La cartographie fonctionnelle

La notion de cartographie fonctionnelle est relativement récente. Franz Josef Gall, avec la phrénologie (1825), est classiquement cité comme un précurseur de l’approche « localisationniste », qui consiste à attribuer à chaque fonction psychologique une région cérébrale bien localisée… et réciproquement. Auparavant, si l’anatomie du cerveau était relativement bien décrite, son fonctionnement était mal connu et la plupart refusait que l’on puisse disséquer le fonctionnement cérébral, n’envisageant la pensée humaine que comme un tout indissociable. Aujourd’hui toutefois, il est bien admis que l’équation entre fonction et localisation cérébrale n’est pas simple. Une seule tâche peut embraser les neurones de régions bien distinctes dans le cerveau, et on parle de réseaux d’activité. Inversement, une même région peut être mise en jeu dans des comportements ou activités apparemment très différents, on parle alors d’aires associatives ou d’intégration.

Il faut aussi savoir que ce qui est communément appelé aire cérébrale peut s’étendre sur une surface de plusieurs centimètres carrés. Dans ces conditions, il est possible que la multiplicité des fonctions soit une propriété de la population de neurones et non pas de chaque neurone individuellement. Nous verrons aussi que la plupart des protocoles expérimentaux cherche à tirer parti de différences subtiles entre tâches ou stimulations pour mettre en évidence des fonctions cérébrales « élémentaires ». Dans la section suivante, nous allons parler un peu de l’anatomie cérébrale. Il s’agit d’une part de donner quelques définitions et d’autre part de montrer que la notion de localisation cérébrale est un véritable problème en soi. Nous décrirons dans les sections qui suivent un certain nombre des outils qui sont utilisés pour explorer le fonctionnement cérébral. Il n’est pas dans notre intention de décrire toutes les techniques existantes d’exploration des fonctions cérébrales. Nous souhaitons simplement indiquer les caractéristiques majeures de quelques-unes des techniques utilisées chez l’homme, et surtout préciser l’échelle d’observation à laquelle se situent les différentes méthodes. Ceci nous permettra en particulier de mieux évaluer les atouts de l’IRM et de justifier pourquoi nous avons choisi cette technique pour réaliser nos études.

Un peu d’anatomie

Comme il s’agit d’établir un lien entre fonction et localisation cérébrale, un paragraphe de description anatomique nous paraît nécessaire, ne serait ce que pour définir certains termes utilisés par la suite. Un aperçu macroscopique permet de situer les cinq lobes cérébraux : frontal, pariétal, temporal, occipital et insulaire — caché au fond de la vallée sylvienne .

Si l’on veut affiner la description, il faut utiliser l’anatomie « sulco-gyrale » qui détaille les sillons (plis concaves) et gyri (plis convexes) du cortex cérébral. À cette échelle, le problème de la description anatomique est loin d’être simple du fait de la variabilité de ces structures entre les individus .

Un autre moyen couramment utilisé pour se repérer dans le cerveau est l’espace stéréotaxique, ou espace de Talairach. Sa définition est fondée sur la localisation de deux structures internes : les commissures antérieure (CA) et postérieure (CP). CA représente l’origine des coordonnées et l’axe CA-CP permet de placer le plan horizontal par rapport au plan inter-hémisphérique. Il est alors possible de placer n’importe quel cerveau selon une orientation de référence. Les coordonnées sont ensuite calculées de façon proportionnelle par rapport aux bords de la boîte englobant le cerveau .

Au départ, ce référentiel avait été créé pour le repérage des noyaux gris centraux. Mais à défaut d’une autre méthode de localisation, son utilisation a été étendue à la surface corticale.

L’atlas de Talairach, mis au point à partir d’un unique cerveau, est bien sûr loin de fournir une correspondance universelle entre l’espace stéréotaxique et l’anatomie sulco-gyrale. En outre, il a été montré que la position des structures cérébrales dans le référentiel stéréotaxique pouvait varier de plus d’un centimètre en fonction des sujets (Figure 3, bas). Néanmoins, cette méthode de repérage a pour avantage d’offrir un système de coordonnées numériques, ce qui en a fait un outil de communication actuellement inégalé dans la communauté scientifique. Il est également possible de décrire l’organisation cérébrale à une échelle encore plus fine. La cytoarchitectonie, par exemple, étudie les caractéristiques morphologiques des cellules dans le cerveau. Cette approche a permis non seulement de découvrir l’existence, dans l’ensemble du cortex, de couches de types cellulaires distincts, mais également de délimiter certaines zones corticales présentant des répartitions cellulaires différentes. Il est aussi intéressant de noter que la découpe cytoarchitectonique ne montre pas toujours de correspondance directe avec l’anatomie sulco-gyrale.

Il faut retenir de ce paragraphe que la description anatomique du cerveau pose déjà un problème en soi, du fait de la variabilité interindividuelle des structures cérébrales et de la multiplicité des échelles de description. À cela s’ajoute le fait que les méthodes d’exploration fonctionnelle que nous allons décrire dans la suite offrent, à différentes échelles également, des moyens de faire le lien entre structure cérébrale et fonction. Il nous semble donc important de toujours garder à l’esprit l’échelle à laquelle est faite une description et l’ambiguïté qui existe dans les relations entre les divers niveaux de description.

