La classe mutuelle en France, l’exemple du Lycée Dorian

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L’enseignement mutuel

« Je sais beaucoup mieux ce qu’un ami m’enseigne », telle est la devise de l’enseignement mutuel, issue du discours sur les avantages de l’enseignement mutuel de Victor Hugo (Hugo,1819-1820). En effet, l’enseignement mutuel est une méthode de pédagogie active plaçant l’élève au centre de son apprentissage. Cette pédagogie repose sur un principe relativement simple, où dans une classe à plusieurs niveaux et plusieurs âges, l’enseignement se structure « autour des élèves les plus âgés ou les plus avancés, ces derniers ayant la charge de partager leur savoir avec d’autres plus jeunes ou moins avancés. ». (Faillet & Becchetti-Bizot, 2017). Aussi, l’enseignant transmet les savoirs disciplinaires à un groupe d’élèves, qui deviendront ensuite des moniteurs, « pivots de la méthode » ayant pour mission de transmettre les notions à acquérir à leurs camarades. C’est pourquoi la méthode peut également être qualifiée de « monitoriale ».
Cette méthode déjà usitée au XIXe siècle, était pratiquée dans quelques « petites écoles » où les élèves les plus doués instruisaient alors les plus jeunes. On pouvait alors observer des salles de classe organisées autour de grands tableaux sur lesquels les élèves travaillaient en groupes comme illustré sur la gravure ci-après (Figure 2).

Responsabiliser, motiver : des clés pour favoriser l’implication et l’apprentissage.

Responsabilisation des élèves

Le centre national de ressources textuelles et lexicales définit la responsabilisation, dans l’article « responsable » par le devoir de « rendre compte et répondre de ses actes ou de ceux des personnes dont on a la garde ou la charge ». Si on applique cette définition aux élèves dans un contexte scolaire, nous pouvons donc définir la responsabilisation des élèves par le devoir d’accomplir une mission confiée par un enseignant, et d’assumer la méthode et les moyens usités pour y parvenir. Ainsi, confier des missions d’entraide entre pairs à des élèves, leur donner un rôle de moniteur et les responsabilités qui s’y affèrent permet de responsabiliser les élèves et leur donner les outils nécessaires pour acquérir une certaine autonomie au sein de la salle de classe. La responsabilisation des élèves permet de rendre chacun d’eux actif dans leur apprentissage (pédagogie active). De plus, à plus long terme, la responsabilisation étant intimement liée à la transmission des valeurs de la République, elle participe à la genèse de futurs citoyens responsables. On peut d’ailleurs noter que les élèves sont d’ores et déjà responsabilisés au sein de leur établissement scolaire et ce par le biais du règlement intérieur qui confère des droits et des devoirs à chacun des acteurs d’un établissement scolaire. Aussi, pourquoi ne pas utiliser la responsabilisation des élèves au sein d’une salle de classe au profit de leur apprentissage ?
Il existe de nombreuses études sur la responsabilisation des élèves et les moyens techniques d’y parvenir ; à titre d’exemple, le numéro 12 du Cahier d’Éducation & Devenir, paru en 2011, expose les données des journées régionales d’étude organisées autour d’un thème commun : « Comment responsabiliser les élèves, nos futurs citoyens ? » (Obin & al, 2011). Jean-Pierre Obin (universitaire français en lettres et sciences humaines et ancien inspecteur général de l’Éducation Nationale) y fait remarquer que « le mot « responsabilité » a aujourd’hui le plus souvent un sens négatif. Une catastrophe ? Un accident ? Il faut en chercher les responsables, établir des responsabilités ». Or il faut y voir l’aspect formateur et positif ; en effet, la responsabilisation des élèves a pour objectif le devenir de ces élèves en futurs adultes solidaires, se sentant responsables non seulement d’eux-mêmes mais aussi des autres. Enfin, se voir confier une mission, par exemple dans le cadre de l’enseignement mutuel, peut procurer à l’élève moniteur un sentiment positif d’estime de soi lorsque ce dernier s’aperçoit que le travail qu’il a fourni lui a permis d’acquérir les connaissances mais également de les transmettre avec succès à ces camarades de classe.
Ainsi la responsabilisation des élèves est presque indissociable de l’implication des élèves dans la tâche qui leur est confiée, pour laquelle ils sont qualifiés de responsables. De l’implication de l’élève résultera la réussite de la responsabilité confiée. Mais qu’est-ce que l’implication des élèves ? Comment impliquer un élève en classe ?

