La baisse de fécondité en Inde : une thématique étudiée depuis plus de 25 ans 

Les formes de propagation dans l’espace

Il existe deux types principaux de diffusion : la diffusion par extension et la diffusion par migration.
La diffusion par extension se distingue par une propagation « de proche en proche sans que diminue l’intensité du phénomène ou la diversité des éléments diffusés dans les foyers » atteints les plus rapidement. Ce type de diffusion représente une expansion géographique de l’innovation. La diffusion par migration englobe des phénomènes qui se diffusent de proche en proche, mais en se déplaçant ce qui insinue l’abandon ou l’affaiblissement des centres initialement atteints. Le concept de diffusion spatiale de l’innovation paraît intéressant pour notre problématique du fait que la baisse de fécondité apparaît comme une innovation sociale et démographique. En effet, pour qu’une région diminue sa fécondité, un certain nombre des individus habitant cette région doivent accepter l’idée de faire moins d’enfants. Mais avant d’entreprendre la moindre modélisation de la baisse de fécondité en Inde, il convient d’étudier les travaux déjà effectués sur le sujet.

La baisse de fécondité en Inde : une thématique étudiée depuis plus de 25 ans

La baisse de fécondité demeure un thème suscitant l’intérêt des recherches de par sa participation essentielle à la transition démographique, phénomène majeur dans les études de démographie contemporaine notamment à cause de toutes les conséquences non négligeables qu’il engendre. Cependant, l’étude géographique de la baisse de fécondité en Inde reste peut-être moins courante. Les travaux les plus aboutis et les plus concluants sont ceux dirigés par Christophe Z. Guilmoto. Nous exposerons leurs apports sur le thème de la baisse de fécondité indienne de façon chronologique, afin de faire émerger une évolution dans la recherche de C.Z. Guilmoto. Cette partie s’inspire fortement des différents articles de C.Z. Guilmoto.

Les débuts de C.Z. Guilmoto : 1986

En 1986, C.Z. Guilmoto s’intéresse à la transition démographique en Inde du Sud, un phénomène qu’il considère comme une « exception à la française » [Guilmoto, 1986].
A ce moment-là, le mouvement démographique est connu à l’échelle nationale, mais quasiment pas à l’échelle régionale. Pourtant, il existe deux types extrêmes d’évolutions démographiques en Inde. Tout d’abord, le cas des trois Etats enretard du Bimaru. Il s’agit de trois Etats très peuplés, avec une faible productivité agricole hors des zones irriguées.
La mortalité y est élevée et labaisse de la fécondité se fait moins ressentir qu’ailleurs. A l’opposé, les trois Etats du Kerala, de l’Orissa et du Tamil Nadu, dont les situations économiques sont loin d’être favorables, ont vu une chute de fécondité conséquente. Leur accroissement naturel est largement au-dessous de la moyenne nationale. Ce constat met en évidence l’incapacité des moyennes nationales à représenter la diversité des situations démographiques régionales. Déjà en 1986, C.Z.Guilmoto considère le Kerala comme un véritable « laboratoire démographique » indien du fait de sa précoce transition démographique.
A cette époque, l’étude se cantonne au cas du Tamil Nadu. Mais à travers celle-ci, différents aspects de la baisse de féconditésont explorés à l’échelle régionale.
Premièrement, déjà dans les années 1940, il semblerait que le Tamil Nadu se distingue par une faible fécondité. Pareillement, cette région semble « en avance » sur l’évolution globale de l’Inde, avec un taux de 30 pour mille dans la décennie 1971-1981. Pourtant, la mortalité reste forte, diminuant fortement letaux d’accroissement naturel. Mais si l’on compare (en 1986), les régions avec des taux de mortalité comparables, il est possible de se rendre compte que leurs taux de natalité excèdent largement celui du Tamil Nadu, car les mentalités traditionnelles demeurent anti-malthusiennes. Le système familial de cette région se caractérise par une autonomie féminine plus grande : les taux d’alphabétisation et d’activité féminins dépassent souvent la moyenne nationale.
C.Z. Guilmoto va même jusqu’à comparer la situation du Tamil Nadu avec la situation européenne à la fin du XVIIIe siècle, dans l’objectif de montrer le rôle précurseur de cette région [Guilmoto, 1986].

