La chute de l’incorruptible: l’apothéose de la révolution

Louis Blanc, Histoire de la Révolution française

« Pour la première fois un ouvrage de grande diffusion, englobant toute l’histoire de la Révolution faisait l’éloge de Robespierre. Louis Blanc peignait en lui, l’ancêtre du socialisme et présentait la lutte entre la Gironde et la Montagne (dirigée par Robespierre) comme un affrontement entre les tenants de la démocratie politique et les partisans de la démocratie sociale. Pour Louis Blanc, Robespierre aété le premier homme politique qui ait voulu faire passer la fraternité dans les faits. En témoigne le projet de Déclaration des droits de l’homme présenté par lui aux Jacobins, projet qui reconnait le droit au travail, le droit à l’assistance, l’impôt progressif et qui définit la propriété non plus comme un « droit inviolable et sacré » mais comme « la portion garantie par la loi ». Louis Blanc ne méconnaît pas les griefs allégués contre Robespierre, mais il les réfute, et s’efforce de démontrer que Robespierre n’est pas responsable de la Terreur. »
Ses convictions politiques, son combat pour l’histoire, résonnent comme un coup de tonnerre dans ces quelques mots rédigés avec soin en préface de son ouvrage.

Philippe-Joseph-Benjamin Buchez, Histoire parlementaire de la Révolution française ou Journal des assemblées nationales depuis 1789 jusqu’en 1815 , 1834

Œuvre monumentale en 40 volumes, plus philosophe qu’historien, « lorsque le livre paraît en 1833, force est bien de constater qu’il est purement abstrait, métaphysique et qu’il ne fait pratiquement aucune allusion à la Révolution. » « La révolution française est la conséquence dernière et la plus avancée de la civilisation moderne, et la civilisation moderne est sortie toute entière de l’Evangile. C’est un fait irrécusable, si l’on consulte l’Histoire, et particulièrement celle de notre pays, en y étudiant non pas seulement les événements, mais aussi les idées motrices de ces événements. C’est encore un fait incontestable si l’on examine et si l’on compare à la doctrine de Jésus, tous les principes que la révolution inscrivit sur ses drapeaux et dans ses Codes ; ces mots d’égalité et de fraternité qu’elle mît en tête de tous ses actes, et avec lesquels elle justifia toutes ses œuvres. Lorsque, il y a quelques années, cette pensée fut émise pour la première fois, elle fît scandale, mais depuis elle s’est fait adopter par beaucoup d’esprits, et le jour n’est pas éloigné peut-être, où elle deviendra populaire. »
Catholique et socialiste, Buchez tente de comprendre les raisons de la révolution, il en résulte que pour lui, elle acquiert une dimension prophétique et religieuse. Buchez déteste les Girondins, plus encore que la majorité des Constituants : car ils représentent cette bourgeoisie conservatrice qui veut confisquer la révolution, et l’empêcher de parvenir à son idéal ultime. Il ne préfère pas pour autant les Montagnards, car il désigne la Montagne comme « un agrégat contradictoire de matérialistes conséquents, comme Danton.»
En revanche, il loue les Jacobins, comme fraction de la Montagne, qui est animé du courant  spiritualiste le plus pur. C’est sur cette grille d’analyse de la révolution, marqué par un caractère philosophique et religieux très prononcé qu’il explique l’échec de la politique de Robespierre. « Si Robespierre et ses amis avaient été chrétiens au lieu d’être de simples déistes, ou plutôt de nouveaux ariens, considérant Jésus-Christ comme un philosophe qui avait seulement donné de bons exemple et de bons conseils, ils n’auraientpoint été embarrassés pour distinguer le vice de la vertu. » Malheureusement, selon Buchez, l’évangile de Robespierre était le Contrat social : il s’est donc trouvé au seuil de la vérité catholique sans y accéder.

