La chimie radicalaire par propagation de chaîne

Les radicaux libres (plus simplement appelés radicaux dans ce manuscrit) sont des espèces possédant un électron non apparié issu de la rupture homolytique d’une liaison faible. Cette rupture peut être effectuée selon trois méthodes : la thermolyse, la photolyse et les réactions d’oxydo-réduction. Ces espèces sont très réactives du fait de la présence de l’électron libre qui peut réagir avec un autre radical ou s’additionner sur une insaturation présente dans le milieu.

Historiquement, la chimie des radicaux libres est née au début du XXème siècle avec la mise en évidence du premier radical par Gomberg sous forme d’un composé trivalent, le triphénylméthyle. Lors de son stage postdoctoral au sein du laboratoire de Victor Meyer, Gomberg fut le premier à préparer le tétraphénylméthane et, à son retour dans l’Université de Michigan, il entama la synthèse de l’hexaphényléthane avec une approche similaire (couplage de Wurtz). Cependant, la réduction du chlorotriphénylméthane avec un alliage de zinc donna un composé incolore de formule C38H30O2 au lieu de C38H30. Après avoir travaillé à l’air libre, la réaction sous atmosphère de dioxyde de carbone (les bouteilles d’argon ou d’azote n’existant pas à cette époque !) donna un résultat totalement différent : l’étude analytique du produit cristallin blanc isolé ressemblait strictement à celle de l’hexaphényléthane, mais le produit se dégrada rapidement sous oxygène conduisant rapidement au produit obtenu précédemment.

En fait, la structure du produit cristallin blanc analysé comme hexaphényléthane fut découverte presque 70 ans plus tard sous la forme du composé II ; l’hexaphényléthane n’ayant ainsi jamais été isolé! Le composé II est en équilibre en solution avec le radical triphénylméthyle I, qui réagit rapidement avec l’oxygène (biradical) pour donner le peroxyde III, de structure cristalline incolore.

Considérés comme incontrôlables et imprévisibles, les radicaux étaient redoutés en chimie fine ; de plus, la tendance de l’époque à expliquer nombres de réactions à l’aide de la théorie de la chimie ionique (considérée comme puissante et cohérente) impliqua un intérêt amoindri envers la chimie radicalaire. Il faudra patienter jusqu’aux années trente pour que Kharasch rationalise la régiosélectivité de type anti Markovnikov lors de l’addition de l’acide bromhydrique, sur les alcènes en proposant un premier mécanisme radicalaire. Un embargo sur le latex durant la seconde guerre mondiale obligea des industriels americains à exploiter l’efficacité des méthodes radicalaires pour la synthèse de polymères de remplacement. Depuis les trente dernières années, la compréhension des paramètres propres aux réactions radicalaires a permis le développement de méthodes extrêmement précieuses pour les organiciens. La chimie radicalaire complète aujourd’hui l’arsenal des réactions ioniques et organométalliques déjà disponibles. Le comportement des radicaux est maintenant suffisamment connu pour envisager des étapes complexes, avec la formation contrôlée de liaisons carbone-carbone et carbone-hétéroatome, en particulier en synthèse totale.

La chimie radicalaire par propagation de chaîne 

De manière générale, une transformation mettant en jeu des réactions radicalaires doit suivre la succession d’étapes suivantes : la génération dans un premier temps du radical issu du réactif, la réalisation de la ou des transformations désirées et finalement l’élimination du caractère radicalaire. Si le nouveau radical obtenu après transformations transmet son caractère radicalaire à un des réactifs de départ, il s’agit alors d’une réaction radicalaire par propagation de chaîne.

Un mécanisme radicalaire en chaîne est caractérisé par un ensemble de trois étapes: l’amorçage, la propagation et la terminaison.

L’amorçage est la première étape du processus. Elle consiste à générer sélectivement des radicaux par fragmentation homolytique d’une liaison faible. La source d’énergie nécessaire à cette étape, qu’elle soit lumineuse ou thermique, doit être suffisamment sélective afin d’éviter les fragmentations anarchiques. Comme la plupart des molécules ne possèdent pas de liaison faible, il est généralement nécessaire de recourir à une amorce.

Le choix de l’amorce est quant-à-lui conditionné par son temps de demi-vie à la température à laquelle le processus radicalaire doit se dérouler, ainsi que par la nature du radical libéré. La combinaison amorce / température permet ainsi de contrôler la vitesse à laquelle les radicaux sont produits.