L’étude de la baisse de fécondité à l’échelle du district : 1997

Un peu plus tard, C.Z. Guilmoto apporte de nouvelles précisions sur labaisse de fécondité [C.Z. Guilmoto, 1997a]. Une nouvelle fois, il oppose les Etats pionniers aux Etats retardataires : l’Inde connaît une baisse soutenue de la fécondité, au point d’arriver à 3,5 enfants par femme en 1994. Le Kerala et leTamil Nadu possèdent des taux de fécondité (en 1991-1993) similaires aux pays occidentaux. L’hétérogénéité des situations démographiques ressentie en 1986 se vérifie dansle temps : les régions du Sud indien ont une transition quasiment terminée, alors que les pays du Bimaru voient certaines zones où la transition n’a pas commencé ou que la situation n’a pas ou peu évolué depuis 1980.
Avant l’Indépendance, les disparités régionales de fécondité étaient minimes alors qu’après l’Indépendance elles sont beaucoup plus fortes. Ainsi, C.Z. Guilmoto observe une opposition Nord/Sud. Mais la différence notable avec les recherches précédentes relève de l’échelle de l’étude. Précédemment, la fécondité est appréciée à l’échelle régionale, alors qu’en 1997, elle est étudiée à l’échelle du district. Grâce à cette échelle plus fine, plusieurs constats sont réalisés, en commençant par les différentiels de fécondité.
Il identifie le rôle majeur du statut féminin dans l’influence des niveaux locaux de fécondité. D’un point de vue statistique, l’alphabétisation et l’activité des femmes demeurent les variables les plus liées à une faible fécondité. Par contre, C.Z. Guilmoto attribue un rôle très secondaire aux différences économiques sur lamodélisation de la fécondité des districts indiens. Il expose également une frontière virtuelle entre l’Inde du Nord sanskritisée et islamisée, et une Inde du Sud, dravidienne et aux traditions spécifiques.
Le découpage administratif des Etats explique de 70,6 % des variations entre districts : la structuration régionale possèdeun poids statistique sur la fécondité comparable ou supérieur à celui de l’alphabétisation. Mais l’intérêt d’une étude à l’échelle du district est d’observer les hétérogénéités à l’intérieur même des Etats. Et l’on se rend bien compte que certains districts d’Uttar Pradesh ou du Bihar ont une fécondité comparable à celle d’un district du Kerala. Le paysage démographique indien apparaît alors très contrasté, à l’échelle régionale comme à l’échelle du district, rendant compte du différentiel de la pénétration des nouvelles normes démographiques à l’intérieur des ensembles régionaux.
Mais l’apport énorme de C.Z. Guilmoto en 1997 reste de concevoir la baisse de fécondité en Inde comme une diffusion de l’innovation : « La baisse de la fécondité indienne se range parmi les phénomènes d’innovation qui transforment les usages sociaux, selon des mécanismes de diffusion dont le processus connaît certaines régularités temporelles et spatiales » [Guilmoto, 1997a : p.2]. La baisse de fécondité devient alors une « innovation sociale ». La diffusion spatiale de cette innovation « renvoie à une image en couronnes successives, centrée autour de la région gangétique à fécondité maximale ».
C.Z. Guilmoto énonce « trois règles » pour cette diffusion.
La première montre que le foyer d’apparition de l’innovation est périphérique, ce qui compose certainement le trait « le plus inhabituel » de cette diffusion. F.Giraut se pose la question de savoir « si les marges ou les périphéries peuvent être porteuses d’innovations potentielles ou condamnées à la reproduction issuesdu centre, voire à la simple attente de la diffusion des effets des innovations externesou enfin à la fatalité d’une dépendance et d’une assistance de la part du centre » [Giraut F., 2009 : p.2]. Dans notre cas, cela est possible. La distance à ce foyer d’apparition de l’innovation reste essentielle. Par contre, la structuration spatiale de la diffusion demeure plus complexe : répartition de la fécondité de manière quasiment concentrique autour d’un foyer central à la frontière des Etats de langue hindi. L’espace indien s’organise alors de façon auréolaire, mais les régions les plus natalistes s’enclavent progressivement.
L’effet littoral compose la deuxième règle. Les régions côtières ont eu un rythme particulièrement rapide dans la transition démographique. Ces régions sont celles où les échanges avec le reste du mondeont été les plus denses, impliquant des progrès de l’instruction plus rapides par rapport aux régions intérieures.
La dernière règle stipule un « effet urbain » grâce au grand nombre de métropoles qui impulsent les nouveaux comportements reproductifs.
Les profils sociologiques plutôt pro-natalistes ou malthusiens ne sont pas réellement responsables dans la détermination des disparités régionales. C.Z. Guilmoto utilise alors l’outil de l’auto corrélation spatiale pour étudier l’effet de la configuration spatiale sur les liaisons entre variables. Ainsi, il démontre que les frontières socioculturelles, tels le peuplement ou le groupe linguistique, créent des points de continuité très abrupts. Des zones sont alors identifiées, mais ne correspondent pas aux frontières sociales ou physiques car à cheval sur plusieurs Etats. La féconditépermet de connaître des frontières divisant l’espace indien de l’intérieur.