François-Auguste Mignet, Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu’en 1814 , Paris, F. Didot père et fils, 1824

« Mignet donne au mot révolution le sens le plus large. Pour lui, c’est un « grand changement ». Il estime toutefois que les révolutions ont toutes une marche commune, et quelques différences d’accident : en expliquer une serait donc les expliquer toutes », car c’est par la même loi que les mêmes phénomènes se reproduisent » (Courrier français , 25 mai 1822) »
En étudiant la Révolution française, Mignet fait donc une véritable étude sociologue, il l’étudie comme un modèle permettant de rationaliser les processus révolutionnaires dans une société donnée. En ce quiconcerne la grande discorde entre les historiens dantonistes et robespierristes, Mignet se range du côté des premiers admirateurs de ce révolutionnaire gigantesque qu’était Danton. En ce qui Robespierre, « Mignet ne lui reconnaît que le talent d’avoir trouvé quelques « mots sacramentels » : salut public, vertu, fraternité ».

Henri Esquiros, Histoire des Montagnards , Paris, Librairie de la Renaissance, [1848], 1875

Henri Esquiros (1812-1876) se veut un pur Montagnard. Il est aussi militant révolutionnaire qui connaît la prison, l’exil après1851 et qui ne rentre à Paris qu’en 1869.
Son roman Charlotte Corday (1840) exalte la figure de Marat et stigmatise le bras armé des Girondins. DansL’Evangile du peuple publié la même année, il fait de Jésus-Christ le premier sans-culotte. Avec l’Histoire des Montagnards (1848) le récit devient « mysticobiblique ». Il exalte Robespierre et martèle des formules comme : « La Révolution est dans le Peuple ; son influence anonyme ressemble à cellede Dieu », « La France est une nation dévouée, une nation Christ ».

Albert Laponneraye, Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu’en 1840 , Paris, Cajani, 1840

Albert Laponneraye (1808-1849), opposant radical à l’ordre bourgeois se fait connaître par un cours sur l’Histoire de la Révolution française dispensé à des écoliers et à des ouvriers. Son propos lui vaut deux mois de prison. En 1840, il publie une Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu’en 1840qu’il reprendra pour la prolonger jusqu’en 1848. En même temps, Laponneraye publie les écrits de Maximilien Robespierre. « Défini comme « un communiste néo-babouviste », ilest aussi un dévôt de Robespierre : « Jésus, Rousseau, Robespierre, trinité sainte et sublime… ». Georges Walter n’hésite donc pas à le qualifier de « robespierrolâtre…Son apostolat frénétique est un cas unique.
Personne n’a su atteindre, dans le culte de Robespierre, un plus haut degré de ferveur et de désintéressement. »
Maximilien Robespierre est pour les historiens ce que la Convention représente pour Victor Hugo : un « sujet de contemplation sombre, lugubre, effrayant mais sublime. »

Au commencement était le verbe, le retour aux sources

« Le travail de bénédictin de Buchez et de Roux aurait beaucoup manqué à Michelet, Taine ou Tocqueville, historiens d’une autre envergure mais qui n’avaient pas toujours le temps de revenir aux sources mêmes. »
Afin de restaurer la dignité perdue de Robespierre, il est indispensable d’exhumer les sources de l’éloquence robespierriste : c’est-à-dire ses discours qui étaient la voix de la France révolutionnaire, ennemi des tyrans et ami des peuples. Car c’est par le discours que s’érige la figure mythique de la
Révolution, et c’est par ce biais que renaîtra l’espérance d’une nouvelle révolution poursuivant l’œuvre de leurs aînés.
Laponneraye s’attaque à un projet d’édition des Œuvres choisies de Robespierre. Les publier, déclare-t-il dans un prospectus lancé au préalable,« c’est réhabiliter un nom autour duquel se groupent tant de préventions injustes ». Combien d’hommes qui n’ont jamais jeté un regard sur les écrits de Robespierre, sont persuadés, sur la foi des écrivains réactionnaires, que c’est un scélérat. « Qu’ils lisent ses œuvres, et ils reviendront à une appréciation plus juste de ses sentiments et de son cœur. » Les effets de cette lecture sont remarquables : « Quiconque lit Robespierre est brûlé de intérieurement d’un amour plus ardent pour la patrie et pour la liberté d’une haine plus profonde contre les tyrans qui écrasent le genre humain ; quiconque le lit voit un univers nouveau se développer à ses regards ; ilsent, il touche, il comprend ses droits, il s’identifie à eux, il est digne du beau nom d’homme, digne du grand titre de citoyen. « Robespierre était appelé « le verbe éternel, « le rédempteur du genre humain », « le messie désigné par les prophètes. »
L’étude des discours de Robespierre peut transfigurer l’approche de l’historien face à l’incorruptible : l’exemple le plus connu est la soudaine passion de Lamartine pour le chef de fil des Montagnards sous le regard inquiet de son épouse. Ces sources sont porteuses d’une ambiguïté extrême comment rendre justice à un homme couvert du sang de son prochain mais porteur d’idées aussi généreuses que l’abolition de l’esclavage. C’est ce paroxysme des contraires plus les nécessités politiques du XIXe siècle qui vont arbitrer cette partie mouvementé de l’historiographie française : pour ou contre Robespierre, pour ou contre la Révolution. Car Robespierre est une idée, un idéal de bon gouvernement : le représentant de la démocratie intégrale et de ses conséquences heureuses et tragiques où « le prince » n’est plus que le premier serviteur du peuple. Les années 1830-1848 voient le paroxysmede la sublimation de Robespierre : celui-ci est exalté comme un nouveau christ, symbole de la fraternité et « saint de la démocratie. »

