La chaîne comme acteur majeur dans la construction d’un animateur tout puissant

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L’ethos comme élément d’expression de la personnalité

Pour approfondir l’analyse de la personnalité de Yann Barthès, la notion d’ethos doit être prise en considération car elle concoure à caractériser l’identité de l’individu à travers sa posture et son discours. Nous allons tenter de définir cette notion, que l’on retrouve beaucoup dans le champ philosophique et dans les domaines de l’analyse de discours, avec Dominique Maingueneau et son article L’ethos, de la rhétorique à l’analyse de discours. Dans ce dernier, il propose notamment d’éclairer ce concept engagé initialement par Aristote, en expliquant les différentes attributions qui peuvent être inhérentes à la notion d’ethos et en exposant des exemples de sa mise en œuvre dans l’analyse de discours, ce qui nous intéresse particulièrement pour mener à bien notre recherche.
En premier lieu, Aristote a défini ce que l’on appelle l’ethos rhétorique, qui consiste à examiner ce qui est persuasif pour un type d’individus. L’ethos est donc une « preuve qui consiste à faire bonne impression par la façon dont on construit son discours, à donner une image de soi capable de convaincre l’auditoire en gagnant sa confiance »11. Maingueneau enrichit sa définition de l’ethos par celle de Declercq, qui avance l’ethos comme « tout ce qui dans l’énonciation discursive, contribue à émettre une image de l’orateur à destination de l’auditoire. Ton de voix, débit de la parole, choix des mots et arguments, gestes, mimiques, regard, posture, parure etc., sont autant de signes élocutoires et oratoires, vestimentaires et symboliques par lesquels l’orateur donne de lui-même une image psychologique et sociologique »12. Cette définition ponctue ainsi l’existence de paramètres qui peuvent influer sur la construction de l’ethos d’un locuteur, ce qui demeure très intéressant pour appréhender ce qui peut rentrer en compte dans la portée d’un discours, au-delà du simple fait des mots qui le compose. Maingueneau poursuit en affirmant que l’expérience sensible du discours et l’affectivité du destinataire sont mobilisés par l’ethos, que ce procédé s’inscrit dans le registre des mœurs du destinataire. Dans la rhétorique d’Aristote, l’ethos est conceptualisé comme un type de preuve utilisé par un orateur qui sert à persuader un auditoire, en mobilisant notamment trois qualités fondamentales ; la phronésis (la prudence), l’arêté (la vertu) et l’eunoia (la bienveillance). Mais au-delà d’une simple preuve, l’ethos peut se définir en tant que dispositions stables qui sont les traits de caractère d’un individu, incluant notamment le point de vue politique et le point de vue de l’âge et de la fortune, toujours selon Aristote. L’ethos se positionne donc dans l’énonciation car il revêt les « traits de caractère que l’orateur doit montrer à l’auditoire (…) pour faire bonne impression »13 comme l’indique Roland Barthes dans L’ancienne rhétorique. L’auditoire prend donc une place très importante dans la constitution de l’ethos car il peut orienter les passions que l’orateur va susciter, car « persuader va consister à faire passer dans son discours l’ethos caractéristique de l’auditoire, pour donner l’impression à celui-ci que c’est l’un des siens qui s’adresse à lui. »14.
L’ethos est également lié à la construction de l’identité ; il y a un phénomène de représentation qui s’effectue dans une prise de parole, et les stratégies de parole d’un locuteur qui s’articulent dans le discours façonnent une certaine identité. Dans l’analyse de discours, et en particulier d’une situation d’interaction orale, l’ethos pourra considérer d’autres paramètres qui surplombent le matériau proprement verbal et le pouvoir donné aux mots, qui peuvent se définir par exemple dans l’habillement du locuteur, ses gestes, l’ensemble du cadre de communication. L’ethos prendra donc en compte les comportements et l’articulation du verbal avec le non-verbal dans l’objectif de « provoquer des effets pas seulement liés aux mots »15 sur le destinataire. Tous ces paramètres, que Maingueneau nous propose dans son article d’englober dans l’ethos d’un locuteur, donnent une idée des éléments qui ont une signification à prendre en compte dans un discours. Cette précision permet par exemple de comprendre l’enjeu de s’attarder sur la façon de se vêtir de Yann Barthès, qui aura donc un certain sens auprès de l’auditoire, en plus de son message verbal.

