Kant et le problème de la métaphysique

Ce travail de mémoire de D.E.A porte sur la pensée éducative de KANT c’est-à-dire, sur la philosophie kantienne de l’éducation. Il s’agit plus précisément de dégager l’essence de sa pensée de l’éducation telle qu’elle s’appréhende dans les Réflexions sur l’éducation mais encore de souligner les enseignements pédagogiques implicites aux textes kantiens. Cette étude cherche ainsi à montrer la centralité du concept de l’éducation dans le système philosophique du sage de Königsberg. En d’autres mots, nous secouerons certains aspects de la philosophie spéculative et pratique de KANT afin de relever leurs significations pédagogiques. L’intérêt d’une telle réflexion c’est qu’elle va nous permettre non seulement de relever une dimension essentielle de la pensée de l’auteur de la Critique de la raison pure mais encore, de souligner l’opportunité de sa réactualisation dans ce monde en crise. En d’autres termes, son intérêt est double : il est d’abord théorique et ensuite pratique. Il est théorique en ce sens que l’étude prolonge la réflexion faite par Alexis PHILONENKO sur la pédagogie kantienne et élargit le champ de l’éducation à travers l’interprétation d’autres textes. En effet, rappelons-le, c’est dans sa traduction des Réflexions sur l’éducation que ce commentateur de KANT a inauguré l’étude de la conception kantienne de l’éducation. Mais s’il est indéniable que ce texte constitue une référence incontestable, il n’en demeure pas moins que le traitement de la question y reste, à bien des égards, incomplet. L’originalité de notre étude se trouve, dès lors, dans sa tentative de renouveler la problématique en vue d’une meilleure compréhension de la science kantienne de l’éducation.

Cet intérêt théorique cache donc une volonté de rectifier une certaine orientation qui réduit la pensée de ce philosophe à ses écrits essentiellement critiques, au criticisme. C’est dire que les études philosophiques ne retiennent généralement de KANT que sa pensée critique et laissent de côté sa théorie pédagogique, une dimension non négligeante de sa pensée. Sa philosophie éducative reste, en toute logique, aussi valable que sa philosophie critique et morale. Nous pouvons, en somme, dire qu’en renouvelant la question de la pédagogie, cette réflexion pose le caractère impropre de la réduction de l’immense activité intellectuelle de KANT aux seuls domaines de sa philosophie morale, de sa philosophie critique. L’émergence de la pensée pédagogique de KANT demeure d’ailleurs fondamentale pour notre civilisation qui est en route vers ce que René DUMONT appelle son « effondrement total et inéluctable ».

Kant et le problème de l’éducation

Ce qui nous préoccupe dans cette partie de notre réflexion est de poser de manière claire la définition kantienne de l’éducation afin de mettre en évidence ses cibles et ses différentes modalités d’application. L’éducation est, en effet, chez Kant un ensemble de dispositions que les parents doivent prendre à l’égard des enfants pour mieux suivre leur évolution physique et psychique mais encore les germes que l’adulte doit cultiver pour pouvoir se déterminer comme un être de raison, un homme moral. C’est dire que le philosophe de Königsberg fait reposer le concept de l’éducation sur les notions de soin, de discipline et de formation. Il s’agit du devenir de l’homme c’est-à-dire, de sa conservation, de sa libération du despotisme des désirs ainsi que son humanisation. Ainsi conçue, l’éducation est essentiellement une œuvre humaine. Déterminant et orientant l’évolution de l’espèce, l’éducation s’applique à tous les âges. Du point de vue de l’âge, l’instruction est divisée en trois grandes périodes : l’éducation de l’enfant, de l’adolescent et celle de la maturité. Mais il se trouve que la manière kantienne d’appréhender l’éducation pose le problème d’identification du maître de l’homme. Dit autrement, qui sera chargé d’éduquer l’homme ? Si l’homme est le maître de l’homme, le risque de propager une éducation de contre nature est-il pas imminent ? Telle est la plus grande énigme de l’éducation que Kant va essayer de résoudre. Nous allons pour mieux exposer ses divers aspects, commencer d’abord par définir l’éducation dans la pensée philosophique de Kant ensuite, montrer ses cibles et enfin relever ses différents moments.

Qu’est-ce que l’éducation ?

« Par éducation on entend, en effet, les soins (l’alimentation, l’entretien), la discipline, et l’instruction avec la formation […]. Sous ce triple rapport l’homme est nourrisson,- élève,- et écolier. » .