L’idéal robespierriste : « Robespierre est une idée »

« Mais l’Histoire va satisfaire Maximilien. Le martyre ne lui échappera pas. Le 10 juillet le Comité de Salut Public a été renouvelé. Danton n’a pas été réélu. Le 27 juillet Robespierre est élu, malgré lui, en remplacement dudantoniste Gasparin, démissionnaire. Maximilien qui, jusqu’alors, a refusé un quelconque pouvoir, accepte. Le temps des responsabilités gouvernementales est venu. »
« Toujours est-il qu’il se décide à franchir le pas, exactement un an avant sa chute. Sent-il qu’il n’a plus rien à perdre, supposant que sa vie n’est pas plus assurée que celle de feu Marat ? A-t-il la conviction qu’il est désormais plus utile comme acteur que comme observateur ou gardien ? Il est difficile de trancher. L’idée qu’il se fait de son rôle dans la Révolution peut nous éclairer.

L’apôtre de la Révolution sociale

« Persuadés d’être à l’avant-garde d’un monde nouve au, ils étaient de surcroît, imprégnés du goût du théâtral, du solennel et du pathétique q ui leur donnait un sentiment exagéré d’eux-mêmes et de leurs actes ; imprimant à la vie politique – qu’ils dominaient – « une allure de tragédie » (Deslandres).

L’âme du Comité de Salut Public

« L’histoire de l’époque où les Jacobins prirent possession du pouvoir, et de celle où ils en commencèrent l’application morale, se trouve résumé dans deux notes écrites par Robespierre […] Courtois intitula ces notes : « Espèces de catéchisme de Robespierre, écrit de sa main » […] les voici : « Quel autre obstacle y-a-t-il à l’instruction du peuple ? – La misère. Quand le peuple sera-t-il donc éclairé ? Quand il y aura du pain et que les riches cesseront de soudoyer des plumes et des langues perfides pour les tromper ; lorsque leur intérêt sera confondu avec celui du peuple. »
Au moment où il entre au Comité, la France est envahie par la Belgique sur le Rhin ; tous les fronts sont rompus. Condé, Mayence, Valenciennes se sont rendus ; Landau et Cambrai sont en péril. Bientôt, Toulon, sur l’ordre de ses chefs royalistes, va ouvrir ses portes aux Anglais et leur livrer son escadre de quarante-huit vaisseaux de guerre. A l’intérieur, l’insurrection vendéenne et le soulèvement girondin ont dressé à la lutte contre le gouvernement soixante deux départements sur quatre-vingt-quatre. La production et le commerce sont désorganisés, le chômage sévit, la disette s’accroît, les impôts ne rentrent pas et le Trésor est vide ; toutes les formes de provocation et de démagogie trouvent un terrain favorable à leur œuvre de désagrégation matérielle et morale de la nation.
Le rôle du Comité est alors surhumain si l’on en croit le discours du 25 septembre 1793: « Onze armées à diriger, écrit Robespierre, le poids de l’Europe entière à porter, partout des traîtres à démasquer, des émissaires soudoyés par l’or des puissances étrangères à déjouer, des administrateurs infidèles à surveiller, tous les tyrans à combattre, tous les conspirateurs à intimider, partout à aplanir des obstacles. »