Aperçu de la personnalité de Yann Barthès à travers son style d’animation

En tenant compte du bagage théorique que nous avons pu expliciter auparavant, nous allons donc pouvoir procéder à l’analyse de la personnalité de Yann Barthès dans ses différentes émissions, de sa chronique Le Petit Journal dans Le Grand Journal, à son émission Le Petit Journal et enfin Quotidien. A travers les différents éléments qui peuvent constituer une personnalité, nous pourrons être guidés sur les paramètres qu’il est important d’observer. L’objectif sera de produire une analyse pertinente, qui apportera quelques éléments de réponse quant au rôle de la personnalité de Yann Barthès dans la construction de son statut d’animateur puissant.
Afin d’observer une éventuelle évolution de l’animateur, nous pensons judicieux de procéder à une analyse chronologique. Il s’agit donc d’analyser la personnalité de Yann Barthès, de son apparition la plus ancienne à la plus récente, à travers les émissions que nous avons citées antérieurement. Cela nous permettra de mieux apprécier le développement télévisuel de Yann Barthès, de sa jeunesse en tant que chroniqueur à sa maturité en tant qu’animateur, tout en dégageant les éléments de sa personnalité qui ont pu affirmer et renforcer sa puissance au fil des années.

Les débuts de Yann Barthès à la télévision : l’expérience du Grand Journal

Yann Barthès a fait ses débuts au sein de l’émission mythique de Canal+ dès sa création en 2004. A ce moment-là, Yann Barthès propose « Le Petit Journal People » sous forme de chronique en voix off ; on ne le verra à l’écran qu’en 2007. Nous nous sommes donc concentrés sur l’analyse de l’une de ses premières chroniques en voix off au sein du Grand Journal, diffusée le 25 septembre 2004. Nous analyserons également sa première chronique en plateau datée du 03 septembre 2007, et enfin une de ses dernières chroniques sur le plateau du Grand Journal du 26 mai 2011.

Quand la force du format propulse l’animateur

Comme nous l’avons supposé auparavant, la personnalité, et particulièrement celle de Yann Barthès, joue un rôle majeur dans la construction de la puissance d’un animateur. Cependant, il ne faut pas oublier que cette personnalité est appréciée dans un contexte particulier, qui se matérialise par un dispositif et un concept, qui fabrique le format final. Ce dernier peut ainsi encore plus magnifier la personnalité de l’animateur si ces deux objets sont en parfaite adéquation. Après avoir défini ces notions pour le moins importantes, nous nous attacherons particulièrement à comprendre le genre de l’infotainment, dans lequel Yann Barthès s’est toujours illustré à la télévision à travers les différents formats qu’il a pu animer. Cette mise au point nous sera essentielle pour bien appréhender les paramètres qui vont entrer en compte dans la présentation des émissions Le Petit Journal et Quotidien, et de comprendre quels sont les rôles de Yann Barthès et comment il parvient à incarner ses formats jusqu’à en devenir indissociable.