L’implication des élèves

Implication et apprentissage:
L’implication des élèves renvoie directement au concept de motivation. Cette motivation va conduire l’élève à être actif et à s’engager pleinement dans la tâche qui lui est proposée. Darleen Pollet, dans une analyse intitulée Elève, acteur actif de son apprentissage : le triple A gagnant ? reprend d’ailleurs les résultats d’étude de Roger Mucchielli, psychologue français, sur les méthodes de pédagogie active des adultes. Dans son ouvrage de 2008 Mucchielli conclue que « l’apprenant apprend mieux s’il est engagé personnellement dans une action. C’est pourquoi, les méthodes actives cherchent à réaliser des situations où les élèves participent en découvrant par eux-mêmes la matière ». (Pollet, 2015).
En effet, lorsqu’il fait attention, l’individu retiendrait environ « 10% de ce qu’il lit, 20% de ce qu’il entend, 30% de ce qu’il voit, 50% de ce qu’il voit et entend en même temps, 80% de ce qu’il dit, 90% de ce qu’il dit en faisant quelque chose à propos de quoi il réfléchit et qui l’implique ». Aussi, l’implication des élèves serait la clé de la pédagogie active au profit de la compréhension et de l’assimilation des leçons par les élèves.
Motiver les élèves pour les impliquer:
Impliquer les élèves revient à construire une séance de cours à partir de leur travail, que ce soit des productions orales ou écrites. C’est donc passer d’un contexte uniquement transmissif à un contexte collaboratif où l’enseignant et les élèves construisent ensemble la leçon la plus complète possible. Mais c’est également rendre les élèves actifs, faire participer les élèves à l’oral, à l’écrit, attendre d’eux des productions de qualité, et donc leur donner des responsabilités. Cela n’altère en rien le rôle majeur de l’enseignant, puisqu’il reste seul à choisir ce qui doit être conservé comme trace de la leçon. Il reprend les productions des élèves en y apportant d’éventuelles corrections ou compléments, en utilisant un vocabulaire plus spécifique et en conceptualisant les dires des élèves. Le professeur reste donc toujours maître de son cours.
Dans leur article Climat motivationnel instauré par l’enseignant et implication des élèves en classe : l’état des recherches, paru dans la Revue française de pédagogie, en 2006, les auteurs Philippe Sarrazin, Damien Tessier et David Trouilloud mettent en lien la motivation des élèves et leur implication en classe. Cet article qui présente l’état des recherches sur les pratiques enseignantes et leurs effets sur la motivation des élèves « montre d’une part les conséquences positives d’un climat de maîtrise et les effets controversés d’un climat de compétition, et d’autre part les bienfaits d’un style soutenant l’autonomie des élèves au contraire d’un style contrôlant ». (Sarrazin, Tessier & Trouilloud, 2006).
Le « climat » dont il est question ici, fait appel à tout ce que va faire l’enseignant : sa voix, son attitude, les activités et les séquences mises en place… ou pour en donner une définition plus pédagogique : « Le climat motivationnel regroupe les comportements mis en œuvre, les activités proposées, la nature des interactions, le climat psychologique aménagé, les feedbacks délivrés » (Sarazzin, Tessier & Trouilloud, 2006).
Selon le climat instauré, le professeur influence les buts poursuivis par l’élève. Dans un climat de compétition, les élèves vont avoir tendance à s’orienter vers des buts de performance, d’implication de l’ego (Sarazzin, Tessier & Trouilloud, 2006). Dans un climat dit de maitrise les élèves s’orientent plus volontiers vers un but d’implication dans la tâche (Ames, 1992). Egalement, il semblerait qu’un élève motivé par l’accomplissement en autonomie et en responsabilité de la tâche qui lui a été confiée s’impliquerait davantage qu’un élève motivé par la compétition sous le contrôle de l’enseignant. (Roberts & Treasure, 1992).
Sachant que, du fait de leur éducation et leur expérience, chaque élève va spontanément être motivé par l’un ou l’autre de ces climats, il appartient au professeur de trouver, au fil des séances, un équilibre pour satisfaire et motiver l’ensemble de ses élèves.
Dans tous les cas, l’implication et la motivation des élèves aboutira à une meilleure compréhension des notions abordées en classe et, à priori, favoriserait la rétention d’informations par les élèves. A ce propos, Benjamin Franklin disait : « Tu me dis, j’oublie. Tu m’enseignes, je me souviens. Tu m’impliques, j’apprends. » (Repéré à http://www.appac.qc.ca/Pedagogie/pedagogieactive1.php).