13 Frimaire an II (3 décembre 1793) : « Pour Danton»

Il nous faut repréciser ici le contexte : Dès les débuts de frimaire an II, l’offensive indulgente ou modéré contre le mouvement de la Révolution s’affirme avec force. Danton, meneur d’hommes né, de retour d’Arcis-sur-Aube, prend la tête de l’offensive. Ce virage s’amorce dès le 2 frimaire où Danton s’éleva contre l’offensive anti-religieuse et réclama la clémence : « l’économie du sang des hommes » sans pour autant amnistier les ennemis de la République assiégée. Dans le même temps, le 6, il s’éleva contre les mascarades antireligieuses initiées par la faction hébertiste qui jettent le discrédit sur l’action des comités. Danton, accusé de corruption dans l’affaire de la compagnie des Indes par Hébert, demande une commission d’enquête sur les accusations portées contre lui, et veut y répondre « en présence du peuple ». Robespierre prit la défense de Danton et fit écarter la commission d’enquête : « la cause des patriotes est comme celle de la tyrannie ; ils sont tous solidaires ».
« Plût au ciel que Robespierre eût pratiqué cette maxime ! Il continua : « Danton a été calomnié ; je l’ai toujours vu servir sa patrieavec zèle ! vu dans sa famille ; il ne mérite que des éloges ! » Danton avait dit : « La fortune colossale que m’attribuent mes ennemis se réduit à la petite portion que j’ai toujours eue. » Robespierre et Danton disaient tous deux la vérité, qui devait être ensuite obscurcie durant tant d’années aux préjudices de Danton. »
Pour avoir une idée de l’impression produite par cette généreuse éloquence, par ces accents qui ne pouvaient s’échapper que d’un cœur ému, il faut voir ce qu’en dit Camille Desmoulins dans le premier numéro de son « Vieux Cordelier », qu’ilécrivit le lendemain même, sous le coup de sa propre émotion : « La victoire nous est restée, parce qu’au milieu de tant de ruines de réputations colossales de civisme, celle de Robespierre est debout ; parce qu’il a donné la main à son émule de patriotisme, notre président perpétuel des anciens Cordeliers, notre Horatius Coclès qui, seul, avait soutenu sur le pont tout l’effort de Lafayette et de ses quatre mille Parisiens assiégeant Marat, et qui semblait maintenant terrassé par le parti de l’étranger. Déjà, fort du terrain gagné pendant la maladie et l’absence de Danton, ce parti, dominateur insolent dans la Société, au milieu des endroits les plus touchants, les plus convaincants de sa justification, dans les tribunes, huait, et, dans le sein de l’Assemblée, secouait la tête et souriait de pitié, comme au discours d’un homme condamné partous les suffrages. Nous avons vaincu cependant parce qu’après le discours foudroyant de Robespierre, dont il semble que le talent grandisse avec les dangers de la République, et l’impression profonde qu’il avait laissée dans les âmes, il était impossible d’oser élever la voixcontre Danton, sans donner, pour ainsi dire, une quittance publique des guinées de Pitt. Robespierre…, tu avais des compagnons de gloire ; hier tu l’as sauvé seul.
L’éloquence robespierriste a sauvé la tête de Danton, mais nous verrons que ce n’est finalement qu’un sursis. Je dirais même plus,les historiens connaissent la destinée tragique de Danton, donc ce discours est le corollaire de celui tout à fait opposé « contre Danton » que nous étudierons longuement plus loin. Qu’importe, Maximilien Robespierre est érigé par ce discours et sa brillante réception comme le champion des patriotes, le fer de lance de l’offensive montagnarde. Face à la tempête révolutionnaire l’orateur décuple son énergie et parviens à conquérir son auditoire :il frappe ses contemporains comme les imaginaires des historiens pour y laisser graver un souvenir foudroyant.
Les animosités éclatèrent ; les Hébertistes éclatèrent solennellement Danton et Camille Desmoulins. Robespierre les défendit contre la défiance systématique de leurs adversaires ; il couvrit l’un, excusa l’autre. L’arme tomba des mains des Hébertistes et se releva contre eux pour les punir. […] Robespierre connaissait en outre le matérialisme de Danton et la faiblesse de Camille Desmoulins […].
Louis Blanc précise ensuite que Robespierre a lui-même eu un droit de regard sur l’article flatteur de son ami Camille Desmoulins. « Robespierre, à qui les deux premiers numéros du « Vieux Cordelier » furent montrés avant leur publication, put s’y retrouver tout entier. »
Ce n’est pas l’avis d’Henri Martin qui loin de louer l’unit affiché des patriotes, condamne la main mise de Robespierre surla presse. « Le surlendemain de cette séance aux Jacobins, eu lieu un évènement considérable dans l’histoire de la presse française. Le grand journaliste, Camille Desmoulins, rentra en lice. La presse libre n’existait plus, étouffée par la terreur et par l’espèce de monopole qu’étaient parvenus à s’arroger Hébert et sa bande. »

