Jouer la grammaire : Laquelle ? Pourquoi ? Et comment ?

CADRE CONCEPTUEL

La grammaire

Le champ linguistique et en particulier celui touchant à la grammaire est extrêmement vaste et il serait impossible ici, et surtout inutile d’y entrer dans le détail. Nous nous contentons donc de relever des définitions scientifiques attestant des caractéristiques, de l’évolution et des « contradictions » des trois types de grammaire (traditionnelle, rénovée et nouvelle) que nous traitons dans ce travail.

Le récent ouvrage de Jean-Claude Beacco (2010) nous apprend d’abord que..

[…] par grammaire, on désigne souvent les études scientifiques produites dans l’espace de la recherche (universitaire, le plus souvent) qui ont pour projet de proposer des descriptions et des « principes » du fonctionnement du langage et des langues. […] Ces descriptions ont pour objet de rendre compte des régularités du français et des langues et elles peuvent être variables dans le temps […] ou concurrentes et alternatives, proposant des « résultats » contradictoires à partir du même matériau et de la même méthodologie de recherche et donnant des éclairages non compatibles sur un même phénomène. Nous utilis[ons] le terme de description linguistique pour désigner les connaissances produites par les sciences du langage qui ne répondent pas exclusivement à des objectifs de nature pédagogique (grammaire d’enseignement) ou de divulgation (grammaire de référence) (page non indiquée).

Nous nous intéressons ici davantage à la grammaire scolaire rénovée. Mais que désignons-nous exactement par cette expression dans notre recherche ? A cette question, nous répondons : l’analyse grammaticale.

Dans la terminologie actuellement utilisée par les grammaires scolaires françaises, faire l’analyse d’une proposition [nommée phrase depuis l’avènement de la grammaire nouvelle] (analyse qualifiée de grammaticale), c’est indiquer les fonctions jouées par les mots ou groupes de mots dans ces propositions (déterminer ce qui est sujet, complément d’objet, etc.). [Cet exercice] présuppose[…] que les constituants d’un énoncé possèdent des fonctions syntaxiques différentes […] (Ducrot & Schaeffer, 1972/1995, p. 449).

Cette grammaire [syntaxique] tente d’articuler l’axe de la nature [classe ou catégorie depuis l’avènement de la grammaire nouvelle] des mots et celui de leur rôle dans la phrase. L’objectif est de pouvoir situer chaque terme d’une phrase selon ce double repérage, nature/fonction, afin de bien appliquer les règles d’accord, elles-mêmes formulées à partir de cette grille d’analyse (Nadeau & Fisher, p. 24).

Ainsi, l’analyse grammaticale que nous abordons dans ce travail traite de la capacité des élèves à repérer des fonctions grammaticales, mais également des classes grammaticales. « La recherche d’un ordre régulier à l’intérieur d’une langue semble très souvent impliquer, entre autre tâches, la classification des éléments de cette langue » (Ducrot & Schaeffer, p. 439). Ce repérage, selon les époques de l’histoire de la grammaire, repose soit davantage sur des critères morphosyntaxiques (grammaire rénovée), soit davantage sur des critères sémantiques (grammaire traditionnelle).

Le point de vue syntaxique consiste à déterminer les règles permettant, en combinant les symboles élémentaires, de construire les phrases, ou formules, correctes. La sémantique vise, elle, à donner le moyen d’interpréter ces formules, de les mettre en correspondance avec autre chose, cet « autre chose » pouvant être la réalité, ou bien d’autres formules (de ce même langage ou d’un autre) (idem, p. 776). La morphologie traite des mots, pris indépendamment de leurs rapports dans la phrase. D’une part, on les distribue en différentes classes, nommées « parties du discours » (nom, verbe, etc.). D’autre part, on indique les variations qu’un même mot peut subir, en donnant les règles pour la conjugaison, pour la déclinaison (les « cas»), pour la modification selon le genre (féminin, masculin…) et le nombre (singulier, pluriel…). La syntaxe traite de la combinaison des mots dans la phrase. Il y est question à la fois de l’ordre des mots et des phénomènes de rection (c’est-à dire de la façon dont certains mots imposent des variations à certains autres […]). Enfin la syntaxe, depuis le XVIIIe siècle surtout, traite des principales fonctions que les mots peuvent remplir dans la phrase (idem, p. 119).

Cette analyse morphosyntaxique (reprise par la grammaire nouvelle) s’opère dans ce que la grammaire actuelle nomme phrase de base.

Une phrase de base est la réalisation minimale de la structure syntaxique de la phrase (S + Préd ± CP) : elle est toujours simple [un seul verbe conjugué], de type déclaratif, de forme positive, neutre et active, non pronominalisée. […] La phrase de base est un outil d’analyse qui permet de décrire les transformations réalisées dans n’importe quelle phrase. […] Une phrase de base est transformée lorsqu’elle subit un changement. On distingue 4 opérations de transformation de la phrase de base : le changement de type [passage d’une phrase déclarative à une phrase interrogative, impérative et/ou exclamative], le changement de forme [passage d’une forme neutre, active et positive à une forme emphatique, passive, et/ou négative], la pronominalisation [substitution d’un GN, d’une phrase ou d’une section de texte par un pronom, afin d’assurer la progression et la cohésion d’un texte tout en l’allégeant et en évitant les répétitions] et la subordination [lorsqu’une phrase est incluse dans une autre phrase dans laquelle elle remplit une fonction grammaticale] (CIIP, 2014, p. 22).

