Invasions et compétition interspécifique chez les Tephritidae

Invasions et compétition interspécifique chez les Tephritidae

Cycle de développement et biologie

Le cycle de développement des Tephritidae est résumé sur la Figure 4. Les œufs, qui mesurent environ 1 mm, sont blancs et légèrement arqués. A l’éclosion, de minuscules asticots émergent des œufs. Les nutriments dont les larves se nourrissent, glucides, protéines et eau, sont tirés du milieu dans lequel elles se développent, c’est à dire la pulpe du fruit. La durée du développement larvaire, qui comprend trois stades (L1, L2, L3), peut varier fortement pour une espèce donnée en fonction du fruit-hôte (Carey, 1984; Fernandes-Da-Silva & Zucoloto, 1993). A l’issue du troisième stade larvaire, l’asticot quitte le fruit en sautant, comme mû par un véritable ressort. Il retombe alors sur le sol dans lequel il s’enfonce pour se nymphoser, formant alors une pupe de laquelle émergera l’adulte. Trois Figure 4. Cycle de développement des mouches des fruits (Brévault, 1999).
étapes importantes peuvent être distinguées dans la biologie de la reproduction des mouches des fruits. Il s’agit de la maturation des gonades et des gamètes, de l’accouplement et de la ponte. Au cours de l’ovogenèse, trois étapes sont particulièrement remarquables (Tzanakakis & Koveos, 1986; Williamson, 1989) :
• la pré-vitellogénèse : des trophocytes prévitellogéniques sont en cours de formation, les follicules ont un aspect translucide.
• la vitellogénèse : les cellules folliculaires entreprennent leur différenciation, une partie de l’ovocyte prend une coloration blanchâtre.
• la maturité des œufs : l’ovocyte comprend un chorion bien développé et une membrane vitelline. Un comportement de cour du mâle précède généralement l’accouplement. Le fait le plus remarquable est, chez certaines espèces, l’existence d’un appel phéromonal des mâles. C’est notamment le cas pour les mâles de C. capitata, C. rosa et C. catoirii (Féron, 1962; Myburgh, 1962; Quilici et al., 2002). L’appel consiste en la dévagination d’une ampoule anale qui libère une phéromone très odorante attractive pour la femelle. Lors de la ponte, plusieurs comportements peuvent être observés sur le fruit: la prospection, le nettoyage, l’agressivité envers d’autres femelles, la ponte ou la tentative de ponte, le « frottement » de l’ovipositeur et le nettoyage de l’ovipositeur. Dès que la femelle est prête à pondre, après un certain temps de prospection, elle étend son ovipositeur et commence à forer dans le fruit hôte. Les œufs sont pondus à quelques millimètres sous l’épiderme du fruit. Les dégâts se traduisent par une décoloration de l’épiderme du fruit au niveau de la piqûre puis par la pourriture du fruit. Après la ponte, les femelles de nombreuses espèces marquent le site de ponte en y déposant une phéromone (HMP : Host Marking Pheromone) qui inhiberait la ponte d’autres femelles (Prokopy & Roitberg, 1984). L’adulte, tout comme la larve, a besoin d’une alimentation glucidique et protéique. Il s’alimente principalement sur les feuilles des plantes hôtes et nonhôtes, où il trouve les différents nutriments dont il a besoin : sucre, protéines et eau dans la sève ou les sécrétions foliaires des plantes, les colonies bactériennes, les levures, le miellat d’Homoptères ou les fientes d’oiseaux (Prokopy & Roitberg, 1984).

