Introduction du langage pictural en classe de FLE

Objet actuel de recherches en didactiques des langues et des cultures, la pédagogie des multilittéracies se présente comme une nouvelle approche fondée sur des «modes of representation much broader than language alone » (Cazden & al., 1996 : 64).

presentation much broader than language alone» (Cazden & al., 1996 : 64). Initiée par le New London group en 1994, elle se donne pour objectif de créer « a different kind of pedagogy, one in which language and other modes of meaning are dynamic representational resources, constantly being remade by theirs users » (Cazden & al., 1996 : 64). Bien que la pédagogie des multilittéracies se veuille transversale aux spécialités de la didactique, la notion traditionnelle de littératie participe des littéracies multimodales selon un rapport d’hyperonymie. Les recherches menées actuellement sur la pédagogie des multilittéracies conduisent à interroger autrement le concept de langue-culture, qui questionne les rapports d’inhérence et d’exclusion sémantiques et sociologiques entre langue(s) et culture(s), dans la lignée d’Alexander von Humboltd, anthropologue du 19ème siècle (Spaëth, 2014).

Parmi les connexions intrinsèques au concept de langue-culture et à la pédagogie des multilittéracies, nous avons fait le choix de faire porter notre étude sur le développement de compétences en littéracies multimodales à partir de la langue française et du langage pictural. Deux facteurs ont été déterminants : (1) notre attrait pour l’art pictural qui s’est manifesté par la production d’un mémoire transdisciplinaire en Master 1 de Lettres modernes sur « la figure du savoir dans Avant et après de Gauguin à partir du concept phénoménologique de la subjectivité de Merleau-Ponty dans L’œil et l’esprit » (Cellier A., Degenève J. (dir.) 2010) ; (2) ainsi que des phénomènes observables, lors de cours particuliers dispensés à un apprenant soudanais progressant vers le niveau A1 lors de visites au centre Pompidou et au Musée du Louvre, dont l’engagement d’une réflexion interculturelle et linguistique, la production d’un récit cohérent de deux pages sur la visite du Musée du Louvre comportant des phrases complexes et l’expression d’un jugement esthétique. Or, pour Kant, « la faculté de juger » suscite les « pouvoirs connaître », les « sentiments de plaisir et de peine » et les « pouvoirs de désirer » (2000, [1790] : 136). Quel rôle attribuer à la peinture dans la transmission de savoirs culturels et langagiers ? Cette question est primordiale dans notre raisonnement sur l’introduction de l’art en classe de français langue étrangère (désormais FLE).

Dans l’optique de nous former, notre directrice de mémoire, spécialisée dans la réception, la médiation et l’expérience esthétique des œuvres d’art en classe de FLE (2015), nous a offert l’opportunité d’observer un cours expérimental, participant d’un dispositif scientifique, sur l’introduction de l’œuvre d’art dans une classe plurilingue et pluriculturelle. L’enseignante prépare 25 apprenants, voulant obtenir le Diplôme Universitaire de Langue Française (désormais DULF) de niveau intermédiaire de l’Université Sorbonne Nouvelle Paris 3.

Le dispositif, à l’architecture polymorphe, corrèle quatre séances : un cours préparatoire dispensé par un enseignant collaborateur du DULF, la visite de l’exposition « Gauguin l’alchimiste » au Grand Palais, le cours du 28 novembre 2017 et l’exposition de productions écrites dans l’enceinte de l’Université. L’expérience s’inscrit dans un cadre théorique associant la pédagogie des multilittéracies, l’approche communicationnelle, la perspective actionnelle et le paradigme de l’énaction qui est issu de l’émergentisme. Ce cadre implique la conception d’activités et de tâches valorisant le corps et le développement de compétences en littéracies multimodales dans l’apprentissage de la langue-culture française.

Les résultats du dispositif ont été rendus publics le 06 février 2018, lors de la journée d’étude intitulée « Langages artistiques, émotions, littéracies multimodales… Quels enjeux pour la formation et la recherche en didactique des langues et des cultures?». Les questions « la rencontre a-t-elle eu lieu entre les apprenants et l’œuvre de Gauguin ? » et « quel a été le rôle médiateur de l’enseignante dans cette rencontre?» auxquelles nous avons répondues à partir de l’enregistrement audio de la séance du 28 novembre 2018 ont permis de repérer la présence de micro phénomènes, similaires aux visites muséales réalisées avec l’apprenant soudanais. Ces phénomènes comprennent l’expression d’un jugement axiologique, du plaisir esthétique et de mécanismes d’empathie, terme traduit de l’allemand « Einfülhung », concept théorisé par le philosophe Robert Vischer (1873). L’empathie se rapproche de la faculté de juger, en ce sens qu’elle développe, selon nous, le « pouvoir connaître » et suscite des émotions comme « les sentiments de plaisir et déplaisir » mentionnés par Kant (2000, [1790]).

