La cabane comme objet politique

Les aventures

Il est intéressant de voir comme une mise en scène ou une mise en imaginaire peut faire vivre un espace.
Foucault nous parle d’un ‘‘ temps hors de tous les temps ”.
Cela voudrait dire qu’au moment où l’enfant se croit corsaire sur le lit des parents ou Indien sous son tipi, il se situe dans un temps en dehors de tous les temps. À l’instant où il entre dans sa cabane, ou qu’il joue autour, il plonge dans un “ ailleurs ” ou un “ nulle part ”, un endroit en dehors du temps.
D’ailleurs, nous pouvons entendre les enfants le dire, et nous le disions aussi “ on disait que … ” ou “ pour de faux ”.Cette locution introductive nous permettait de nous plonger dans un monde imaginaire : “ on disait que j’étais Robin des Bois et que c’était ma maison (la cabane) ”.
Au moment même de construire cette cabane, chacun joue un rôle. C’est souvent en incarnant ce rôle que l’on se donne enfant que l’aventure commence et que l’architecture de la cabane naît de ce récit : si nous sommes des Indiens ce sera un tipi et si je n’ai pas de toile mais que du bois, eh bien la cabane en bois dans les branches basses fera de nous des elfes de la forêt. La cabane devient la boîte à histoires. En réalité, cette micro-architecture naît et existe grâce à l’histoire que l’enfant invente. Il crée un jeu, une histoire dans laquelle il faut une cabane pour rendre le jeu plus réaliste. Inversement, la cabane fait naître dans la tête de l’enfant un univers, une imagination débordante d’aventures.

Explorateurs, aventuriers, habitants de la forêt, Indiens …

L’enfant peut être ce qu’il veut dans cette cabane

Si la cabane sort de terre, que le récit de l’aventure s’y prête bien, alors l’histoire et l’aventure deviennent réelles. La fiction devient réelle et l’enfant y est acteur.
Pour que cette réalité perdure, il faut néanmoins prendre soin de la cabane. Elle a besoin d’attention, il faut la réparer ou l’améliorer, la sophistiquer. On apporte des petits objets pour l’habiter, on prend le goûter dedans, on la décore. On reste dessous quand il pleut pour voir si elle nous abrite jusqu’à ce que l’on rentre trempé en courant à la maison.
Finalement, créer un récit pour concevoir, c’est ce que nous apprenons à faire dès la première année de notre formation à l’école d’architecture. Pour expliquer un projet, il faut savoir amener l’interlocuteur dans une histoire qui devient de plus en plus réaliste si l’architecture qu’on y présente est juste. La poésie est une manière de nous plonger dans un espace, un univers. Le théâtre peut raconter un espace également.
Le but est de communiquer l’histoire qui a fait naître l’architecture, l’espace. Peut-être qu’il est nécessaire parfois de se plonger dans une hétérotopie, un temps hors du temps et de notre société, un imaginaire pour concevoir des espaces au plus proche de nos récits de vie contemporains.