Le format comme protection d’un programme télévisé

Le format est une notion essentielle du vocabulaire de la télévision. Il doit être précisément défini pour comprendre ce qu’il induit et les rôles qu’il possède. Il se confond souvent avec les termes de programme, d’émission, ou encore de concept. Pour bien saisir les subtilités du format et donc pour bien saisir ses enjeux et sa construction, nous pouvons nous appuyer sur sa définition. Selon la jurisprudence, le format peut alors être considéré comme le « mode d’emploi qui décrit un déroulement formel, toujours le même, consistant en une succession de séquence dont le découpage est préétabli (…)»20. Le format dépasse indéniablement le cadre du concept, car le concept est une idée de base qu’il faut préciser à l’aide d’un cahier des charges afin de transformer le concept imaginé en format effectif. Pour cela, il s’agit notamment de définir la thématique, les protagonistes, le mode de diffusion (direct ou pas ?), le prix (ce qu’il y a à gagner), comment le sujet va être traité, pour qui, dans quel lieu, le titre du programme, sa durée, le casting, les invités, le décor, la structuration de l’émission, etc. Définir un format est donc nécessaire car c’est lui qui protège le concept et qui lui procure sa force. En définissant précisément ses caractéristiques, en allant donc beaucoup plus loin que la communication d’une simple idée, le format permet de dessiner des contours solides au programme de télévision.
Les enjeux du format sont multiples. Tout d’abord, il favorise l’exportation à l’étranger d’une émission. En transmettant un format qui se définit donc à l’aide d’un cahier des charges, les potentiels acheteurs ont une vision précise du programme et peuvent tenir compte des contraintes de sa mise en œuvre, imaginées par les créateurs. De ce fait, le format peut favoriser le succès d’un programme simplement en facilitant son exportation, ce qui permet d’accentuer sa reconnaissance au-delà des frontières du pays créateur. Le format permet également la protection juridique et sert de preuve, pour les droits d’auteurs notamment. Dès lors qu’il est déposé en tant que tel, les concurrents ne peuvent l’utiliser sans compensation financière pour les créateurs. Cela le protège notamment du plagiat, ce qui est par conséquent très important pour garder la valeur du format et ses spécificités.
Le format précise ainsi, en plus de la thématique et du genre, sa mise en œuvre effective, c’est-à-dire les différents moyens qu’il faut utiliser pour cette émission donnée. Ces moyens sont regroupés dans ce que l’on appelle le dispositif, et celui-ci représente un enjeu majeur dans la construction d’un format. Il peut lui donner sa force comme sa faiblesse s’il n’est pas adapté au contenu et à l’essence du programme. C’est pourquoi, il est essentiel de le définir et d’appréhender les divers volets qu’il comprend, ainsi que ses enjeux et ses objectifs.

