JANSÉNISME DANS PHÈDRE DE RACINE, ET DANS LA PRINCESSE CLÈVES DE Mme DE LA FAYETTE

La peinture de la faiblesse humaine

   Si Racine et Mme de La Fayette sont de véritables peints de la faiblesse humaine, c’est essentiellement parce que le principal ressort de leur œuvre est la passion de l’amour. L’amour n’est pas conçu ici comme une force exaltante qui unifierait l’âme et lui donnerait toute sa cohésion, mais au contraire comme une sorte de maladie de la volonté, démission de la raison, par ou l’homme découvre et manifeste à la fois toute l’étendue de son impuissance. Il est rare, en effet chez Racine que l’amour, tel qu’il nous est présenté, repos sur un jugement : il est toujours senti comme un fait injustifiable. Parfois, il se fait jouir à la faveur d’une longue familiarité, plus souvent il se déclenche tout au coup, un regard suffit pour établir entre l’homme et la femme une liaison qui définira leur destin : jamais cour n’a eu tant de belle personnes et d’hommes admirablement bien fais. Dans tous les cas, Racine évite de faire dépendre l’amour d’autre chose que lui-même. Il peut être accompagné d’estime, de reconnaissance, d’admiration, il n’est jamais la conséquence de ces sentiments :
Grace au ciel, mes mains ne sont point criminelles.
Je t’en ai dit assez : épargné moi le reste
Je meurs, pour ne point faire un aveu si funeste.
En effet, dans la Princesse de Clèves, Mme de la Fayette a cru que son aveu pouvait avoir la même capacité de réparation de même que la grâce du sacrement et la pénitence peuvent accorder à son mari, la compréhension de pardonner, sa femme de l’amour duc de Nemours. Car, d’après François de Sales : La confession, non seulement vous remettra les péchés véniels, mais vous donnera de plus une grande force pour les éviter, une vive lumière surabondante pour réparer le tort causé. Ce qu’il faut juste reproche à Mme de Clèves c’est le tort d’avoir pensé que son aveu peut la sauver tout en insistant sur le refus de dénoncer le nom de celui qu’elle aime. Elle s’est trompée car elle a cru que son mari serait assez fort pour la secourir, et ne pas céder à la jalousie et au désespoir. M. de Clèves fait partir de ces héros pour qui la plupart victime d’un amour non partagé, et qui en dernier lieu font recourt à la jalousie et à la haine : Je suis plus malheureux que je ne l’ai cru et je suis le plus malheureux de tous les hommes […] vous êtes ma femme, je vous aime comme ma maitresse et je vous en vois aimer un autre. Pour La Princesse de Clèves, Mme de la Fayette ne peut ni ne veut être pleinement lucide, car sa lucidité l’oblige de se condamner, ce qu’elle n’ose chérir que dans son cœur le plus secret, et sans l’avouer. Mais la crise de la passion pour une femme qui fut peut-être la Champmeslé, et les premières atteintes d’une vraie foi vont pousser comme malgré elle, et plus qu’elle n’espérait aux extrêmes de l’aveu. Phèdre, c’est la revanche de la mort. Oui, Racine le sait maintenant, et c’est une nécessité qu’il y ait du sang, et des morts dans une tragédie, si elle a pour sujet l’amour-passion. Seulement, cette mort qui ne désire pas comme une transfiguration : il a pris le parti du jour, la mort n’est plus le châtiment de ces trop longues complaisances. C’est la passion, c’est sa propre passion, qui, il châtie en vouant à la mort la fille de Minos et sa victime :
O désespoir ! O crime ! O déplorable race
Racine, sous le couvert de son sujet antique, se punit doublement dans Phèdre : d’abord en faisant de l’obstacle une inceste, c’est-à-dire une entrave qu’il n’est plus admissible de vouloir vaincre. Racine nous montre le héros de Thésée victime du même sort que M.de Clèves, mais chez Thésée, nous constatons surtout que le mal de celui-ci lui revient plutôt dans sa naïveté, que dans la croyance prématurée aux paroles de sa femme, qu’à son analyse personnelle. Thésée fait partir de ces héros naïfs qui aiment leurs femmes, et près à croire à tout ce que ces dernières leurs disaient à leurs absences. Cependant, l’amour- propre selon La Rochefoucauld, Mme de la Fayette ou Racine ne saurait être sanctionné, puis qu’il est le fait d’une nature qu’il n’appartient pas à l’homme de modifier, et il ne peut avoir d’autres conséquences que le prix dont l’homme doit payer à l’illusion, au désespoir et à la mort. Dès lors, l’homme risque d’apparaitre comme une victime plus que comme un coupable. Pour cela, l’homme semble être le jouet malheureux d’une véritable machination, et c’est alors sa faiblesse nous est démontrée. En fait, la finesse de leurs analyses consiste à montre que cette contradiction n’est que l’illusion nécessaire de la tragédie. L’amour-propre est bien une passion et comme les passions. D’autre part, ils démontrent avec précision que, tous les mensonges que nous faisons, pour nous débarrasser de la responsabilité de nos actes, et ils mettent en pleine lumière les ruses de l’amour propre grâce auxquelles nous nous dirigeons, sous le couvent de la fatalité vers l’objet de notre plaisir. Il ne peut agir en nous que par les ressorts de nos sentiments, par le truchement de nos représentations et par l’action de notre volonté, ne le percevant pas parmi les passions, qui m’agitent, mais découvrant l’occasion en occasion le résultat de son travail.