« La transition de la fécondité a en effet suivi un cheminement typique de la diffusion des innovations, le long des canaux de l’échange social, et s’appuyant donc très fortement sur les contiguïtés sociales ou culturelles pour se propager » [Guilmoto, 1997a : p.14]. C) Une explication plus technique pour les études sur la baisse defécondité : 2002.Dans le cadre d’un programme de recherche sur la baisse de fécondité en Inde (le « South India Fertility Project »), C.Z. Guilmoto publie un article en 2002 sur les mécanismes de ce phénomène. Encore une fois, son étude se limiteà l’Inde du Sud, mais il justifie ce choix. Les pays d’Asie du Sud sont bien souvent assimilés, mais il n’en reste pas moins une grande hétérogénéité. De surcroît, l’évolution de la fécondité des différents pays de cette région du monde reste très différente. De ce fait, la région d’Inde du Sud ne correspond pas à la situation indiennegénérale, car nous voyons très bien que la fécondité de l’Uttar Pradesh en 2002 n’est même pas égale à la fécondité des Etats du Sud dans les années 1970.
C.Z. Guilmoto remarque que la fécondité du Kerala atteint une limite, et que les autres Etats comblent leurs écarts avec de dernier.Celui-ci insiste fortement sur un nécessaire « effort de régionalisation de la démographie indienne » [C.Z. Guilmoto, 2002 : p.9] pour comprendre ces dynamiques. Mais cette volontése retrouve confrontée à un problème : la base statistique renseigne uniquement sur des agrégats démographiques, alors même que les Etats indiens voient une situation très hétérogène à l’intérieur même de leur territoire.
D’où, la volonté de C.Z. Guilmoto de désagrégerles agrégats régionaux afin de saisir les contours micro régionaux de la fécondité.
Le recensement indien de 2001 fournit des données à l’échelle du village. Mais les indicateurs disponibles ne sont pas aussi précis que ceux choisis pour les agrégats. Après analyse statistique par régression et par analyse factorielle de type ACP, plusieurs points sont éclaircis. La présence d’un centre de planning familial n’a aucun effet sur la fécondité.
Par contre les variables d’infrastructures, d’éducation par exemple, ont tendance à faire diminuer significativement la fécondité.
Cette étude apparaît clairement comme étant moins portée sur les déterminants du phénomène, mais plus sur ses mécanismes. La baisse de fécondité reste perçue comme une diffusion de l’innovation, où l’espace est le support privilégié pour l’interaction entre individus et groupes sociaux. L’hypothèse est posée que la progression du comportement malthusien se dote de son propre élan, rejetant ainsi des variables considérées comme essentielles telle que l’offre de contraception ou les campagnes officielles.
En cartographiant la fécondité indienne, il est possible d’observer plusieurs phénomènes.
Au fil du temps, un « noyau dur » subsiste autour de la vallée moyenne du Gange, enclavé et marginal. Dans le reste de l’Inde, des « poches de résistance » se détachent de leur environnement à faible fécondité : la discontinuité spatiale demeure très forte.
Après ces études statistiques etc artographiques, C.Z. Guilmoto utilise à nouveau l’outil d’autocorrélation spatiale, mais en obtenant de nouveaux résultats du fait des nouvelles données du recensement de 2001. Cependant, cette étude établit des agrégats des données concernant les 70 000 villages des quatre Etats d’Inde du Sud mises à disposition par le recensement, du fait que l’autocorrélation spatiale devient difficile voire impossible à employer quand on considère plus de 1000 unités.On remarque une extrême corrélation spatiale de la fécondité en Inde, et en conséquence une forte cohésion géographique des comportements de fécondité. L’autocorrélation spatiale reste maximale à moins de 100 kilomètres, mais à partir de 400 kilomètres, les districts n’obéissent plus aux mêmes logiques régionales. Il est possible d’observer une augmentation de l’autocorrélation spatiale entre 1951 et 2001. L’espace de la féconditéindienne devient de plus en plus cohérent grâce à la transition démographique : les comportements, au départ très différents sur une faible distance, deviennent semblables sur une distance de plus en plus grande.
L’autocorrélation spatiale permet ainsi de valider une forte corrélation de la fécondité dans un rayon de 400 kilomètres, à l’échelle du village et à l’échelle du district [Guilmoto C.Z., Oliveau S., 2005].
Il nous est possible de remarquer que l’évolution des recherches de C.Z. Guilmoto suit considérablement les progrès de l’informatique et de la précision des données fournies par le recensement, permettant d’étudier le phénomène à une échelle toujours plus fine.