Des indices cliniques : neurologie et neuropsychologie

La neurologie et les études de neuropsychologie ont fourni les premiers indices pragmatiques du lien qui peut exister entre une localisation cérébrale et une fonctionnalité. C’est ainsi que Paul Broca en 1861, grâce aux observations qu’il a effectuées sur son célèbre patient aphasique, a pu déterminer que « la faculté du langage articulé » était localisée « au pied de la troisième circonvolution frontale gauche ».

Cependant, l’étude des lésions présente plusieurs limites. Tout d’abord, la précision de la localisation obtenue grâce à la neuropsychologie est relativement faible, car elle dépend de l’étendue — souvent importante — des lésions sous-jacentes. D’autre part, il est pratiquement impossible de répéter une observation, les lésions n’étant jamais identiques d’un patient à l’autre. Enfin, si la perte d’une région cérébrale entraîne la perte d’une fonction, rien ne permet de supposer que cette région cérébrale suffisait à réaliser la fonction chez le sujet sain. Autrement dit, l’étude des lésions met en évidence des conditions que l’on peut supposer nécessaires au fonctionnement normal, mais ne permet pas véritablement d’établir une équivalence entre fonction et région cérébrale. Ce n’est donc pas l’aspect « cartographique » qui fait la force de la neuropsychologie aujourd’hui. En contrepartie, cette spécialité bénéficie de ce qu’on pourrait appeler une bonne « résolution fonctionnelle ». En effet, les observations de double dissociation permettent de séparer des fonctions qui pouvaient a priori sembler fusionnées. Ainsi les descriptions de patients souffrant d’achromatopsie d’une part, et d’akinétopsie d’autre part ont permis d’imaginer que la perception d’une scène visuelle, loin de faire appel à une « fonction visuelle » unique requérait au contraire une mosaïque de fonctions traitant des informations parcellaires (couleur, forme, mouvement).

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1. LA CARTOGRAPHIE FONCTIONNELLE
1 Introduction
2 Un peu d’anatomie
3 Des indices cliniques : neurologie et neuropsychologie
4 Études comportementales et psychophysique : rapport avec la cartographie fonctionnelle ?
5 Méthodes électrophysiologiques
5.1 Électrophysiologie active
5.2 Électrophysiologie passive
6 Méthodes métaboliques, méthodes indirectes
CHAPITRE 2. CONTEXTE THÉMATIQUE
1 La perception du mouvement et des formes 3D
1.1 Le flux optique comme indice de forme 3D
1.2 Modèle hiérarchique de construction des formes 3D
1.3 Problèmes liés à la reconstruction de la structure à partir du mouvement
1.3.1 La reconstruction 3D : un liage spatial ?
1.3.2 L’intégration des différents indices de profondeur
1.3.3 Substrat neural de la reconstruction de la forme à partir du mouvement
Voie ventrale et/ou voie dorsale ?
Modèle et substrat
2 Les connaissances anatomo-fonctionnelles
2.1 Généralités
2.2 Les limites de la comparaison homme / singe
2.3 Schéma à deux voies du système visuel
Voies M et P
« Quoi » et « où »
« Perception » et « action »
2.4 Chez le singe
2.4.1 Traitement du mouvement visuel
De V1 à MT
Flux optique
2.4.2 Codage de la forme des objets
Cortex inféro-temporal (IT)
Cortex pariétal
2.5 Chez l’homme
2.5.1 Cartographie rétinotopique des aires visuelles
2.5.2 Traitement et perception du mouvement
Imagerie du mouvement visuel
Flux optique
Neuropsychologie et pathologie de la vision du mouvement
2.5.3 Codage de la forme des objets
2.6 Synthèse
2.7 Hypothèses de travail
CHAPITRE 3. CONTEXTE MÉTHODOLOGIQUE
1 Imagerie par Résonance Magnétique fonctionnelle
1.1 Principes physiques de l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM)
1.1.1 La résonance magnétique nucléaire (RMN)
1.1.2 Le signal de RMN
Signal de décroissance d’induction libre et temps de relaxation T1 et T2
Signal d’écho
1.1.3 Construction des images : le codage spatial
Sélection de coupe
Codage en fréquence
Encodage de phase
1.1.4 Les séquences d’acquisition
Séquence classique
Séquence echo-planar
1.1.5 Contraste des images
Densité de protons
Pondération en T1
Pondération en T2
Pondération en T2*
Dynamique de la résonance magnétique au cours des acquisitions et évolution du contraste
1.2 Bases physiologiques des images fonctionnelles en IRM
1.2.1 L’activité neurale
1.2.2 Le couplage hémodynamique
1.2.3 Le signal BOLD
Principes physiques et physiologiques
Évolution du signal BOLD pendant l’activité neurale
Signal tissulaire, signal vasculaire
1.2.4 Caractéristiques des images BOLD
Résolution spatiale et temporelle
Chronométrie
1.2.5 Les artefacts liés à la séquence d’acquisition
Perte de signal
Distorsions géométriques
Fantôme de Fourier
2 Dessin de protocole
2.1 Définitions
2.1.1 Paradigme
2.1.2 Stimulation passive
2.1.3 Protocole en blocs
2.2 Dessin catégoriel
2.2.1 Méthode soustractive
2.2.2 Conjonction
2.3 Dessin paramétrique
CONCLUSION

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