L’approche définitionnelle de l’éducation révèle chez Kant que le terme s’entend suivant une trilogie de concepts. Il s’agit, en effet, de « soin », de « discipline », et d’« instruction ». Pour mieux comprendre donc ce concept de l’éducation, il nous semble nécessaire d’expliquer ces différentes notions. Les soins désignent l’action que les parents ont sur leurs enfants afin qu’ils puissent gérer convenablement la maîtrise de leurs corps, de leurs jeux et de leurs forces. C’est donc à ce travail de surveillance et de contrôle que renvoie chez Kant cette notion de soin. En d’autres mots, nourrir un enfant et l’entretenir, c’est veiller sur son évolution corporelle et physique. Pour mieux expliquer le contenu notionnel de ce premier concept, Kant écrit dans les Réflexions sur l’éducation : « on entend par soins les précautions que prennent les parents pour éviter que les enfants ne fassent un usage nuisible de leurs forces. » (Terme souligné par le commentateur) .

En outre, pour mieux asseoir son concept comme un élément central de l’éducation, Kant souligne que les enfants sont les seuls êtres à avoir besoin de soin. Le philosophe de Königsberg trace ainsi une ligne de démarcation entre l’homme et l’animal. En effet, le premier doit sa survie aux soins que lui doit apporter son entourage, le second quant à lui ne les a nullement besoin. L’animal, en d’autres termes, a besoin d’être nourri et non de soins. Kant note à cet égard : « Les animaux n’ont pas besoin de soins ; tout au plus leur faut-il de la pâture, de la chaleur, d’être guidés, ou une certaine protection. ». La protection à laquelle fait allusion ici Kant est différente de celle qu’on donne à l’enfant en ce sens que celui-ci doit être guidé, surveillé, assisté dans toutes ses actions et avec beaucoup d’attention alors que chez l’animal, ce qui est en jeu c’est sa protection alimentaire. C’est ce que Kant précise à travers cette phrase : « La plupart des animaux ont besoin d’être nourris certes ; ils n’ont pas besoin de soins. »  En définissant ainsi son premier concept, l’auteur de la Critique de la raison pure pose les bases sur lesquelles doit reposer toute appréhension de l’éducation. Mais avant de cerner le sens que Kant donne à l’éducation, essayons de définir avec lui le deuxième concept.

La « discipline » permet en effet, à l’homme de se poser et d’agir comme un être doté de raison et non comme un être dominé par ses penchants animaux. L’éducation que conçoit ainsi Kant se veut une éducation basée sur la dignité de l’homme qui le pousse à être en phase avec sa véritable nature. Et KANT trouve que cela ne peut être effectif que s’il y a une discipline qui limite et borne les penchants animaux des hommes. Et c’est dans ce sens seulement que l’homme peut transformer son animalité en humanité. Le philosophe de Königsberg définit son concept en ces termes : « La discipline empêche que l’homme soit détourné de sa destination, celle de l’humanité, par ses penchants animaux. Elle doit, par exemple lui imposer des bornes de telle sorte qu’il ne se précipite pas dans les dangers sauvagement et sans réflexion. » .

En outre, KANT ne veut pas que l’homme fasse un usage abusif de sa liberté et sombre dans une perte d’essence, dans une sauvagerie sans précédant. Pour éviter qu’une telle chose se produise, la discipline doit être effective dès le plus bas âge de l’enfant. Pour empêcher que l’homme fasse un usage nuisible de sa liberté il faut, nous dit KANT, « avoir très tôt recours à la discipline. » KANT avait d’ailleurs dans la Critique de la raison pure attribué à la raison une discipline qui limite son usage spéculatif. Il s’agissait, en effet, pour lui, d’établir une discipline qui détermine les conditions de possibilité de la science afin d’empêcher que les objets de la raison pure ne soient pas embrouillés. Et plus profondément encore, KANT concevait une analogie entre la critique et la discipline surtout lorsqu’il écrit dans son texte de 1781: « Le plus grand et peut-être l’unique profit de la philosophie de la raison pure n’est sans doute que négatif ; c’est qu’elle n’est pas un organe qui serve à étendre les connaissances, mais une discipline qui sert à en déterminer les limites, et au lieu de découvrir la vérité, elle n’a que le mérite silencieux de prévenir des erreurs. » (C’est nous qui soulignons) .

