JUSTICE ET MORALE CHEZ KANT

FONDEMENT MORAL DE L’ETAT DE DROIT

   La philosophie du droit de Kant est liée à sa philosophie morale. Il est vrai que chez Kant, le fondement de l’Etat de droit ne peut être qu’une idée de la raison pure. En d’autres termes, le droit se fonde sur la morale. Mais si tel est le cas, à quoi consiste alors cette morale kantienne ? Pour parler de cette morale kantienne qui fonde le droit extérieur, il est nécessaire de rappeler le projet de Kant de fonder une philosophie morale pure qu’il appelle métaphysique des mœurs. Celle-ci est fondée sur le concept de « pur » qu’il définit comme étant toute philosophie « qui expose ses doctrines en partant uniquement de principes a priori » Et ce concept doit être restreint à des objets déterminés par l’entendement pour être appelé métaphysique, ce qui conduit alors l’auteur à parler de l’existence de deux sortes de métaphysique : celle de nature et celle des mœurs. Ainsi il affirme: « nous sommes ainsi conduits à l’idée d’une double métaphysique : d’une métaphysique de la nature et d’une métaphysique des mœurs » qu’il appelle autrement « la philosophie morale pure ». La différence entre ces deux sortes de métaphysiques est que celle de la nature étudie la nature au sens des objets qui existent dans le monde indépendamment de nous, tandis que celle des mœurs porte sur la morale pure. Le fondement de cette philosophie morale pure est une chose importante aux yeux de Kant. D’ailleurs il considère que le fondement de la métaphysique des mœurs est une exigence de la raison car cette philosophie est celle qui contient l’ensemble des règles morales. Et étant donné que la loi morale se rattache directement à la conscience de l’existence de l’individu, Kant dit que l’homme ne doit pas la chercher comme si elle était enveloppée de ténèbres. Son existence est une évidence et elle se présente devant l’homme. Ainsi, parlant de « cette la loi morale et du ciel étoilé au-dessus de nous », Kant dit: « ces deux choses, je n’ai pas besoin de les chercher et de les deviner comme si elles étaient enveloppées de nuages ou placées au-delà de mon horizon dans une région inaccessible; je les vois devant moi, et je les rattache immédiatement à la conscience de mon existence. » Cette morale, constituée d’un ensemble de règles pures a priori doit constituer la source du droit extérieur. En effet Kant considère qu’une loi ne peut être morale que si elle est nécessaire, comme il le dit en ces termes: « tout le monde doit convenir qu’une loi, pour avoir une valeur morale, c’est-à-dire pour fonder une obligation, il faut qu’une loi implique en elle une absolue nécessite […] ». Et si tel est le cas, il est donc possible de penser que l’établissement d’une législation extérieure est une idée morale. En effet, dans son œuvre Idée d’une histoire universelle du point de vue cosmopolitique, le philosophe affirme à la cinquième proposition que les hommes ne peuvent surmonter les inévitables violences de leur « insociable sociabilité » (où l’homme cherche à maintenir d’une part « les relations avec les autres hommes, ce qui est l’instinct social [et d’autre part naît] l’injuste désir d’acquérir la suprématie sur les autres [c’est-à-dire la jalousie et la rivalité] » 23), que par l’intermédiaire d’un droit extérieur qui, à travers la contrainte, pourra faire régner la société civile. Il décrit ici l’état sauvage dans lequel les hommes vivaient. Et donc l’établissement d’un droit strict peut assurer la paix. Il est donc nécessaire. Cette idée kantienne est parallèle à celle de Rousseau qui considère que le contrat, à partir duquel le droit est fondé a pour tâche de remplacer la liberté illimitée de l’homme par une liberté contrôlée. En ce sens, Rousseau affirme : «ce que l’homme perd par le contrat social, c’est sa liberté naturelle et un droit illimité à tout ce qui le tente et qu’il peut atteindre; ce qu’il gagne, c’est la liberté civile et la propriété de tout ce qu’il possède ». Donc émanant de la raison, l’établissement de ce droit devient important car pouvant permettre une coexistence des libertés. En d’autres termes il permet de réguler les libertés des citoyens qui composent l’Etat civil. C’est cette coexistence qui rend possible la vie des citoyens. Donc la mise en place d’un Etat de droit semble être le début « d’une paix perpétuelle », la morale ne peut alors être que la source du droit.ues, Paris, éd. Félix Alcan, Cette insociable sociabilité a été aussi expliquée dans ce passage de Kant : « l’homme a une inclination à s’associer, par ce que dans un tel état il se sent plus qu’homme, c’est-à-dire qu’il sent le développement de ses dispositions naturelles.  