La conjuration de Thermidor

La « légende noire » constituait une première tentative d’expliquer la Terreur, comme la figure de Robespierre par la même occasion. Nous passons donc du martyr à la sainte conjuration : conséquence du châtiment divinou de la simple fatalité « laïcisée » des révolutions. Plus concrètement, cette peinture de Maximilien participe d’une stratégie d’endiguement de la Terreur en la focalisant exclusivement sur Robespierre et ses complices « terroristes ». Il s’agit du même processus inconscient qui s’opérait dans les cités antiques lors d’une exécution par lapidation : c’est toujours la volonté d’écarter un mal sociétal en éliminant un bouc-émissaire, une figure humanisé et individualisé d’un problème collectif plus complexe. Robespierre est hors de la cité où il n’y a point de salut, recouvert des pierres de l’opprobe populaire qui forment son tombeau.
De même le lieu où repose l’ennemi de la cité, devient un lieu maudit où s’y aventurer est un péril de mort. La politique des thermidoriens fut exactement de créer les conditions de peur et d’effroi envers la figure de l’Incorruptible. Cependant cette ostracisassion est à double tranchant à l’image de la sainte guillotine : elle diabolise l’adversaire sans porter atteinte profondément à son programme politique tout en lui conférant un statut de figure hors-norme ce qui rejoint leurs détracteurs montagnards, et peut fasciner la jeunesse par l’excès de noirceur qui entoure le personnage comme l’avouera Victor Hugo dans ses écrits sur la Convention.

Blâme d’une figure terroriste

Diviser pour mieux régner

La stratégie de Robespierre, en terrifiant la Montagne, lui donnait, pour la résistance, une unité obligée où les nuances hostiles allaient s’effaçant. Tous sentaient qu’ils étaient perdus s’ils ne profitaient encore de leur ascendant sur la Montagne qui revenaient de sorte que si, plus tard, Robespierre voulait, par le centre ou par la droite, entamer le grand procès des hommes de 93, on pût dire : « La chose est jugée. »
Il n’y a rien de plus terrible que le masque de la vertu derrière lequel se dissimule l’Incorruptible, il accentue l’absence de sentiments devant le spectacle ininterrompu des conjurations d’ennemis politiques. C’est un procès politique dans lequel Maximilien Robespierre juge la Convention avant que cette dernière ne le condamne en dernière instance.
Au degré de puissance, où il était parvenu, le comité devait tendre à écarter les apparences de la souveraineté. Il exerçait une dictature absolue ; mais il ne fallait pas qu’on s’en aperçut trop ; et tout les dehors, toutes les pompes du pouvoir, ne pouvaient que le compromettre inutilement.
[…] Les membres du comité de salut public, chefs de la Montagne, ne devaient pas s’isoler d’elle et de la convention, et devaient repousser au contraire tout ce qui paraîtrait les élever trop au-dessus de leurs collègues. Déjà on s’était ravisé, et l’étendue de leur puissance frappait les esprits, même de leur propre parti. Déjà on voyait en eux des dictateurs et c’était Robespierre surtout dont la haute influence commençait à offusquer les yeux. On s’habituer à dire, non plus, le comité veut, mais Robespierre leveut. Fouquier-Tinville disait à un individu qu’il menaçait du tribunal révolutionnaire : Si Robespierre le veut, tu y passeras. « Le parti jacobin vouloit exercer le despotisme, et c’est bien à tord que l’on a qualifié d’anarchie ce gouvernement. Jamais une autorité plus forte n’a régné sur la France ; mais c’étoit une bizarre sorte de pouvoir ; dérivant du fanatisme populaire, il inspiroit l’épouvante à ceux mêmes qui commandaient en son nom ; car ils craignaient toujours d’être proscrits à leur tour par des hommes qui iroient plus loin dans l’audace de la persécution. Le seul Marat vivoit sans crainte […] Robespierre ne put atteindre luimême à cette infernale sécurité. » « Danton et Camille veulent une République qui associe à la liberté, les agréments, les élégances, la haute culture intellectuelle de l’ancienne France. Saint-Just, comme Robespierre, veut faire succéder à la corruption del’Ancien Régime et créer par la force une société rigide, frugale et simple, que Jean-Jacques Rousseau eut souhaité mais sentait impossible. »

