La cinematique d’une chaîne de collision cylindrique

LA CINEMATIQUE D’UNE CHAÎNE DE COLLISION CYLINDRIQUE

Cinématique générale d’une subduction et prisme d’accrétion

La théorie de la tectonique des plaques est aujourd’hui universellement reconnue. Elle explique l’expansion océanique, liée à l’accrétion de lithosphère océanique, ainsi que les mécanismes de convergence entre les plaques, avec notamment les subductions océaniques, et les collisions continentales. Une subduction correspond au passage d’une plaque lithosphérique sous une autre, conduite par un ensemble de forces telles que la traction du slab (partie plongeante de la lithosphère en subduction), la poussée rigide à la dorsale, la friction qui existe entre les deux plaques, ainsi que les forces motrices dues aux mouvements convectifs dans le manteau. Plus de 80% des subductions ont lieu sous des marges continentales. Les subductions continentales concernent des continents engagés sous d’autres continents.

Pour comprendre les processus tectoniques aux marges actives (zones de subduction), il faut s’intéresser à la nature de la plaque plongeante. Les collisions continentales se produisent à la suite de la fermeture d’un océan, entraînant alors la subduction continentale (Malavieille and Chemenda, 1997) (Figure 1 – 1). La croûte continentale est relativement légère et s’écaille au contact de la marge, notamment grâce aux processus de déformation dans la croûte inférieure ductile (Figure 1 – 1, c). Se construit alors un prisme d’accrétion d’échelle crustale qui formera ensuite l’orogène. Cependant, la partie mantellique de la plaque plongeante continue à plonger. Ce plongement est possible grâce à la densité de la plaque plongeante plus importante que la densité de l’asthénosphère.

Le prisme d’accrétion se trouve au pied de la marge active, dans le cas de subductions océaniques ou continentales. La taille des prismes est variable : de quelques kilomètres à plusieurs centaines de kilomètres. Il s’agit d’unités sédimentaires sous-charriées. Les unités accrétées au front du prisme sont bordées par des chevauchements et reposent sur un décollement subhorizontal (Figure 1 – 2). Dans le cas des subductions océaniques, ce décollement est épais de seulement quelques mètres, impliquant une déformation extrêmement localisée. Le prisme se développe au-dessus de niveau de décollement en adoptant une géométrie en coin qui répond globalement à la loi de Coulomb (voir paragraphe suivant). Que l’on considère les prismes formés dans le cas de subductions océaniques ou continentales, la géométrie générale des prismes d’accrétion est identique. Elle peut être modélisée par le modèle du prisme critique. Dans le paragraphe suivant, nous verrons quelles sont les lois qui gouvernent les processus de déformations dans les prismes d’accrétion.

Modèle du prisme critique

Lors de sa comparaison de coupes de piedmonts à travers différents orogènes, Chapple remarque certaines similarité (Chapple, 1978): (i)une allure générale de la chaîne en forme de prisme s’effilant vers l’extérieure de celle-ci ; (ii) un niveau de décollement dont la vergence est dirigée vers l’intérieur de la chaîne, au-dessous duquel aucune déformation n’est observée ; (iii) au-dessus du décollement, un fort raccourcissement. Dès lors, Chapple, ainsi que d’autres (Dahlen, 1990; Davis et al., 1983; Davis, 1978; Davis and Suppe, 1980), assimilent la mécanique des prismes développés aux frontières de plaques convergentes, à un prisme d’accrétion développé au front d’un bulldozer : le bulldozer racle une épaisseur h de sédiments sur un plan incliné d’un angle β. Un prisme d’allure triangulaire avec une pente de surface se développe, au-dessous duquel aucune déformation n’a lieu .

De cette comparaison émerge la théorie du prisme critique(Chapple, 1978; Dahlen, 1984; Dahlen et al., 1984; Davis et al., 1983)montrant que le prisme se développe jusqu’à un état stationnaire durant lequel il conserve une ouverture constante de valeur α+β (avec α la pente en surface du prisme et β la pente à la base du prisme). Cette ouverture, appelée biseau critique (critical taper), reste donc constante si les propriétés mécaniques restent constantes. La théorie du prisme critique repose sur le fait que le matériau du prisme est partout dans un régime de contrainte proche de la rupture. Les variations du flux entrant sont accommodées par une déformation frontale, ainsi qu’interne, permettant la conservation de la pente critique.