Si l’établissement de ce droit positif est une idée de la raison pure pratique car nécessaire, alors quels sont les rapports qui unissent le droit avec la morale ? Les rapports qu’il y a entre le droit et la morale dans la philosophie de Kant ne sont pas simples. Car tantôt Kant parle d’une dépendance tantôt d’une indépendance du droit. En effet, abordant la question de la différence qui peut exister entre la légalité et la moralité, Kant affirme ceci « la législation qui fait d’une action un devoir et en même temps de ce devoir un mobile, est une législation éthique. En revanche la législation qui n’intègre pas le mobile à la loi et par conséquent admet un autre mobile que l’idée du devoir, ellemême est juridique ». En d’autres termes, ces deux législations se différencient donc du mobile de leurs actions. L’une s’intéresse aux motivations de l’action, l’autre, à la conformité de l’action à la loi. Cette distinction est aussi faite dans l’introduction de la métaphysique des mœurs. Dans cette dernière, Kant montre que pour le droit ainsi que pour la morale, il existe des devoirs de droits. Mais l’action faite par devoir est une action faite sans inclination ni penchant. Et « Par penchant (propensio) [nous dit Kant] j’entends le principe subjectif de la possibilité d’une inclination (d’un désir habituel [concupiscentia]), en tant que cette inclination est contingente pour l’humanité en général » Ainsi, en voulant définir la formule du devoir, le philosophe de Königsberg commence par éliminer tout ce qui n’est pas conforme au concept. Dans un premier temps, il affirme ceci : « je laisse de côté toutes les actions qu’on juge d’abord contraires au devoir quoiqu’elles puissent être utiles dans tel ou tel but ; car pour ces actions, il ne peut être question de savoir si elles ont été faites par devoir, puisqu’elles ont au contraire pour caractère d’être opposées au devoir »28 En d’autres termes, Kant écarte d’abord les actions faites par utilité car elles sont contraires au devoir. L’action faite par devoir est différente de l’action effectuée dans le but d’atteindre quelque chose comme le cas de l’impératif hypothétique, c’est-à-dire une action faite par inclination ou penchant et non uniquement par devoir. En deuxième lieu, il écarte aussi les actions qui sont réellement en conformité avec le devoir mais qui sont effectuées, pas par inclination immédiate mais par une autre inclination, c’est-à-dire par intérêt personnel. Donc selon lui, pour avoir une valeur morale, l’action doit être accomplie par devoir et pas seulement en conformité avec le devoir. Et c’est dans le but d’expliciter cela qu’il donne l’exemple suivant : « il est sans doute conforme au devoir qu’un marchant ne surfasse pas sa marchandise aux acheteurs inexpérimentés ; et, quand il fait un grand commerce, le marchand sage ne surfait jamais, mais il a un prix fixe pour tout le monde, en sorte qu’un enfant peut acheter chez lui tout aussi bien qu’un autre. On est donc loyalement servi, mais cela ne signifie pas pour croitre que le marchant agit ainsi par devoir et d’après des principes de probité ; son intérêt l’exigeait ; car il ne peut être ici question d’inclination immédiate, et l’on ne peut supposer en lui une sorte d’amour pour tous ses chalands qui l’empêcheraient de traiter l’un plus favorablement que l’autre. Voilà donc une action qui n’a été faite ni par devoir, ni par inclination immédiate, mais seulement par intérêt personnel » Ce qui permet alors de savoir que chez ce philosophe allemand, l’action morale ne tire pas sa valeur de l’effet qu’on attend, ou dans l’inclination, ou dans l’intérêt personnel. Ainsi, Kant, après avoir écarté tout ce qui n’est pas fait par devoir, finit pas donner ce qu’il entend réellement par ce concept. En effet, dans l’introduction à la métaphysique des mœurs, il annonce qu’un devoir est une action par laquelle chacun est obligé.31 L’obligation à laquelle l’auteur fait référence ici est la nécessité d’une action libre et exercée sous l’influence de l’impératif catégorique. Et selon Kant, la légalité tout comme la moralité, répondent toutes à cette obligation. Cependant, il ne manquera pas aussi de préciser que si toute obligation répond à cet impératif, il est donc évident que l’on soit obligé de différentes manières du fait de l’existence de deux sortes de législation. En prenant l’exemple du mensonge, Kant affirme que l’obligation morale de dire la vérité est un commandement de l’instance intérieure. C’est une loi morale qui relève du tribunal intérieur de l’individu. C’est d’ailleurs pour illustrer cela qu’il donne l’exemple du mensonge quand il s’interrogeait sur la question du devoir: « qu’est-ce que le devoir ? Qu’est ce qu’être obligé ? Par exemple le devoir d’être honnête ou de dire la vérité ? [À propos de ce devoir, il dit qu’] Il y a là un impératif, c’est-à-dire un commandement catégorique, c’est-à-dire inconditionné […] ». Ce que le philosophe veut faire savoir ici est que dire la vérité est un devoir inconditionné. Et il va même jusqu’à prétendre qu’envers des assassins qui vous demandent si votre ami qu’ils poursuivent n’est pas refugié dans votre maison, dans ce cas, mentir serait un crime. Donc pour lui il faut dire la vérité et quelques soient les conséquences qui peuvent en résulter. Cependant doit -on dire toutes les vérités, même celles qui peuvent nuire aux autres ? Si dire la vérité est un devoir comme le prétend Kant, a-t-on droit à la vérité qui peut être néfaste pour autrui ? La réponse peut être négative. Car, ce principe moral dont nous décrit Kant, s’il était pris d’une manière absolue, rendrait toute société impossible. C’est pourquoi l’analyse que fait Benjamin Constant semble être pertinente. En effet, celui-ci réfute la thèse kantienne: « dire la vérité est un devoir. Qu’est-ce qu’un devoir ? L’idée de devoir est inséparable de celle de droits : un devoir est ce qui, dans un être, correspond aux droits d’un autre. Là où il n’y a pas de droits, il n’y a pas de devoirs. Dire la vérité n’est donc un devoir qu’envers ceux qui ont droit à la vérité. Or nul homme n’a droit à la vérité qui nuit à autrui ».