La seconde étape consiste en la propagation de cette espèce radicalaire. Elle comprend une ou plusieurs réactions élémentaires, la dernière permettant d’obtenir le produit final de la réaction et de régénérer l’espèce réactive pouvant alors propager la chaîne radicalaire .

Et enfin, l’étape de terminaison conduit à des espèces non radicalaires par recombinaison ou dismutation des radicaux. Ce sont des étapes très rapides et exothermiques qui rompent la chaîne de propagation. Elles peuvent être limitées en conservant à chaque instant dans le milieu une concentration en radicaux la plus faible possible .

Méthodes de chimie radicalaire par propagation de chaîne

Méthodes aux hydrures d’étain 

L’hydrure de tributylétain est de loin le réactif le plus communément employé en chimie radicalaire. Il permet de générer avec efficacité des radicaux via un mécanisme radicalaire en chaîne et présente l’avantage de réagir avec une grande variété de groupements . Il peut être utilisé pour effectuer des réductions directes de groupements halogénés, soufrés, séléniés ou nitrés mais des étapes intermédiaires d’addition, de cyclisation ou de fragmentation peuvent être réalisées avant cette réduction.

L’étape d’amorçage génère le radical stannylé qui réagit sur le composé RX pour donner le radical R• . Ce radical peut ensuite évoluer selon deux voix différentes :

– il peut réagir avec une nouvelle molécule d’hydrure de tributylétain pour donner le produit réduit RH et le radical stannylé et ainsi propager la chaîne radicalaire. Cette voie est fréquemment utilisée pour effectuer la réduction de composés halogénés.
– il peut aussi être engagé dans une ou plusieurs étapes élémentaires (addition ou cyclisation sur une oléfine, migration 1,5…) qui mèneront au radical R’• qui réagira à son tour avec une molécule d’hydrure de tributylétain pour donner le nouveau substrat R’H et le radical stannylé qui propagera la chaîne. Dans ce cas, la réaction de réduction prématurée du radical R• étant toujours possible, elle devra être limitée au maximum par une addition très lente d’hydrure d’étain tout au long de la réaction.

En dehors de la grande variété de substrats pouvant être utilisés, cette méthode présente deux avantages majeurs. Sa compatibilité avec un grand nombre de fonctionnalités autorise l’accès à des molécules d’une grande complexité et la forte affinité de l’étain pour les halogènes permet de générer des radicaux d’énergie et de réactivité variées tels que les radicaux alkyles, vinyles ou aryles.

Comme précisé auparavant, il est possible de minimiser la réduction prématurée et
généralement non désirée du radical R• par une addition lente de l’hydrure tout au long de la réaction. Cependant, dans le cas de transformations complexes et cinétiquement défavorisées du radical R• , cette réduction peut devenir un processus plus que compétitif. C’est en particulier le cas pour les additions intermoléculaires ; le processus n’est alors effectif que si l’oléfine est suffisamment activée et utilisée en très large excès. Enfin, la purification du substrat est généralement difficile, et les dérivés stannylés sont neurotoxiques, ce qui interdit leur utilisation dans le domaine pharmaceutique notamment. Une alternative à l’utilisation des hydrures d’étain est l’emploi d’hydrure de tris- (triméthylsilyl)-silane (TTMSH). Les problèmes de toxicité et de purification sont ainsi résolus cependant ce réactif est très cher ce qui limite son utilisation. Il faut également citer les hydrures mercuriques dont la liaison Hg-H est rompue de façon homolytique à température ambiante. Ils sont préparés in situ et permettent d’effectuer les réactions radicalaires dans des conditions douces. Cependant, cette méthode est plus limitée que celle aux hydrures d’étain et utilise le mercure, métal plus toxique que l’étain.