Les cabanes illustrées

Si les aventures sont primordiales dans le développement de l’enfant, pour lui donner la possibilité de se faire une place dans la société, lui donner une liberté et un épanouissement, c’est aussi et avant tout l’adulte qui fait perdurer cet imaginaire. En jouant, l’enfant calme sa fringale de liberté, d’imagination, de création, de puissance et de destruction. Mais l’adulte a aussi besoin d’extérioriser cela.
C’est pour cela que les rêves, la poésie, les récits nous content toujours des histoires.“ La société adulte a organisé elle-même, et bien avant les enfants, ses propres contre-espaces, ses utopies situées, ces lieux réels hors de tous les lieux. ”, nous dit Foucault (ces contre-espaces, nous en parlerons un peu plus loin dans ce mémoire)  . Cependant, l’adulte construit ces contre-espaces et plus que cela, il en a besoin.
Dans certains des récits dont je veux parler, nous retrouvons la cabane.
Je me suis souvent demandée pourquoi on leur donnait autant de place et finalement, quelle était cette place qu’elle prenait.
Finalement, en illustrant la cabane dans les récits, qu’est-ce que cela crée dans l’imaginaire d’un enfant dont le cerveau et les pensées sont en pleine évolution ?
Dans les films ou les contes, la cabane s’inscrit comme une métaphore à la fois de liberté et d’espace protecteur.
Très souvent, lorsque l’on parle de cabanes dans les récits, nous imaginons tous les livres immenses de Claude Ponti.
Ce dernier ne cherche pas à jouer à l’enfant, mais à illustrer des souvenirs d’enfance, à trouver un langage pour exprimer ce qu’est une cabane.
De plus, avec ses très grandes pages, Ponti offre au lecteur une multitude de détails à voir. Les espaces qu’il dessine sont toujours très habités. On y trouve des objets du quotidien, mais aussi tout un mobilier associé aux maisons réelles. Je me souviens que les adultes lisaient trop vite les quelques phrases des pages sans nous laisser le temps de regarder tous les détails. Nous étions forcés de regarder le livre seuls et lorsque nous ne savions pas lire, les images se suffisaient à elles-mêmes pour raconter une histoire. Finalement, les cabanes des livres de Claude Ponti sont souvent celles que l’on prend en exemple car elles sont universelles. Elles parlent autant à l’enfant en quête de liberté, d’espace personnel et identité, qu’aux adultes qui font parfois une analogie avec leur vie actuelle. Aussi, ce livre est à l’image des cabanes, on peut y entrer si on veut se plonger dans l’aventure ou bien sortir ou fermer le livre si on veut s’en extraire et quitter le récit.
On peut également penser au livre incontournable des aventures de Robinson Crusoé et de son compagnon Vendredi dans lesquelles ils se construisent également une cabane. Ce récit est moins poétique que ceux de Claude Ponti, mais c’est un livre qui est souvent pris comme support d’enseignement à l’école primaire.
Il aborde des sujets historiques comme le colonialisme, l’esclavagisme et l’obscurantisme de la religion catholique au XVIIIe siècle. Il y a l’aventurier Robinson, sa vie sauvage et sa cabane qu’il construit dès son arrivée sur l’île. Elle fait figure du seul abri possible pour l’aventurier, et cette cabane va devenir son seul refuge sur l’île en attendant qu’il trouve une solution pour s’échapper. Comme dans une réelle maison à cette époque, il possède une cabane et un serviteur, Vendredi, qui prend soin de cet habitat.

La nécessité de (se) construire

La cabane “d’adulte”

Il est important de revenir sur le terme “adulte”. Pour la plupart, la notion d’adulte est une question de maturité.
Pour d’autres, il faut y mettre un âge fixe, un diplôme, une situation sociale. Parfois même un mariage ou un premier logement justifie le passage à l’âge adulte. Il semble néanmoins que cet âge ne soit pas si franc. Il est la fin d’une transition nommée adolescence, une transition constructive importante. Être adulte n’est pas uniquement “ cesser de croître ” comme le latin “ adultus ” mais plutôt la capacité à prendre des décisions, à se positionner dans une société et à faire face à des problèmes dans cette société.
L’enfant devenu plus âgé se dirige vers autre chose de plus grand et de plus conséquent. En mûrissant, il adopte une posture dans une société. Lorsqu’il montre cette posture, il la tourne vers un autre que lui-même, cela devient politique.
En devenant adulte, on abandonne les cabanes dans la forêt ou le jardin, on ne s’invente plus de costume d’Indien ni de lance-pierre à la manière de Peter Pan. Bien que le syndrome de ce dernier puisse parfois persister, l’adulte ne tend plus sa couette entre une chaise et sa table pour lire en dessous.
L’adulte passe à d’autres aventures, il quitte le nid parental et s’installe dans un immeuble dont il paye le loyer et tente de se frayer un chemin dans la société.
Néanmoins, il a parfois un désaccord, une incompréhension de ce qu’il se passe dans la société, et l’adulte se retrouve à reconstruire des cabanes. Il y a les cabanes contraintes, subies, celles des camps et de la précarité, c’està-dire les cabanes de SDF ou dans les camps (à Calais, à la chapelle à Paris ou à Kutupalong au Rohingyas par exemple).
Et il y a les cabanes qui tiennent un discours ou qui disent une forme de vie, celles des ZAD (Zones à Défendre) bien sûr mais aussi celles des places (mouvement Nuit Debout) ou celles des ronds-points (mouvement des Gilets Jaunes). Aussi, elles ne servent plus à s’extraire du monde réel et partir dans un imaginaire, mais à vivre ce monde réel.