LE REGENT DE L’ETAT : ENTRE MAGISTRAT, SOUVERAIN ET LEGISLATEUR

   La question des trois pouvoirs de l’Etat est une problématique abordée par Kant et par beaucoup de penseurs comme Montesquieu. En effet, vu l’importance que ce dernier accorde à la constitution et l’admiration qu’il a pour celle anglaise, il affirme qu’ : « il y a dans chaque Etat, trois sortes de pouvoirs ; la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil ». Autrement dit à ces yeux, l’Etat est composé de trois pouvoirs que sont le pouvoir législatif qui est celui qui donne aux représentants du peuple le pouvoir d’établir et d’abroger certains normes ; l’exécutif qui donne au prince la responsabilité d’assurer la sécurité publique ; et enfin le pouvoir judiciaire qui est celui qui donne aux magistrats le pouvoir de punir en cas de crime commis. Bien avant Kant, Montesquieu avait parlé de la forme parfaite d’un Etat de droit. Il considère que le pouvoir qui est à la fois législatif, exécutif et judiciaire peut souvent faire naitre de la monarchie. Et c’est dans le but d’éviter cela qu’il faudrait empêcher tout abus de pouvoir. Ainsi, il faudrait que celui qui exerce le législatif, n’ait pas aussi le droit d’administrer, ou jouer le rôle de juge. Il ne faudrait pas aussi que celui qui administre ait à légiférer ou à juger, mais que celui qui a le droit d’exercer le rôle de juge, juge en fonction des lois consenties par le peuple. En outre, tout comme Kant, Montesquieu est aussi convaincu que le pouvoir judiciaire ne relève que de la compétence des personnes choisies en qualité de magistrats. Autrement dit, seuls les magistrats sont habilités à assurer le pouvoir judiciaire. Et c’est dans cette perspective qu’il affirme que la magistrature ne doit être exercée que par : « des personnes tirées du corps du peuple, dans certains temps de l’année, de la manière prescrite par la loi, pour former un tribunal qui ne dure qu’autant que la nécessité le requiert », ce qui veut dire alors que les juges doivent être tirés du peuple. Cependant il convient de signaler que les décisions des juges, même si ces derniers sont tirés du peuple, ne peuvent se fonder que sur des lois générales. C’est-à-dire des lois consenties par le peuple. Grâce à la lecture de ces deux auteurs c’est-à-dire Kant et Montesquieu, on peut retenir que les différentes fonctions de l’Etat ne doivent pas être exercées par une seule personne car cela peut renvoyer au despotisme qui ne respecte pas la loi morale, or pour Kant tout individu doit avoir un sentiment moral c’est à dire « la capacité d’éprouver pour la loi morale un respect […]»,45 d’où alors la question de la séparation des pouvoirs. Ces trois pouvoirs doivent exprimer la volonté unifiée du peuple. Ils doivent certes être séparés, mais leurs tâches doivent être communément liées pour former un Etat civil. Le pouvoir exécutif est chargé de gouverner en conformité avec la loi. C’est un pouvoir qui ne relève que des compétences du régent de l’Etat selon Kant. Sa fonction n’est pas de faire la loi elle-même mais plutôt d’exécuter ou de la faire exécuter. Le gouvernement, à travers des ministres qu’il nomme, donne des décrets, mais ces derniers ne sont en aucun cas des lois car ils sont soumis même aux lois issues du consentement du peuple. Il s’agit de simples ordonnances c’est-à-dire des décisions particulières et toujours révocables. Le principe de la séparation des pouvoir est indispensable chez Kant. En effet il existe dans certains Etats une absorption des trois pouvoirs et à ces yeux, c’est « cette absorption du pouvoir législatif par le pouvoir exécutif qui caractérise le gouvernement despotique ». Le despotisme selon Kant se caractérise par le non-respect des libertés individuelles. En d’autres termes, dans le régime despotique, les individus ne peuvent pas faire usage de leurs libertés. Alors que pour Kant : « pour propager les lumières, il n’est rien requis d’autre que la liberté ». En d’autres termes, le gouvernement doit être de telle sorte que les individus qui la composent aient le droit de faire usage de leur liberté comme celle de faire l’usage public de leurs raisons dans tous les domaines, ce qui n’est pas possible avec le régime despotique. Et si nous voulons que la raison puisse gouverner le monde, il faut le règne de la liberté comme le dit Kant ici : « vouloir que la raison gouverne c’est donc concevoir un règne de la liberté ou chacun n’obéissant qu’a sa raison s’accorderait de lui même avec les autres. » De ce fait l’homme ne va plus agir parce que le droit l’oblige, donc sans soumettre ses actions à l’impératif catégorique mais agir conforment à la loi morale. En d’autres termes, en faisant usage de sa raison, il n’aura plus besoin d’un maitre despote qui va dicter ses actions mais ces dernières seront faites par devoir en conformité avec la morale. Et le despotisme ne fait pas entrer l’homme dans les lumières. Car il ne respecte pas les libertés individuelles, parmi lesquelles l’usage public de la raison. C’est d’ailleurs pour cette raison que Montesquieu le considère comme un mal politique. Car dans ce régime, il s’agit d’un seul homme qui gouverne de manière autoritaire et arbitraire. Bref, c’est un égarement irrationnel selon l’auteur