La grammaire nouvelle met ces préoccupations d’ordre morphosyntaxiques au service de la grammaire du texte (« négligée » par la grammaire traditionnelle et rénovée), qui traite des phénomènes grammaticaux entre les phrases, afin notamment de percevoir la langue comme un « tout » et non comme un savoir « morcelé » : La grammaire nouvelle fait appel à la compétence du locuteur du français, à sa connaissance de la langue orale, en lui demandant d’exercer son jugement sur la bonne la mauvaise construction d’un groupe ou d’une phrase à chaque manipulation. Elle exige donc de l’élève un véritable effort de réflexion sur la langue […] Cette maîtrise ne peut être atteinte que par une compréhension approfondie des mécanismes de la langue. Grâce aux manipulations, aux notions de groupes et de phrase de base, la nouvelle grammaire aide justement l’élève à percevoir la langue comme un système (Nadeau & Fisher, p. 95).

Le jeu à valeur éducative

En grec, scholae signifie à la fois lieu d’étude et plaisir. L’étymologie même du mot « école » nous permet donc d’emblée de nous interroger sur les rapports qu’entretiennent apprentissages et jeu. Le champ de la pédagogie par le jeu, tout comme celui de la grammaire, est à son tour particulièrement dense. De nombreuses théories sur les origines et les fonctions du jeu existent depuis la fin du XIXème siècle. Nous ne les définirons pas ici, ni ne nous attarderons sur ce que signifie « jouer » dans une optique purement divertissante (simple engagement dans un espace de liberté), puisque ce n’est en tout cas pas cet objectif que notre dispositif vise.

Partant de la définition de Roger Caillois (1958), le jeu est défini :
– comme une activité libre : il faut éviter d’imposer au joueur de jouer ;
– comme une activité séparée des autres activités humaines : elle se déroule dans des espacestemps limités ;
– comme une activité incertaine : son dénouement n’est pas sûr ;
– comme une activité improductive : le jeu ne devrait pas imposer une charge de travail ;
– comme une activité réglée : aucun jeu ne peut être sensé sans règles ;
– comme une activité fictive : elle permet l’abstraction de la réalité.

Par ailleurs, les fonctions sociale et « civilisatrice » du jeu sont fondamentales chez Caillois. Pour Piaget (1945), le jeu permet le développement de l’intelligence (fonction cognitive) et l’assimilation de la réalité. Mais ce sont surtout les théories de Vygotsky qui nous intéressent puisque pour lui, c’est notamment le jeu qui crée la zone proximale de développement. L’aspect « improductif » de Caillois se trouve donc ici annihilé et le jeu, devient un moyen d’apprentissage. Le jeu représente donc à la fois une source de motivation et de plaisir et le moyen de tester des compétences langagières dans des situations vivantes où l’élève est impliqué en tant qu’acteur performant.

La « rencontre » des champs didactique et pédagogique

Dans notre entreprise d’ingénierie didactique, nous nous sommes longuement interrogés sur la constitution des savoirs et savoir-faire des élèves ainsi que sur leurs formes de transmission. Par conséquent, notre démarche « mêle » tout autant des préoccupations d’ordre didactique que pédagogique. Le système ou triangle didactique (Cohen-Azria et al., p. 203) suppose d’ailleurs que chacun des 3 pôles (contenus d’enseignement – apprenant – enseignant) doit être examiné par l’enseignant pour qu’une véritable situation didactique se crée. L’axe élèves enseignants relève généralement davantage de la pédagogie que de la didactique, puisqu’il ne prend pas en considération les contenus d’enseignement. L’axe enseignant-contenus est quant à lui purement didactique puisqu’il s’agit d’envisager le rapport de l’enseignant aux savoirs savants et à enseigner et inversement, de manière à ce que ce même enseignant s’attèle à rendre un contenu enseignable (savoir enseigné) de la façon la plus pertinente qu’il lui semble. L’axe apprenants- contenus si situe au confluent de la didactique et de la pédagogie. En effet, depuis l’émergence des théories constructivistes de Piaget, didacticiens et pédagogues s’accordent pour dire que les savoirs se construisent. Les élèves ne sont plus perçus comme des « boîtes vides » que l’on doit « remplir », comme cela s’est longtemps révélé être le cas dans les approches behavioristes de l’apprentissage. Les théories de l’apprentissage du socioconstructivisme (Vygotsky) apportent cependant une dimension sociale à la construction des savoirs. Il s’agit également de mener des situations d’enseignement/apprentissage qui permettent aux apprenants de créer des « conflits cognitifs » pour déconstruire et reconstruire des savoirs et d’agir sur cette reconstruction par le biais de stratégies métacognitives. Or, à partir du moment où on rattache un contenu disciplinaire, dans notre cas, la grammaire, à ces approches pédagogiques, l’entreprise devient didactique.

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