Construire autrement, c’est me construire

“ Àforce de construire, je crois bien que je me suis construit moi-même. ” dit Paul Valéry et j’ai envie de croire que la cabane est au service de la construction de l’humain.
On remarque que les cabanes des Gilets Jaunes n’arrivent pas tout de suite. Elles arrivents à mi-décembre, donc à déjà plus d’un mois apres le début du mouvement.
La création de cabanes marque la détermination du groupe à s’ancrer et à faire durer la lutte. Finalement, c’est la cabane qui fait sortir le mouvement de la précarité : ils font durer les manifestations et la cabane va leur servir d’abri jour et nuit.
La cabane est une architecture précaire mais il semblerait surtout, et avant tout, que c’est la situation dans laquelle elle naît qui est précaire. Aussi, en reprenant le cas du mouvement des Gilets Jaunes, la cabane a permis aux individus de se rencontrer autour d’elle, d’échanger, de se connaître, comprendre la motivation de l’autre. Elle ne fait pas toujours figure d’abri sous lequel on se tient. Elle est parfois comme une table autour de laquel on s’assiérait pour réfléchir, discuter, échanger… Jusqu’à finalement comprendre pourquoi nous faisons partie de ce mouvement. Se créer une place dans un monde dans lequel on a pas de place.
En construisant ces cabanes, je rencontre l’autre. En rencontrant l’autre, nous échangeons des pensées et des réflexions, des idées. Des idées qui vont me politiser encore plus, me compléter ou m’éloigner de ce pourquoi je me retrouve à construire. Sans doute que les Gilets Jaunes trouvent en eux une force qu’ils ne soupçonnaient pas. Idem avec les individus implantés sur les ZAD. Je vais prendre l’exemple de celle de Notre-Dame-des-Landes car c’est celle dont j’ai le plus d’informations de part sa proximité géographique.
Ces deux mouvements ont regroupé des gens qui voulaient s’engager dans un mouvement politique. Cependant, ils regroupent des gens d’horizon différents. Sur les ronds-points de Gilets Jaunes, nous pouvions retrouver des gens avec des valeurs et des partis politiques différents. Idem à NotreDame-des-Landes, des gens de partout se retrouvaient sur une même terre et construisaient ensemble pour lutter. Les cabanes deviennent à ce moment-là des boîtes à paroles ou à dialogue. On discute à l’intérieur sur une chaise ou autour d’elle au moment ou on lui construit un toit, on discute même au moment d’imaginer la cabane et de quelle manière on va la construire. La cabane est donc une médiatrice, un objet qui déclenche la parole et le dialogue. Écouter l’autre, savoir parler à l’autre permet de savoir nous-même ce vers quoi nous voulons tendre. Ce pourquoi nous sommes en train de construire la cabane et ce pourquoi nous agissons de la sorte.
Le dialogue, l’échange fait naître, renaître, grandir des cabanes et en les construisant, nous grandissons en même temps. Ces cabanes sont le fruit du partage de nos intelligences à tous, et cette mutualisation ne peut que croître et être reconnue par nous-même et par tous.
“ Ne soyons pas étonné de ces intelligences ” dit MarielleMacé.3
Mais je rajouterais que nous ne devrions pas être étonnés de notre propre intelligence pour trouver une autre manière de vivre.