La motivation des élèves

La définition de la motivation:
« Le concept de motivation représente le construit hypothétique utilisé afin de décrire les forces internes et/ou externes produisant le déclenchement, la direction, l’intensité et la persistance du comportement » (Vallerand & Thill, 1993).
Au vu de cette définition, il apparait que la motivation est un construit hypothétique. Il a cependant été établi que celle-ci dépend à la fois de forces internes et externe.
Les forces internes, c’est l’individu, l’élève lui-même. Il « décide » de la motivation qu’il va insuffler à la tâche qui lui est proposée.
Les forces externes, ce sont à la fois le contexte posé par l’enseignant, ses méthodes, et parfois l’enseignant lui-même. Ces forces peuvent changer, voir révolutionner la motivation des élèves. Nous pensons à ce titre que la classe mutuelle pourrait représenter une force externe qui modifie la motivation des élèves.
Les 3 types de motivation:
On distingue 3 types de motivation, qui peuvent se manifester chez les élèves :
– La motivation intrinsèque : « Je le fais parce que ça me plait ». Le plaisir qui est ressenti est constitutif de l’activité.
– La motivation extrinsèque : « Je le fais de manière utilitaire ». L’élève accomplit une tâche pour obtenir quelque chose de plaisant (bonne note, félicitations, reconnaissance sociale…) ou éviter quelque chose de déplaisant (réprimande, mauvaise note, heure de colle…).
– L’amotivation : « Je n’ai aucune raison de le faire mais je continue ». L’élève est résigné et accomplit la tâche sans but. C’est un manque de contrôle sur l’environnement, une forme de résignation.
Connaissant ces 3 types de motivation, la motivation intrinsèque présente des avantages indéniables : l’élève va éprouver un réel plaisir à effectuer le travail en lui-même. La tâche en elle-même constitue sa récompense. Des éléments de la littérature confirment d’ailleurs cette constatation presque intuitive. Par exemple, « En l’absence de récompenses extrinsèques, les individus qui sont intrinsèquement motivés participent durant leur temps libre et effectuent la tâche plus longtemps » (Cury & Sarrazin, 2001). Cette force de travail semble également persister dans le temps, (Sarrazin, Vallerand, Guillet, Pelletier, & Cury, 2002) et être plus intense (Vansteenkiste, Simons, Soenens, & Lens, 2004).
L’enseignant, en tant que force externe, va constituer un facteur de motivation extrinsèque, qui pourra, à plus long terme, devenir une motivation intrinsèque si l’élève éprouve du plaisir à travailler avec son professeur. Sur le court terme, il a été démontré que la motivation extrinsèque peut grandement augmenter la motivation (Viau, 2005). La menace de sanction peut également être un moyen de motivation extrinsèque, dans une certaine mesure. En revanche, les forces externes sont les seules qui soutiennent l’activité de l’élève, lorsque le facteur de motivation extrinsèque disparait, l’élève cessera de travailler. Sur le long terme, La motivation extrinsèque seule pourrait donc être néfaste pour le travail de l’élève. Ce levier de motivation doit donc être utilisée avec parcimonie pour « motiver » et mettre les élèves en activité.
Les 4 niveaux de motivation
La motivation comporte 4 niveaux qui peuvent être évalués :
– 1er niveau : le déclanchement du comportement, la mise en activité de l’élève.
– 2e niveau : la direction : ce vers quoi l’élève va être motivé. Il peut être motivé par le professeur, par la matière enseignée, par le fait de retrouver ses amis, par la menace des parents… sans pour autant être motivé par la tâche proposée. Comprendre ce niveau de motivation, c’est s’interroger sur le but de la mise en activité.
– 3e niveau : l’intensité de la mise en activité. Celle-ci renvoie au niveau d’implication de l’élève. Si on ne met pas d’intensité dans son apprentissage, l’apprentissage ne sera qu’approximatif.
– 4e niveau : la persistance de la mise en activité : c’est le maintien du comportement dans le temps ; ce temps peut être multiple : Les 55 min du cours, la totalité des cours d’une semaine, d’un trimestre, d’une année et tout au long de la scolarité.

