La carte simple illustration ? Interactions entre mappae mundi et textes

Confronter les textes présents dans les manuscrits et mentions figurées sur les trois mappemondes

Après avoir décrit l’organisation et les situations des mappae mundi, il convient de confronter les contenus des textes susceptibles d’avoir un lien avec les termes et mentions présents sur les trois cartes. Développer ce type d’approche est sujet à caution. En effet, l’analyse des textes et mentions figurées sur les mappemondes est tributaire du regard du spécialiste des textes ou des représentations spatiales. Ainsi, l’étude des mappemondes fût marquée par ces différentes approches. Il nous est possible d’identifier deux types d’analyse.
Une première se penche sur la carte et ses mentions à partir d’un texte source et une deuxième étudie un éventuel texte source par rapport aux mentions répertoriées sur la carte. Les travaux de Marie-Pierre Arnaud-Lindet ou ceux de Yves Janvier illustrent la première approche. Leurs réflexions ont questionné la Mappa d’Albi par rapport au chapitre géographique de Paul Orose dont une copie suit la carte. Leurs conclusions ont démontré que la conception et le peu de mentions figurées sur la mappemonde ne pouvait la lier au texte d’Orose. À l’inverse, les travaux de Richard Uhden sur la Mappa du Vatican mettent en lumière la deuxième approche.
Face à l’absence de textes à caractères géographiques entourant la carte dans le Vat. Lat. 6018, il s’est affairé à chercher les mentions présentes chez les principaux auteurs de descriptions du monde comme Paul Orose, Isidore de Séville ou encore saint Jérôme. La présence de textes copiés d’Isidore de Séville dans le manuscrit l’a conduit à lier le plus possible les termes mentionnés sur la carte à ceux présent dans les Etymologiae , alors même que ces textes ne sont pas dans l’ouvrage. Si cette méthode présente l’avantage de partir de la carte comme objet d’étude, elle présente des risques si le chercheur est influencé par un auteur plus qu’un autre. Cela risque comme pour Richard Uhden d’orienter la lecture des données inscrites sur les mappae. L’étude comparative nous invite à questionner les contenus avec les données répertoriées sur les trois mappae mundi. Notre parti pris est ici d’interroger seulement les textes présents dans les manuscrits. Cette approche se base sur une entreprise de classification des termes référencés sur les trois représentations spatiales. Il convient dans un premier temps de justifier la méthode de classement. Ensuite nous étudions la Mappa d’Albi et les textes géographiques présents dans le Ms. 29. Puis nous confrontons la Mappa du Vatican au regard des calendriers et chroniques du Vat. Lat. 6018. Enfin nous interrogeons la Mappa de Gérone face aux indications géographiques présentes dans le Beatus Num. Inv. 7 (11).