Construire dans la marge

L’aspect précaire que peut dégager la cabane fait d’elle parfois l’abri des “ marginaux ”. Le fait d’être abritée ou construite par ces individus-là fait d’elle une architecture marginale. Par “marg-inal(e)” on peut comprendre que c’est un individu dans la marge ou en marge, donc “ à côté de ”.
La première fois que j’ai été confronté à la marge, c’était à l’école, lorsque nous écrivons sur ces grandes feuilles à carreaux. Il y avait cette marge, toujours à gauche, délimitée par une ligne rouge. Elle était l’espace critique. L’espace où le professeur notait ses commentaires, ce qui allait moins bien en vu d’une amélioration prochaine, ou ce qui était bien.
C’était aussi l’endroit où l’on indiquait notre nom. Lorsque l’on reprend le dictionnaire pour chercher le mot “marge” ou “ marginal ” on y trouve ses synonymes : écart, secondaire, accessoire.
Il est vrai que le commentaire du professeur dans cette marge est secondaire, elle vient aider à parfaire ce qui a été entrepris par l’élève. Néanmoins, je ne pense pas qu’elle soit “ accessoire” ou “ à l’écart ”. Cette marge, à gauche de la copie, est un espace dédié aux commentaires du lecteur. Cet espace est nécessaire pour recevoir la critique envers ce qui est écrit, remettant en question son sens et peut-être même sa forme.
Je prends cette histoire de marge des copies scolaires pour en revenir à nos cabanes. Peut-être que la naissance de ces cabanes en marge, cette fois-ci de la société, sont à l’image du commentaire critiquant ce qui est déjà écrit ou inscrit dans notre société. Ces espaces seraient donc nécessaires pour remettre en question notre société et porter un autre regard et ainsi améliorer, innover, ouvrir des dialogues. Cet espace qui est mis en margede la société, à l’é c a r t, à côté de, est finalement une zone qui se sent libre d’exprimer ce qu’elle désire vu qu’elle ne se situe plus dans la société. Dans cette zone, certaines personnes s’installent pour non seulement critiquer la société existante, mais en construisant des cabanes, elles s’inscrivent au-delà d’une simple critique. Avec les cabanes, elles s’installent, elles cultivent des terres et des idées, elles se rassemblent et s’assemblent sur une même zone.
Comme l’enfant qui s’approprie une cabane, qui la décore et qui l’ornemente. Eux y réfléchissent, à l’intérieur ou autour, ils innovent, ils inventent, ils détruisent et ils reconstruisent.
Ils créent des racines à ces totems de bois ou de tôles. Ils habitent. “ Faire des cabanes pour relancer l’imagination, élargir la zone à défendre, car de la ZAD, c’est à dire de la vie à tenir en vie, il y en a un peu partout sur notre territoire. Faire des cabanes donc pour habiter cet élargissement même. ”

J’habite la Terre que je chéris

“ Ici, on parle plus de droit d’usage que de droit à la propriété.”
En plus de dire, de faire passer un message ou de porter et d’appuyer la voix de ceux qui l’ont construite, la cabane ne naît pas sur n’importe quelles terres. La cabane n’aurait pas une telle force sans évidemment les convictions de ceux qui la construisent, mais aussi la terre sur laquelle elle voir le jour.
La cabane pousse sur des terres qui parfois, elles aussi, se tiennent hors des cases créées par notre société. Elles sont parfois démolies, car elles sont nées sur des terres qui appartiennent à l’État. Terres qui seront destinées un jour à recevoir des infrastructures telles que des routes, des ponts, des usines, des aéroports… C’est pour cela que certains les appellent les Zones à Défendre. Et pour les défendre, il faut les habiter, les entreprendre, construire des cabanes et s’installer, prouver qu’elles peuvent servir à autre chose.
En naissant, la cabane marque une appropriation de la terre sur laquelle elle s’enracine. Elle naît grâce à la matière trouvée sur le territoire, et grâce aux individus qui décident de s’allier à la terre et en faire quelque chose. Il est étrange, et finalement peut être pas tant que ça, de se rendre compte que c’est en habitant des terres dont ils ne sont pas propriétaires, que les individus trouvent une place, enfin.
C’est ce qu’ont démontré les habitants de la ZAD de NotreDame-des-Landes. 6bis
Ils ont construit leur village sur une terre qui n’était pas la leur pour la défendre. En expérimentant un nouveau mode de vie, ils ont trouvé leur place et ont habité les terres. Enracinées au sol, les cabanes étaient dans l’illégalité. Pourtant détruites à plusieurs reprises, elles ont été reconstruites à chaque fois. Comme une mauvaise herbe qui, quand on la coupe au pied, repousse de plus belle. En s’enracinant en profondeur, la cabane est devenue propriétaire du sol. En abritant les habitants, elle leur a permis de cultiver la terre sur laquelle ils habitaient. Les zadistes sont devenus propriétaires des terres. Ils ont pris la place et remis en cause la notion de “propriété ”. Si je prends soin de la terre, si je cultive un nouveau mode de vie, pourquoi ne pourrais-je pas l’habiter?
C’est peut-être pour cela que l’autorité gouvernementale tenait vraiment à détruire les cabanes, peut être parce qu’elle avait peur de voir que ce que les zadistes avaient construit pouvait fonctionner.