Rhéologie du prisme

La rhéologie des matériaux de la croûte supérieure continentale (i.e. croûte granodioritique et roches sédimentaires) peut être en première approximation considérée comme obéissant à la loi de comportement frictionnel définie par Coulomb au XVIIIème siècle sur des avalanches de sable (Byerlee, 1978; Coulomb, 1773). Selon cette loi, un matériau solide (ou sableux) peut emmagasiner des contraintes sans rompre tant que celles-ci ne dépassent pas un certain seuil. Cette définition de la rupture, appelée critère de Mohr-Coulomb, s’écrit :

𝜏𝑟 = 𝐶0 + µ. 𝜎𝑛 Equation 1 – 1

Evolution du prisme

Le prisme de Coulomb se déforme jusqu’à ce qu’il atteigne un angle critique. Une chaîne en biseau critique qui se propage vers le front en accrétant de la matière, se déforme de manière interne pour accommoder l’ajout de matière et maintenir un angle critique constant (Davis et al., 1983).Un tel prisme s’épaissit avec la déformation progressive, et il se propage de la butée rigide vers l’avant pays. La «butée rigide » est généralement formée par un arc volcanique ou une partie interne plus épaisse de la chaîne. A partir d’un bilan des forces (Dahlen, 1990; Davis et al., 1983; Lallemand, 1999), il est possible d’évaluer la géométrie du prisme critique en calculant la valeur du biseau critique α+β. Celle-ci dépend uniquement des valeurs des paramètres physiques caractérisant le matériau et le niveau de décollement basal. Ces paramètres sont les coefficients de friction (μ et μb) et les paramètres de pression de fluide (λ et λb) ; l’indice « b » caractérisant le décollement basal.

Les processus de formation du prisme

Dans les prismes d’accrétion, il existe plusieurs mécanismes de déformation, en fonction de la géométrie et de la cinématique de la subduction continentale (chevauchement, plissement, sousplacage, duplex) ainsi que de la profondeur (variations de pression / température). Dans le cadre de ce travail, nous nous intéresserons à la partie supérieure de la croûte continentale, c’est-à-dire les 10 – 15 premiers kilomètres. Dans cette partie de la croûte continentale, les processus de déformation liés à la croûte inférieure –fluage, cisaillement ductile- ne sont pas considérés, des mécanismes tels que la rupture fragile dominent (Brace and Kohlstedt, 1980) Dans les prismes d’accrétion observés aux piedmonts de chaînes, les déformations majoritairement observées sont les plis et les failles. Les plis résultent du flambage de la couverture sédimentaire d’avant-pays et les failles résultent de la fracturation permettent d’accommoder des déplacements d’ampleur très variées, du km à quelques cm. Ces deux modes de déformation sont étroitement liés et leurs relations géométriques et cinématiques sont étudiées depuis longtemps (Dahlstrom, 1969; Rich, 1934). L’incrément de déplacement de chacun de ces modes de déformation s’effectue généralement au cours des séismes ou par glissement asismique (creeping).

Plissement
Le plissement s’observe sur plusieurs ordres de grandeur : depuis l’échelle centimétrique de l’échantillon jusqu’à l’échelle plurikilométrique de la croûte supérieure. A l’échelle de la croûte supérieure, il représente souvent un stade précoce de la déformation qui précède la rupture fragile (formation de failles). Dans les prismes d’accrétion, le plissement est essentiellement lié à la propagation de la déformation vers l’avant-pays. Il déforme les sédiments d’avant pays accumulés suite à l’érosion des reliefs. L’orientation des plans axiaux des plis est généralement parallèle à la direction principale de la chaîne. On peut distinguer différents types de plis, en fonction de leur relation avec les failles. Pour le détail de leur classement, voir Burbank et Anderson, (2001).

Failles et chevauchements
Les failles correspondent à la localisation de la rupture dans les roches. En fonction du régime de contrainte, différents types de failles peuvent apparaître : failles inverses (thrust faults), failles normales (normal faults) et failles décrochantes (strike-slip faults). En contexte de convergence, et particulièrement dans les prismes d’accrétion, les failles sont inverses. On les appelle aussi chevauchements. Tout comme les plis, ces structures sont quasiment parallèles à la direction principale de la chaîne de montagnes, donnant lieu à l’appellation « fold an thrust belts ». En coupe, les failles ont une géométrie imbriquée où chaque faille constituant le prisme vient le plus souvent s’enraciner au niveau du décollement principal. Leur pendage n’est pas toujours constant car elles peuvent posséder des portions parallèles à la stratification des couches (les « plats ») et des portions sécantes(les rampes).L’apparition des chevauchements se fait depuis les zones internes de la chaîne jusqu’aux parties frontales. Ainsi, on parle souvent de séquence « normale » de propagation de la déformation lorsque le déplacement a lieu sur les chevauchements les plus au front de la chaîne. A l’inverse, un épisode de séquence inverse (ou hors séquence)caractérise une propagation rétrograde (vers l’arrière) des chevauchements. En l’absence de processus de surface, l’activité des chevauchements s’effectue très souvent selon une séquence prograde : les chevauchements les plus frontaux sont les plus actifs (ils accommodent la majorité du raccourcissement) alors que les anciens chevauchements sont quasiment inactifs.