de l’esprit des lois. Dans la même perspective, Kant confirme aussi cette théorie en donnant  une définition similaire à celle de Montesquieu. En effet aux yeux du philosophe de Königsberg, le despotisme ne peut être considéré comme un régime qui « exécute de sa propre autorité les lois qu’il a édictées lui-même, c’est donc la volonté générale en tant qu’exercée par le souverain comme sa volonté privée ». Autrement dit, l’individu qui gouverne, le fait en fonction des lois qu’il a lui-même établit et ne respecte pas les lois fondamentales, ni les libertés des individus qui composent le régime en question. Et si pour Kant : « le pouvoir corrompt inévitablement le libre jugement de la raison », alors comment un seul homme peut-il gouverner et en fonction des lois qu’il a lui-même établit ? Car si la raison est corrompue par le pouvoir comme le dit Kant, alors les lois qu’elle établit ne peuvent plus être conformes à l’impératif catégorique mais faites en fonction de ses inclinations. C’est d’ailleurs pourquoi il veut que la législation extérieure soit le fruit d’un consentement de la volonté générale car chaque personne a en lui une prédisposition à la moralité. Par ailleurs, aux yeux de Kant, les hommes qui sont dans les lumières, ne peuvent pas vivre dans un régime despotique mais républicain car le despotisme est un régime qui considère les hommes qui le composent comme des sujets soumis aux lois d’un seul maitre. C’est en ce sens qu’il affirme : « seuls les hommes libres, capables de penser par eux-mêmes, peuvent vivre dans un Etat républicain et non despotique, c’est-à-dire dans un Etat où ils sont citoyens au lieu d’être les sujets d’un despote ou les esclaves d’un maitre. Ce régime despotique s’oppose au gouvernement national où les membres de la société n’obéissent pas à une volonté arbitraire d’un maitre mais aux lois auxquelles ils ont donné leur propre accord, mais lesquelles lois ne sont véritablement des lois que si elles sont conformes à l’impératif catégorique. Donc, à partir de cette analyse, il est possible de retenir que l’absorption des trois pouvoirs de l’Etat renvoie au non-respect du principe de la séparation des pouvoirs et plus particulièrement à une absorbation du pouvoir judiciaire. C’est pourquoi il est possible de comprendre la position kantienne quand il affirme que ni le pouvoir exécutif, ni le pouvoir législatif ne doivent absorber le pouvoir judiciaire. Selon lui, ils peuvent certes choisir des juges mais ils ne doivent pas exercer le rôle de juge. Ce rôle revient plutôt au peuple, c’est aux membres de la société civile de se juger eux-mêmes mais à travers des lois qu’ils ont choisi librement. Et si Kant donne cette opportunité au peuple, c’est en effet pour éviter l’injustice qu’il pourrait subir en se faisant juger par ces deux pouvoirs que sont l’exécutif et le législatif. Cependant, il convient de signaler que la position kantienne sur le choix des juges pourrait d’une part être remise en question. En effet selon lui le pouvoir exécutif et législatif, même s’ils ne doivent pas juger, ils ont le droit de choisir des juges. Mais s’il revient aux membres de la société de se juger eux-mêmes, doit -on accorder aussi aux autres pouvoirs, le droit de choisir des juges ? Non, car ceci serait contradictoire avec le principe de la séparation des pouvoirs. En effet, s’ils choisissent des juges, ils risquent de leur imposer une vision ou une ligne de conduite. Et donc l’indépendance des juges ne pourrait pas être effective. Bref, pour une meilleure séparation des pouvoirs, et une indépendance de la justice, il faudrait que les juges soient choisis par le peuple lui-même. Il est vrai que Kant se range du côté de Rousseau pour affirmer que le pouvoir législatif est une volonté unifiée du peuple. Mais là où il s’oppose à lui, c’est quand il nous parle du principe de représentation comme l’unique forme que le gouvernement doit avoir pour être en effet conforme aux principes de droits. Selon Kant, seul le principe de représentation permet de réfléchir d’une manière rationnelle l’union de la volonté du peuple en sa capacité législatrice. C’est pourquoi il affirme ceci : « Toute vraie république est et ne peut être rien d’autre qu’un système représentatif du peuple, institué pour protéger ses droits en son nom, par l’union de tous les citoyens au moyen de leurs délégués (députes). Ce principe de représentation est capital pour le droit public car il caractérise les pouvoirs de l’Etat. Il faut donc que la forme du droit soit représentative car si non elle ne serait que l’image du despotisme. Ce qui serait contraire aux principes du droit. Et aux yeux du philosophe de Königsberg pour que le droit soit réel il faut qu’il ait une liberté et une loi morale fondée sur cette liberté. Ainsi il affirme: « s’il n’y a pas de liberté, ni de loi morale fondée sur elle, […] dans ce cas la politique […] constitue toute la sagesse pratique et la notion du droit n’est plus qu’une idée dépourvue de toute réalité. » Néanmoins, il convient aussi de signaler qu’avec Kant, même s’il y a séparation des pouvoirs, il est nécessaire dans chaque cas, que chaque partie du pouvoir ait un rôle à jouer pour rendre justice à qui de droit. En d’autres termes, la séparation