Un pieux et mystique assassin

Un autre spectre le suivait, la corruption publique, mal naturel d’un peuple esclave lancé tout à coup dans la liberté. Robespierre vit partout la corruption et la poursuivit partout, spécialement chez ceux qui notaient ses contradictions. Crut-il vraiment que tous les ennemis étaient des hommes vendus ? Je le pense. Sa terrible imagination lui fit croire tout ce qu’il avait intérêt à croire. Ils disparurent. Mais après ? Qui les remplaça ? Personne. On a retrouvé les listes qu’il faisait des hommes qui restaient possibles. Ce sont toujours les mêmes noms, infiniment peu nombreux. Cette stérilité est tragique. Il cherche et ressasse toujours, il fouille dans les inconnus, il  va descendant et ne trouve rien. Plus d’hommes ! Quoi ! La vie est tout épuisée ? Non, sans doute, elle est ailleurs, mais décidément elle n’est plus dans les voies de Robespierre. Jules Michelet dresse dans ce portrait de Maximilien, l’image d’un homme poursuivit par une obsession : la Vertu et muni d’une arme : la Terreur. Nul doute qu’il y a du vrai dans cette analyse de l’Incorruptible, ce surnom seul peut justifier une argumentation dans ce sens. Cependant poussé à l’extrême, l’idéal de Vertu, passe d’un idéal philanthropique à un massacre misanthropique.Dans tous les cas, il s’agit aux yeux de Maximilien de transformer cette réalité encore d’Ancien Régime pour une véritable régénération de l’humanité autour des principes rousseauistes : généreux et altruistes.
Il n’y avait pas un homme dans la Convention, pas un dans la République qui pût être rassuré. Nul patriote n’eût pu regarder dans son passé sans y trouver quelque chose qui craignait l’œil de Robespierre. Le jacobin des Jacobins, Montaut disait : « De sept cent cinquante que nous sommes, il pourra en rester deux cents. » David lui-même, en avril, eut peur de son maître : « Je crois, dit-il, que nous ne resterons pas vingt membres de la Montagne. »

La mort de Danton

« Je le sais, la Révolution est comme Saturne, elle dévore ses propres enfants.
Après un moment de réflexion : Non, ils n’oseront pas. » « Le vertige commence quand les jacobins mettent la main sur Danton. A quel aveuglement le pouvoir absolu les a déjà condamnés,puisqu’ils refusent de voir qu’ils se perdent eux-mêmes ! »
Nous voici arrivé au point d’orgue de la dramaturgie qui se joue sur le théâtre de la Révolution : où la Révolution se joue des hommes et où les hommes jouent leur révolution. Cette théâtralité des séances à la Convention, des procès révolutionnaires ou des « journées » populaires sont autant de moments où le peuple de la révolution se met en scène. L’historien abordant les rives pourpres de la mort de Danton, ne peut éviter la pièce de Büchner tout comme le débat historiographique qui entoure la responsabilité de Maximilien dans l’exécution de Danton, et la culpabilité de Danton quant aux chefs d’accusations proférés par Robespierre. « C’est singulier, le verbe « guillotiner » ne peut pas se conjuguer dans tous ses temps. On peut dire : Je serai guillotiné, tu seras guillotiné, mais on ne peut pas dire : « J’ai été guillotiné. »