L’empathie est un objet d’étude récent en didactique des langues et des cultures. Aden, enseignante-chercheure, en a fait l’une de ses spécialités dans le cadre de ses recherches sur l’apprentissage des langues par le théâtre (2017, 2008). De même, Borgé soutient dans sa thèse que « l’empathie reste l’instrument privilégié de connaissance et d’appropriation de l’œuvre d’art [, car selon Mikhaïl Bakthine] ‘Il faut de l’empathie pour que la contemplation d’une œuvre artistique devienne une expérience’ » (2015 : 90). Il nous faut donc examiner comment les mécanismes d’empathie dans le rapport des apprenants aux œuvres picturales interviennent dans le développement de compétences en littéracies multimodales.

En d’autres termes, quelle est la nature des rapports entre apprenants et œuvres picturales en classe de FLE ? En quoi les mécanismes d’empathie sont-ils vecteurs de compétences en littéracies multimodales ? Le niveau des apprenants a-t-il une incidence sur l’expression du sentiment d’empathie à l’écrit ?

Le dispositif sollicite quatre méthodologies : (1) l’approche communicative, avec une pratique systématique des compétences orales et écrites ; (2) la perspective actionnelle qui considère les apprenants comme des acteurs sociaux devant interagir avec leur environnement en réalisant des tâches ; (3) la pédagogie des multilittéracies (infra : 37-40 ) qui favorise le développement de compétences et de stratégies d’apprentissage multimodales par la pratique des littéracies à partir d’activités ou tâches translangagières et (4) l’approche transculturelle qui se focalise sur la négociation des savoirs et contenus sémantiques culturellement chargés (infra: 47-49).

Après avoir reconstitué le contexte de notre corpus, nous allons dès à présent définir le niveau de compétences des apprenants en production écrite. Cette première évaluation sera suivie par celle des interactions orales, puis de la compétence en médiation interculturelle.

Pour la tâche de production écrite, l’enseignante demande à chaque apprenant de rédiger un article de blog racontant son expérience de l’exposition « Gauguin l’alchimiste » qui a lieu la veille au Grand Palais. Cette consigne coïncide avec la compétence en écriture créative de niveau B1, qui stipule que les apprenants peuvent « faire le compte rendu d’expériences en décrivant ses sentiments et ses réactions dans un texte simple et articulé. » (Conseil de l’Europe, 2005, [2001] : 52).

Comme nous le verrons, ce savoir-faire de niveau B1 ne concorde pas avec la réalité hétérogène de la classe qui oscille entre les niveaux A2 et B2 en fonction des compétences. Pour évaluer les performances des apprenants, nous allons comparer les productions écrites de chaque apprenant avec quatre échelles de compétences du CECRL (Conseil de l’Europe, 2005, [2001]) : l’expertise et le domaine d’intérêt  des apprenants, l’étendue et la maîtrise du vocabulaire, la compétence en morphosyntaxe et la médiation interculturelle. Ces compétences ont été choisi en fonction de leur pertinence vis-à-vis des objectifs langagiers, qui pour rappel sont l’introduction du thème et du lexique de la peinture, l’expression des émotions et des sentiments, l’emploi du discours indirect et du passé composé à la voix passive.

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Table des matières

Introduction
PARTIE 1 – PRESENTATION DU CORPUS
CHAPITRE 1 – CONTEXTE DU CORPUS
Présentation de la classe
Le dispositif pédagogique
Le cadre pédagogique
CHAPITRE 2 – NIVEAUX EN PRODUCTION ECRITE DES APPRENANTS
Critères d’évaluation des productions écrites
Expertise et domaine d’intérêt des apprenants
Étendue et usage du vocabulaire
Compétences en morphosyntaxe
Stratégies discursives et écriture créative
CHAPITRE 3 – LES INTERACTIONS ORALES
Critères d’évaluation des interactions orales
Les types d’interactions orales
Aisance à l’oral et maîtrise de la langue
CHAPITRE 4 – MEDIATION INTERCULTURELLE
Compétence en médiation
Prise de conscience interculturelle et recul interprétatif
PARTIE 2 – DES MECANISMES D’EMPATHIE COMME CONSTITUANTS DES LITTERACIES MULTIMODALES EN LANGUE-CULTURE FRANÇAISE ET LANGAGE PICTURAL
CHAPITRE 1 – L’EMPATHIE
Les mécanismes d’empathie
Remise en question de l’altérité
L’empathie par le corps
CHAPITRE 2 – DE L’EMPATHIE EN MULTILITTERACIES
Empathie et multimodalité des littéracies
Natures des rapports en apprenants et œuvres picturales
Des mécanismes d’empathie comme vecteurs d’apprentissage en littéracies
CHAPITRE 3 – MULTILITTERACIES : LANGAGE(S), LANGUE(S) ET CULTURE(S)
Développement de compétences sociales
Plurilinguisme et transculturalité
Impact de la pédagogie des multilittéracies sur la littéracie de l’écrit
PARTIE 3 – PROTOCOLE DE RECUEIL ET D’ANALYSE DES OBSERVABLES
CHAPITRE 1 – LE CADRE SCIENTIFIQUE
Le dispositif scientifique
Démarche scientifique de l’enseignante
Recueil des observables et constitutions du corpus
CHAPITRE 2 – APPROCHES METHODOLOGIQUES D’ANALYSE
Approche empirico-inductive qualitative
Approche phénoménologique
CHAPITRE 3 – METHODE D’ANALYSE DES OBSERVABLES
Méthode et critères d’analyse des observables
Les obstacles à l’analyse
Conclusion

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