Une synthèse finale des travaux : Fertility Transition in South India(2005)

En 2005, C.Z. Guilmoto publie un livre, considéré comme une synthèse des recherches faites sur la baisse de fécondité en Inde. Cet ouvrage rassemble plusieurs chercheurs et leurs apports sont singuliers. Certains points qui n’étaient que pressentis ou posés en hypothèse auparavant, sont alors démontrés de manière plus scientifique.
Les points exposés par la suite représentent les dernières avancées des recherches menées par C.Z. Guilmoto sur la baisse de la féconditéen Inde. Certains points ont déjà été abordé dans les études précédentes, mais ils le sont encore mieux dans celle-ci.
Des analyses statistiques sont menées afin de déterminer les facteurs de la fécondité. La tâche n’est pas aisée mais plusieurs choses sont éclaircies à nouveau. C.Z. Guilmoto utilise un groupe de variables appelé « variables idéales », dans lequel il étudie le rôle possible des facteurs de communications, ainsi que la densité démographique. Après étude, il en conclut qu’aucune de ces variables ne joue un rôle réel dans la baisse de fécondité. De la même manière, sont écartés des facteurs la qualité du planning familial. Les femmes utilisant le planning familial sont des femmes qui ont déjà adopté un règlement de fécondité.
L’alphabétisation masculine n’a aucun effet sur la fécondité, ainsi que les variables de type économique : la pauvreté et la propriété foncière inégale ne sont pas obligatoirement associées à une haute fécondité. Par contre, à l’échelle locale, les variables socio-démographiques et relevant de la structure sociale jouentun rôle plus important, tels que la composition religieuse ou le système de castes [Guilmoto, 2005a]. En effet, on peut observer que les populations musulmanes et tribales ont un niveau de fécondité localement plus fort que la moyenne locale. Ainsi, les différences de fécondité peuvent symboliser des conséquences de systèmes sociaux différents, sur lesquels reposent les traditions culturelles.
Les variables du statut des femmes occupent une grande place, dont la plus importante est l’alphabétisation. Comme pressenti auparavant, à aucun moment l’âge au mariage influence les taux de fécondité. De la même façon, le fait d’appartenir à un groupe régional [C.Z. Guilmoto, 2005a](le Nord ou le Sud) influe directement sur les différences de fécondité entre les zones indiennes, représentant une signification statistique forte. De manière synthétique, « ce sont les facteurs sociaux et/ou culturels qui forment le commencement et l’accélération de déclin de fécondité », et non les facteurs économiques.
Ensuite, C.Z. Guilmoto montre que la diffusion de pratiques malthusiennes se révèle essentielle dans la baisse defécondité. Il postule que « les réseaux d’interactions sont formés par la proximité sociale et spatiale». Le nouveau comportement reproducteur se répand plus ou moins facilement selon le système social. Des études du NFHS-2 montrent une diffusion verticale, des classes dominantes aux autres groupes sociaux. Cependant, la baisse de fécondité s’est socialement élargie car on ne peut que constater l’importance de la pénétration du comportement malthusien dans les groupes économiquement ou socialement moins susceptibles de l’adopter. C.Z. Guilmoto conclut que la proximité des groupes sociaux et la fréquence d’interactions augmente la probabilité d’adoption de l’innovation.
En considérant une diffusion de l’innovation spécifique à la fécondité, les frontières du changement démographique ne correspondent pas aux frontières administratives des Etats, mais plus aux espaces culturels. Le même phénomène est observé avec l’alphabétisation en Inde du Sud [Oliveau S., Chasles V., 2005].