11 Germinal an II (21 mars 1794)

Contre la comparution à la barre de Danton détenu.
Après l’exécution du groupe des Cordeliers, le glas sonne pour les Indulgents, lors de ce discours de Robespierre. Arrêtés la veille au soir : Danton, Desmoulins, Delacroix et Philippeaux, Legendre prend la parole pour des défendre Danton et ses amis. Robespierre dans un discours foudroyant, met hors de combat Legendre et triomphe sous les acclamations de la Convention. Legendre n’a plus qu’à faire son honteuse autocritique : « au reste je ne défend ici aucun individu ». Les principes révolutionnaires ont eu raison « de quelques hypocrites ambitieux », que le discours robespierristes désigne ainsi. Danton est déjà condamné d’avance aux yeux de Robespierre,il n’est plus pour lui q’« une idole pourrie depuis longtemps.»

L’Être Suprême

« Il faudrait une intelligence supérieure qui vît t outes les passions des hommes, et qui n’en éprouvât aucune; qui n’eût aucun rapport avec notre nature, et qui la connût à fond; dont le bonheur fût indépendant de nous (…) Il faudrait des dieux pour donner des lois aux hommes ». (Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat Social .)

Une profession de foi rousseauiste

Robespierre tend à faire de la « religion civile » une réalité tangible, telle que la définissait Rousseau : « mis en place par le souverain afin de sacraliser la patrie et les lois, elle présente l’image d’un Être suprême bon, rémunérateur de vertu, providentiel et juste ; elle repose sur les dogmes dits positifs comme la reconnaissance de l’existence d’une divinité, l’immortalité de l’âme, et un dogme négatif, la liberté des cultes. »

 

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Table des matières
IERE PARTIE – MAXIMILIEN: MYSTIQUE DE L’HOMME PROVIDENTIEL
CHAPITRE 1 – LE MARTYR DE THERMIDOR
A) Les retours de la Montagne, mémoires d’outre-tombe
B) Au commencement était le verbe, le retour aux sources
C) L’idéal robespierriste : « Robespierre est une idée »
CHAPITRE 2 – L’APOTRE DE LA REVOLUTION SOCIALE
A) L’âme du Comité de Salut Public
B) Sans combats, point d’éloquence
C) « Rendons à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu »
CHAPITRE 3 – ELOGE D’UNE FIGURE CHRISTIQUE
A) Robespierre, le verbe divin
B) « Je ne suis pas venu apporter la paix mais le glaive »
C) « Je parle à la Cité, je parle à l’Univers »
IIEME PARTIE – LA PAPAUTE DE ROBESPIERRE, LA DICTATURE DES PRINCIPES
CHAPITRE 4 – « LE FLEAU DE DIEU»
A) La conjuration de Thermidor
B) Le fanatisme du langage: le verbe était Dieu
C) L’horreur robespierriste: Robespierre est un monstre
CHAPITRE 5 – LE TYRAN INQUISITEUR
A) De la liberté des cultes au fanatisme religieux
B) Sans foi ni loi, point de Salut
C) Le discours sur la Montagne: entre schismes et dogmes
CHAPITRE 6 – BLAME D’UNE FIGURE TERRORISTE
A) Diviser pour mieux régner
B) Un pieux et mystique assassin
C) La mort de Danton
IIIEME PARTIE – LA CHUTE DE L’INCORRUPTIBLE:L’APOTHEOSE DE LA REVOLUTION
CHAPITRE 7 – L’ÊTRE SUPREME
A) Une profession de foi rousseauiste
B) L’immortalité de l’âme : le verbe était en Dieu
C) Discours au peuple rassemblé: la fête de l’Être suprême
CHAPITRE 8 – L’ORATEUR DU PEUPLE ENTRE OMBRE ET LUMIERE
A) La lumière de la concorde
B) Les ombres de Prairial
C) De l’unité au chaos
CHAPITRE 9 – ENTRE FASCINATION ET REPULSION:PORTRAIT D’UNE FIGURE ROMANTIQUE
A) Grand Robespierre assassin
B) « La mort est le commencement de l’immortalité »
C) « La politique est la moderne fatalité »

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