Le dispositif comme instrument de mise en œuvre du format

Nous pourrions dire que le dispositif est la mise en œuvre du concept. Mais ce serait réduire le dispositif à un simple rôle technique, ce qui n’est pas le cas.
Dès lors qu’une chaîne de télévision réfléchit à un projet de format télévisé, donc dans un premier temps à un concept, il est nécessaire d’inclure le dispositif dans la réflexion car l’émission et le résultat donné aux téléspectateurs dépendront du dispositif mis en place, peu importe l’idée de départ. Car d’une simple idée de concept peut naître différentes mises en œuvre, qui produisent des résultats variables selon les éléments qui lui sont appliqués en termes de dispositif. Pour une émission de plateau, le dispositif est omniprésent et véritable vecteur de son succès.
Guy Lochard, après avoir effectué la genèse de ce que peut être concept en s’appuyant sur différents travaux effectués dans les domaines cinématographiques et télévisuels, se propose de définir le dispositif comme étant « l’ensemble agencé des paramètres de médiation qui sont réunis et mobilisés par une instance de production pour réaliser le projet communicationnel sous-tendant une émission »21. Ainsi, plusieurs éléments paraissent intéressants dans cette définition pour saisir le concept du dispositif. On parle notamment d’un « ensemble agencé », c’est-à-dire que le dispositif permet de créer une situation de communication qui prend place d’une façon bien définie dans un contexte déterminé. Egalement, nous apprenons ici que le dispositif émane de la volonté d’une instance de production, c’est-à-dire d’une entité qui dépasse le simple cadre de l’émission. L’instance peut bien-sûr être la chaîne de télévision, mais également une boîte de production. Cependant, même si le dispositif peut-être pensé par une boîte de production, la chaîne a tout de même des validations à formuler car c’est elle qui prend la décision finale de diffusion du programme. Le dispositif des émissions proposées doivent revêtir une certaine cohérence avec ce qu’est la chaîne afin d’appuyer son identité auprès des téléspectateurs. Enfin, la troisième notion de cette définition qui paraît très importante est « le projet communicationnel ». Car tout programme télévisé est un projet communicationnel dans lequel on souhaite faire passer des messages, d’une certaine façon et avec une certaine personne, dans le but de répondre à des objectifs formulés au préalable par la chaîne (image, finances…).
Le dispositif va donc se manifester à travers plusieurs composants techniques et esthétiques qui donnent l’unicité et la valeur ajoutée de l’émission. Nous pouvons citer d’une part les éléments purement techniques comme le nombre de caméras, la présence d’un prompteur, la présence d’une table, le son, l’éclairage etc. Tout cela se met en place dans une scénographie qui comprend le décor, les couleurs, le choix des positions des protagonistes, la présence ou non d’un public qui rajoute une esthétique particulière et reconnaissable à l’émission. Au-delà du visuel, le dispositif comprend également la structuration de l’émission, c’est-à-dire le découpage des séquences, le rubriquage, et le cadre situationnel déterminant la répartition de l’espace spatio-temporel. Les choix qui sont pris concernant tous ces éléments participent donc à la création d’un dispositif particulier, qui oriente ainsi la façon dont le concept est mis en œuvre. L’orientation thématique du programme, sa fréquence et sa programmation sont également importants dans la construction d’un dispositif. Par exemple, si une émission est diffusée à 20h00, il faut alors privilégier des couleurs vives et attrayantes ainsi que la présence d’un public pour illustrer le dynamisme de l’émission et le fait que les téléspectateurs soient invités à se divertir après une journée de travail. Ce sont notamment des dispositions que l’on peut retrouver dans les émissions animées par Yann Barthès, que ce soit Le Petit Journal ou Quotidien. Pour une émission diffusée à 23h00, les attentes en termes de dispositif seront différentes car ce n’est pas le même public qui est devant sa télévision. On trouvera ainsi des couleurs assez sombres qui rappellent la nuit comme le bleu marine ou le noir, et parfois peu ou pas de public pour privilégier une ambiance intimiste.
Le dispositif a plusieurs fonctions : il n’est pas qu’une simple représentation esthétique d’un concept, mais est bien porteur de messages plus implicites et symboliques. Nous pouvons même parler de rôles, car le dispositif n’est pas un ensemble « passif », qui se contente juste de planter un décor. Par exemple, si nous parlons justement du décor, que nous décidons de transformer radicalement d’une saison à l’autre, cela peut être symbolique d’une volonté de changement plus profond, un véritable marqueur d’évolution. Eliseo Veron22 illustrait notamment cet exemple avec le cas du nouveau JT de Jean Lefèvre, qui a succédé à Roger Gicquel en 1981. Pour marquer le changement de visage qui accompagnait l’évolution du format, le décor a également été changé, pour sursignifier le changement désiré et opéré. Ainsi, le dispositif permet de transmettre des messages de manière non-verbale et au-delà du discours des protagonistes qui interviennent en plateau. Il parvient par exemple à faire parler les caméras à travers les plans qu’il choisit d’effectuer, les caméras qui sont allumées à certains moments avec les effets de champ/contre champ, en montrant ce qu’il choisit de montrer et au moment qu’il juge opportun. Le dispositif peut alors transmettre des points de vue, dans le sens propre comme dans le sens figuré, qui apportent des significations supplémentaires au discours explicite. Ces points de vue proposés peuvent être des indications émanant de l’instance de production quant au message qu’elle souhaite transmettre dans l’émission. Le dispositif permet effectivement d’insister sur des points qui sont non perceptibles par le téléspectateur au premier abord, ce qui produit bien des effets, plus ou moins inconscients, sur la compréhension et l’interprétation donnée. Le dispositif fait donc partie intégrante de la situation de communication. Cette dernière peut se définir comme le contexte dans lequel une émission prend place, avec tous les instruments communicationnels dont elle dispose pour exister et transmettre son message. Et au sein de la situation de communication, se met en place un processus qui signifie la relation entre une instance de production et le public : le contrat de communication. En plus d’assurer une portée symbolique à travers l’utilisation donnée à ses divers instruments, le dispositif permet également de saisir ce que Patrick Charaudeau a pu nommer le contrat de communication. Le contrat de communication implique l’idée que « tout acte de communication s’inscrit dans un cadre pré-structuré dont les particularités dépendent de la situation dans laquelle se déroule l’acte langagier »23. Ces contrats sont pourvus d’une finalité, d’une identité et donc d’un dispositif qui visent à être reconnus pour obtenir la compréhension de la communication. Ainsi, ils donnent un sens différent au message en fonction de l’articulation de ces différents éléments participant à l’acte de communication et « témoignent d’un état du marché social de la communication à un moment donné »24. En analysant l’agencement de l’image et de la parole qui forme le dispositif, nous pouvons deviner la finalité du contrat de communication instauré par l’instance de production avec le public.