La diffusion semble d’ailleurs suivre les routes principales ainsi que les axes ferroviaires [Oliveau, 2005]. Par ailleurs, contrairement à ce qui est exposé par le concept de diffusion de l’innovation, les grandes villes d’Inde du Sud comme Bangalore, Coimbatore, Madurai, Mysore, ou encore Hyderabad, n’ont eu qu’un faible effet sur la diffusion du nouveau comportement démographique. Ainsi, une cartographie de la fécondité en Inde de 1951 à 1991 est proposée pour illustrer ces propos (voir figure 7). Il nous est possible d’y observer la diffusion, démarrant au Sud de l’Inde, puis progressant vers le Nord, par les littoraux et isolant petit à petit la moyenne vallée gangétique, autrement dit l’Inde traditionnelle.
L’autocorrélation spatiale prouve l’existence d’une diffusion spatiale spécifique de la fécondité où la géographie historique et sociale ne sont pas les facteurs les plus déterminants, mais plutôt le principe de proximité spatiale.
Un autre apport de C.Z. Guilmoto concerne la recherche plus approfondie sur le site d’apparition de la baisse de fécondité en In de du Sud. Grâce à la cartographie de la fécondité, on peut se rendre compte que certaines zones sont affectées par le phénomène dès les années 1950 voire plus tôt, Coimbatore par exemple. Mais le cas inverse existe également : des zones voient leur fécondité diminuer parfois après 1960, comme dans les zones musulmanes. Les chrétiens syriens sont identifiés comme les premiers à percevoir les bienfaits de l’éducation des familles, notamment des filles. Par conséquent, ils développèrent plus rapidement les méthodes decontraception. Ainsi, la géographie de la baisse de fécondité dans le Kerala correspond à l’implantation des chrétiens syriens. Dans certaines régions kéralaises, le christianisme (àmajorité des chrétiens syriens) représente localement une caste dominante. Au XIXe siècle, les chrétiens syriens ont sûrement gardé un avantage éducatif significatif par rapport aux autres communautés locales. Ils représentent alors les innovateurs par rapport à l’innovation du comportement malthusien.
En adaptant le concept de diffusion spatiale eten observant la baisse de la fécondité au Kerala dans les années 1950, C.Z. Guilmoto pose l’hypothèse de l’imitation des comportements reproducteurs des chrétiens syriens par les autres communautés locales.
Par contre, il n’arrive à fixer les facteurs initiaux de l’innovation, de par leurs différences selon les situations. En effet, les chrétiens syriens engendraient un fort taux d’alphabétisation féminin dans les zones qu’ils dominaient (dépassait souvent 75 %), alors qu’à Coimbatore, avec moins de 8 % des femmes deplus de 60 ans dans les régions rurales pouvaient lire et écrire en 1991, l’éducation y demeurait faible.
Au Tamil Nadu par exemple, la caste dominante est dominée par les Vellalars. Des sources historiques de la période coloniale soupçonnent cette caste de contrôler leur fécondité dans le but de contourner le problème de division de la succession entre les hommes de la famille. Etant donné la composition majoritaire de propriétaires terriens de cette caste, « on peut supposer que les comportements malthusiens ont été transmise aux paysans pauvres ainsi qu’à la grande population rurale et urbaine travaillant dans le secteur industriel » [Guilmoto, 2005].
Bien évidemment, ces affirmations ne sont que des hypothèses, du fait que leurs fondements se résument essentiellement à des sources ethnographiques et historiques.
La baisse de fécondité « repose sur la dynamique sociale dans les sociétés locales et en particulier sur l’innovation démographique introduite par des groupes dans une position dominante » [Guilmoto, 2005].
Dans son article de 2002, C.Z. Guilmoto exprime clairement le rôle que peuvent jouer les modèles multi-agents pour analyser les déterminants de la diffusion spatiale de la basse fécondité à l’échelle individu-centrée. Mais ce type d’outil le laisse plutôt perplexe.

