La colonisation de nouveaux milieux

La colonisation de nouveaux milieux

Les modèles de dispersion

Un des modèles de dispersion les plus simples est une diffusion graduelle par laquelle les individus se déplacent en continu à la limite de l’aire de distribution de l’espèce (Wilson et al. 2009). Ce mode de dispersion nécessite le maintien d’une connexion physique étroite entre le milieu d’origine et le milieu nouvellement colonisé. C’est ce type de dispersion que l’on observe dans la recolonisation des milieux après les périodes glaciaires (e.g. François et al. 2008; García-Marín et al. 1999). Les individus peuvent également atteindre et coloniser de nouveaux milieux en se déplaçant via des couloirs qui connectent physiquement l’aire native et le milieu colonisé (Wilson et al. 2009). On peut citer en exemple l’ouverture du canal de Suez qui a permis le passage de la crevette tigrée Marsupenaeus japonicus, originaire de la Mer rouge, vers la Méditerranée (Galil 2007). Si un nouvel habitat potentiellement favorable à l’espèce est éloigné de l’aire de répartition native, une dispersion à longue distance est nécessaire. Wilson et al. (2009) ont décrit deux grandes catégories de dispersions à longue distance se différenciant par la présence ou l’absence de flux géniques entre l’aire native et colonisée. Les dispersions à longue distance sont considérées comme des évènements rares et stochastiques, dont il est difficile de quantifier la fréquence et les distances moyennes (Nathan et al. 2003, Nathan et al. 2008).

Les déplacements naturels et ceux liés aux activités humaines

Si la dispersion naturelle active par la nage, la marche, ou le vol se fait le plus souvent sur de courtes distances, la dispersion passive via les vents ou les courants marins contribue au déplacement depuis les zones natives des espèces à la fois sur de courtes et sur de longues distances (Gillespie et al. 2012). La dispersion par le vent est un trait important pour un certain nombre d’insectes (Encadré 2). Les oiseaux constituent aussi un moyen de dispersion efficace pour les plantes et pour un certain nombre d’espèces d’arthropodes (Green & Figuerola 2005; Reynolds et al. 2015; Scott et al. 2001) La dispersion en relation avec les activités humaines serait le principal vecteur d’introduction d’espèces non-natives dans de nouveaux milieux (Lockwood et al. 2013). En effet, en colonisant l’ensemble de la planète et en développant ses moyens de transports, les populations humaines ont contribué au transport de nombreuses espèces (Hulme et al. 2008; Wilson et al. 2009). Ces dispersions à grande échelle spatiale peuvent être classées en introduction intentionnelle ou accidentelle.

L’introduction intentionnelle d’espèces non-natives, c’est-à-dire le déplacement d’organismes dans une nouvelle zone avec une finalité, est très ancienne et a largement accompagné le développement des civilisations (Wilson et al. 2009). Lors de ses migrations, les populations humaines ont prélevé de leur milieu d’origine des espèces animales ou végétales, notamment celles servant à l’alimentation, pour les amener avec elles. On peut citer le cas de la pomme de terre, Solanum tuberosum, originaire de la Cordillère des Andes aujourd’hui cultivée partout dans le monde (Spooner et al. 2005). Le développement de la lutte biologique contre des organismes nuisibles est également à l’origine d’introductions volontaires. Largement développée au cours du XXe siècle, elle consiste à introduire un ennemi naturel d’un nuisible ou d’un ravageur pour réduire ses effectifs et donc les dommages causés par celui-ci (Hoddle 2004).

La coccinelle asiatique aphidiphage, Harmonia axyridis, originaire de Chine a ainsi été importée en Amérique du Nord au début du 20ème siècle puis en Europe dans les années 80 afin de lutter contre les pucerons (Berkvens et al. 2010). Par opposition, l’introduction accidentelle est le déplacement d’espèces non-natives de manière involontaire, sans finalité, et en lien avec les activités humaines (Hulme et al. 2008). Ce type d’introduction date des premières migrations humaines transcontinentales comme l’illustre la dispersion du rat du Pacifique, Rattus exulans, qui a suivi les mouvements humains lors de la colonisation de la Polynésie (Matisoo-Smith et al. 1998). Ce phénomène a connu une augmentation significative au cours des deux derniers siècles suite à l’intensification des échanges commerciaux et l’amélioration des modes de transport (Tatem & Hay 2007). Des exemples existent d’organismes dispersés à l’échelle intercontinentale via les eaux de ballasts des navires (Ruiz et al. 2000) ou les soutes d’avions (Tatem & Hay 2007).

La pression de propagule

Durant la phase d’introduction, seul un faible pourcentage des individus prélevés dans l’aire d’origine survivront aux conditions de transport et seront relâchés dans le nouvel habitat. De nombreux auteurs estiment que la « pression de propagule », c’est-à-dire le nombre d’introductions (nombre de propagules) et le nombre d’individus par arrivée (taille de propagule) est le principal facteur influençant le succès global de l’invasion (Blackburn et al. 2015; Lockwood et al. 2005). La probabilité d’établissement d’une espèce dans un nouveau milieu est plus importante si elle est fondée par un grand nombre d’individus et si ces individus sont relâchés à plusieurs endroits différents et à plusieurs reprises (Blackburn et al. 2015). Cependant, au cours de leurs transports et de leurs installations, les populations peuvent être soumises à des goulots d’étranglement, conduisant à une réduction drastique de leurs tailles (Nei et al. 1975).

