La biodiversité face aux changements globaux

L’expansion des populations humaines, leur taux de consommation croissant et l’accès à la technologie ont mené à des changements de l’ensemble des écosystèmes de la Terre. L’utilisation des terres pour produire des biens et des services représente la modification d’origine anthropique la plus importante du système Terre. En effet, les changements d’usage des sols, que ce soit la conversion des paysages naturels à l’usage de l’homme ou l’évolution des pratiques de gestion sur les terres dominées par l’homme, ont transformé une grande partie de la surface terrestre de la planète (DeFries et al., 2004). Bien que les usages des sols varient grandement à travers le monde, leur finalité est généralement la même : l’acquisition de ressources naturelles pour les besoins immédiats de l’homme, souvent au détriment des conditions environnementales (Foley et al., 2005). Plusieurs décennies de recherche ont révélé des impacts environnementaux de l’usage des sols dans le monde entier, allant de changements dans la composition atmosphérique à la modification importante des écosystèmes de la Terre (Matson et al., 1997; Tilman et al., 2002; Vitousek et al., 1997).

L’usage des sols a joué un rôle dans l’évolution du cycle mondial du carbone et a priori du climat mondial: depuis 1850, environ 35% des émissions anthropiques de CO2 résultent directement de l’usage des sols (Houghton, 1999). L’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre depuis la période préindustrielle (i.e. depuis 1750) a conduit à un forçage radiatif  du climat – une perturbation du bilan énergétique du système Terre-atmosphère – tendant à réchauffer la surface et à produire d’autres changements du climat (Hartmann et al., 2000). Malgré la difficulté de distinguer les changements climatiques d’origine naturelle de ceux dus à l’homme, il est aujourd’hui largement admis que le changement climatique rapide de ces dernières décennies est issu principalement de l’activité anthropique (Hurrell and Trenberth, 2010; IPCC, 2007). En effet, les températures de surface ont augmenté de 0.75°C depuis le début du 20ème siècle (Figure 1), l’augmentation la plus rapide ayant eu lieu ces dernières décennies. Les changements de couverture des sols affectent également les climats régionaux du fait de changements dans l’énergie de surface et le bilan hydrique (Kalnay and Cai, 2003; Pielke et al., 2002). Les activités anthropiques ont également modifié le cycle hydrologique pour fournir de l’eau douce pour l’irrigation, l’industrie et la consommation domestique (Postel et al., 1996; Vorosmarty et al., 2000). En outre, les apports anthropiques de nutriments à la biosphère, par les engrais et les polluants atmosphériques, dépassent maintenant les sources naturelles et ont des effets généralisés sur la qualité de l’eau et les écosystèmes côtiers et d’eau douce (Bennett et al., 2001; Matson et al., 1997). Enfin, plus important encore, 30 à 50% de la surface terrestre ont été modifiés directement et substantiellement par l’activité humaine (Vitousek, 1994). L’usage des sols impacte les écosystèmes par le biais de la destruction, la modification et la fragmentation d’habitat, la dégradation de la qualité des sols et de l’eau, la réduction de l’approvisionnement en eau, l’exploitation des espèces indigènes et l’introduction d’espèces exotiques (IPPC, 1995; Sala, 1995).

Un des objectifs majeurs de l’écologie de la conservation actuelle est de déterminer comment le changement global récent affecte les populations et les écosystèmes afin de prédire et de limiter les conséquences de ces changements sur la biodiversité et sur les services écologiques qu’elle rend. Le changement climatique est considéré comme l’une des principales forces motrices du déclin et des extinctions des espèces (Parmesan and Yohe, 2003; Pounds et al., 2006; Sekercioglu et al., 2008; Thomas et al., 2004a; Thuiller et al., 2005). Les réponses de la biodiversité au réchauffement climatique ont été documentées au travers d’études sur les changements de distribution (Araujo and New, 2007; Hickling et al., 2006), d’abondances (Biro et al., 2007), de phénologies des espèces (Both et al., 2006; Sherry et al., 2007) ou dans des mesures plus intégrées comme la richesse et la composition des communautés (Lemoine et al., 2007; Menendez et al., 2006; Wilson  al., 2007). Cependant, autre que le changement climatique, le changement d’usage des sols est également reconnu comme l’une des principales formes de pression anthropique globale affectant la biodiversité (Figure 2) (Sala et  ., 2000; Zebisch et al., 2004). La dégradation et la destruction des habitats sont en effet une cause majeure de la perte récente de biodiversité (Fahrig, 2003; Harrison and Bruna, 1999; Henle et al., 2004) et mettent en danger la persistance de la majorité des espèces menacées à l’heure actuelle (Brooks et al., 2002; Pimm and Raven, 2000; Vitousek et al., 1997). Les changements d’usage des sols conduisent souvent à des paysages plus homogènes réduisant ainsi la diversité des écosystèmes (Flather et al., 1998).