Vivre le paysage

Pour comprendre pourquoi ces cabanes voient le jour, il faut aussi ouvrir grand les yeux et se tourner à 360 degrés. Que se passe t-il autour d’elles ? En dessous d’elles et au-dessus d’elles?
Nous parlons actuellement d’un “ retour à la terre ” mais nous devrions peut-être parler de“retour au paysage ” selon Jean-Marc Besse.
Peut-être que nous avons un peu perdu le sens du terme paysage. Que signifie t-il vraiment ? Non pas parler du paysage peint par Monet ou Van Gogh ou un décor de cinéma ni même un décor dans lequel nous viendrions insérer un bâtiment. Nous devrions parler du paysage qui nous entoure, celui qui est réel, que nous pouvons respirer.
Je me suis souvent demandée pourquoi nous ne disions plus “ paysan ” mais “ agriculteur ”. Tout simplement, depuis l’industrialisation ce terme à quasiment disparu.
Aussi, lorsqu’un mot disparaît, nous avons tendance à l’oublier, à effacer son sens. “ Paysan ” vient de “ paysage ”, une “ étendue de pays que l’œil peut embrasser dans son ensemble ”.
Si nous parlons d’enjeux contemporains concernant la cabane, nous pouvons également parler de paysage contemporain, environnement qui l’entoure.
La cabane déstabilise, car elle nous donne à voir le paysage à travers elle. Étant construite avec les matériaux provenant de l’endroit dans lequel elle est, elle devient un reflet du paysage environnant. Les cabanes des ZAD sont souvent faites de matériaux récupérés autour. Chez les agriculteurs, dans les bois, tandis que les cabanes urbaines de SDF sont faites de carton, de tôles, de panneaux de signalisation et de plastiques.
Les cabanes de sans-abris sont aussi grises que le sol de la ville. Les cabanes des ZAD sont en chantier, comme le sol sur lequel elles grandissent et les idées qu’ont les constructeurs, les expérimentateurs. Les cabanes des Jungles sont déracinées et entassées, reflètent la précarité de la situation des gens qu’elles doivent recueillir. Les cabanes glamour de tourisme sont impeccablement choyées et décorées devenant les plus beaux cocons perchés, pour justifier le prix que le touriste va payer.

Savoir habiter

Savoir vivre le paysage est intrinsèquement lié au savoir vivre, savoir habiter une mutation de la Terre.
Après avoir dit bien des choses, la cabane ne cesse de murmurer encore et encore à nos oreilles. Voilà pourquoi elle s’est relevée après avoir été écrasée, explosée, brûlée. Elle est infatigable et reconstructible. Mais par-dessus tout, elle nous est nécessaire. Au fond de tout elle remet en question
quelque chose qui est dérangeant à nouveau : notre savoir habiter.
Par ce terme, il est évident que, vivre la cabane, c’est habiter différemment que dans un appartement ou un pavillon. C’est faire attention à l’endroit que nous habitons et y porter notre attention. Regarder le sol sur lequel nous construisons, sentir l’air qui s’y trouve, écouter le vent qui passe sur une façade ou dans des branches, agitant les feuilles au passage, effleurer les surfaces du bout des doigts, le béton lisse et tiédi par le soleil, l’écorce rugueuse, l’asphalte humide un matin d’hiver…
Nous vivons dans un monde meurtri, dans un paysage fragilisé. En ce sens, nous devrions peut-être écouter ce que nous disent ces cabanes, ce que nous disent les habitants de ces cabanes.
Vivre la cabane, c’est une respiration dit Marielle Macé.
J’imagine aussi la cabane comme l’envisage Christophe Laurens, comme un lieu de négociation.
Nous avons besoin de vivre dans ces lieux intermédiaires sachant que tout seul avec le poing levé nous n’arriverons pas à affronter un si vaste monde qui est celui dans lequel nous habitons. Selon Laurens, la poésie ne suffit plus pour affronter ce monde.
Il faut vivre et expérimenter ces lieux de vie à plusieurs avec ces cabanes. Les manières de vivre sont à la base de la politique et donc à ce titre nous devons tous tenter de décider comment on a envie de vivre.
Les cabanes de Notre-Dame-des-Landes ont, au fond gêné les gens qui appelaient les habitants de ZAD des “ squatteurs ”, des “marginaux”, des “ profiteurs ” parce que finalement ils ont décidé de tenter une manière de vivre autre que celle d’avant qui ne les rendaient pas heureux. Même ceux qui sont les moins manuels s’en sont donnés les moyens. Et après avoir réalisé leurs premières cabanes, ils se sont rendus compte qu’ils savaient vivre. Ils savaient construire leur toit et planter leur nourriture. Savoir faire son lieu pour vivre c’est savoir habiter sa terre. Et en cela les habitants de Notre-Dame-desLandes ont réussi.