Classer les éléments

Les trois mappemondes de l’étude comportent respectivement 50 termes sur la Mappa d’Albi, 138 sur la Mappa du Vatican et 90 sur la Mappa de Gérone. Afin de travailler ces termes, nous les avons classés au sein de tableaux thématiques . Les classifications traditionnelles prennent comme point de départ la division en trois de l’orbis terrarum. Les termes répertoriés sont ainsi classés selon leur appartenance aux parties africaine, asiatique ou européenne. Ensuite, ils sont identifiés comme termes mentionnant une ville, région, fleuve ou autre province. Notre répartition comparée se veut différente en ce sens où elle part des éléments pour établir un classement. Ainsi nous avons réalisé un ensemble de 9 tableaux thématiques.
Le tableau 1 répertorie les fleuves et lacs inscrits sur les trois cartes. Le tableau 2 comprend les mers et mentions d’océans. Le tableau 3 inclut les inscriptions de vents. Le tableau 4 présente les éléments seuls figurés sur l’Index au fol. 58r° du Ms. 29. Le tableau 5 intègre les mentions d’îles. Le tableau 6 répertorie les villes. Le tableau 7 comprend les termes évoquant des régions. Le tableau 8 contient toutes les mentions de monts, reliefs et déserts. Enfin le tableau 9 inclut toutes inscriptions évoquant des noms de peuples, lieux chrétiens et fantasmés . Si le classement proposé est perfectible, il offre une base de données ordonnée pour l’analyse. De plus, les découpages en grilles des cartes accompagnées des transcriptions actualisées facilitent l’identification des éléments sur les mappae mundi. L’idée première était de confronter les types d’éléments représentés afin de déterminer quels termes sont les plus figurés sur les trois cartes pour ensuite les authentifier dans les écrits des manuscrits. Ainsi le schéma page suivante illustre la répartition des différents types d’éléments.
Avec ses 138 termes répertoriés, la Mappa du Vatican est de loin sur chaque tableau thématique le support présentant le plus grand nombre de termes inscrits . Suivent la mappemonde du Beatus de Gérone et la carte d’Albi. Il faut dissocier de cette dernière l’Index des mers et des vents qui comprend 35 éléments répertoriés et le fait que la représentation spatiale est la seule à faire figurer un nom de vent . Ce classement montre que les trois mappae mundi ont en commun onze éléments, à savoir les mentions du Nil, du Rhin, de la Mer Rouge, de la Corse, de la Sicile, de Rome, de la Macédoine, de Babylone, de Jérusalem, du Sinaï et de la Gothie. Ces onze mentions sont un point d’entrée de l’analyse et structurent nos réflexions.
Ces tableaux prennent en compte les éléments inscrits, il ne faut cependant pas écarter le logogrammes sans mentions figurés par dessin . Ces tableaux thématiques ont servi de supports aux tableaux associant les sources présumées ayant pu servir aux concepteurs des trois mappae mundi de sources dans leur choix de toponymes. Pour ce deuxième type de tableaux nous nous sommes inspirés des travaux de Richard Uhden afin d’associer les termes inscrits sur les mappemondes aux termes présents dans les écrits de Paul Orose et Isidore de Séville. On peut certes reprocher à notre approche l’omission d’écrits d’autres auteurs de descriptions du monde de l’Antiquité tardive comme saint Jérôme , Macrobe et Capella. Si nous nous sommes limités aux œuvres d’Orose et Isidore précédemment cités, c’est parce que leurs écrits à caractère géographique ont servi de modèles aux copistes et connurent une large diffusion au haut Moyen Âge. Par le choix de fonder notre analyse sur le chapitre 2 du Livre I des Historiae adversus paganos de Paul Orose et les Livres XIII, XIV et XV des Etymologiae d’Isidore de Séville, nous proposons une approche visant à comprendre par le prisme de la comparaison quels choix de données correspondent à un héritage culturel commun. Quelles sont les limites à ce socle commun, est-ce que les éventuelles omissions de termes sur les cartes ou absences dans les écrits de Paul Orose et Isidore de Séville peuvent nous en apprendre plus sur d’éventuelles évolutions de connaissances entre les VIIIᵉ et Xᵉ siècles ?