Méthodes de lutte

Les méthodes de lutte couramment pratiquées reposent encore sur l’utilisation de produits insecticides pendant la période de sensibilité des fruits. La forte réponse des adultes de mouches des fruits à certains stimuli visuels et olfactifs favorise l’utilisation de pièges pour la surveillance des populations. Ces pièges possèdent des formes et des couleurs spécifiques associés à des attractifs alimentaires ou sexuels pouvant être couplés à un insecticide (Quilici, 1989). Parmi les méthodes alternatives à la lutte chimique classique, on peut citer le traitement par taches consistant en la pulvérisation d’un mélange d’attractif alimentaire et d’insecticide sur une partie seulement de la culture. Certaines mesures prophylactiques comme la destruction des fruits tombés ou la suppression des plantes réservoirs en bordure des parcelles sont également utiles pour diminuer les populations de mouches des fruits. A l’échelle d’une zone de production, la lutte autocide (lâchers de mâles stériles) peut être très efficace permettant d’aller jusqu’à l’éradication des populations d’une espèce dans une région donnée (Hendrichs et al., 2002). Les auxiliaires naturels comme certaines espèces d’hyménoptères parasitoïdes sont utilisés comme moyen de lutte biologique. Ainsi, Fopius arisanus, un parasitoïde ovo-pupal qui exerce un fort taux de parasitisme sur Bactrocera dorsalis (Hendel) à Hawaii, a été récemment introduit par le CIRAD à La Réunion en vue notamment de lutter contre B. zonata (Quilici et al., 2005; Rousse et al., 2005).
Enfin, une lutte préventive peut s’opérer plus en amont par l’interdiction d’importation de fruits en provenance de zones infestées par certaines espèces et par le contrôle des marchandises à l’arrivée (White & Elson-Harris, 1992). La prévision du risque d’invasion par les espèces exotiques -notamment dans le cadre réglementaire des Analyses du Risque Phytosanitaire- est donc indispensable pour éviter l’introduction de nouvelles espèces provoquant des dégâts.

Exemples d’invasions et d’interactions compétitives

La plupart des exemples de compétition interspécifique chez les Tephritidae dérivent de situations où une nouvelle espèce est introduite dans un milieu donné (Fitt, 1989). Bien que les cas d’invasions de nouvelles zones par des Tephritidae soient fréquents (Fletcher, 1986), on en trouve peu qui soient décrits avec précision dans la littérature. Le Tableau 2 synthétise les cas recensés où une espèce de Tephritidae polyphage a pu s’établir en présence d’une ou plusieurs autres espèces elles aussi polyphages. Les cas les plus connus sont détaillés ci dessous.
La mouche méditerranéenne des fruits, Ceratitis capitata (Widemann), a été introduite d’Europe en Australie vers 1897 (Hooper & Drew, 1989; Vera et al., 2002). Elle a ensuite été déplacée graduellement autour de Sydney par la mouche des fruits du Queensland Bactrocera tryoni (Frogatt), qui a envahi l’Australie par le nord au début du 20ième siècle (Debach, 1966). A Hawaii, un phénomène similaire a eu lieu en 1945 lorsque la mouche Orientale des fruits, B. dorsalis a largement déplacé C. capitata des zones littorales. Cette dernière avait ellemême été introduite en 1910 et était devenue un ravageur très important dans tout l’état d’Hawaii. Depuis l’invasion par B. dorsalis, C. capitata est maintenant le plus souvent restreinte aux climats plus frais d’altitude où la mouche orientale n’est pas présente. La compétition entre les deux espèces est cependant modulée par le fruit hôte : C. capitata reste présente à basse altitude sur café sur lequel elle semble mieux adaptée que B. dorsalis tandis qu’elle n’est que rarement présente sur goyave et mangue qui constituaient pourtant pour elle des hôtes préférentiels avant l’invasion par B. dorsalis (Debach, 1966; Keiser et al., 1974; Reitz & Trumble, 2002). Dans les Mascareignes, C. capitata se serait établie depuis 1939 à La Réunion et 1942 à Maurice alors que Ceratitis catoirii était indigène dans ces deux îles (Orian & Moutia, 1960; Etienne, 1972). Une nouvelle invasion par la mouche du Natal, C. rosa, a été ensuite observé à Maurice en 1953 puis à La Réunion en 1955 (Orian & Moutia, 1960; Etienne, 1972). Récemment, la mouche de la pêche, B. zonata, s’est installée à Maurice en 1987 et a été détectée à La Réunion à partir de 1991 (White et al., 2000). L’historique d’invasion de C. catoirii, C. capitata, C. rosa et B. zonata a été détaillée dans le Chapitre II. Bactrocera zonata a en outre été signalée depuis quelques années en Egypte où C. capitata était déjà présente (Taher, 1998). Par ailleurs, Bactrocera invadens Drew et al., une espèce dernièrement décrite du complexe «B. dorsalis», a été détectée tout récemment au Kenya où sont présentes en outre C. capitata, C. rosa, Ceratitis fasciventris Bezzi, Ceraitis anonae Graham et Ceratitis cosyra (Walker) (Lux et al., 2003; Drew et al., 2005). Pour ces deux derniers cas les effets sur les espèces déjà présentes ne sont pas encore connus.
Parmi tous les cas listés dans le Tableau 2 des invasions réciproques n’ont jamais été observées. Apparemment en accord avec l’hypothèse de compétition hiérarchique le diagramme des liens d’invasions entre les espèces étudiées (Figure 5) est fortement directionnel. On peut noter que dans tous les cas où les deux genres sont confrontés, c’est une espèce du genre Bactrocera qui a surenvahi une ou des espèces du genre Ceratitis. De la même façon, le genre Anastrepha a toujours été dominé dans tous les cas présentés. La compétition interspécifique peut également intervenir avec des espèces appartenant à d’autres groupes de ravageurs. Par exemple, certains lépidoptères peuvent partager la même ressource et entrer en compétition avec des Tephritidae (Feder et al., 1995).