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Table des matières

Introduction générale
I. La chimie radicalaire
Introduction à la chimie radicalaire
A. Introduction et concepts généraux
B. La chimie radicalaire par propagation de chaîne
C. Méthodes de chimie radicalaire par propagation de chaîne
1. Méthodes aux hydrures d’étain
2. Méthode des esters thiohydroxamiques
3. Les réactions de fragmentation
4. Méthode par transfert d’atome ou de groupe
5. Conclusion
La chimie radicalaire des xanthates
A. Les xanthates en chimie organique
1. Les xanthates S-propargyliques
2. L’élimination de Chugaev
3. La réaction de Barton-McCombie
B. Principe de la chimie radicalaire des xanthates par transfert de groupe
C. Synthèse des xanthates
1. Par substitution nucléophile
2. Par réaction entre un composé diazo et un bis-xanthate
3. Par réaction entre un accepteur de Michael et un sel de xanthogénate
4. Par addition électrophile
5. Par chimie radicalaire
D. Illustration du potentiel synthétique de la chimie radicalaire des xanthates
1. Additions sur des oléfines
2. Variété de cyclisations
3. Applications en synthèse totale
4. Cyclisations sur des systèmes aromatiques
5. Allylations et vinylations
6. Autres transformations du groupe xanthate
a. Par voie ionique
b. Par voie radicalaire
E. Conclusion
II.La chimie du Fluor
Introduction
A. Importance du Fluor
1. Introduction
2. Le fluor en agrochimie
3. Le fluor en pharmacie
B. Introduction de groupements trifluorométhyles
1. Approche électrophile
2. Approche nucléophile
3. Approche linéaire
a. Utilisation des oléfines trifluorométhylées
b. Utilisation du trifluoroacétaldéhyde
c. Utilisation de cétones trifluorométhylées
d. Utilisation de l’acide trifluoroacétique et de ses dérivés
4. Approche radicalaire
Introduction radicalaire de groupements trifluorométhyles
A. Antécédents
1. Génération du radical trifluoroacétonyle
2. Génération du radical trifluorométhyle
B. Nouvelle approche de dérivés α-amino, α-hydroxy, α-chloro trifluorométhylés
1. Introduction
a. Méthodes connues spécifiques aux dérivés α-aminotrifluorométhylés
b. Méthodes connues spécifiques aux dérivés α-hydroxytrifluorométhylés
2. Synthèse des xanthates
a. Synthèse du xanthate de type I
b. Synthèse du xanthate de type II
c. Synthèse du xanthate de type III
3. Additions radicalaires
4. Transformations ioniques ou radicalaires
a. Par voie ionique
b. Par voie radicalaire
5. Réaction de dimérisation
6. Vers la synthèse de nouveaux xanthates
a. le motif α-thio trifluorométhyle
b. le motif α-carboxy trifluorométhyle
C. Application : synthèse d’hétérocycles trifluorométhylés
1. Obtention d’un azépane
2. Nouvelle voie de synthèse de pipéridines
3. Nouvel accès à la trifluoroalanine, à l’acide trifluorolactique et aux analogues
carbonylés
4. Synthèse originale de dihydropyrrolidones trifluorométhylées
5. Conclusion
D. Conclusion et perspectives
III. Utilisation d’aldéhydes comme précurseurs radicalaires Un accès convergent aux diènes et δ-lactones insaturées
A. Réactivité des aldéhydes
1. Réactivité normale
2. Inversion de réactivité – Umpolung
3. Les aldéhydes en tant que précurseurs radicalaires
B. Génération de radicaux à partir d’aldéhydes
1. Introduction
2. Synthèse des xanthates
3. Réactions d’addition radicalaire
4. Extension de la méthode aux cétones
C. Applications
1. Formation de diènes
2. Synthèse de δ-lactones insaturées
D. Conclusion
IV. La chimie des sels d’aryldiazonium. Variation de la réaction de Leuckart
A. La chimie des sels de diazonium aromatiques
1. Synthèse et réactivité des sels de diazonium aromatiques
a. Synthèse
b. Réactivité
c. Génération de radicaux aryles à partir de sels de diazonium aromatiques
2. Exemples de réactions impliquant les sels de diazonium aromatiques en tant
qu’intermédiaires de synthèse
a. Les réactions classiques
b. Synthèse d’hétérocycles
B. Antécédents
1. Les réactions intramoléculaires de Beckwith
2. La réaction de Leuckart
3. Mécanisme de la réaction de Leuckart
C. Formation d’hétérocycles variés substitués par la fonction xanthate
D. Applications en chimie médicinale
1. Antécédents
a. Dérivés du benzofuranes
b. Dérivés du benzothiophène
c. Dérivés d’azaindoles
d. Dérivés d’indoles
2. Etude de la welwitindolinone
E. Conclusion
Conclusion générale
Références

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