La Mappa d’Albi au regard des textes géographiques

La Mappa d’Albi précède un ensemble de textes comportant des mentions géographiques dans le cahier 8 des fol. 58v° à 62v° . Parmi ces écrits, le plus propice à une comparaison est le texte « Incipit descriptio terrarum » soit le chapitre deux du Livre I des Historiae adversus paganos d’Orose qui occupe les fol. 58v° à 61v° et suit directement la mappemonde et l’Index. Ce placement fait que les deux représentations spatiales ont été étudiées par rapport au chapitre géographique qui les suit. Les approches développées ont insisté sur le fait que la carte d’Albi avec seulement 50 termes inscrits n’était nullement représentative du contenu du chapitre deux qui référence environ 300 éléments . Un autre point soulevé est le manque de lien entre les indications fournies par l’auteur du Vᵉ siècle et le tracé de la carte . Ces deux constats ne nous conviennent pas pleinement. En effet, la carte n’est pas forcément l’illustration exacte de toutes les données d’un texte. De plus le format de la carte lié au support parchemin disponible est peut-être un frein dans l’inscription de nombreuses données et oblige le ou les concepteurs de la carte à des choix dans l’inscription des termes . Tenant compte de ceci, nous avons réétudié les éventuelles interactions au sein du Ms. 29 entre les deux représentations spatiales et le texte de Paul Orose. Il en ressort les points suivants : des 50 termes inscrits sur la carte, 41 sont présents dans le chapitre deux. Les six fleuves et six îles mentionnées sur la carte sont tous référencés chez Orose. Parmi les noms de mers sur la carte, seule la mention Oceanum [B4] n’est pas identifiable . En effet, si l’on retrouve plusieurs mentions d’océans dans le chapitre deux, elles sont accompagnées d’un qualificatif géographique. Sur la Mappa, l’océan est placé à l’Ouest après le détroit de Gibraltar sans mention supplémentaire. Le vent Zephirus [C3] n’est pas présent dans le texte des fol. 58v° à 61v° . Des trente-cinq éléments mentionnés sur l’Index seuls trois noms sont absents, les termes Oceanum, Terreum et Dallearicum . Les villes de Ravenna [B3] et Antiocia [C2] sont les deux seules des six villes présentes sur la mappemonde à ne pas avoir de liens avec le chapitre copié d’Orose. Sur dix huit termes relevant de la catégorie des « régions-provinces », seule la région de Iudea [B2-C2] n’est pas présente . De même l’unique mention de relief Deserto [C2] est absente . Enfin sur les cinq mentions référencées comme lieux chrétiens et/ou fantasmés on observe que les termes Sina [C2], Babillonia [C1] et Iherusalemn [B2-C2] sont absents du texte.
Les manques relevés nous orientent vers les conclusions développées par Marie-Pierre Arnaud-Lindet et Yves Janvier. Leurs approches ont présenté la carte comme n’étant pas d’inspiration orosienne complète de par ces lacunes et erreurs de placement . Maintenant, il convient de nuancer ces conclusions car le chapitre copié de l’œuvre d’Orose occupe sept folii là où la carte et l’Index n’occupent que deux folii. Il convient d’interroger si le format influe sur d’éventuels choix de la part du copiste, participant ainsi à une production graphique pauvre en références. Une première lecture de la carte face au texte nous laisse perplexe quant à la quantité de données répertoriées et non réemployées par le copiste. Textes et images participent-ils à des objectifs de compréhension différents mais complémentaires, en ce sens où des représentations globales du monde précèdent une description littéraire de l’orbis terrarum plus précise ? Ne faut-il pas voir dans cette association, la Mappa et l’Index, non pas comme de simples illustrations de textes, mais comme des contenus à par entière , associés et complémentaires à des productions littéraires ?
Cette hypothèse nous conduit à interroger les textes suivants le chapitre d’Orose dans le cahier 8. La liste de provinces copiée d’un texte de Polemius Silvius au fol. 61v°-62r°. détaille la division provinciale de l’Empire romain . C’est logiquement que l’on retrouve 12 des 18 « régions-provinces » mentionnées dans ce texte sur la Mappa. Nous retrouvons les mentions Italia [A3], Gallia [A3] , Afriga [C3], Nomedia [C3], Mauritania [C4], Ispania [A4], Agaia [B3], Macedonia [A3], Tracia [A3], Armenia [A2], Egyptias [C3] et Libix [C3].
À ces provinces s’ajoutent les villes de Roma [B3], Ravenna [B3], Cartago [C3], Antiocia [C2] et Alexandria [C2] et les îles de Sicilia [B3], Sardinia [B3], Cursica [B3-B4], Creta [B2], Cypra [B2] et Britania [A4]. Le fleuve Tigre est aussi mentionné dans la liste . Au total sur les 50 mentions inscrites sur la carte, 24 sont présentes dans le texte de Polemius Silvius soit presque la moitié des données. La plupart des informations sur la carte, témoignant d’une organisation administrative de l’Empire romain se retrouvent dans le texte « Ominium nomina provinciarum Romanorum » des fol. 61v°.-62r°.
Quelles informations nous livrent les deux derniers textes à caractère géographique du cahier 8 des fol. 62r°-62v°. ? La « Noticia Galliarum » décrit les villes et différentes provinces composant les Gaules. Le texte « De nominibus Gallicis » liste les noms des différents peuples gaulois. Nous n’avons pas trouvé de termes répertoriés sur la Mappa et l’Index dans ces deux écrits.