L’infotainment : un genre particulier et terrain de jeu de Yann Barthès

Ainsi, le format et le dispositif, une fois définis, s’inscrivent dans un genre télévisuel. Dans notre cas, les émissions de Yann Barthès que nous allons analyser appartiennent toutes au même genre, un genre autant apprécié que décrié : l’infotainment. Nous allons donc définir ce genre et ses caractéristiques dans un premier temps pour mieux cerner ses spécificités, puis nous verrons comment ce genre a été mis en œuvre dans les différentes émissions où Yann Barthès a pu prendre part, du Grand Journal et du Petit Journal de Canal + à Quotidien sur TMC.

La popularisation du genre à travers les émissions de Yann Barthès : focus sur Le Petit Journal et Quotidien

L’infotainment, malgré les quelques critiques qui lui sont adressées, reste un genre qui plait dans la télévision d’aujourd’hui. Sa mise en œuvre en France est due à quelques grands noms qui ont su la façonner au grès des différents formats. Outre Alain De Greef et Pierre Lescure qui ont importé le genre et ont su le réinventer, nous pouvons également penser à Renaud Le Van Kim, qui fut une référence du genre chez Canal +. Ce dernier, avec sa société KM, a notamment été le co-producteur du Grand Journal pendant ses grandes années avec Michel Denisot. Mais surtout, un autre grand nom a modelé ce talk-show en lui ajoutant les ingrédients phares d’un programme d’infotainment, avec une hybridation des genres : Laurent Bon. Du Grand Journal à Quotidien, Laurent Bon est manifestement derrière les émissions d’infotainment qui demeurent les plus reconnues aujourd’hui dans le paysage audiovisuel français. C’est sous son impulsion ainsi que celle de Yann Barthès que Le Petit Journal s’est émancipé de son mentor pour devenir une émission à part entière, et non plus qu’une simple chronique. En créant la boîte de production Bangumi, les deux compères ont chacun mis à disposition leurs compétences respectives de producteur et d’animateur pour proposer une émission de pure infotainment, qui s’assume comme telle et qui est devenue une véritable référence en la matière.
Au départ, Le Petit Journal était donc une chronique au sein du Grand Journal. Il était composé du « Petit Journal Actus » et du « Petit Journal People », d’une durée de cinq minutes chacune et que Yann Barthès venait défendre en plateau à partir du 03 septembre 2007. Les deux contenus, information et divertissement, se dessinaient déjà dans ce qui englobait la marque « Le Petit Journal », avec ces volets consacrés à l’actualité, qui symbolise l’information et au people qui symbolise le divertissement. Mais petit à petit, Yann Barthès s’est lassé du côté people, et Le Petit Journal Actus a commencé à prendre le dessus, jusqu’à devenir une émission à part entière dénommée Le Petit Journal.
A travers sa chronique consacrée à l’actualité, Yann Barthès a été précurseur dans le décryptage des stratégies de communication des politiques, qui était son terrain de jeu favori. Ce décryptage n’était pas seulement un décryptage informatif, mais il se voulait humoristique pour tourner en dérision toutes les contradictions des politiques. Ainsi, Le Petit Journal s’est directement distingué par la satire et l’impertinence pour traiter l’actualité, avec un ton et une mise en scène travaillée et incarnée par Yann Barthès en plateau. Mais également, le passage de la chronique humoristique en émission a fait évoluer la marque d’infotainment : Le Petit Journal proposait ainsi, toujours sur fond d’infotainment, des reportages très sérieux à fort caractère informatif27, du décryptage politique, et toujours des pastilles humoristiques. Cette marque s’est donc positionnée très rapidement comme spécialiste de l’infotainment en pratiquant de manière très poussée le mélange des genres.