Ces populations de petite taille seront plus vulnérables aux processus génétiques et démographiques, ce qui peut considérablement influencer la suite du processus d’invasion. Si la population subsiste sous ce faible effectif pendant plusieurs générations, la diversité génétique sera réduite par l’effet de la dérive génétique2. Par conséquent, la population introduite sera caractérisée par une diversité plus faible et des fréquences alléliques différentes de celles de l’aire native. La variance génétique additive3 sera aussi plus faible (Lee 2002). Cette réduction de la diversité génétique et/ou les changements induits par la dérive vont avoir un effet négatif sur l’évolution adaptative et le succès d’établissement de l’espèce (Bock et al. 2015). D’un point de vue démographique, le nombre limité d’individus fondateurs peut impacter leur survie, une population de faible densité étant soumise à de plus grands risques d’extinction en raison de l’effet Allee4 (Courchamp et al. 1999).

Toutefois, les conséquences associées au faible effectif des populations introduites peuvent être contrebalancées par le nombre d’introductions. En effet, la probabilité qu’une population s’établisse peut augmenter avec le nombre de fois et/ou le nombre d’endroits où les individus sont relâchés (Lockwood et al. 2009; Simberloff 2009). L’effet des introductions multiples dépend à la fois des caractéristiques temporelles de l’invasion, c’est-à-dire l’accumulation de matériel génétique au cours du temps par la population envahissante (Dlugosch & Parker 2008), mais aussi spatiale, l’introduction multiple à des endroits différents pouvant augmenter les chances que les individus relâchés rencontrent un environnement favorable (Duncan et al. 2014). D’un point de vue génétique, les introductions multiples peuvent avoir un effet de « secours génétique » (Carlson et al. 2014) enrichissant la diversité génétique particulièrement lorsqu’elles impliquent des populations sources différentes (Sakai et al. 2001). En effet, les individus issus de croisements entre les individus installés et les immigrants peuvent présenter un avantage sélectif. De plus, de nouvelles combinaisons génétiques absentes de l’aire native peuvent apparaitre suite à l’introduction récurrente d’allèles provenant de sources génétiquement différenciées et compenser la perte

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Table des matières

Préface
Introduction générale
I.La colonisation de nouveaux milieux : un processus complexe
I.1. L’étape d’introduction dans le nouveau milieu
I.1.1. Les modèles de dispersion
I.1.2. Les déplacements naturels et ceux liés aux activités humaines
I.1.3. Les facteurs contribuant au succès de transport
I.2. La survie et l’installation dans le nouveau milieu
I.2.1. La pression de propagule
I.2.2. Les effets de l’environnement sur le succès de l’établissement
I.2.3. L’adaptation à l’environnement colonisé
I.3. La prolifération démographique et l’expansion géographique
II.L’étude des routes d’invasion
III. Colonisation et maladies émergentes : exemple de Culicoides imicola
III.1. Quelques généralités sur les Culicoides
III.1.1. La dispersion, un trait d’histoire de vie important
III.1.2. Le rôle nuisant et vecteur des espèces de Culicoides
III.2. Culicoides imicola et le virus de la FCO dans le bassin méditerranéen
III.2.1. Culicoides imicola : une espèce envahissante ?
Problématique et objectifs de la thèse
Chapitre I : Histoire évolutive de la colonisation du bassin méditerranéen par C. imicola
Colonization of the Mediterranean Basin by the vector biting midge species Culicoides imicola: an old story
Introduction
Materials and Methods
Results
Discussion
Conclusion
Références
Figures and Tables
Supplementary Information
Chapitre II : Colonisation du sud de l’Europe par C. imicola : rôle de la dispersion
Dispersal dynamics of the biting midge vector species Culicoides imicola (Diptera: Ceratopogonidae) in the Mediterranean Basin: role of airborne dispersal
Introduction
Materials and Methods
Résulta
Discussion
Conclusion
Références
Figures and Tables
Supplementary Information
Chapitre III : Expansion géographique et colonisation de nouveaux milieux à la limite nord de la répartition de C. imicola
Range expansion of the Bluetongue vector Culicoides imicola in continental France thanks to meteorological events
Introduction
Results
Discussion
Methods
Références
Figures and Tables
Supplementary Information
Spatio-temporal genetic variation of the biting midge vector species Culicoides imicola (Ceratopogonidae) Kieffer in France
Background
Materials and Methods
Résulta
Discussion
Conclusion
References
Figures and Tables
Supplementary Information
Discussion générale
I.De l’Afrique au sud de l’Europe : l’histoire de la colonisation de C. imicola
II.Approche multi-marqueurs : congruences, discordances et perspectives
II.1. Discordances mito-nucléaires : structure des populations natives de C. imicola
II.2. Discordance mito-nucléaire : liens généalogiques entre populations
II.3. Approche multi-marqueurs : perspectives
III. Culicoides imicola : expansion géographique versus invasion biologique?
III.1. Un statut à clarifier pour la côte sud du bassin méditerranéen
III.2. Une invasion naturelle facilitée par la dispersion naturelle à longue distance
III.3. Les facteurs clefs du succès d’invasion de C. imicola : quelles perspectives ?
Gestion et lutte : une issue possible ?
Conclusion générale
Références

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