La communication selon Jakobson 

La communication selon Jakobson 

La théorie des actes de langage

En parlant, l’émetteur réalise un acte de langage. Est acte de langage tout ce qui dans l’énoncé est susceptible de déclencher une réaction, verbale ou non, chez l’interlocuteur.
La théorie des actes de langage initiée par Austin (1962) et systématisée par Searle (1969) constitue l’un des éléments fondateurs de l’approche pragmatique contemporaine (Rousseau, 2011). Selon ces auteurs, les variations des intentions introduites au niveau des caractéristiques textuelles et/ou contextuelles peuvent modifier l’acte social mis en œuvre par le locuteur. Lorsque le locuteur produit un énoncé, il met en relation deux composantes : la forme linguistique des énoncés et les caractéristiques de la situation (Dardier, 2004).
John Langshaw Austin
Le philosophe anglais Austin est considéré comme le pionner de la pragmatique et de la théorie des actes de langage. Pour lui le langage sert à accomplir des actes. Dardier (2004) reprend les deux classifications d’Austin (1962).
La première classification est liée au fait que la signification des mots est influencée par le contexte. Il y a des énoncés qui servent à décrire le monde (les constatifs : « Le petit garçon joue au ballon ») et d’autres qui servent à accomplir une action sur l’environnement (les performatifs : « Je te demande de bien vouloir faire du silence »).
Austin va abandonner cette opposition entre énoncés constatifs et performatifs et va établir une seconde classification. Il va considérer qu’avec un énoncé, un locuteur peut réaliser trois types d’actes. L’acte locutoire (acte d’énoncer quelque chose). L’acte illocutoire (acte social effectué en disant quelque chose). Et l’acte perlocutoire, (relève des conséquences de ce que l’on a dit, c’est l’effet de l’énoncé).
Dans les traces d’Austin, Searle tente de redéfinir cette théorie.
John Searle
Il considère que le langage est avant tout un moyen d’action sur le monde. Searle (1969) reformule les principes d’Austin et élabore une théorie du langage fondée sur l’action. Pour lui la pragmatique des actes de langage se restreint à l’acte illocutoire. Il part de l’idée qu’à chaque contenu exprimé correspond une force illocutoire notée (Rousseau, 2011). Cet acte permet de théoriser le décalage entre ce qui est dit et ce qui est signifié (Allain, Aubin, & Le Gall, 2012). Pour lui, un même énoncé peut accomplir plusieurs actes de langage à la fois et des énoncés différents peuvent correspondre à un même acte illocutoire.
La théorie des actes de langage tout comme le modèle de Grice (1975) permet de théoriser le
rôle de la situation de communication dans l’interprétation des énoncés (Laval, Aguert, & Gil, 2012).
Les règles du discours selon Grice
Selon Moeschler et Reboul (1998), la théorie de Grice (1975) a eu une influence importante dans le développement de la pragmatique. Grice considère qu’il existe entre les personnes qui désirent communiquer entre elles, un principe de coopération.
Ce principe repose sur l’idée selon laquelle les participants s’attendent à ce que chacun d’entre eux contribue à la conversation de manière rationnelle et coopérative pour faciliter la communication (Laval, et al., 2012). Ce processus implique le respect de règles communes et d’effort coopératif. Cette idée de coopération est explicitée par quatre maximes conversationnelles (quantité, qualité, relation et manière) qui permettent d’assurer la continuité de l’échange.
Le respect de ces règles et de cette organisation nécessaires à la communication implique des processus cognitifs particuliers.