Changement de chaîne, changement de format, et de mise en œuvre ?

Quotidien est la preuve qu’un format peut changer de nom et de chaîne, sans pour autant en pâtir au niveau de l’audience. Sa reconnaissance et son adhésion par le public peut lui assurer le succès. Quotidien a ainsi repris la recette du Petit Journal, créé et porté par Yann Barthès, qui a donc repris globalement les mêmes dispositifs, la même scénographie et tous les éléments qui ont contribué à construire Le Petit Journal. Mais quelques éléments supplémentaires propres à la nouvelle formule Quotidien ont été ajoutés de sorte à toujours plus enrichir le format et le valoriser. D’ailleurs, la première émission de Quotidien a revendiqué clairement son appartenance à la mouvance de l’ancien Petit Journal. La nouvelle émission commence ainsi avec un magnéto « précédemment dans une ancienne vie » où l’on voit Catherine Deneuve refermer Le Petit Journal dont elle était la marraine, dans son micro rouge floqué du logo de l’émission et qu’elle embrasse en guise d’adieu. Quotidien s’apparente comme la suite logique, puisque la séquence suivante montre un micro rouge (symbole du Petit Journal) floqué cette fois du nouveau logo Quotidien (annexe 22). Le format est ainsi traité comme une « série », avec un « précédemment », une dramatisation de l’histoire, puis un retour à « aujourd’hui » qui met justement en scène le fameux micro rouge, central au dispositif, dans sa nouvelle vie. C’est l’objet fédérateur, le lien entre l’ancienne vie, Le Petit Journal, et Quotidien. Nous allons ainsi voir que les similarités entre les deux programmes sont nombreuses, mais que des nouveautés ont quand même dû s’intégrer du fait notamment de la multiplication de la durée du programme, (40 minutes pour la dernière saison du Petit Journal contre 1h30 pour Quotidien) à laquelle il a fallu s’adapter.
Comme pour Le Petit Journal, Quotidien se déroule en plateau, entouré d’un public fortement présent à l’image, un fort éclairage du plateau, avec une table au centre blanche et des touches de bois. Le bois est d’ailleurs plus présent dans Quotidien, ce qui rappelle notamment un peu plus les scénographies des lates shows américains, qui ont de forts points communs avec ce format d’infotainment à la française (annexe 23). Comme pour Le Petit Journal, nous retrouvons toujours les éléments techniques à l’écran : les caméras, les cameramen, les lampes d’éclairage. Les plans effectués sont également similaires : plans larges, mouvements dynamiques lors du générique, des lancements et des retours de publicité, et plan américain sur Yann Barthès et les autres intervenants en plateau, qui permettent notamment de voir les feuilles, stylos et autres accessoires présents sur la table. Néanmoins, nous remarquons quelques différences. Le logo d’abord, qui a évidemment changé, et qui représente un Q coloré de barres multicolores au nombre de 7 qui symbolisent les jours de la semaine et rappelle donc son rapport avec l’actualité. Ce logo a d’ailleurs fait l’objet de plusieurs interprétations et a su faire parler dans les médias bien avant l’arrivée effective de l’émission sur l’antenne de TMC. Au fond du plateau, nous retrouvons ce logo avec la date du jour lors de la séquence d’ouverture, mais aussi avec d’autres illustrations qui s’incrustent dans le Q en fonction du sujet abordé en plateau et qui accompagnent ainsi le discours de Yann Barthès. Le logo reste présent tout au long de l’émission, en bas à gauche de l’écran, mais cohabite cette fois-ci avec le logo de TMC et la mention « inédit » placée à la diagonale opposée. Enfin, nous pouvons voir le logo Bangumi (le producteur de Quotidien) apparaître à l’écran après le générique pendant deux secondes.
Concernant les protagonistes et leur place en plateau, Yann Barthès est au départ seul, mais pas pour longtemps. Il accueille tout au long de l’émission ses journalistes, chroniqueurs et invités, qui vont être disposés en face de lui sur une table ronde ouverte au centre, où Yann Barthès se situe. Cela constitue une évolution majeure car Yann Barthès, qui est beaucoup moins seul à l’écran qu’avant, est toujours en mouvement au centre de cette table et n’est pas placé au même endroit pendant l’émission, en fonction des personnes qu’il a en face de lui. Les journalistes sont quant à eux désormais beaucoup plus présents à l’écran, que ce soit dans les reportages ou en plateau, où ils viennent généralement les introduire. Cela donne de fait plus de personnes à regarder à l’écran pour le téléspectateur, qui vont et viennent sur le plateau autour de Yann Barthès. Sur la dernière demi-heure de l’émission, nous pouvons retrouver jusqu’à six personnes entourant Yann Barthès, ce qui marque encore plus la dimension infotainment et par la même occasion, « esprit de bande ».