La phase de simulation

L’objectif reste de déterminer quelles sont les variables qui agissent le plus sur la vitesse et l’échec de la diffusion. Nous concevons alors une notion « d’influence ». Chaque variable peut prendre des valeurs différentes. Le « pourcentage de contacts intracommunautaires » par exemple, varie entre 0 % et 100 %. Selon lavaleur prise, chaque variable est capable de faire varier la vitesse et l’échec d’une diffusion. Le but reste de calculer cette variation selon les valeurs de la variable. Prenons un exemple : si une variable arrive à faire varier la vitesse de diffusion du simple au double entre différentes valeurs prises, son taux de variation est de 100%. Si le taux est positif, cela veut dire que plus la variable augmente, plus la vitesse augmente. Quand le taux est négatif, plus la variable augmente, et plus la vitesse diminue. Qu’il soit négatif ou positif, plus le taux de variation est grand, plus forte est l’influence de la variable.
De par ce constat, toutes les simulations sont effectuées par la méthode « toutes choses égales par ailleurs ». Par conséquent, une variable est testée pour chaque valeur qu’elle peut prendre, sans que les autres variables ne soient modifiées. D’ailleurs, ces dernières prendront des valeurs moyennes, etnon pas extrêmes. Par exemple, pour une variable testée, la variable « nombre de liens » ne prendra pas la valeur « 1 » ni « 30 », mais plutôt « 8 », afin de ne pas tomber dans un particularisme. Les valeurs moyennes choisies pour les variables non testées sont reprises dans le tableau n°1. De cette manière, chaque variable est simulée pour plusieurs valeurs. Pour les simulations de vitesse de diffusion, chaque valeur d’une variable est simulée 40 fois. Nous choisissons 40 simulations car la théorie des grands nombres fixerait le nombre de simulations à 30 pour que les résultats soient considérés comme significatifs. En fixant une série de simulations à 40, nous nous situons un peu au-dessus de cette limite théorique. A chaque simulation, lorsqu’il s’agit de la vitesse de diffusion, les imulateur note le temps qu’il faut pour atteindre un taux d’adoption de 70 %.