des trois pouvoirs n’est pas une séparation stricte car leurs rôles sont communément liés. Ainsi Kant, en donnant l’exemple d’un cas comme la culpabilité ou de la non culpabilité que pourrait avoir un accusé, affirme que : « ce fait une fois proclamé par ceux qui représentent le peuple dans le jugement à porter sur l’un des siens, il ne reste plus qu’à lui appliquer la loi, ce qui est l’œuvre du tribunal, et à faire exécuter la sentence, ce qui revient au pouvoir exécutif. C’est ainsi que s’unissent les trois pouvoirs de l’État pour faire justice à qui de droit ». Ce cas donné par le philosophe allemand montre encore une fois de plus le lien entre la morale et la justice. En effet, il existe deux dimensions se rapportant à la notion de culpabilité : une dimension objective et celle subjective. La dimension objective correspond à l’acte qui a été commis tandis que celle subjective se rapporte au ressenti relatif à cet acte et qui affecte toute la personne. Il s’agit d’une prise de conscience par le tribunal intérieur, de la faute commise. Elle se rapporte donc à la morale55. Ces deux dimensions doivent être confondues devant toute instance extérieure. Cette thèse kantienne n’est pas une idée contraire à la morale. En effet, une séparation trop stricte des différents pouvoirs peut causer une paralysie des différentes institutions de l’Etat. Ceci peut causer un conflit entre ces pouvoirs qui peut se solder par un coup d’Etat. C’est l’exemple de la France sous le directoire de 1795-1799 et sous la République de 1848-1851. Tout renversement de l’Etat civil est une chose contraire à la morale car comme le dit Kant la justice ne peut être obtenue que dans l’Etat civil. Donc la séparation des trois pouvoirs est certes importante dans un Etat de droit mais il convient de retenir que chez Kant, leur travail est intimement lié et c’est à travers cette union qu’on peut parler de justice. La séparation de pouvoir chez Kant n’est pas une séparation absolue. Elle consiste juste à laisser chaque pouvoir le droit de faire valoir son autorité. Ainsi c’est leur travail communément lié qui fait la justice. Ces trois pouvoirs collaborent ensemble mais chaque partie occupe sa place et faisant son rôle dans le but de permettre à chaque citoyen de bénéficier de ses droits. C’est donc en réalité par leur division d’une part et par leur union d’autre part qu’on peut atteindre la justice et non pas le bonheur des citoyens car ce dernier n’est pas l’objectif de la politique. Ainsi, Jules Barni, en faisant le commentaire de la doctrine du droit de Kant affirme que: « le meilleur gouvernement n’est pas celui qui rend ses sujets le plus heureux, mais celui qui s’accorde le mieux avec les principes du droit et qui se rapproche le plus de cet État idéal que la raison nous donne pour modèle ».

LE JUGE FACE AU DROIT DE L’EQUITE ET CELUI DE LA NECESSITE

   L’équité est définie dans la philosophie du droit de Kant comme: « un droit sans contrainte » Pour illustrer cela, Kant fait savoir qu’il y a des cas où, même si les réclamations sont fondées sur un droit, on peut ne pas remplir toutes les conditions nécessaires pour qu’un tribunal public puisse se prononcer en notre faveur et il appelle ce droit, celui de l’équité. L’impression qu’on peut avoir à première vue à la lecture de la philosophie de droit de Kant est qu’il n’accorde pas une très grande importance à ce droit, puisque ce concept n’est développé que dans quelques lignes de son œuvre. Cependant, le peu de passage que Kant consacre à ce droit est riche d’enseignements. Et c’est d’ailleurs pour cette raison que des passionnés de la philosophie de droit de Kant en ont fait un thème central dans certaines de leurs œuvres, par exemple Gottlieb Hufeland et Theodore Schmalz. En effet dans son œuvre le droit naturel pur, l’équité est définie par Theodore Schmalz comme la vertu : « (…) qui modère et détermine l’exercice de droits extérieurs parfaits conformément à des devoirs extérieurs imparfaits ». Les devoirs extérieurs parfaits constituent la justice et ceux imparfaits la bienveillance. On peut donc noter avec lui que l’équité est comme une bienveillance qui modère et qui détermine la justice. D’un autre côté, Gottlieb Hufeland donne aussi sa propre conception de l’équité, certes proche de celle donnée par Theodore Schmalz mais qui présente aussi quelques différences. En effet, il considère que l’équité donne beaucoup plus de priorité à la bienveillance que la justice. En ce sens, il affirme : « Le devoir de ne pas agir à l’encontre des droits parfaits d’autrui, s’appelle la justice (justitia) ; le devoir d’agir conformément aux droits imparfaits d’autrui, et en particulier de restreindre volontairement ses propres droits parfaits au profit de ceux-ci, s’appelle l’équité (aequitas) » De ces deux définitions, on peut comprendre l’équité comme le moyen d’adapter une loi à certaines situations qui n‘ont pas été d’abord bien réfléchies afin d’obtenir une justice plus adéquate et plus adaptée. Elle se rapporte donc à la morale et constitue en ce sens un lien entre cette morale et le droit mis en pratique. De ce fait, elle pourrait être illustrée ainsi : la loi interdit formellement de brûler les feux rouges. Mais, on peut prendre le