La pragmatique et les fonctions exécutives

es fonctions exécutives sont importantes dans plusieurs tâches de traitement du langage et permettent de coordonner diverses sources linguistiques (syntaxe, sémantique) et extralinguistique (pragmatique, contexte) impliquées dans la communication (Novick & Hussey, 2012).
L’hypothèse d’un dysfonctionnement exécutif est de plus en plus exprimée pour expliquer les troubles pragmatiques. La conversation induit des situations d’interaction à part entière et plusieurs compétences dites « exécutives » sont requises dans cette situation (Dardier, 2004). Ces fonctions semblent donc être responsables de l’organisation du discours et de la gestion de la conversation avec un rôle possible dans la maîtrise de la pragmatique (Peter-Favre, 2002 ; Dardier, Fayada, & Dubois, 2006).Le système exécutif, géré principalement par les lobes frontaux, intervient dans la planification et la programmation des actions et dans l’adaptation à toute situation nouvelle. Une situation communicationnelle étant une situation nouvelle, elle nécessiterait donc l’utilisation du système exécutif avec la mise en place de processus contrôlés (Dardier & Bernicot, 2000). Les divers troubles pragmatiques observés chez les patients avec lésions frontales sont souvent considérés comme étant l’une des conséquences de perturbations des fonctions exécutives (Peter-Favre, 2001).Monetta et Champagne (2004) relèvent trois processus exécutifs susceptibles d’expliquer les troubles pragmatiques. Tout d’abord, l’inhibition : dans une situation d’échange un déficit du contrôle inhibiteur pourrait entraîner des difficultés dans l’inhibition du sens littéral de l’énoncé pour accéder au sens second. Un deuxième processus exécutif impliqué dans la communication serait la flexibilité. Une étude de Brownell et al. en 1986 (Monetta & Champagne, 2004) explique qu’une réduction de la flexibilité pourrait entraîner des difficultés à prendre en compte les différents sens possibles d’un énoncé selon le contexte (difficultés à se détacher du sens premier qui s’impose pour accéder au sens second). Enfin, un troisième processus mis en cause dans la pragmatique serait la planification, les sujets auraient des difficultés à gérer les éléments organisateurs du discours.Ces relations entre fonctionnement exécutif et pragmatique sont nées d’études sur les cérébrolésés frontaux qui auraient déclarés des troubles de la communication. Dans le cas de lésions frontales, il a été rapporté des difficultés à changer de thème lors d’une conversation (Dardier, Delay, & Laurent-Vannier, 2003). Dans des situations d’interviews, les patients cérébrolésés frontaux ont une tendance à simplifier leurs propos, à multiplier les redondances, les temps de pauses et les digressions, à utiliser des expressions incongrues, à multiplier les tours de paroles et à faire des changements de thème inappropriés (Dardier & Bernicot, 2000). Une étude de Dardier, Delaye et Laurent-Vannier en 2003 s’est penchée sur les capacités pragmatiques des enfants et adolescents lésés frontaux. Elle avait comme objectif de tester si les patients avaient plus de difficultés pragmatiques que les sujets contrôles dans l’analyse d’énoncés de demandes. Des histoires de la vie quotidienne étaient présentées sous forme de photographies. A chaque fois deux images associées à des légendes, contenant les énoncées de demandes, étaient proposées au participant et il devait dire si la seconde allait avec la première. Les auteurs ont conclu que les sujets lésés frontaux étaient plus en difficulté que les contrôles dans l’analyse pragmatique.
Tandis que des études se sont portées principalement chez des patients cérébrolésés frontaux, des études chez une population Alzheimer restent encore peu développées.
Le principe de coopération, les règles conversationnelles et le fonctionnement exécutif constituent un cadre théorique pour l’analyse de certains troubles pragmatiques.

La Maladie d’Alzheimer

La Maladie d’Alzheimer (MA)

La MA est une maladie neuro-dégénérative d’évolution progressive. Elle est la cause principale de démence et de dépendance lourde chez le sujet âgé. L’évolution se fait sur plusieurs années avec l’apparition d’une dépendance progressive avec retentissement sur les activités de la vie quotidienne et sur l’entourage.
Les troubles mnésiques progressent peu à peu jusqu’à l’atteinte d’autres sphères cognitives (Saint-Aubert et al., 2011). Au début, les troubles cognitifs semblent porter sur la mémoire épisodique et le passé récent puisqu’ils sont liés à un défaut de mémorisation des nouvelles informations. Les troubles du langage sont les plus fréquents après les troubles de la mémoire, et débutent par un manque du mot en évoluant vers la perturbation du système sémantique. Les fonctions exécutives semblent altérées précocement. Des troubles praxiques d’intensité variable sont relevés par la suite. En revanche, les troubles gnosiques sont moins fréquents.
Critères diagnostiques
Les critères diagnostiques initiaux, établis en 1984 (Mc Kahnn et al. ou critères NINSCD-ADRDA), ont été révisés récemment lors de l’International Conférence à Hawaï (2010) (Annexe 1). Trois nouvelles recommandations sur la MA ont été publiées en avril 2011 par Alzheimer’s & Dementia : The Journal of the Alzheimer’s Association. Elles résultent du travail de trois groupes d’experts sollicités par le National Institute on Aging (NIA) et l’Alzheimer’s Association (AA). En effet, depuis ceux définis par McKhann en 1984 (McKhann et al., 1984), le développement de connaissances sur la neuro-imagerie et les marqueurs biologiques in vivo a donné naissance à des critères de diagnostic plus précoces. L’intérêt de ces nouveaux critères est de pouvoir détecter les signes d’une MA dès les premiers stades, avant que l’altération cognitive ait une répercussion sur l’autonomie (Dubois et al., 2010).
Les recommandations prennent en compte trois aspects majeurs (Croisile et al., 2011). Les aspects précliniques, le trouble cognitif léger (Mild Cognitif Impairment : MCI) et la démence due à la MA. Ces élargissements confortent la pensée selon laquelle la maladie commence à créer des changements distincts et mesurables dans le cerveau des années, voire des décennies, avant la perception de symptômes affectant la mémoire et les autres sphères cognitives.
Dans une seconde partie, nous allons décrire avec précision les difficultés langagières et plus particulièrement, communicatives, qui peuvent apparaître dans la MA.