Agriculture & Biodiversité

L’évolution des paysages agricoles au cours des dernières décennies

Historiquement, l’agriculture a façonné de nombreux paysages européens au fil des siècles, donnant naissance à un environnement semi-naturel unique et offrant une grande variété d’habitats et d’espèces dont l’existence dépend du maintien de l’agriculture. Cependant au cours des 50 dernières années, l’agriculture a connu des modifications très importantes dans les méthodes et l’organisation de la production, qui ont conduit à des transformations profondes des paysages agricoles (Burel and Baudry, 1990; Robinson and Sutherland, 2002; Turner et al., 1994). Les incitations économiques et technologiques visant à accroître la productivité agricole à la suite de la seconde guerre mondiale, et dans le même temps la compétitivité sur le plan national et international, ont abouti à une intensification rapide sans précédent de l’agriculture (Gardner, 1996; Krebs et al., 1999). L’intensification de l’agriculture est associée à des changements profonds des pratiques culturales à l’échelle locale (i.e. de la parcelle) comme à l’échelle du paysage (voir Table 1) (Tscharntke et al., 2005), provoquant une homogénéisation du paysage et des pratiques, ainsi qu’une dégradation de la qualité des habitats cultivés (amplification des perturbations anthropiques, en fréquence et en intensité) et une perte nette d’habitats non cultivés. L’agriculture est ainsi devenue progressivement industrielle, dépendant fortement de la mécanisation et des intrants chimiques, occupant des surfaces de plus en plus étendues dédiées entièrement à la production (Robinson and Sutherland, 2002; Stoate et al., 2001). Les exploitations mixtes (polyculture/élevage) ont fortement diminué au profit d’exploitations spécialisées, adoptant des rotations culturales plus simples que par le passé (Robinson & Sutherland, 2002). La diversité des paysages a chuté en Europe au cours de la période d’intensification agricole (Meeus, 1993), avec une tendance marquée vers la simplification des paysages (Stoate et al., 2001). Cette métamorphose de l’agriculture a été soutenue dès le début par la création de la Politique Agricole Commune (PAC) de l’Union Européenne, qui a subventionné la production et maintenu des prix artificiellement élevés. La PAC a en effet était prévue dès l’avènement de la communauté européenne et mise en place en 1962 avec pour objectif d’accroître la productivité et d’assurer l’autonomie et la sécurité alimentaires à des prix raisonnables pour les producteurs et les consommateurs, tout en réduisant la dépendance aux importations et en permettant aux agriculteurs/éleveurs de vivre de leur travail. Dans de nombreux pays, comme la Grande-Bretagne et la France par exemple, les capitaux disponibles grâce à la PAC ont grandement contribué à la perte d’un grand nombre d’éléments semi-permanents tels que les haies, digues, bois, prairies, etc. (Stoate et al., 2001). Par ailleurs, la modernisation et la rationalisation (modification des méthodes de production pour accroître la productivité) de l’agriculture ont engendré de véritables pressions sur les agrosystèmes traditionnels, à faible quantité d’intrants (tels que les terres agricoles à haute valeur naturelle HNV) (Strijker, 2005). Ces processus ont conduit non seulement à l’intensification de l’utilisation des terres, mais également à l’abandon des terres et au reboisement (Henle et al., 2008; MacDonald et al., 2000).

Impacts de l’intensification agricole sur la biodiversité

L’agriculture européenne d’après-guerre peut être considérée comme un succès en ce qu’elle a permis un accroissement des rendements agricoles et une meilleure capacité d’autosuffisance alimentaire, cependant, cette intensification agricole pose de graves problèmes environnementaux (Krebs et al., 1999) et menace de nombreux services écosystémiques (Bjorklund et al., 1999). Les problèmes potentiels de l’agriculture intensive avaient été soulignés, dès le début des années 60, par Rachel Carson dans son livre « Silent Spring », dépeignant déjà un sombre tableau des paysages agricoles pratiquement dépourvus de faune sauvage (Carson, 1962). Au cours des dernières décennies, le déclin de la biodiversité s’est produit à une échelle sans précédent et l’intensification de l’agriculture a été identifiée comme l’un des principaux moteurs de ce changement global (Donald et al., 2001; Kleijn et al., 2009).