cas d’un médecin qui commet ce genre de crime à cause d’un appel en urgence pour sauver des vies. En faisant appel à l’équité, cet individu ne pourrait être condamné par un tribunal extérieur. Cependant si l’équité se présente ainsi, c’est-à-dire comme corrélatif de la loi, ou encore comme le fait d’être juste à chaque situation, ne révèle-t-elle pas aussi les limites de la loi extérieure ? Le droit, en tant que l’œuvre de l’homme ne saurait être parfait. Il est limité. Et donc face à ce genre de situation l’équité constitue cette partie de l’éthique pouvant intervenir. Ce sens de l’équité ne se différencie pas de celui défendu par le philosophe de Königsberg. En d’autres termes, il n’existe pas aussi un sens spécifique de l’équité chez Kant. Car, de la même manière que Theodore Schmalz et Gottlieb Hufeland, il avance dans sa métaphysique des mœurs une thèse similaire à celle défendue par ces deux penseurs. Pour comprendre cette conception kantienne, il est important d’abord de reconnaitre que Kant considère l’équité comme un droit et d’ailleurs il le dit dans son œuvre leçons d’éthique que: « l’équité est un droit ». Mais il faut entendre ici la notion de droit dans le sens moral et non dans le sens juridique. En effet, selon lui, l’équité n’est pas une marque de bienveillance à l’égard de quelqu’un d’autre. En d’autres termes, faire appel à ce principe n’est pas une faveur qu’on pourrait nous accorder mais que chaque citoyen a le droit de revendiquer quelque chose au nom de ce principe. Ainsi, il poursuit : «celui qui exige quelque chose en vertu de ce principe s’appuie sur son droit ». Néanmoins, la seule chose qui lui manque, c’est l’ensemble des conditions nécessaires pour qu’un juge puisse, dans un tribunal extérieur, plaider en sa faveur. Certes il parle au nom du « droit moral », mais il ne saura le faire valoir que devant le tribunal de la conscience. Cependant même si Kant reconnait ce principe comme étant un droit au sens moral, il réfute l’idée selon laquelle l’usage de la contrainte vis-à-vis de son prochain au nom de ce principe est juste. Selon lui, l’équité est certes un droit du point de vue moral, mais il donne en aucun cas le pouvoir de contraindre son prochain. Et c’est dans le but d’illustrer la nécessité d’une absence de contrainte au nom de l’équité que Kant donne l’exemple suivant : « Si quelqu’un a travaillé pour moi en échange d’un salaire déterminé, et qu’il fait plus que ce que je lui avais demandé, cet homme a certes le droit que je le paie pour son travail supplémentaire, mais il ne peut m’y contraindre. S’il veut remettre l’objet de son ouvrage dans son état premier et que je m’y oppose, il doit s’en abstenir, car il ne jouit plus d’aucun droit sur ce qui m’appartient. Il n’a aucun pouvoir de me contraindre parce qu’il est allé au-delà des termes de notre entente ». On pourrait penser ici que Kant fait une contradiction en refusant le droit de contrainte, puisque c’est lui-même qui a dit plus haut que le droit et la faculté de contrainte ne font qu’un. Mais ce qu’il faut retenir est que si Kant parle de l’équité, c’est au sens moral et non juridique. Or seul le droit au sens juridique s’accompagne de la nécessité de la contrainte. En voulant donner les différentes caractéristiques de ce concept d’équité, Kant aborde aussi l’absence de contrat établi au préalable et le premier exemple peut l’illustrer. En effet, au nom de ce principe, il y a une impossibilité de trouver une solution par le tribunal extérieur, mais même si tel était le cas, cette solution ne pourrait se définir que par son indétermination. En d’autres termes, aucune solution au nom de ce principe, n’a d’abord été déterminée par un contrat au préalable. C’est pourquoi, dans sa philosophie de droit, Kant donne l’exemple suivant : « Le domestique à qui, à la fin de l’année, on paye les gages qui lui sont dus avec une monnaie qui s’est dévaluée dans l’intervalle, et avec laquelle il ne peut pas se procurer ce qu’il pouvait acheter pour ce montant lors de la conclusion du contrat, ne peut, face à une valeur numéraire identique mais d’un pouvoir d’achat différent, en appeler pour autant à son droit pour être dédommagé, et n’a au fond d’autre recours que l’équité,(divinité muette qui ne peut être entendue), puisque rien n’avait été stipulé à ce sujet dans le contrat et qu’un juge ne peut prononcer d’après des conditions indéterminées ». Donc l’absence d’un contrat déterminé à l’ avance fait qu’aucun juge ne peut légitimer ce droit ou de contraindre quelqu’un qui en a fait usage. Néanmoins, malgré les limites des juges face à ce droit, il convient de reconnaitre que Kant considère l’équité comme un « droit moral ». D’abord, tout comme le droit strict, les lois morales sont aussi exigibles. Mais on ne saurait faire du droit de l’équité un droit reconnu par la législation extérieure car celle-ci est limitée. En effet, s’il y a l’existence de lois morales qui peuvent être aussi objets d’une législation extérieure dans la conception de Ronald Dworking, il faut aussi reconnaitre que les lois telles que le droit de s’opposer au despotisme ou de ne pas subir de préjugés etc., ne peuvent être inscrites dans le droit positif. De surcroit, l’existence de lois morales est aussi