Les troubles de la communication dans la Maladie d’Alzheimer

Plusieurs études ont permis de mettre en avant certaines caractéristiques propres à la communication dans la MA.
Capacités lexico-sémantiques, phonologiques et syntaxiques
Au stade initial de la maladie, de nombreux auteurs décrivent un trouble lexico-sémantique tandis que les capacités syntaxiques et phonologiques sont plutôt préservées (Rousseau, 1994 ; Strubel et al., 2007 ; Taler & Phillips, 2008 ; Rousseaux, Sève, Vallet, Pasquier, et Mackowiak-Cordoliani, 2010 ; Rousseau, 2011a ; Tsantali, Economidis, & Tsolaki, 2013). Ce trouble se traduit généralement par un manque du mot, masqué par des périphrases ou des paraphasies verbales sémantiques. Les fluences lexicales sont généralement appauvries. La compréhension orale et écrite est bien préservée.
Au stade modéré de la maladie, le trouble lexico-sémantique s’accentue : le manque du mot est plus présent et les paraphasies sémantiques plus fréquentes (Rousseau, 1994). La fluence verbale est effondrée et le discours prend un aspect dyssyntaxique. On relève de nombreuses persévérations dans le discours. Des difficultés à suivre une conversation longue sont notées (Rousseau, 1994). A ce stade, les capacités syntaxiques restent encore supérieures aux capacités lexico-sémantiques.
Au stade le plus évolué, la production et la compréhension du langage sont très touchées (Rousseaux et al., 2010). Parfois, persistent dans le discours des formules très automatisées telles que les formules de politesse. Ces patients utilisent de plus en plus de mots sans signification et de moyens non-verbaux (Rousseau, 1994). L’utilisation de mots génériques entraîne un discours vague et peu informatif (Barkat-Defradas et al., 2008).

Les troubles pragmatiques

Le patient atteint de la MA présente des troubles de la communication de diverses natures et d’origines différentes (Rousseau, 2007). Ces dernières années, l’évolution des capacités pragmatiques dans la MA a fait l’objet d’études dont la plupart mettent en évidence un déficit pragmatique qui complique l’échange (Berrewaerts et al., 2003 ; Barkat-Defradas et al., 2008).
Selon Berrewaerts, Hupet, et Feyereisen (2003), la compétence pragmatique étant définie comme la capacité d’un individu à effectuer des choix de contenus, de formes et de fonctions appropriés au contexte, elle va impliquer à la fois la maîtrise d’habiletés cognitives générales et la maîtrise d’habiletés spécifiques.