Le pari des incarnations : à la recherche de talents pour valoriser la chaîne

Comme nous avons pu l’entrevoir, si une ligne éditoriale joue un rôle majeur dans la puissance donnée à un animateur, ce dernier est également utilisé comme incarnation de cette ligne éditoriale à travers le programme qu’il présente. L’animateur qui fait figure d’incarnation doit bien évidemment être en cohérence avec la ligne éditoriale de la chaîne tout en la valorisant. L’objectif est de séduire un public à travers une personnalité unique, charismatique et avec un caractère identificatoire qui parlent à une catégorie de personnes. Cette catégorie peut également être appelée une cible publicitaire, que certains animateurs, en fonction de leurs attributs sont capables de toucher plus que d’autres.
En reprenant notre cas Yann Barthès, nous pouvons voir que son émergence n’a pas été due au hasard, mais bien à la stratégie de Canal+, qui consiste à dénicher des talents. Le Grand Journal, où il a fait ses débuts, a constitué un important vivier de talents. Outre Yann Barthès, nous pouvons penser à Omar & Fred, Frédérique Bel, Charlotte Le Bon ou encore Louise Bourgoin qui connaissent aujourd’hui un grand succès. Le Grand Journal a permis de faire découvrir ces talents au public, et leur talent est désormais reconnu de tous. Si nous pouvons faire le lien entre tous par Michel Denisot, qui a su les accueillir sur son plateau et sans doute leur formuler une confiance qui les a fait progresser, c’est surtout en coulisse qu’un certain nombre de personnalités ont senti le potentiel des chroniqueurs. Parmi elles, nous pensons notamment à Renaud Le Van Kim, producteur du Grand Journal avec sa société KM, qui a façonné le format. Avec ses multiples rubriques, la structuration du Grand Journal a favorisé la mise en avant de plusieurs talents sur le plateau, qui ont une fenêtre de visibilité chaque soir. Cinq minutes tous les jours permettent aux chroniqueurs de raconter une histoire tous les soirs et de créer ainsi un lien avec les téléspectateurs.
Parmi l’équipe de Renaud Le Van Kim, on retrouve l’emblématique Laurent Bon, parfois désigné comme « un roi de l’infotainment à la française »34. Ce dernier, avant de créer la société Bangumi avec son poulain Yann Barthès, est d’abord celui qui soufflait dans l’oreillette de Michel Denisot. Laurent Bon est celui qui a suggéré à Michel Denisot Yann Barthès, qu’il avait pu découvrir auparavant au sein de la rédaction de + Clair. En plus d’avoir mis Yann Barthès sur le devant de la scène, c’est encore lui qui a favorisé l’indépendance du Petit Journal, en fondant avec l’animateur leur société de production. Le rôle d’un producteur comme Laurent Bon est d’avoir une vision d’ensemble sur l’émission, en faisant en sorte qu’elle soit un ensemble cohérent à la fin malgré les rubriques différentes. Avec Le Petit Journal, Laurent Bon contrôle ce qu’il se passe dans l’ombre pour que le résultat fourni à la lumière par Yann Barthès soit le meilleur possible. Ainsi, il accroît son talent et sa force à l’écran en ficelant un format puissant en amont. Laurent Bon est reconnu comme le meilleur dans l’infotainment à la française et défricheur de talents. Car c’est encore lui qui a déniché Eric et Quentin ou encore Catherine et Liliane. Au sein de Canal+, Laurent Bon s’est donc positionné comme un garant de l’esprit Canal en suivant la tradition qui consiste à miser sur des talents forts. Et avec Yann Barthès, il a réussi à construire un concept qui marche et dont l’animateur est devenu indissociable. Télérama avance même dans un article que c’est lui qui a fait du « timide Yann Barthès l’un des présentateurs les plus insolents de la télé »35. Laurent Bon a ainsi érigé Yann Barthès au rang d’animateur les plus courus du PAF, ce qui, pour une chaîne, est non négligeable étant donné la concurrence exacerbée liée aux vingt-sept chaînes gratuites. Miser sur des incarnations fortes permet ainsi de propulser un format et in fine, d’attirer et de fédérer le public. Pour la chaîne, l’enjeu est donc essentiel. Pour Canal+ à l’époque, il s’agissait de mettre en valeur ces talents dans la tranche en clair pour pouvoir attirer les prospects, qui avaient donc une vision de ce que pouvait être « l’esprit Canal ». Canal+, à travers l’exemple de Laurent Bon, a ainsi marqué sa volonté de miser sur les incarnations, et fut enchantée du résultat pour Yann Barthès, qui a eu droit à une émission indépendante et même au rallongement de cette dernière au fil des saisons.