La recolonisation de l’espace

La dernière forme spatiale est un « repeuplement » de l’espace après la vague de « dépeuplement » engendrée par la diffusion. Ce phénomène se produit essentiellement dans certains types de paramétrages. En effet, par démarche expérimentale, nous avons remarqué qu’il se produisait plus souvent quand la« distance des liens » et la « probabilité d’adoption » étaient faibles et la « différence entre religions A et B » assez forte. En clair, les agents de religions A et B seront très hétérogènes de par leurprobabilité d’adoption opposée : les hindous et les chrétiens auront tendance à accepter le message plus facilement, contrairement aux tribaux et musulmans qui le rejetteront plus durement.
Le fait que « la distance des liens » soit faible renforce l’importance de l’isolement de certains agents : étant donné que la distance pour créer des liens est assez faible, il y a plus de chances qu’un agent ne soit à distance d’aucun agent, engendrant qu’il ne pourra pas diffuser le message malthusien s’il l’a adopté, mais dans le sens inverse également, il sera dans l’incapacité de le recevoir et de l’intégrer. De ce fait, cet agent continuera à faire plus d’enfants que les autres agents ayant adopté le message anti-nataliste. Et les enfants de cet agent, auront également plus de chance de ne pas être à distance d’un agent possédant le message. Nous l’avons bien compris, si un agent est isolé et qu’il n’a pas adopté le nouveau comportement démographique, il fera des enfants et « repeuplera » une partie de l’espace virtuel. Cet effet se combine évidemment avec la forme spatiale vue précédemment : la diffusion de la baisse de fécondité engendre un certain « dépeuplement », accentuant le possible isolement d’agent. Etant donné que les agents de religions B, dans ce cas-là de simulations, sontparticulièrement hermétiques à la diffusion, il y a plus de chance qu’il persiste des poches de résistances (ou barrières). Pour observer ce type de forme spatiale, une simulation est effectuée (voir figure 31). Jusqu’à t = 355, nous remarquons surtout la forme spatiale de dépeuplement, suivant l’axe de diffusion « nord-est / sud-ouest ». Mais à t = 355, plusieurs agents tribaux subsistent au message en bas à gauche de l’espace virtuel. Ces agents font des enfants au fil des ticks, qui eux mêmes se reproduisent. A t = 439, on se rend bien compte qu’ils sont plus nombreux que les agents ayant adopté le message et à t = 566, il ne reste plus qu’eux. A t = 705, la « recolonisation » est déjà en marche de par le quart de l’espace virtuel occupé par les agents de communauté tribale.
Concrètement, cela montre qu’une communauté religieuse trop différente des autres, n’ayant que des interactions locales et ne possédant pas les mêmes normes sociales que le reste du système social, aura une tendance à rejeter une nouvelle norme démographique, ou du moins, à l’accepter plus difficilement. A long terme, cette communauté aura plus de chance de « survivre » du fait qu’elle gardera une fécondité supérieure au seuil de remplacement, pendant que les autres communautés se dépeupleront. Bien évidemment, ce type d’interprétation n’est pas ajustable à la réalité, ce n’est qu’une tendance à ne considérer à long terme.
Il serait intéressant d’étudier plus en détail cette forme spatiale, de manière plus quantitative, afin de déterminer quels sont les paramètres qui influencent la production de ce phénomène, ou encore quel en est palier de paramétrage.

Calibrage et vérification du modèle

Dans cette sous-partie, nous vérifions la justesse du modèle codé sous NetLogo. Seront également vérifiés les aspects vraiment nécessaires à la future étude à savoir le mécanisme de fécondité, le système de génération dans son ensemble (fécondité + mortalité) et pour terminer la diffusion où le taux d’adoption en fonction du temps doit correspondre à une courbe logistique.

Test de la fécondité

Pour tester la fécondité, le principe est le suivant : avec une population de X1 individus au temps t = 0, et un taux de fécondité de X2 pourmille (noté PM dans la suite du texte), en théorie, on devrait atteindre X3 individus au bout de 100 pas de temps. Il s’agit d’une valeur théorique, mais si la fécondité est bien codée dans le modèle, alors le nombre d’individus au bout de 100 ticks devrait s’approcher de la valeur théorique. Bien évidemment, le taux de mortalité est fixé à 0 PM, et le code est modifié afin que les agents ne puissent pas mourir, pour ne tester que la fécondité. Dans le cas inverse, les valeurs théoriques ne seraient pas justes et impossibles à vérifier. On effectue trois séries de 30 simulations, dont les résultats sont représentés dans le tableau n°2. Pour chacune, nous relevons le nombre final d’agents. A la fin des 30 simulations, nous faisons une moyenne des relevés. Puis une autre série de 30 simulations est faite avec d’autres conditions initiales.

Etudes quantitatives des résultats

La phase de simulation génère de nombreux résultats. Grâce à ces derniers, plusieurs aspects sont traités. Le premier analyse l’effet de limite concernant certaines variables. Le suivant reflète l’effet de masse, contrairement au troisième, portant sur l’hétérogénéité. La significativité des simulations sur les échecs doit être mise en avant. Le dernier aspect demeure l’étude de l’influence des variables sur la vitesse et l’échec d’une diffusion.
Par convention, nous appelons « modèle 1 » le modèle de diffusion par liens aléatoires parmi des agents homogènes, « modèle 2 » le modèle de diffusion par liens aléatoires parmi des agents hétérogènes et « modèle 3 » le modèle de diffusion avec les liens contraints par la distance parmi des agents hétérogènes.