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Table des matières

Liste des Annexes
Chapitre I – Problématique
I.A Compétition et coexistence
I.B Mécanismes de compétition, stratégies d’histoire de vie et comportement
I.C La compétition interspécifique et les invasions
I.D Objectifs
Chapitre II – Le modèle biologique: les Tephritidae ravageurs des cultures fruitières à La Réunion
II.A Présentation de La Réunion
II.A.1 Situation géographique
II.A.2 L’agriculture réunionnaise
II.B Les mouches des fruits nuisibles à La Réunion
II.B.1 Taxonomie
II.B.2 Description
II.B.3 Distribution géographique
II.B.4 Historique des invasions à La Réunion
II.B.5 Cycle de développement et biologie
II.B.6 Méthodes de lutte
Chapitre III – Invasions et compétition interspécifique chez les Tephritidae
III.A Contexte
III.B Exemples d’invasions et d’interactions compétitives
III.C Influence des facteurs biotiques et abiotiques sur la compétition
III.C.1 La température
III.C.2 L’humidité
III.C.3 La plante hôte
III.C.4 Les ennemis naturels
III.D Mécanismes de compétition
.D.1 Potentiel biotique
III.D.2 Interactions entre adultes
III.D.3 Interactions entre larves
III.E Discussion
Chapitre IV – Traits d’histoire de vie
IV.A Contexte
IV.B Démarche
IV.B.1 Mesure des traits d’histoire de vie
IV.B.2 Calcul et analyse des paramètres démographiques
IV.C Résultats
IV.D Discussion
Chapitre V – Mécanismes de compétition
V.A Contexte
V.B Démarche
V.B.1 Compétition larvaire
V.B.2 Compétition entre adultes
V.C Résultats
V.D Discussion
Chapitre VI – Influence du climat
VI.A Contexte
VI.B Démarche
VI.B.1 Influence de la température au laboratoire
VI.B.2 Influence de l’humidité au laboratoire
VI.B.3 Collecte des données de terrain
VI.C Résultats
VI.C.1 Influence des facteurs abiotiques au laboratoire
VI.C.2 Répartition des espèces sur le terrain
VI.D Discussion
Chapitre VII – Influence de la plante hôte
VII.A Contexte
VII.B Démarche
VII.B.1 Relation entre poids pupal et fécondité
VII.B.2 Développement larvaire dans les quatre fruits hôtes
VII.C Résultats
VII.C.1 Relation entre poids pupal et fécondité
VII.C.2 Développement larvaire dans les quatre fruits hôtes
VII.D Discussion
Chapitre VIII – Discussion générale
VIII.A Capacité à la compétition, axe r-K et rang d’invasion
VIII.B Opportunités de coexistence
VIII.C Pourquoi des invasions réciproques ne sont-elles pas observées ?
VIII.D Invasions des Bactrocera comparées aux Ceratitis spp
VIII.E Implications pratiques
VIII.F Perspectives
Bibliographie

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