La classe mutuelle en France, l’exemple du Lycée Dorian

Vincent Faillet est professeur de Sciences de la Vie et de la Terre au Lycée Dorian de Paris. Il est un fervent défenseur de « l’enseigner autrement », et plus particulièrement de la classe mutuelle. Il le dit lui-même dans la préface de son livre paru en 2017 (Faillet & Becchetti-Bizot, 2017) : « j’ai cru que le professeur devait dispenser son savoir, que les élèves devaient toujours écouter, parfois faire, pour finalement espérer apprendre ».
Organisation de la classe mutuelle:
D’une salle de classe « normale », peuplée d’élèves (plus ou moins) silencieux et immobiles, assis à leur table bien en place dans sa rangée, face au tableau et au professeur, Vincent Faillet a construit SA classe mutuelle. Il a voulu mettre en place un nouvel espace d’enseignement et d’apprentissage. Et il a puisé dans les idées du passé pour amener des concepts d’avenir.
Le premier pas vers sa classe mutuelle a été une évolution de l’espace d’enseignement. De tables disposées en rang d’oignons, sous l’impulsion de ses élèves, l’enseignant a réagencé sa classe pour former des petits U tournés vers le tableau, plus propices aux échanges et au travail en groupes. Outre le fait que cela change la polarisation habituelle de la classe, cela permet également au professeur de s’asseoir au milieu d’un groupe pour interagir avec les élèves qui le composent, au plus près d’eux.
Si cette organisation en îlots ne constituait pas une classe mutuelle, elle en a été le premier pas. De la réorganisation de l’espace de la classe, s’en est suivi la réorganisation de l’espace des murs. Les élèves (encore eux), attirés par « le tableau du maitre », souhaitaient l’utiliser comme support d’une collaboration pour résoudre un exercice. Quatre, puis huit, puis douze, l’espace disponible sur le tableau manquant, les murs libres de la classe furent habillés de nouveaux supports inscriptibles, au feutre ou à la craie, à l’envi.
Cette évolution de l’espace de la classe a fortement influencé la pédagogie qui y était pratiquée. Les élèves ne faisant plus tout à fait face au professeur, l’organisation traditionnelle, très magistrale n’était plus de mise. Vincent Faillet réduit alors son temps de prise de parole, pour privilégier les temps de collaboration et d’entraide, en petits groupes, autour d’îlots ou des tableaux. Il découvre alors que « les élèves apprécient les joutes oratoires et l’argumentation, et plus encore lorsqu’ils sont libres des leurs déplacements, faits et gestes. [Il] découvre certains d’entre eux relativement à l’aise et même doués pour expliquer et […] enseigner à leurs camarades ». Il fait alors le parallèle avec la « classe mutuelle » du XIXe siècle.
De cette prise de conscience émerge alors une conception nouvelle, et plus actuelle, de la classe mutuelle.
Pour lui, un seul impératif : les élèves doivent produire un travail commun, en petits groupes. Cela suppose de dégager un volume de temps important où les élèves seront amenés à confronter leurs idées autour d’une surface d’interaction (tableau, îlot).
Ce principe se différencie de l’école mutuelle du XIXe siècle en cela que les élèves sont libres de circuler dans la classe et qu’il n’y a pas de « moniteur » attitré. Chaque élève qui a compris un concept pourra donc être amené à l’enseigner à ses camarades.
Dans la classe mutuelle du Lycée Dorian, Vincent Faillet décompose sa séance d’1h30 en 3 séquences :
– Une séquence conceptuelle (20 minutes) : un cours classique qui pose les bases du sujet, souvent assorti d’un support polycopié. Un cours magistral « à l’ancienne », mais dans un format court, qui permet de focaliser l’attention des élèves. Il permet surtout au professeur d’identifier 3 catégories d’élèves : « ceux qui ont compris », « ceux qui ont partiellement compris » et « ceux qui ont des difficultés ».
