. Très utilisé à l’école comme support des premières lectures littéraires adressées aux enfants, il convient de mettre en évidence les spécificités de l’album de jeunesse.

Un support : l’album

L’album est un objet initialement conçu pour s’adresser à des non lecteurs. L’une de ses spécificités est donc de toucher son public par des médiateurs qui, d’une part, achètent le livre, et d’autre part le lisent souvent à haute voix pour ce public. Ceci-dit, le lectorat s’est étendu à des enfants plus âgés, notamment des élèves de cycle trois. L’album est définit par Sophie Van Der Linden (2006) comme un ouvrage dans lequel l’image se trouve spatialement prépondérante par rapport au texte, qui peut d’ailleurs en être absent. La narration se réalise de manière articulée entre texte et image. L’album convoque donc deux langages : le texte et l’image. Le sous-titre de l’ouvrage Lire la littérature de Demougin et Elbaz (2005) parle de lui-même : « Lire l’image, lire le texte ». Il confirme la présence de ce double langage dans les albums. Afin de mieux cerner ce support d’apprentissage ainsi que les rapports entre le texte et l’image, nous présentons les caractéristiques du texte d’album et la notion d’image. Parce que le texte d’album s’inscrit dans un support dont l’image est prédominante, nous souhaitons mettre en avant quelques unes de ses caractéristiques (Van Der Linden, 2006). Tout d’abord, le texte d’album est bref. Cela s’explique par la question de la place du discours verbal dans un support où l’image est spatialement, et parfois sémantiquement prédominante. De plus, comme il est souvent destiné à être lu à voix haute à un enfant non lecteur, le texte est souvent distribué sur l’espace de la page en quelques courts passages. Ensuite, dans l’album, les mises en pages sont particulièrement travaillées du point de vue de l’articulation formelle du texte et des images. Les textes sont ainsi très dépendants du support, de la taille des images, et ils doivent le plus souvent accompagner les images. L’album présente une forte cohérence à l’échelle de la double page. Comme la lecture s’élabore par des allers et retours entre le message du texte et celui de l’image, un texte court permet de maintenir un rythme de lecture relativement équilibré entre les deux expressions. Le texte d’album est par nature elliptique et incomplet. En effet, si l’auteur et l’illustrateur travaillent ensemble ou si l’auteur réalise les illustrations, alors ce dernier, lors de l’écriture du texte, prend en compte l’apport de l’image du point de vue du sens. Il évite généralement les descriptions de personnages et de lieux pour éviter les redondances avec les images. Effectivement, le sens du récit émane à la fois du texte et de l’image. La lecture de l’image est donc tout autant importante pour comprendre que celle du texte d’album. Van der Linden (2006) insiste sur ces deux lectures : Les images, dont la portée est très certainement universelle, n’en relève pas moins d’un acte de lecture. La lecture d’image ne relève que trop rarement d’un apprentissage, d’autant qu’elle doit progressivement disparaître de notre parcours de lecteur. Or l’image réclame une attention, une connaissance de ses codes et une réelle interprétation. (Van der Linden, 2006, p.8) .

Demougin (2006) définit l’image comme « un langage spécifique et hétérogène qui, en tant que tel, se distingue du monde réel et en propose une représentation choisie, nécessairement orientée ». Lire l’image c’est accéder à un sens produit, sans pouvoir épuiser, par définition, toutes les potentialités de significations qu’elle renferme. Ses recherches l’ont conduite à mettre en évidence trois types de messages de l’image qui constituent son message global :
– le message linguistique c’est-à-dire les mots accompagnant l’image : titre, légende…
– le message plastique : les couleurs, les formes, la composition
– le message iconique correspondant aux motifs figuratifs analogiques .

La signification primaire de l’image, qui est une compréhension minimale,peut être complétée par des significations secondaires issues d’ interprétations plus riches. L’image a été intégrée aux cours de français, à l’école puis au collège et au lycée, au XIXième siècle avec les abécédaires. Elle est apparue à l’école sous des formes très diverses : gravures, photographies, dessins… Depuis, l’image a été promue au rang d’objet d’étude et d’enseignement. Les programmes officiels de 2002 préconisaient d’aborder les albums « dans un subtil échange entre texte et images », de réaliser une verbalisation autour des images. Aujourd’hui, les programmes officiels de l’école maternelle (Ministère de l’éducation nationale, 2015) invitent les élèves à « observer, comprendre et transformer des images ». Ils apprennent à caractériser les différentes images et leurs fonctions, à distinguer le réel de sa représentation.

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Table des matières

Introduction
1. Contexte de la recherche
1.1. Le cadre théorique
1.1.1. Littérature et lecture littéraire
1.1.2. Un support : l’album
1.1.3. Comprendre un récit : qu’est ce que comprendre un récit ?
1.1.4. Différents problèmes de compréhension que peuvent rencontrer les élèves
1.1.5. Des dispositifs didactiques
1.2. Le contexte professionnel : la place de la compréhension dans les instructions officielles
2. Problématique
3. Méthodologie de la recherche
3.1. Le terrain de la recherche
3.2. Dispositif et présentation des albums choisis
3.3. Présentation des albums étudiés
3.3.1. Roule Galette
3.3.1. Poulerousse
3.3.2. Plouf !
3.4. Mode de recueil des données
4. Analyse des résultats
4.1. Critère 1 : Nombre d’élèves qui parviennent à formuler un élément implicite du récit, lors des échanges oraux et des moments de formulation à l’écrit
4.2. Critère 2: Mise en évidence, par les élèves, des écarts entre ce que disent et pensent des personnages, les écarts entre ce qu’ils font croire à d’autres et ce qui
est vrai
4.3. Critère 3 : lecture d’images pour lever l’implicite du récit
5. Interprétation finale et discussion
Conclusion
Références bibliographiques

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