La communication à l’heure de l’économie de l’attention

LA COMMUNICATION A L’HEURE DE L’ÉCONOMIE DE L’ATTENTION

L’économie de l’attention comme caractéristique de la modernité occidentale

Alors qu’il était Président-Directeur Général du groupe TF1 en 2004, Patrick Le Lay a défini le modèle économique de la chaîne éponyme dans ces termes : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible ». Sans rentrer dans les considérations éthiques que les propos de M. Le Lay soulèvent, cette affirmation illustre toutefois le fait qu’il ne suffit pas pour une marque de communiquer : encore faut-il être vu et/ou entendu, et idéalement que le message que la marque souhaite faire passer soit compris. Ce qui suppose donc que l’individu soit attentif au moment où il est exposé au message, faisant de cette attention une ressource que les annonceurs cherchent à acquérir. Or, le terme attention se définit comme une « tension de l’esprit vers un objet à l’exclusion de tout autre » : accorder son attention à quelque chose relève donc d’un processus mental qui exige de la concentration, ou a minima un certain intérêt. Ce qui implique que pour être attentif, un individu doit réussir à exclure une partie de son environnement immédiat afin de se concentrer sur un nombre plus réduit de stimuli. Une disposition intellectuelle difficile à atteindre, et surtout à soutenir, dans un environnement moderne où l’individu est sans cesse soumis à de nombreux stimuli sensoriels : la locution prêter attention illustre parfaitement le fait qu’être attentif représente généralement une action plutôt ponctuelle, et exercée le plus souvent dans un laps de temps limité, voire très court.

Dans l’ouvrage L’économie de l’attention: Nouvel horizon du capitalisme ? (2014), le théoricien Yves Citton soutient que cette question de l’attention est justement une des caractéristiques de la modernité occidentale : « c’est à la fin du XIXe siècle, dans les sciences humaines et plus particulièrement dans le domaine naissant de la psychologie scientifique, que le problème de l’attention est devenu une question fondamentale […]. Son importance a été directement liée à l’émergence d’un espace social, urbain, psychique et industriel de plus en plus saturé de stimuli sensoriels. ». En effet, car bien qu’attirer l’attention du chaland ait toujours été au cœur de l’offre marchande, les dispositifs de production modernisés ont permis de produire plus, plus vite et pour moins cher. Il en a donc résulté une profusion de produits, mais dont la consommation était basée sur une conception principalement utilitariste, c’est-à-dire sur la valeur d’usage de ces produits. Cependant, à partir des années 1970, la consommation s’est peu à peu désengagée de cette conception, Jean Baudrillard ayant mis en évidence que la consommation était devenue « une activité de production de significations et un champ d’échanges symboliques ». Les consommateurs ne consommant pas de simple produits mais le sens de ces produits, c’est l’image qui a commencé à faire la différence. A la profusion de l’offre s’est donc ajoutée une profusion de messages et de contenus publicitaires destinée à faire vendre. Capter l’attention de l’individu est alors devenu un enjeu central de l’économie. Un enjeu si important que s’est développé un nouveau genre d’économie appelé « économie de l’attention », selon l’expression introduite par l’auteur Michael Goldhaber en 1997. Alors que le principe de l’économie capitaliste repose sur l’optimisation des choix au regard de la rareté des marchandises et des services, l’économie de l’attention postule que la ressource rare est désormais l’attention des consommateurs, les biens et les services n’étant plus perçus comme porteurs de valeur car trop nombreux. Mais audelà de l’abondance de l’offre, M. Goldhaber explique que ce sont les accélérations induites par la démocratisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication, Internet en tête, qui ont conduit à la rareté hégémonique de l’attention humaine.

Les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (ou « NTIC »), recouvrant à la fois l’ensemble des techniques utilisées pour le traitement et la transmission des informations et les contenus d’informations qui ont pour supports ces technologies, ont en effet entraîné un nouveau modèle de société. Avec l’avènement des NTIC par la suite, l’information est devenue la première des matières premières, transformant la société moderne en une véritable société de l’information. Une société où chaque information diffusée entraîne elle-même de nouvelles données et où l’on a un accès virtuellement illimité à toutes ces informations, mais qui a également menée à une société de « l’infobésité » selon la formule consacrée.

Ces nouvelles technologies ont également aboli les frontières géographiques et temporelles de l’économie, ainsi que de nombreuses barrières d’entrée, aboutissant à une nouvelle culture mondialisée dans laquelle les marques sont omniprésentes. La mutation numérique a donc entraîné une concurrence mondiale, autant issue de l’industrie traditionnelle que des startups. D’autant que la logique de marque s’est propagée à toutes les sphères de la société : les médias ou les territoires sont ainsi devenus des marques à part entière par exemple, mais cette logique s’applique également aux individus eux-mêmes avec la notion de « personal branding ». Dans cet écosystème où la mondialisation et la marchandisation font loi, la compétition pour l’attention des consommateurs ne concerne donc plus seulement les annonceurs traditionnels mais tous les producteurs de contenus. A cela s’ajoute le fait que les NTIC ont permis l’intégration des individus au processus médiatique et commercial, avec la démocratisation d’Internet dans les années 2000, puis le développement des réseaux sociaux. D’une logique d’offre, où les rôles d’émetteurs et de récepteurs étaient clairement déterminés et les interactions plutôt ponctuelles, nous sommes passés à une logique de la demande avec le numérique. Cette perte du monopole médiatique des acteurs traditionnels a permis aux individus de devenir actifs dans leurs interactions avec les marques, rendant la rétroaction possible et obligeant les marques à adopter une communication dite « horizontale ». Mais cela a également abouti à une complexification du système médiatique et une explosion des échanges.