Les aspects généraux 

L’efficacité dans la transmission des informations : elle concerne la capacité à transmettre de l’information pertinente de manière plus ou moins concise. Les patients atteints de la MA produisent moins d’unités d’information mais autant de mots que les contrôles dans une tâche de description d’images, ce qui les rend moins performants (Berrewaerts et al., 2003). Laine, Laakso, Vuorinen et Rinne (voir Berrewaerts et al., 2003) observent, lors d’interviews sur l’histoire professionnelle en cotant chaque phrase sur une « échelle d’informativité », que le discours des Alzheimer est moins informatif que celui du groupe contrôle. La communication de personnes Alzheimer est donc globalement moins efficace que celle des personnes normales (Blanken, Dittman, Haas, & Wallesch, 1988), ce qui réduit la cohérence du discours (Rousseau, 1994).La cohérence du discours : la cohérence dépend du maintien du thème. Au plan discursif nous relevons une incohérence narrative chez les patients Alzheimer (Barkat-Defradas et al., 2008). Laine, Laakso, Vuorinen, et Rinne (1998) ont proposé d’étudier la cohérence en distinguant la cohérence locale et globale.
Locale : lien d’une phrase avec celle qui la précède immédiatement.
Globale : lien d’une phrase avec le sujet général de la conversation.
Ces deux études observent, lors d’interviews (à propos de leur famille ou d’une expérience professionnelle) avec des patients atteints de la MA, un déficit significatif de la cohérence thématique globale et pas de déficit significatif de la cohérence locale.
Lors d’interactions spontanées, il est possible d’observer chez les patients une incapacité à maintenir le sujet en cours de manière claire et suivie (Ripich & Terrell, 1988). Le changement de thème intervient plus souvent après un échec à continuer le sujet en cours ou après la répétition d’une idée (Garcia & Joanette, 1997).
Globalement, si, le discours des sujets Alzheimer se caractérise par une moindre cohérence que celui des personnes âgées (Rouseau, 1994), celle-ci ne semble pas entraver la communication, du moins dans les stades légers et modérés de la maladie (Ripich & Terrell, 1988). Selon ces mêmes auteurs, cette incohérence serait liée au manque de cohésion.
Altération de la cohésion : la mesure de la cohésion du discours se base sur un usage d’outils linguistiques. Halliday et Hasan (voir Berrewaerts et al., 2003) ont identifié cinq types principaux d’outils ou procédés de cohésion : la référence, la substitution, l’ellipse, la conjonction et la cohésion de type lexical. La plupart des études a porté sur l’apparition d’erreurs référentielles chez les malades d’Alzheimer, c’est-à-dire l’utilisation de noms ou pronoms sans référent ou avec un référent ambigu dans le discours qui précède (ex : Eric et Paul naviguaient en mer quand soudain il aperçut une île) (Rousseau, 1994 ; Berrewaert et al., 2003).
Malgré ces fréquentes erreurs référentielles, les productions des malades Alzheimer ne sont pas pour autant totalement décousues. Certaines études montrent que les malades restent capables, jusque dans les stades modérés, d’utiliser toute une série d’outils de cohésion, parfois dans les mêmes proportions que des personnes âgées sans pathologie. D’autres études montrent une diminution de l’utilisation des outils de cohésion avec l’avancée de la maladie

Les aspects spécifiques 

La compétence narrative : une étude de Kemper et al., (Rousseau, 2009a) s’est penchée sur cette compétence. Ils ont proposé des situations de narration en solo suivies de situations de narration assistées par le conjoint. Les auteurs observent que les narrations en solo des patients Alzheimer sont moins longues et plus fragmentaires que celles de leurs conjoints et que le discours des patients est plus élaboré et complet en présence de leur conjoint. La compétence narrative semble facilitée chez les malades par l’intervention et la guidance du conjoint.Barkat-Defradas et al. (2008) renforcent l’idée selon laquelle il y a une incohérence narrative dans le discours des patients Alzheimer. Il peut y avoir une absence de lexicalisation d’éléments cruciaux du récit mais également des intrusions d’épisodes n’appartenant pas à l’histoire source.La gestion des tours de parole et des actes de langage : un des fondements de la compétence conversationnelle est la maîtrise de l’alternance des rôles. Des observations montrent que même à un stade avancé de la démence, l’alternance des tours de parole est fonctionnelle (Rich & Ollagnon, 2012). Mais ils nécessitent des pauses plus longues lors d’un changement d’interlocuteur (Berrewaerts et al., 2003). Causino Lamar et al. (voir Berrewaerts et al., 2003) observent également des latences de tour de parole plus longues au stade avancé.

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Table des matières

I/ CONTEXTE THEORIQUE 
A/ Introduction
B/ La pragmatique
1) La communication selon Jakobson 
2) Les principales théories pragmatiques en Psychologie
3) La pragmatique et les fonctions exécutives
C/ La Maladie d’Alzheimer
1) La Maladie d’Alzheimer (MA) 
2) Les troubles de la communication dans la Maladie d’Alzheimer
3) L’influence des différents facteurs sur les capacités de communication
4) Maladie d’Alzheimer et fonctionnement exécutif
D/ Vieillissement normal et communication
II/ PARTIE EXPERIMENTALE 
A/ Problématique
B/ Hypothèses
C/ Méthode
1) Participants 
2) Matériel
3) Procédure
III/ RESULTATS
A/ Comparaisons de moyennes
1) Test exécutif : BREF 
2) Test de communication : GECCO
3) Echelle de comportement exécutif : BRIEF-A
B/ Analyses de corrélations
1) Corrélations entre le score à la BREF et la GECCO
2) Corrélations entre le score à la BRIEF-A et la GECCO
IV/ DISCUSSION GENERALE 
Limites
V/ CONCLUSION GENERALE

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