La Mappa du Vatican au regard des calendriers et chroniques

Confronter la carte et les textes du vat. Lat. 6018 peut s’avérer délicat. En effet, la mappemonde contenue dans le cahier 8 fait partie d’un ensemble de folii qui sont probablement antérieurs à l’ensemble du manuscrit . La datation de la Mappa est estimée entre 762 et 777 comme l’a démontré Leonid Chekin . Nous avons vu que bien que conservée au sein du cahier 8, la carte est probablement une réalisation antérieure à l’ouvrage . Leonid Chekin en se basant sur les travaux de Ludwig Bethmann a proposé que la mappemonde soit insérée dans un ensemble plus large englobant les calendriers et tables suivants des fol. 55r° à 75v° . Cet ensemble a une datation de la seconde moitié du VIIIᵉ siècle car les tables d’indictions prévoient la date de Pâques de l’an 771 à l’an 1000. Nous nous sommes aventurés à douter d’un manuscrit homogène et les études antérieures nous questionnent sur la structure du manuscrit. Si nous avons pu dégager une structure globale cohérente, il est possible qu’elle découle d’un assemblage à postériori par rapport à la carte. Les travaux de Leonid Chekin font de la carte un des éléments le plus ancien du manuscrit et donc un des plus importants. L’ouvrage aurait pu être organisé et assemblé par rapport à la représentation du monde. Une analyse des calendriers et tables écarte toute comparaison avec les toponymes présents sur la carte. Il est à noter que seule la mention de Nicée évoque une localisation mais on ne retrouve pas cette ville inscrite sur la mappemonde.
Ainsi le cahier 8 et l’ensemble des fol. 55r° à 77v° n’offrent pas d’entrées pour notre approche. Il nous faut donc regarder les textes qui composent le bloc « textes explicatifs » et tenter de déterminer quels textes peuvent servir à une éventuelle confrontation. Notre idée première étant d’associer les termes présents sur la Mappa à des écrits à caractère géographique, nous avons orienté l’analyse sur ce type de contenu. Quels textes contiennent ces indications dans le manuscrit Vat. Lat. 6018 ? Un document retient particulièrement notre attention, il est copié de l’œuvre de l’archidiacre Théodose intitulée De situ sanctae terrae dont la première version date de 530. Cet écrit qui occupe ici les fol. 121r° à 123v° décrit le pèlerinage du clerc en Orient. Le texte présente les lieux visités par le pèlerin. Le récit focalise sur une aire régionale bien délimitée que l’on retrouve certes sur la carte mais qui ne présente pas l’orbis terrarum dans son ensemble. L’écrit comporte 18 mentions de toponymes identifiables dont 5 sont inscrits sur la mappemonde. Nous retrouvons les mentions suivantes : Hierusalem [B2], Jordanis [B2], Hiericho [B2], Ber [B2] et Palestinia [B2]. Ces toponymes participent à la description de la Terre Sainte, objet du récit de Théodose. Cette aire n’est pas autant détaillée sur la Mappa. De même la situation du texte situé dans le cahier 16 en fait un document éloigné pour que la mappemonde en soit une illustration. Si l’on requestionne l’homogénéité du manuscrit, un point a retenu notre attention : il s’agit de la présence de ce qui semble être des lettres delta majuscules qui ne sont pas sans rappeler les inscriptions à la manière grecque présentes en divers endroits du manuscrit. Est-ce que ces diverses mentions et la présence d’un texte de l’archidiacre Théodose, en poste en orient sous le règne de l’empereur Justinien, témoignent de l’intervention d’un copiste de culture orientale ? Le texte des fol. 121r°-123r° parait de plus rédigé d’une manière non-ordonnée , signe d’un rajout postérieur non guidé ou influencé par la présence de la mappemonde. Cette comparaison illustre bien les limites d’une comparaison de la mappemonde avec le contenu de manuscrit.
Il reste une approche que nous n’avons pas abordée jusqu’ici réflexion s’appuie sur le fait que la Mappa précède un bloc « Temps » composée de calendriers et tables d’indictions. On relève aussi des fol. 80v° à 89r° une copie de la Chronica Maiora d’Isidore de Séville. La Chronique est divisée en six temps évoquant les six âges de la terre, elle raconte une histoire universelle du monde . Ce récit intègre des éléments bibliques à des récits littéraires et historiques de traditions grecque et romaine. La carte présente une construction similaire en ce sens qu’elle associe des toponymes renvoyant au monde romain et chrétien.