Toutefois, ces nouvelles technologies ont été perçues comme une opportunité pour les marques, l’émergence de nouveaux moyens de communication offrant de nouveaux points de contact avec les consommateurs et de nouveaux supports pour déployer les écosystèmes des marques. Les techniques du marketing et de la communication se sont donc retrouvées complètement altérées en vingt ans à peine par ces nouvelles technologies et les usages issus de leurs utilisations : le marketing traditionnel, comprenant l’affichage la presse, la radio, la télévision et le cinéma, s’est retrouvé à la fois enrichi et complexifié par le numérique. S’adaptant aux habitudes des consommateurs, le marché publicitaire a largement migré vers le digital, passant d’une communication de masse à une communication plus personnalisée. Cependant, cette migration numérique s’est largement ancrée dans une approche quantitative de la communication (déjà répandue dans le milieu publicitaire), « selon laquelle diffuser le plus d’information et le plus rapidement possible permet de mieux communiquer, et donc au final, de mieux être compris », entraînant une explosion des messages et des contenus marketing. Une approche renforcée par l’essor des smartphones, suite au lancement de l’Iphone par Apple en 2007, et d’une société de plus en plus mobile. La communication des marques envers les consommateurs devient alors permanente ou dite « ATAWAD », l’acronyme pour « Any Time, Any Where, Any Device ». Ce qui a pour effet d’inscrire la communication dans l’immédiateté, une information en chassant sans cesse une autre, occasionnant le  primat du présent et le règne de l’éphémère. La communication réagit alors à cet impératif de l’immédiateté par une stratégie de compulsion et de répétition des messages, créant ainsi un cercle vicieux où l’abondance des contenus réduit largement leur force de captation et donc leur efficacité.

Ainsi, bien que les marketeurs et communicants disposent de plus de moyens que jamais auparavant pour atteindre les consommateurs du fait de la démocratisation des technologies du numérique, cette même démocratisation conduit à une profusion d’informations liée à l’explosion des émetteurs, des contenus et des points de contact. L’attention se retrouve alors limitée par cette surabondance : la quantité d’informations à laquelle les consommateurs ont désormais accès est largement supérieure à la capacité attentionnelle dont ils disposent pour en prendre connaissance, conduisant donc à une saturation du « temps de cerveau disponible». Les communicants font ainsi face à une « crise permanente de l’attention » de consommateurs toujours plus sollicités, ce qui a pour effet de pervers de faire de l’attention un élément toujours plus central dans les stratégies des marques.

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Table des matières

INTRODUCTION
I- COMMUNICATION, EXPERIENCE ET REALITE VIRTUELLE
1- La communication à l’heure de l’économie de l’attention
1.1- L’économie de l’attention comme caractéristique de la modernité occidentale
1.2- Les enjeux communicationnels des marques dans un contexte de « crise de l’attention »
2- Les rapports entre expérience et marketing : l’approche expérientielle
2.1- Retour historique sur la notion d’expérience dans le marketing
2.2- Le marketing expérientiel : l’expérience sensorielle et émotionnelle comme nouvel idéal
2.3 – Les nouvelles technologies au service de la communication expérientielle
3- The Edge : un exemple de la VR comme outil de communication expérientielle
3.1- Définition, caractéristiques et usages de la réalité virtuelle
3.2- Présentation et contextualisation de l’expérience The Edge
II- LA REALITE VIRTUELLE, ENTRE OPPORTUNITE ET TECHNO-DISCOURS
1- The Edge : la réalité virtuelle en tant qu’opportunité pour la communication des marques
1.1- Immersion et théâtralisation de l’expérience
1.2- L’interactivité : quand le consommateur devient acteur
1.3- Une technologie jugée « émotionnelle »
2- Des techno-discours au service de la légitimation de l’innovation technologique
2.1- La nouveauté et l’innovation technologique comme réponses aux problèmes du marketing et de la communication
2.2- Le décalage entre les discours de l’innovation et la réalité du marché
2.3- Les techno-discours comme mise en scène valorisante de l’innovation technologique
III- REALITE VIRTUELLE ET METAPHYSIQUE PROGRESSISTE, LA DIFFUSION DE NOUVEAUX MTYHES
1- Des techno-discours s’inscrivant dans une certaine idéologie du progrès
1.1- Retour historique et caractéristiques de l’idéologie du progrès
1.2- La métaphysique progressiste moderne
1.3- L’impératif de l’innovation appliqué aux entreprises
2- Les techno-discours, vecteurs de la médiatisation de mythes
2.1- La réalité virtuelle ou l’imaginaire de l’illimitation
2.2- La réalité virtuelle ou l’imaginaire de la manipulation
A) Une conception problématique des émotions
B) Une représentation problématique du corps
3- Recommandations
CONCLUSION

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