Effacer et recommencer

Cette cabane se trouve au fond des Salines de Millac, un site de onze hectares situé dans le Pays-de-Retz. Cette cabane, je la connais bien puisque j’ai grandi dans ces marais.
J’expliquais qu’elle était une des trois cabanes situées sur le site. J’ai choisi “ la cabane du fond ” comme on l’appelle. C’est celle que je préfère.
Cette cabane a été construite il y a des décennies. Avant que mon père reprenne le marais et remette en marche les salines, cette cabane appartenait au paludier précédent qui a laissé, petit à petit, les salines à l’abandon pensant que personne n’en voudrait.
Cette cabane a été témoin d’une période de production de sel puis d’un abandon du site à son état naturel pendant plusieurs années. Il y a dix-neuf ans, elle a été témoin d’une passation. D’une transition. D’une reprise en main de jeunes fous, passionnés, rêvant de reprendre l’activité perdue  des marais breton et de son histoire.
Des histoires, elle en a entendues. Nous parlions à coté d’elle des avancées des salines qui sortaient peu à peu de terre, comme si elle n’entendait rien. Pourtant elle était le témoin de cette histoire.
J’ai passé des heures à jouer, inventer des aventures avec elle. Plus tard, je m’en suis servie comme stockage pour mes activités personnelles. Sa situation est aussi intéressante.
Si vous arrivez à atteindre cette cabane, c’est que vous avez déjà longé les trois salines successivement et donc découvert l’immense labyrinthe d’argile et d’eau. Cela veut dire aussi que vous remontez les cours d’eau et que vous vous dirigez vers la mer. Cette cabane marque une étape. Une transition entre les salines et une autre partie des marais, plus sauvage. Elle marque aussi un point culminant, une vue qui surplombe les salines, une vue d’ensemble.
Son allure est forte, elle ne paraît pas vivante mais comme figée dans le temps. Elle est pratiquement couchée par le vent venu de la mer mais en la regardant attentivement, on a l’impression qu’elle ne tombera jamais. Elle s’embellit au fil du temps. Le bois qui la recouvre vieillit, grise, ressemble à du bois flotté ramassé sur la plage. Le vent salé l’a poncée. La tôle qui lui sert de toit est rougie comme le soleil couchant d’été ou levant d’hiver. Pratiquement les pieds dans l’eau, elle se voit en permanence dans un miroir calme, montrant dans ce reflet les souvenirs d’aventures, de fêtes, de feux de camp, de nuits à la belle étoile.
J’ai entretenu avec cette cabane un lien singulier. Elle nous a tous réunis à des moments importants de nos vies. Elle était là lorsque ces trois salines successives ont été construites, elle était spectatrice de ce chantier hors norme, sorti de la terre et de l’eau jours après jour. Elle écoutait les plans d’actions, les remises en question, les erreurs et les succès de la production. Elle était là pour nous rassembler dans cette nature si particulière. Elle nous a regardés grandir et évoluer.
Elle a vu passer des amis, de la famille, des visiteurs en tout genre, curieux, amoureux, vivants. Finalement, nous nous sommes toujours tenus autour d’elle plutôt qu’en elle. Elle est comme un totem, un sage qui ne parle jamais, mais qui est témoin de tout.

 

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Table des matières
I) La cabane poétique
A) Quand j’étais petit(e)
Le souvenir
Les aventures
Les cabanes illustrées
B) Ma chambre à moi
La cabane : Le refuge…
… qui abrite un corps et un esprit
II) La cabane comme objet politique
A) La nécessité de (se) construire
La cabane “d’adulte”
Construire autrement, c’est me construire
Construire dans la marge
B) La nécessité de dire
Pas de place dans cette société
J’habite la Terre que je chéris
Éco-logie
C) La nécessité d’atterrir
Vivre le paysage
Savoir habiter
III) NOUS, ou la cabane expérience
A) Effacer et recommencer
B) Imaginons et innovons
Conclusion
Bibliographie
Médiagraphie

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