– Une séquence mutuelle (50 minutes) : durant cette séquence, le professeur s’appuie sur les élèves « qui ont compris » pour diriger la compréhension de « ceux qui ont partiellement compris ». Il se focalise quant à lui sur « ceux qui sont en difficulté » pour les aider.
Le professeur distribue en outre une liste d’exercices dont la totalité devront être traités par la classe durant la séquence. Les élèves s’organisent alors pour que chaque groupe produise une partie de la trace écrite commune, résolvant proprement au moins un exercice.
– Une séquence bilan (10 minutes) : Le professeur commente et valide les traces écrites produites par les élèves. Il les autorise à les photographier pour en garder une trace et à les partager.
Pour Vincent Faillet, cette organisation lui permet de combiner « ce qu’il y a de meilleur dans les 3 méthodes d’enseignement » : le cours magistral de la classe simultanée (séquence conceptuelle), le monitorat de la classe mutuelle et l’enseignement individuel pour les élèves en difficulté (séquence mutuelle).
Un inconvénient de la classe mutuelle : la question du Bruit:
Le travail en groupes, la confrontation d’idées et la discussion amènent nécessairement un niveau sonore plus élevé que dans des salles de classe traditionnelles. Sans chercher à obtenir le silence d’une bibliothèque, il est important que la classe mutuelle offre une ambiance propice au travail. D’autant qu’il a été démontré que le bruit impacte négativement la concentration et la rétention d’informations dans une salle de classe (Etude du Centre d’information et de Documentation sur le Bruit, 2015). Dans un ouvrage écrit en 1831 par Michel Sarrazin, il est expliqué que l’enseignement mutuel du XIXe siècle était dirigé par des commandements sonores codifiés. Ainsi, au son du sifflet, les élèves devaient faire le silence. Ce type de conditionnement presque Pavlovien est également utilisé par Vincent Faillet dans sa classe, pour indiquer à ses élèves qu’ils doivent parler moins fort ou pour attirer leur attention. Il n’utilise cependant pas de sifflet, mais des signaux sonores numériques, moins agressifs mais, semblerait-il, tout aussi efficaces. Nous pouvons d’ailleurs noter que l’efficacité d’une telle signalétique sonore est déjà démontrée dans l’enseignement de premier cycle, où les instituteurs utilisent « des médiateurs comme la musique, la clochette, le tambourin, une chanson… » qu’ils utilisent ensuite de façon récurrente au fil de l’année, provoquant ainsi « une réponse-réflexe chez les enfants » (académie de Grenoble, s.d.).
La place du numérique:
A l’heure du « tout numérique » et de l’encouragement à utiliser l’outil informatique, était-il possible que la classe mutuelle fasse exception ? Il semble qu’en premier lieu l’outil numérique n’ait pas pris une place prépondérante dans ce système pédagogique usité par Vincent Faillet, puisque la connaissance qui était échangée venait de la compréhension immédiate d’un petit groupe d’élèves. Ce n’est que secondairement que cet outil a été utilisé, essentiellement comme support de transmission des informations : au Lycée Dorian, les élèves ont choisi de créer un page Facebook afin de partager les photos des tableaux où ils avaient résolu les exercices. Ce support, très intuitif pour les élèves, leur permet également de discuter de questions liées au cours et de dialoguer avec les professeurs.
Les smartphones sont également autorisés en cours, d’une part pour prendre des photos des supports produits, mais également pour rechercher et visionner des vidéos, des tutoriels en relation avec le cours. Ces supports peuvent être validés in situ par le professeur, qui s’assure ainsi que les sources sont fiables.
Dans la classe mutuelle, le numérique ne semble donc pas être un but, mais plutôt un moyen.