La passion de l’amour

   Dans les deux œuvres, la passion amoureuse arrive brutalement à l’état brut. Elle se manifeste avec le même effet dévastateur, injustifiable. Pour ce qui concerne Mme de Clèves, cette passion prend sa source d’origine depuis le fameux bal des financiers, et se développe avec l’épisode du vol de portrait en passant par la chute de cheval de Nemours. Tous ces évènements développent dans le cœur de la Princesse de la Clèves des sentiments allant dans le sens de montrer les premiers traites de sa faiblesse : Enfin elle jugea qu’il valait mieux le lui laisser, et elle fut bien aise de lui accorder une faveur qu’elle lui pouvait faire sans qu’il sut même qu’elle la lui faisait. Elle effectuera son repentir général après la lecture de la lettre perdue. Elle va se rendre compte qu’elle a franchi une étape remarquable dans son inclination pour le duc de Nemours. Cependant, elle sait qu’elle lui a donné des signes claires de sa passion, mais involontairement, elle se reproche de ne le pas fuir. Elle regrette de n’avoir pas pu quitter le monde à temps, C’est dans cette mouvance que nous allons évoquer ce passage : Toutes mes résolutions sont inutiles ; je pensai hier tout ce que je pense aujourd’hui, et je fais aujourd’hui tout le contraire de ce que je résolus hier  Mais pour Phèdre, la passion prend naissance dès le premier jour où elle voit pour la première fois Hippolyte. Et par conséquent, ce qu’il faut tout juste comprendre est que cette passion remontre plus loin jusqu’à sa descendances, ce qui lui valut une punition de la part des dieux. Phèdre, dès l’instant où elle reconnut son amour incestueux, elle prit la ferme résolution de ne rien dire et près à vivre son mal de manière intérieur. Ce n’est après la mort supposée de Thésée qu’elle ose déclarer son amour au personnage concerné. Dans nos deux œuvres, l’analyse minutieuse de soi, et même la plus lucide, est toujours en retard sur les sentiments, les pulsions, les sensations, Henriette Levillain disait à cet effet que : L’intelligence critique ne parvient jamais à être en prise directe sur le langage du corps. Autrement dit, cela ne veut pas dire que les sentiments aveuglent l’esprit, il y a tout simplement un écart entre les découvertes sentimentales et leurs analyses. Il s’agit d’un décalage entre deux niveaux de consciences à savoir : La conscience réfléchie [et] et la conscience irréfléchie. Si nous prenons comme postulat de base les rencontres entre M.de Clèves et le duc de Nemours, nous voyons que la « conscience irréfléchie » correspond à temps bien précis que l’on qualifierait de faiblesse.

Littérature comme un jeu sur le langage

   Si la littérature et le langage entretiennent une certaine relation, ou si le langage n’est qu’une manifestation de la littérature, ou encore si la littérature n’est simplement une manifestation du langage. Dès lors, Racine et Mme de La Fayette ont belle et bien compris la démarché. Si ces deux auteurs partagent le même point de vue qui est : l’impossibilité pour l’homme à accéder lui seul au bonheur, et au salut, ils ne partagent pas cependant le même langage. Pour Racine, dans sa Phèdre, il pose dès le début le rapport entre le langage et l’acte : dire ou ne pas dire ? Telle est la question. C’est ici l’être même de la parole qui est porté sur le théâtre : c’est la profondeur des tragédies raciniennes, car l’enjeu tragique est ici beaucoup moins le sens de la parole que son apparition, beaucoup moins l’amour de Phèdre que son aveu. Et pour plus assurance ou peut se référer :
Quand tu sauras mon crime et le sort qui m’accable.
Je n’en mourrais pas moins, j’en mourrai plus coupable.
C’est-à dire Phèdre reconnait la culpabilité de sa faute, mais au moment où elle veut se taire, c’est en ce moment-là qu’elle veut avouer son crime. La nomination du mal l’épuise tout entier, le mal est une tautologie, Phèdre est une tragédie nominaliste. Et pour en venir, on peut se convoquer :
Hippolyte ? Grand Dieu !
C’est toi qui l’as nommé
Phèdre, atteinte d’un mal qu’elle s’obstine à taire.
De plus, que Madame de La Fayette, elle aussi dès la préface de son roman manifeste un besoin de découvrir la suite du roman par un langage susceptible. Sauf qu’ici, elle va attirer la curiosité du lecteur par la description hyperbolique de la Princesse de Clèves : Il parut alors une beauté à la cour, qui attira les yeux de tout le monde, et l’on doit croire que c’était une beauté parfaite, puisqu’elle donna de l’admiration dans un lieu où l’on était si accoutume à voir de belles personnes. Elle était de la même maison que le vidame de chartres, et une des plus grandes héritières de France.

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Table des matières

INTRODUCTION
I CARACTÉRISTIQUES DU JANSÉNISME DANS PHÈDRE ET DANS LA PRINCESSE DE CLÈVES
1 La peinture de la faiblesse humaine
2 La passion de l’amour
II LA GRÂCE ET LA PRÉDESTINATION DANS PHÈDRE ET DANS LA PRINCESS DE CLÈVES
1 /La grâce dans la retraite et dans le salut
2 Le salut par la foi et non par les œuvres
III/ LITTÉRATURE ET IDÉOLOGIE DANS PHÈDRE ET DANS LA PRINCESSE DA CLÈVES
1 Littérature comme un jeu sur le langage
2 Procèdes narrative et analyse structurale
CONCLUSION
IV BIBLIOGRAPHIE

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