nécessaire pour défendre et protéger les droits humains afin de permettre la coexistence des libertés individuelles. C’est comme le dit Kant, en définissant le droit comme l’accord des arbitres à partir d’une loi universelle de la liberté. Ces propos de Kant sont définis de deux manières dans sa doctrine du droit. En effet, la définition libérale, conçoit la loi universelle de la liberté comme la simple égalité prise en considération entre l’ensemble des citoyens de droit. L’autre définition consiste à considérer que l’impératif catégorique est issu de cette loi universelle. Et l’équité s’inscrit dans la conception libérale qui prend en considération l’égalité. C’est pour illustrer cela que Kant donne l’exemple suivant : « celui qui, dans une société de commerce établie sur l’égalité des profits, tout de même qu’il a fait davantage que les autres membres, […] peut en toute équité exiger de la société davantage qu’un simple partage à égalité entre les membres » En d’autres termes, dans une association commerciale basée sur l’égalité des bénéfices, la personne qui a monté beaucoup plus d’activités peut réclamer beaucoup plus que les autres, ce qui est juste. Mais il n’existe pas de tribunal ou de juge qui puisse la contraindre à cet acte d’équité car dans le contrat, rien n’a été énoncé à cet égard. Notre tribunal intérieur est le seul tribunal qui est apte à juger en faisant appel à ce principe. Il y a donc le principe de l’égalité qui est pris en considération ici. Et c’est d’ailleurs pour cette raison que, dans sa doctrine du droit, Kant considère que seule l’équité constitue en droit, la ligne perpendiculaire qui ne s’incline pas plus d’un côté que de l’autre et qui met en pratique le principe de l’égalité. Cette égalité prise en considération par l’équité comme corrélatif chez Kant, se retrouve aussi chez Rawls quand il explique l’équité en ces mots : « quand un certain nombre de personnes s’engagent dans une entreprise de coopération mutuellement avantageuse selon des règles et donc imposent à leur liberté des limites nécessaires pour produire des avantages pour tous, ceux qui se sont soumis à ces restrictions ont le droit d’espérer un engagement semblable de la part de ceux qui ont tiré avantage de leur propre obéissance. Nous n’avons pas à tirer profit de la coopération des autres sans contrepartie équitable ». Donc Rawls reconnait aussi ce droit d’équité mais la seule différence avec Kant, est que selon lui, ce droit doit être garanti par la justice institutionnelle ; tandis que chez Kant, seule la morale peut reconnaitre ce droit. Selon Kant, il existe deux éléments qui échappent à l’équité pour qu’elle soit considérée comme légale par la législation extérieure. Il s’agit d’un contrat établi au préalable et la contrainte. Quand celui-là est considéré dans une perspective plus large, on parle alors d’une absence d’autorisation. La personne de droit a la possibilité de créer des lois reconnues par la législation extérieure du fait de son pouvoir d’établir des accords. Mais il est à admettre que ce pouvoir demande une autorisation et doit même être étudié par les autres pouvoirs. C’est pourquoi les grands penseurs du droit comme Dworkin jugent complexe les différents aspects de la législation stricte car c’est un ensemble de droits qui requiert des autorisations. Cependant, l’équité constitue un « droit moral » du fait qu’elle ne peut pas être soumise aux différents pouvoirs pour acquérir une autorisation d’où alors l’absence d’une contrainte extérieure qui le caractérise. La conception kantienne de l’équité est par ailleurs un résumé des deux précédents qui sont riches d’enseignements. D’abord, Carl Christian Schmid semble se ranger du côté de Kant quand il affirme que : « est équitable le droit qui ne confère aucune autorisation de contraindre autrui, par exemple à payer un salaire supérieur lorsqu’autrui a travaillé davantage qu’il n’était convenu. D’un point de vue moral, ce qui est équitable est juste, et l’inéquité et l’ingratitude sont équivalentes. » En d’autres termes, tout comme Kant, Carl Christian Schmid considère que l’équité est certes un droit juste du point de vue de la législation intérieure, mais on ne peut utiliser en aucun cas la contrainte vis-à-vis des autres au nom de ce droit même si c’est un acte légal selon la morale. Mais comme il a été dit plus haut, cette conception de Kant et de Carl Christian Schmid peut être réfutable car selon Kant le droit n’est que la faculté de contrainte. Or l’équité est un droit reconnu par eux, donc refuser la contrainte serait une contradiction de leur part. Bref nous pouvons retenir que chez Kant, l’équité est un droit qui échappe à la législation extérieure car ce que chaque personne conçoit comme étant juste après l’avoir soumis à son tribunal intérieur, peut ne pas être approuvé par une instance extérieure. Cela montre alors qu’il y a l’existence de principes qui s’inscrivent dans un rapport de soi à soi. Ceux-ci se différencient des principes objectifs qui en effet constituent le droit de nécessité. Ce droit de nécessité, défini par le philosophe Emmanuel Kant comme « une contrainte sans droit »91 est un prétendu droit selon lequel ce qui est considéré comme injuste en soi peut obtenir