L’analyse qu’il faut à nos yeux faire avant de conclure sur l’explication de la notion de discipline chez Kant est, sans nul doute, celle du caractère négatif de ce concept. La discipline est, en effet, négative en ce sens qu’elle oblige l’individu à se déterminer ou abandonner tous les choix qui ne sont pas en phase avec l’essence, la nature de l’homme. La discipline dépouille, décharge l’homme de tous ses penchants immoraux ou libertaires l’incitant, par exemple, à se soumettre aux exigences des lois. Cette négativité est fondamentale pour la constitution non seulement de bonnes dispositions pour les hommes mais encore, sans elle, tout projet éducatif n’est qu’une vaine activité, une démarche puérile.

En d’autres termes, si les hommes sont mauvais par nature, il faut nécessairement cet aspect négatif de l’éducation pour changer, transformer leur nature animale afin de disposer d’un être bon, soucieux de la sauvegarde de l’humanité. Monsieur VLACHOS croit devoir traduire cela en ces termes dans La pensée politique de Kant: « Que les hommes soient mauvais par nature, cela est rendu clair par le fait qu’ils ne sont jamais d’accord volontairement avec l’idée de bien, mais ils doivent être contraints, comme ils se laissent contraindre par un seul (homme) dans leurs rapports mutuels. De même l’homme doit être discipliné et la sauvagerie doit disparaître. Le bon comportement de l’homme, est quelque chose de forcé et sa nature n’est pas à sa mesure. C’est un principe fondamental de l’art social aussi bien que de l’art politique […] : chacun est mauvais par nature et ne devient bon que dans la mesure où il est soumis à un Pouvoir, qui l’oblige d’être bon […]. L’enfant est méchant quand il est élevé sans discipline. » .

A partir de ce moment, il devient possible de retenir que le caractère négatif de la discipline est fondamental aussi bien pour la politique, pour la raison pure spéculative que pour l’éducation de l’enfant, de l’homme. Nous arrivons avec le concept de « Formation » au terme de l’explication de ces trois notions constitutives de l’éducation. La formation renvoie, en effet, à l’instruction et aux différents enseignements que l’enfant doit recevoir pour être en phase avec toutes les dispositions, toutes les normes de sa société. Elle est comprise dans le concept de culture  en ce sens que c’est à travers elle que l’homme peut mettre en pratique tous les biens que la Providence a mis en lui. Et dans ce sens la culture et l’instruction garantissent l’élévation de l’homme à sa propre humanité. Leur manque ou leur absence dans la personnalité de l’individu révèle non seulement un problème éducatif probant mais encore un grand déficit de morale et d’équilibre de l’humanité. Faisant référence à cela KANT note : « celui qui n’est pas éduqué est brut, celui qui n’est pas discipliné est sauvage. » .

Mais il est clair qu’aux yeux de KANT l’absence ou le manque de culture est moins dangereux pour l’individu que celui de la discipline. S’il en est ainsi, c’est parce que, le déficit de culture fait sombrer l’individu dans un état de sauvagerie irréversible car l’homme est tellement imbu de ses penchants animaux qu’il lui est impossible de s’orienter en vu d’un bien quelconque, alors que le manque de culture peut être comblé. En d’autres mots, l’absence de culture vaut mieux, selon KANT, que celle de discipline. C’est dans ce sens que l’on peut comprendre ces propos des Réflexions : « Le défaut de discipline est un mal plus grand que le défaut de culture, car celui-ci peut se réparer plus tard; mais la sauvagerie ne peut plus être chassée et une erreur dans la discipline ne peut être comblée. » Arriver au terme de notre réflexion sur les différentes notions constitutives de l’éducation, il nous semble plausible de dire que chez KANT la pédagogie est un ensemble d’actions consécutives qui vise à élever l’homme au dessus de ses penchants animaux, des sauvageries humaines.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : Kant et le problème de la métaphysique
Introduction
Chapitre I : Qu’est-ce que l’éducation ?
Chapitre II : A qui s’adresse-t-elle ?
Chapitre III : Les différents types de l’éducation
Conclusion
DEUXIEME PARTIE : Finalités et acquis durables de la pensée de Kant
Introduction
Chapitre I : Philosophie et éducation
Chapitre II : Finalités de l’éducation
Chapitre III : Les acquis durables de la pensée de Kant
Conclusion
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE

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