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 : Prismes d’accrétions : exemple de L’HIMALAYA et de sa terminaison ouest, LA SYNTAXE NORD-OUEST HIMALAYENNE
1. LA CINEMATIQUE D’UNE CHAÎNE DE COLLISION CYLINDRIQUE
1.1. Cinématique générale d’une subduction et prisme d’accrétion
1.2. Modèle du prisme critique
1.2.1. Rhéologie du prisme
1.2.2. Evolution du prisme
1.2.3. Les processus de formation du prisme
1.2.4. Mécanique du prisme avec érosion
1.3. Contrôles de la répartition des mouvements: hors séquence et frontaux
1.3.1. Processus de surface
1.3.2. Variations des propriétés rhéologiques
1.3.3. Autres mécanismes : applications à l’échelle sismique
2. CONTEXTE GEOLOGIQUE ET ZONE D’ETUDE
2.1. Cadre géodynamique régional : l’Himalaya
2.1.1. Cinématique
2.1.2. Grands chevauchements et unités lithologiques
2.1.3. Cinématique des Chevauchements
2.1.4. Variations latérales de la géométrie de la chaîne
2.2. Terminaison ouest de la chaîne Himalaya : la syntaxe nord-ouest himalayenne
2.2.1. Présentation
2.2.2. Partie externe de la terminaison ouest himalayenne (syntaxe d’HazaraKashmir, Salt Range et tertiaire himalayen) : direction et cinématique de transport
2.2.3. Deux systèmes qui interagissent ou 1 système linéaire plissé
2.2.4. Contexte sismotectonique dans la partie externe de la syntaxe ouest himalayenne
3. PROBLEMATIQUE
Chapitre 2 : Modélisation analogique d’une syntaxe : une géométrie favorisant la déformation hors séquence ?
1. MODELISATION ANALOGIQUE : APPORTS, PRINCIPES ET APPLICATIONS A NOTRE OBJET D’ETUDE
1.1. Apports de la modélisation analogique
1.2. Historique
1.3. Principes et application de la modélisation analogique
1.3.1. Principe : la théorie de la similitude
1.3.2. Objet modélisé : la croûte continentale, aspects rhéologiques
1.3.3. Application à la modélisation
1.3.4. Choix des matériaux modélisant la croute supérieure
2. MODELISATION DES PRISMES : ETAT DE L’ART
2.1. Les prismes d’accrétion
2.1.1. Les chevauchements
2.1.2. Influence du décollement basal
2.1.3. Influence de la butée (ou de l’indenteur)
2.1.4. Influence de l’épaisseur et du flux
2.1.5. Chevauchements et séismes
2.1.6. Séquence de déformation
2.2. Modélisation analogique d’un orocline et convergences obliques : état de l’art
3. UNE MODELISATION ANALOGIQUE DE LA SYNTAXE NORD-OUEST HIMALAYENNE
3.1. Géométrie et dimensions du système expérimental
3.1.1. Adaptation du système expérimental à l’étude d’une syntaxe
3.1.2. Expérience avec matériaux granulaires
3.1.3. Expérience avec Silicone
3.2. Acquisition de données
3.3. Exploitation des données
3.3.1. Propagation du prisme
3.3.2. Mesures du raccourcissement perpendiculaire à la direction de convergence
3.3.3. Mesures de la composante décrochante sur les chevauchements
3.3.4. Mesures de la largeur des unités pour extraire la composante hors séquence
3.3.5. Mesures des rotations : rotations des lignes L et rotations rigides
4. RESULTATS
4.1. Expérience standard JK1
4.1.1. Propagation du prisme
4.1.2. Composante hors séquence
4.2. Expérience de référence JK 2
4.2.1. Propagation du prisme
4.2.2. Initiation, croissance et évolution des chevauchements
4.2.3. Raccourcissement perpendiculaire à la direction de convergence
4.2.4. Coupes
4.2.5. Aspects décrochant des chevauchements
4.2.6. Aspects hors séquence des chevauchements
4.2.7. Répartitions diffuses de la composante décrochante et rotations
4.3. Effet des différents paramètres
4.3.1. Observations communes à toutes les expériences
4.3.2. Effet des microbilles
4.3.3. Expériences à butées obliques symétriques
4.3.4. Effet de la silicone basale
4.4. Expériences remarquables
4.4.1. Expérience avec silicone à la base plus surépaisseur de silicone parallèle à la butée oblique gauche : JK 11
4.4.2. Expérience avec changement d’épaisseur et bord libre : JK 15
5. DISCUSSIONS
5.1. Résultats communs aux différentes expériences
5.2. Interprétations : quelques clés mécaniques
5.2.1. Effet de la friction basale sur la distance de propagation des chevauchements et le raccourcissement perpendiculaire
5.2.2. Répartitions diffuses de la composante décrochante et rotations
5.3. Dynamique et la cinématique de la déformation dans les syntaxes
5.3.1. Formation d’une syntaxe
5.3.2. Propagation en alternance des 2 systèmes au cœur de la syntaxe
5.3.3. Influence de la rhéologie du décollement basal
5.3.4. Activité hors séquence
5.4. Comparaison résultat analogiques et données géologiques
5.4.1. Zones de transfert
5.4.2. Syntaxe d’Hazara-Kashmir
5.4.3. Atténuation frontale de la syntaxe
5.4.4. Partitionnement de la déformation
5.4.5. Activité hors séquence
Conclusion

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