une bienveillance dans ce même tribunal intérieur. Selon Kant, « ce prétendu droit consiste en la faculté, au cas où je courrais le danger de perdre ma vie, de l’ôter à un autre, qui ne m’a fait aucun tort.» S’opposant à cette contrainte, Kant considère que ce droit de nécessité est une contradiction. Car, il ne s’agit pas de l’appliquer à l’égard d’un « agresseur injuste qui en veut à ma vie », ce qui est reconnu comme légitime défense de nos jours, mais sur un innocent. En tant que droit supposé, le droit de nécessité ne peut prétendre à un statut juridique car si tel était le cas, la législation extérieure serait en contradiction avec elle-même. En d’autres termes, il ne peut avoir une loi qui autorise un tel acte dans la législation extérieure même si cela peut obtenir une légitimité en soi. Il s’agit alors d’une injustice faite à l’égard d’une personne dans le but de se sauver. Ce droit est proche de la loi de la nature décrit par Thomas Hobbes. Il s’agit d’un état dans lequel chacun use à sa guise de ses forces pour s’approprier ce qu’il désire et préserver sa vie. Kant rejette totalement ce prétendu droit car il est injuste et c’est pour décrire cette injustice faite au nom d’une nécessité qu’il donne l’exemple selon lequel un naufragé qui arrache à un de ses compagnons sa planche dans le but de sauver sa vie. Même si cet acte est commis par nécessité, il faut reconnaitre que c’est un acte contraire au droit positif. Car le droit n’admet pas l’utilisation d’une manière injuste, de la violence à l’égard de quelqu’un. C’est dans ce sens qu’il affirme: « Quoiqu’on allègue en ce cas un prétendu droit de nécessité, il est certain qu’une telle action serait contraire au droit; celui-ci, en effet, défend d’exercer aucune violence à l’égard de quiconque ne nous en fait aucune.» Il est donc évident au sens kantien que ce droit n’est pas reconnu par la législation extérieure. Néanmoins, même si ce droit positif ne reconnait pas ce droit, il convient de signaler qu’aucune instance extérieure ne peut le punir. En d’autres termes, aucune loi peut punir un citoyen parce qu’il en a fait usage pour se sauver. Car, nous dit Kant : « la peine dont la loi menacerait le coupable ne pourrait être plus grande pour lui que la perte de la vie ». Autrement dit, la peine que pourrait lui faire subir le droit strict ne pourrait pas être plus grande que la mort qu’il a commis sauf si ce n’est la « loi du talion ». Mais est-il moralement acceptable d’appliquer aussi cette peine sur quelqu’un qui a suivi son instinct de vie pour se  sauver ? En se référant à l’impératif catégorique, énoncé par l’auteur de la critique de la raison pratique, et en tant que principe suprême de la doctrine du droit, il est possible alors de savoir que du point de vue de la morale, il ne serait pas acceptable de faire usage de la contrainte comme corrélatif d’une telle peine car ceci ne pourrait pas être érigé en une loi universelle du fait du mobile de l’action, ni appliquer une peine moins grande que la mort commis. Et c’est d’ailleurs pour cette raison que Kant conclut que : « L’action qui consiste à employer la violence pour se conserver soi-même échappe donc à la punition 1 (impunibile), quoiqu’on ne puisse la regarder comme non coupable. » Ce qui veut dire alors que le droit de nécessité, est un droit qui va au-delà des limites du droit strict. Celui qui prétend qu’il est dans ses droits en appliquant ce principe ne s’appuie ni sur le droit positif, ni sur la morale. il est donc coupable aux yeux de Kant, même si on ne peut le punir. Donc l’argument de Kant se base sur l’idée qu’on ne peut condamner quelqu’un à mort qui, dans une situation jugée dangereuse, prétend qu’il s’appuie sur son droit en faisant périr quelqu’un dans le but de préserver sa vie. Dans le sens kantien : « l’acte de conservation de soi par violence ne doit pas été considéré comme innocent (inculpabile), mais comme impunissable (impunibile)». En d’autres termes, celui qui fait usage de ce droit de nécessité n’est pas aux yeux de l’auteur de la métaphysique des mœurs, un être innocent, mais qu’il se trouve dans une position où le droit positif ne peut faire usage de la contrainte comme corrélatif de son acte. De plus le philosophe de Königsberg rejette totalement ce prétendu droit de nécessite car ceci ne serait pas conforme avec la deuxième formule de l’impératif catégorique qui interdit que l’homme soit considéré uniquement comme moyen d’atteindre tel ou tel but comme il le dit en ses termes : « agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen »

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE: LE DROIT POLITIQUE : ANALYSE GENERALE DE L’ACTION DE LA LEGISLATION
CHAPITRE I : FONDEMENT MORAL DE L’ETAT DE DROIT
CHAPITRE II : LE REGENT DE L’ETAT : ENTRE MAGISTRAT, SOUVERAIN ET LEGISLATEUR
CHAPITRE III : LE JUGE FACE AU DROIT DE L’EQUITE ET CELUI DE LA NECESSITE
DEUXIEME PARTIE : L’IMPERATIF CATEGORIQUE DANS LE DROIT PENAL ET DE GRACE
CHAPITRE I : L’EGALITE COMME PRINCIPE DE BASE EN JUGEMENT
CHAPITRE II : LA QUESTION DE LA PEINE DE MORT
CHAPITRE III : L’IRRATIONALITE DU DROIT DE GRACE DU LEGISLATEUR
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE

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