La Mappa de Gérone au regard des indications géographiques du Commentaire de l’Apocalypse.

La mappemonde contenue dans le Beatus Num. Inv. 7 (11) présente moins de difficultés pour une confrontation avec les textes présents dans le manuscrit. En effet bien insérée dans le cahier 8, la carte vient en illustration d’un passage racontant l’évangélisation du monde par les douze apôtres. Cette approche est aujourd’hui bien établie dans la communauté scientifique. La chercheur Sandra Sáenz-López Pérez reprenant les travaux de Gonzalo Ménendez-Pidal a étudié le lien entre les mentions de lieux de pérégrinations des apôtres et les toponymes présents sur les mappae mundi des Beatus de la famille IIb. Notre étude focalisant sur la Mappa de Gérone, nous nous sommes concentrés sur l’extrait racontant la « missio apostolorum » au fol. 52r° pour comparer les données toponymiques avec celles inscrites sur la carte. Notre propos associe les toponymes présents sur la représentation des douze apôtres des fol. 52v° et 53r°. Le texte du fol. 52r° comprend les mentions suivantes: Petrus-Roma, Andreus-AgaIa, TomasIndia, Iacobus-Spania, Iohannes-Asia, Matheus-Macedonia, Filippus-Gallias, BatholomsLicaonia, Symon Zelothes-Egyptus, Iacobus Frr dni-Ihlm et Paulo non associé à un lieu. On observe que les apôtres sont au nombre de onze. Il manque les mentions de Mathias et Jude.
Paul de Tarse compté comme le treizième apôtre par la tradition chrétienne, semble avoir occulté la mention de Jude. Ces mentions se retrouvent en suivant sur l’illustration des 12 Apôtres. Chaque figure comporte au-dessus le nom de l’apôtre et son lieu de mission évangélisatrice. La représentation suit l’ordre du texte au folio précédent. On observe seulement quelques changements d’orthographe sur les mentions suivantes : Joanes*-Asia, Filipus*-Gallias, Bartoloms*-Licaonia et Paulus cm c[..]eris. La figure d’un apôtre est laissée sans mention, s’agit-il de Mathias ou Jude ? Mathias aurait évangélisé la Judée et la province est présente sur la mappemonde . Les manques du scribe sur le texte du fol. 52r° sont répercutés par les illustrateurs sur les fol. 52v°-53r°. Au-delà d’un simple oubli ou d’une omission voulue de la part du copiste, est ce le signe de l’autorité de Senior sur le travail des peintres et de l’écrit sur l’image ?
La relation entre le texte sur les apôtres et leurs représentations qui suit semble évidente.
Quand est-il des mentions inscrites sur la mappemonde ? Sur les 10 mentions de lieux répertoriés dans le texte au fol. 52r° et sur l’illustration aux fol. 52v°-53r° seuls 8 éléments sont présents sur la carte. Nous pouvons retrouver les termes de Roma [B2], India [D1], Gallecia [A3], Asia(minore) [A1], Macedonia [B2], Gallia Belgia [A2] – Gallia Lugdunensis [A3] et JHerIN [C2]. Il faut ajouter Iudea [C2] même si cette mention est absente du texte et de l’illustration précédente. Ces 8 éléments paraissent anodins face aux 87 éléments inscrits sur la Mappa. Si les lieux de pérégrinations sont mis en avant sur l’illustration des douze apôtres, ils semblent moins importants en regard du nombre de données répertoriées sur la carte. La carte est présentée comme la mise en image de l’évangélisation du monde par les disciples de Jésus-Christ . On observe alors une hiérarchisation des informations présentes sur la mappemonde. En effet cela place les autres données toponymiques comme entrées secondaires servant à contextualiser l’orbis terrarum et ainsi mieux englober d’un seul regard l’application de la missio apostolorum.