Le déclin de la biodiversité agricole a été documenté pour de nombreux taxons : les oiseaux (Donald et al., 2006; Krebs et al., 1999), les mammifères (Smith et al., 2005; Sotherton, 1998), les insectes (Benton et al., 2002; Schweiger et al., 2005) et les plantes (Liira et al., 2008; Wilson et al., 1999). Bien que le lien avec l’intensification agricole soit souvent corrélatif, les fortes corrélations temporelles et spatiales suggèrent que les changements de l’agriculture sont en partie responsables (Matson et al., 1997; Robinson and Sutherland, 2002; Stoate et al., 2001). Les causes de ce déclin restent multiples et affectent la biodiversité à différentes échelles spatiales (Stoate et al., 2001). A l’échelle locale, la mise en œuvre de pratiques néfastes à la biodiversité sur les parcelles cultivées telles que l’usage de produits agrochimiques peuvent avoir des effets directs (Geiger et al., 2010; Mader et al., 2002) ou indirects via les chaines trophiques (Benton et al., 2002; Boatman et al., 2004). L’intensité de pâturage (Wallis De Vries et al., 2007), la réduction des rotations culturales (Chamberlain and Gregory, 1999) ou le labour profond (Kladivko, 2001; Shuler et al., 2005) sont également des facteurs pouvant altérer la biodiversité agricole. A l’échelle du paysage, la transformation des systèmes d’utilisation des sols traditionnels en systèmes modernes intensifs – par la conversion des terres à partir de systèmes naturels complexes vers des écosystèmes agricoles simplifiés – a été identifiée comme une cause majeure du taux actuel de perte de la biodiversité (Tscharntke et al., 2005). Par ailleurs, l’intensification agricole conduit à la perte d’habitats : d’habitats agricoles traditionnels d’une part, au détriment des espèces spécialistes qui sont souvent les plus affectées (Filippi-Codaccioni et al., 2010), d’habitats naturels et semi-naturels d’autre part, sources importantes de nourriture et de refuges pour une gamme de plantes et d’invertébrés (Green, 1990; Stoate et al., 2001), avec leur cortège d’espèces propres ainsi qu’avec leur potentiel de refuge pour les espèces agricoles (Devictor and Jiguet, 2007). La fragmentation des habitats naturels ou semi-naturels restants, ou des habitats agricoles extensifs, du fait de l’expansion de l’agriculture, se traduit par un isolement géographique et une perte de connectivité. Ces modifications de la matrice agricole conduisent à un isolement des populations, souvent de petites tailles dans ces habitats de surface restreinte, et une augmentation des effets stochastiques, autant du point de vue démographique que génétique, susceptibles de conduire à des extinctions locales (Benton et al., 2003; Ewers and Didham, 2006).

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Table des matières

Introduction
1. Contexte général : la biodiversité face aux changements globaux
2. Agriculture & Biodiversité
2.1 L’évolution des paysages agricoles au cours des dernières décennies
2.2 Impacts de l’intensification agricole sur la biodiversité
2.3 Enjeux de conservation de la biodiversité en milieu agricole
3. Prise en compte des considérations environnementales dans les politiques agricoles : vers la définition des objectifs de la thèse
3.1 Les politiques environnementales actuelles
3.2 Quelles solutions pour l’avenir ? Intégration des nouveaux enjeux
3.3 Les objectifs de la thèse
4. Les oiseaux nicheurs, indicateurs de biodiversité
5. Structure des travaux
I. Efficacité des mesures actuelles de conservation de la biodiversité en milieu agricole
1. Contexte général : le besoin d’évaluation à large échelle spatiale
2. Quelle efficacité des mesures agro-environnementales françaises pour la conservation de l’avifaune commune à l’échelle nationale ?
2.1 Les mesures agro-environnementales en France
2.2 Evaluation des effets des MAE sur la biodiversité agricole en France, à travers les oiseaux nicheurs
3. Conclusion partielle : une efficacité mitigée des mesures agro-environnementales
II. Quels futurs possibles pour la biodiversité en milieu agricole ?
1. Les scénarios, un outil de prédictions
2. Que nous apprennent les scénarios agricoles existants ?
2.1 Evaluation de l’impact de scénarios de la PAC sur l’indicateur des oiseaux agricoles à l’horizon 2020
2.2 Conclusion partielle : vers des scénarios de changements d’usage des sols à plus fine échelle spatiale
3. Scénarios de biodiversité sous changements climatiques et d’usage/couverture des sols agricoles
3.1 Développement de scénarios de changements régionalisés d’assolement
3.2 Prédictions des impacts potentiels des changements agricoles sur les communautés d’oiseaux sous contraintes climatiques
Conclusion générale
1. Synthèse des principaux résultats
2. Perspectives
2.1 Efficacité des mesures actuelles de conservation en milieu agricole
2.2 Les scénarios d’évolution de l’agriculture : des outils d’aide à la décision
Bibliographie

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