La classe mutuelle dans le monde

En Allemagne

Depuis les années 1980, la technique d’enseignement mutuel s’est largement implantée en Allemagne sous le nom de « Lernen durch Lehren » ou LdL (« enseigner pour apprendre »), lorsque Jean-Pol Martin, de double nationalité française et allemande, en fit pour l’enseignement du Français Langue étrangère (FLE) en Allemagne, un système didactique solide. En effet, après de brillantes études en France, cet écrivain et professeur d’université, s’installa définitivement en Allemagne en 1969 afin d’y poursuivre ses études linguistiques. De 1980 à 2008, il fut alors professeur de FLE à l’Université d’Eichstätt-Ingolstadt où il mit en place la pédagogie active LdL. Depuis 1987, la méthode s’est largement répandue en Allemagne, lorsque Jean-Pol Martin développa un vaste réseau de plus de mille enseignants qui utilisent la méthode dans toutes les matières et au sein de divers établissements de formation (de l’enseignement primaire à la formation professionnelle de tout horizon). Son audience s’est à nouveau accrue dès les années 2001 à la suite de la publication de l’enquête PISA (programme international pour le suivi des acquis des élèves), comparant les résultats des différents systèmes scolaires en Europe, affectant à l’Allemagne, des déficits majeurs à combler (OCDE, 2001). Aujourd’hui cette méthode est recommandée par les ministères de l’éducation des Länder. Elle est conseillée en tant que méthode active dans les curricula officiels et notices pédagogiques, incitant la prise en charge de l’apprentissage par l’élève lui-même. La technique LdL est particulièrement recommandée dans les établissements spécialisés dans l’enseignement des élèves à haut quotient intellectuel.
La méthode LdL selon Martin repose à la fois sur une composante didactique et sur une composante anthropologique. Effectivement, la méthode LdL comprends une approche d’apprentissage cognitiviste (internalisation des contenus intellectuels à retransmettre à ses pairs) combinée à une approche communicative (l’apprenant prends la parole, condition nécessaire pour construire le savoir) ce qui en fait un outil didactique complet. De plus, comme l’enseignement mutuel en France, cette méthode repose largement sur la théorie de la motivation élaborée en 1940 par le psychologue Abraham Maslow, précédemment citées. Ainsi, la responsabilité d’enseigner aux autres élèves les contenus des manuels scolaires peut améliorer la confiance en soi et combler la satisfaction de besoins de contacts sociaux et de reconnaissance sociale.
En pratique, la méthode LdL est basée sur l’apprentissage entre camarades de classe. Les nouveaux contenus disciplinaires à acquérir par les élèves sont alors fractionnés sur plusieurs groupes d’élèves (au maximum trois élèves par groupe). Une première phase de préparation permet à chaque groupe de se familiariser avec son contenu avec pour objectif final de faire passer ce savoir à l’ensemble de la classe. C’est lors de cette phase indispensable que les élèves doivent impérativement mettre en œuvre une pédagogie efficace et motivante pour faire passer ces contenus (exemple : quizz, rébus, jeu de rôle, en excluant l’exposé magistral) et vérifier que l’ensemble de l’auditoire les ait acquis.
Jean-Pol Martin aime ainsi comparer la structure de ces cours au modèle du cerveau et, notamment du fonctionnement des réseaux de neurones. Il explique alors le rôle de chacun, les élèves « neurones » et le professeur « cortex » au cours de ses séances de cours. Lors de la phase de préparation les « neurones » se doivent impliqués ce qui se traduit par un travail intense effectué à la maison afin d’aboutir à un discours de qualité face à leurs camarades en classe. Le professeur « cortex », quant à lui, peut intervenir à tout moment lors des courts exposés de ses élèves pour les compléter au besoin. Lors de la classe, l’organisation spatiale se veut donc différente ou l’élève moniteur occupe une place centrale, entouré de ses camarades qui respectent alors le silence pendant son intervention. Le professeur, plus à l’écart, veille au maintien du silence lors des phases oratoires, propice à un meilleur apprentissage et n’intervient qu’en cas de nécessité. Au préalable de chaque intervention des élèves « neurones », existe une phase de bilan des savoirs préexistants qui repose sur des échanges sous formes interrogatives des différents élèves. Enfin, la méthode LdL inclut également un travail d’approfondissement à réaliser par les élèves à la maison, qui est ensuite corrigé de manière très détaillée, par écrit, par l’enseignant pour valider les acquis de chacun.
La méthode LdL mise en place par Jean-Pol Martin en Allemagne est largement explicitée dans les ouvrages qu’il a écrit au cours de sa carrière d’enseignant :
– Jean-Pol Martin (1989) : Quand les élèves font la classe, in Le Français dans le monde, no 224 (1989), 51-55.
– Jean-Pol Martin (1991) : Élèves dans un monde complexe. Pour un cursus fondé sur la psychologie de la cognition, in : Albert Barrera-Vidal (1991) : Actes du Colloque international « Enseigner le français langue seconde », 26 et 27 avril 1988. Château de Colonster, 55-68
– Jean-Pol Martin (2004) : Lernen durch Lehren : quand les apprenants font la classe, in : Les Cahiers de l’APLIUT, vol. XXIII, no 1, février 2004, 45-56.
Depuis 2015, la méthode LdL a été reprise en France, notamment par par Jean-Pierre Decroix, formateur à l’école de la deuxième chance à Armentières et étudiant à l’université de Lille. Après avoir découvert les travaux de Martin en 2015, Jean-Pierre Decroix en a fait l’objet de mémoire de Master 2 (Decroix, 2016-2017). C’est ainsi que, sous sa direction et pour la première fois en France, un groupe s’est formé pour effectuer une recherche suivie sur ce sujet.