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Table des matières

I. La personnalité comme moteur de l’incarnation
A) Introduction sur la notion de personnalité : ses caractéristiques, son rôle
a. L’identité comme élément constructeur de la personnalité
b. L’ethos comme élément d’expression de la personnalité
c. Le rôle de la personnalité de l’animateur
B) Aperçu de la personnalité de Yann Barthès à travers son style d’animation
a. Les débuts de Yann Barthès à la télévision : l’expérience du Grand Journal
b. L’émancipation de Yann Barthès : quand le chroniqueur devient animateur de l’émission Le Petit Journal
c. Démonstration d’une personnalité affirmée à travers l’émission Quotidien
II. Quand la force du format propulse l’animateur
A) Comprendre le format et le dispositif
a. Le format comme protection d’un programme télévisé
b. Le dispositif comme instrument de mise en oeuvre du format
B) L’infotainment : un genre particulier et terrain de jeu de Yann Barthès
a. Définition de l’infotainment : caractéristiques, forces et faiblesse du genre
b. La popularisation du genre à travers les émissions de Yann Barthès : focus sur Le Petit Journal et Quotidien
C) Evolution et place de Yann Barthès à travers différents formats et dispositifs
a. Se distinguer dans l’univers d’une chronique
b. Quand la chronique devient émission
c. Changement de chaîne, changement de format, et de mise en oeuvre ?
III. La chaîne comme acteur majeur dans la construction d’un animateur tout puissant
A) Une volonté ancrée dans les orientations stratégiques de la chaîne
a. Consolider une ligne éditoriale
b. Le pari des incarnations : à la recherche de talents pour valoriser la chaîne
B) La réponse à des enjeux stratégiques majeurs
a. Des objectifs financiers
b. Un enjeu d’image et d’influence
C) Jusqu’où la chaîne donne-t-elle du pouvoir à un animateur et quelles en sont les limites ?
a. Un effet de chaîne plus restreint
b. Risque de dépendance et cannibalisation de la chaîne par un animateur
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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