La carte qui raconte son histoire

Ce dernier temps aborde la question qui fait rêver chaque chercheur en histoire de la cartographie, à savoir est-ce que les mappae mundi comportent des indications pouvant nous informer sur leurs éventuels concepteurs et lieux de productions ? Au-delà de seuls termes toponymiques figurés sur les cartes, peut-on traquer d’éventuels signes trahissant la marque du ou des concepteurs et précisant le lieu de réalisation de la carte ? Que faut-il alors chercher ?
Les réalisations illustrées du haut Moyen Âge ne comportent pas ou peu de signatures de leurs concepteurs et il en va de même pour les mappemondes. Il faut donc veiller à ne pas surinterpréter le moindre logogramme suspect et y voir une dédicace car nous ne disposons pas des clés de lecture nécessaires pour les comprendre . Nous nous proposons de rechercher sur chacune des mappae d’éventuels éléments de réponse à ces interrogations.

Traces des concepteurs et lieu de production sur la Mappa du Ms. 29.

L’auteur de la mappemonde au fol. 57v° nous est inconnu. Si la main n°4 est présentée comme la main du concepteur de la carte, ce dernier n’a pas laissé de signes particuliers pour l’authentifier. Dès lors quels éléments pourraient nous en apprendre plus sur cet auteur ? Ainsi des concentrations de petits cercles en plusieurs points de la carte retiennent notre attention.

Traces des concepteurs et lieu de production sur la Mappa du Vat. Lat. 6018

Les questionnements inhérents au manuscrit albigeois trouvent un écho sur la carte du Vatican. La mappemonde des fol. 63v°-64r° a fait l’objet de suppositions quant à l’origine de sa production et la marque de son concepteur. Conservée dans les collections de la Biblioteca Apostolica Vaticana depuis sa création au XVᵉ, la carte est insérée dans un manuscrit à la reliure moderne et insérée dans un ensemble de folii qui sont antérieurs à l’ensemble des écrits. Quels signes la carte comporte-t-elle pouvant indiquer son origine ? Les travaux antérieurs de Richard Uhden reprit par Patrick Gautier Dalché et Leonid Chekin ont proposé deux hypothèses. La première indique une production en Italie, liée au lieu de conservation actuel de la mappemonde et au style d’écriture dominant dans le Vat. Lat. 6018 . La deuxième se veut plus précise, elle s’appuie sur un symbole dessiné dans la province de Provincia [D2] dont nous présentons un détail dans le tableau page suivante.

Le monde en image : des codes partagés ?

Réalisations graphiques associant des données toponymiques et des représentations sous forme de logogramme, les trois mappae mundi nous interrogent sur leurs éventuelles similitudes et particularismes dans la mise en image du monde. Nous orientons notre étude sur la représentation et l’encodage des éléments figurés sur les trois mappemondes. Cela nous conduit à étudier les choix graphiques pris pour figurer l’orbis terrarum. Est-ce que les surfaces offertes par les supports manuscrits influent sur la conception et la mise en page des cartes de même que leur lecture ? En suivant nous étudions les limites figurées sur les cartes. Les représentations spatiales sont-elles compartimentées entre frontières physiques, chimériques et administratives ? Peut-on voir dans ces diverses démarcations des marqueurs de l’espace ?
Enfin notre étude s’intéresse aux éléments qui servent de légende cartographique. Est-ce que les mappae d’Albi, du Vatican et de Gérone partagent un encodage similaire pour mettre le monde en images ?