Problématique et hypothèses

Dans cette partie nous aborderons la problématique professionnelle de notre travail.

Problématique de recherche

Nous avons observé que la mise en activité de l’ensemble des élèves peut être source de difficultés. En effet, si quelques éléments s’investissent d’emblée dans les travaux à réaliser, un nombre non négligeable d’élèves a tendance à attendre une correction collective plutôt que de s’impliquer personnellement dans la réflexion. Nous avons cependant noté que ce défaut de mise en activité ne préfigure pas de leur capacité à réaliser la tâche qui leur a été donnée. Cela semble plus relever d’un manque d’implication et/ou de volonté de l’élève que d’une incompréhension des consignes. En revanche, il semble en résulter une moindre rétention / restitution d’informations (observations).
L’enseignement mutuel s’appuient sur l’implication des élèves et leur responsabilisation vis-à-vis de leurs camarades pour inciter à une mise en activité en amont du cours.

Hypothèses de travail

L’utilisation de l’enseignement mutuel au sein d’une classe de 1ère ST2S en Biologie et Physiopathologie Humaines (BPH) peut-elle apporter un bénéfice pour la mise en activité et l’implication des élèves. La notion de bénéfice pourra s’entendre ici aussi bien dans une composante motivationnelle des élèves qu’en terme de rétention d’informations.
Nous formulons l’hypothèse que la mise en place d’une classe mutuelle est de nature à favoriser l’implication et la motivation des élèves lors d’une activité. Nous testerons ces hypothèses grâce au dispositif d’expérimentation décrit dans la section suivante.

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Table des matières

1. Introduction générale
1.1. Un peu d’histoire
1.2. Les méthodes pédagogiques
1.2.1. L’enseignement simultané
1.2.2. L’enseignement mutuel
1.3. Responsabiliser, motiver : des clés pour favoriser l’implication et l’apprentissage.
1.3.1. Responsabilisation des élèves
1.3.2. L’implication des élèves
1.3.3. La motivation des élèves
2. Contexte de recherche
2.1. La classe mutuelle en France, l’exemple du Lycée Dorian
2.2. La classe mutuelle dans le monde
2.2.1. En Allemagne
2.2.2. Et Ailleurs
3. Problématique et hypothèses
3.1. Problématique de recherche
3.2. Hypothèses de travail
4. Méthodologie
4.1. Description des 2 classes
4.2. Choix de la séquence
4.3. Description de la séquence
4.4. Protocoles retenus
4.4.1. Dispositif pour les classes du Lycée Antonin Artaud
4.4.2. Dispositif pour les classes du Lycée Emile Zola
4.5. Evaluation du dispositif
4.6. Méthodes statistiques
5. Résultats
5.1. Importance du lieu d’expérimentation
5.2. L’avis des élèves : réponses au questionnaire
5.3. Comparaison de l’implication des élèves entre une classe mutuelle et une classe simultanée
5.4. L’avis des enseignantes : observations.
6. Discussion
6.1. Re-contextualisation
6.2. Etude des résultats
6.3. Limites et perspectives
7. Conclusion
Références bibliographiques

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