Les effets de seuil sur les variables

Certaines variables sont soumises à un effet de limite. Il se retrouve sur la vitesse de diffusion, mais aussi sur les échecs d’une diffusion. Pour l’expliquer, prenons l’exemple de l’influence de la variable « Probabilité d’adoption » sur la vitesse de diffusion du modèle 3, observable sur la figure 15.Dans ce graphique, il est possible de remarquer que le temps nécessaire pour atteindre un taux d’adoption de 70 % avec une probabilité d’adoption fixée à 25 % est sensiblement le même que lorsqu’elle est fixée à 100 %. Concrètement, cela veut dire que sur une population d’agents ayant une chance sur quatre d’adopter l’innovation, ou sur une population d’agents ayant 100 % de chances, il faut le même temps pour que 70 % des agents adoptent. Pour la variable « Probabilité d’adoption », le constat est le même pour les trois types de diffusions en ce qui concerne la vitesse de diffusion mais également l’échec d’une diffusion. De fait, le taux d’échec pour une probabilité d’adoption fixée à 25 % ou à 100 % sera grossièrement le même.
Ce phénomène de limite implique les variables « nombre de liens », « probabilité d’adoption », « distance des liens », et du nombre d’agents au départ de la diffusion.
Pour la vitesse de diffusion, le nombre de liens voit une limite à partir de quinze liens et quelque soit le type de diffusion (Cf. annexes 2, 9 et 16). Au-delà de cette valeur, la vitesse sera globalement la même que celle obtenue pour quinze liens. Par contre, lorsqu’il s’agit des échecs d’une diffusion, l’effet de limite reste beaucoup moins perceptible. En effet, pour le modèle 1, le pourcentage d’échecs diminue de 1,4 % à 0,5 % entre quinze liens et trente liens (Cf. annexe 25). Par contre, pour les modèles 2 et 3, l’effet de limite se ressent davantage, sans pour autant être aussi net que sur les graphiques de vitesse de diffusion.
Pour la variable « distance de liens » sur la vitesse de diffusion, la limite se situe à partir de la valeur « 8 » (Cf. annexe 20), limite que l’on ne retrouve pas sur les échecs de diffusion (Cf. annexe 33). Cela veut dire qu’un ensemble d’agents, créant leurs liens avec des agents situés dans un rayon de 8 patches, mettra autant de temps pour atteindre un taux d’adoption de 70 % qu’un ensemble d’agents pouvant choisir n’importe quel agent de l’espace virtuel, telle une diffusion par liens aléatoires. Bien évidemment, cette variable ne peut être observée que sur le modèle 3, car seul celui-ci prend en compte la distance.
En ce qui concerne le nombre d’agents au départ de la diffusion, une limite peut être trouvée dans les simulations sur la vitesse de diffusion du modèle 3 (Cf. annexe 18). En effet, à partir de 1000 agents au début de la diffusion, la vitesse de diffusion ne diminue pratiquement plus. Cela se retrouve également au niveau du pourcentage d’échecs de la diffusion (Cf. annexe 36). On peut en déduire qu’au plus il y a d’agents dans l’espace virtuel, c’est-à-dire qu’au plus la densité augmente, au moins la diffusion nécessite de temps pour s’effectuer. Cette constatation peut apparaître logique car un espace densément peuplé aura plus de facilité à faire propager une innovation du fait de la relative absence de « vides » (par rapport à un espace moins densément peuplé). Ces espaces moins peuplés représentent une barrière à une diffusion, car si aucun individu n’est présent pour diffuse l’innovation, cette dernière se perd, engendrant l’arrêt de sa propagation. Dans les deux autres modèles de diffusion, le nombre d’agents au départ ne voit pas de limites. Ainsi, nous tentons d’analyser l’effet de masse.

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Table des matières
Introduction 
Chapitre 1 – Phase heuristique : étude des théories et concepts du sujet 
I) La transition démographique
II) Le concept de diffusion spatiale de l’innovation
III) La baisse de fécondité en Inde : une thématique étudiée depuis plus de 25 ans
Chapitre 2 : La création d’un modèle Multi-Agents 
I) Les Systèmes multi-agents (SMA)
II) Construction et explications d’un modèle individu-centré
III) Les déclinaisons du modèle de base
Chapitre 3 : Résultats et interprétations 
I) Quelles simulations effectuer ? Que mesurer ?
II) Etudes quantitatives des résultats
III) Les formes spatiales .
Conclusion
Bibliographie 
Annexes 
Table des annexes 
Table des figures et des tableaux 
Table des matières

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