Constructions graphiques et lectures des cartes

Notre réflexion a montré les difficultés et limites pour étudier les mappemondes médiévales dans les manuscrits les contenants et de lier leurs données référencées à des sources littéraires géographiques, historiques et bibliques. Il nous parait pertinent de partir de la carte même, en tenant compte des éventuels liens étudiés précédemment . Chacune des mappemondes a fait l’objet de transcriptions antérieures qui ont servi et servent de supports aux chercheurs s’intéressant à ces cartes. Nous avons réalisé de nouvelles transcriptions des mappemondes .
Nous avons vu dans l’exercice une opportunité de se réapproprier les sources afin de mieux percevoir les dynamiques de conception. Les transcriptions sont ainsi le résultat d’un dessin vectorisé où seul les toponymes sont transcrits en capitales et minuscules bicamérales pour faciliter leur lecture. Redessiner sur les cartes en respectant les « défauts» qu’elles présentent,et ne pas chercher à les rendre conformes à nos critères esthétiques actuels en cartographie offre un support de réflexion précis pour notre étude comparative.

Le format, une contrainte dans la conception des cartes ?

Les trois mappae mundi ne font pas les mêmes dimensions, est-ce que cela influe sur leur conception, leur forme et contenu ? La Mappa d’Albi mesure 270 x 225 mm, la Mappa du Vatican 210 x 290 mm et la Mappa de Gérone 400 x 520 mm. Afin de mieux appréhender ces différences de formats nous avons réalisé l’infographie suivante.

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Table des matières
Avant propos 
Remerciements 
Introduction 
I – La carte simple illustration ? Interactions entre mappae mundi et textes
A / Situation des mappae au sein des manuscrits : un indicateur de leurs fonctions
1. Situation des mappae mundi au sein des cahiers
2. Détails de la composition des cahiers contenant les mappemondes
3. Organisation globale des manuscrits
B/ Confronter les textes présents dans les manuscrits et mentions figurées sur les trois mappemondes
1. Classer les éléments
2. La Mappa d’Albi au regard des textes géographiques
3. La Mappa du Vatican au regard des calendriers et chroniques
4. La Mappa de Gérone au regard des indications géographiques du Commentaire de l’Apocalypse
C/ La carte qui raconte son histoire
1. Traces des concepteurs et lieu de production sur la Mappa du Ms. 29
2. Traces des concepteurs et lieu de production sur la Mappa du Vat. Lat. 6018
3. Traces des concepteurs et lieu de production sur la Mappa du Beatus de Gérone
II – Le monde en image : des codes partagés ?
A/ Constructions graphiques et lectures des cartes
1. Le format, une contrainte dans la conception des cartes ?
2. Orientations et divisions du monde : les fondements de la structure des cartes
3. Lectures des cartes – Par où le lecteur entre dans la carte ?
B/ La matérialisation des limites comme marqueurs de l’espace ?
1. Limites physiques et chimériques
2. Limites « administratives »
3. Les limites, une étape clé dans la conception des mappae mundi ?
C/ Légende cartographique entre similitudes et particularismes
1. Les différents traitements graphiques des éléments répertoriés en commun
2. Cas des éléments avec/ou sans mentions associés à des logogrammes
3. Les éléments de légende témoins des influences graphiques ?
III – La carte support d’une certaine mise en ordre du monde ?
A/ Un héritage sanctuarisé
1. Apports des penseurs antiques
2. Représenter l’Empire romain
B/ La représentation d’un monde chrétien
1. Les mappae mundi et la représentation d’un orbis christianus
2. La carte comme alliance entre savoirs païens et chrétiens
C/ Des cartes anachroniques pour autant ?
1. Eléments indicateurs des VIIIᵉ- Xᵉ siècles
2. Les grands absents
Conclusion 
Sources 
Sources éditées 
Bibliographie thématique 
Table des illustrations

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