Introduction des Mini Entretiens Multiples dans le processus de sélection des étudiants en santé en France

Introduction des Mini Entretiens Multiples dans le processus de sélection des étudiants en santé en France

Introduction

En 2015, l’Université d’Angers a mis en place une expérimentation de processus d’admission en filière de santé, remplaçant la première année commune aux études de santé (PACES). Mais avant d’étudier l’expérimentation des mini-entretiens multiples (MEM) et plus largement le processus Pluripass, il convient d’analyser les raisons qui ont conduit à cette innovation.
Les assises de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR), en 2012, ont permis l’expression de nouvelles aspirations pour les études de santé et la réussite universitaire. L’Université d’Angers a présenté à cette occasion une contribution proposant la création d’une licence « sciences de la vie, sciences humaines et ingénierie appliquées à la santé ». Cette contribution comportait trois objectifs pour cette licence :
proposer une formation pluridisciplinaire, permettre un recrutement gradué et renforcer la formation en sciences humaines et sociales1.
Cette expérimentation est la conjonction de nouvelles aspirations sociales et d’un ancrage historique. Cette introduction s’attache donc à décrire brièvement le contexte dans lequel Pluripass s’inscrit. Pourquoi les membres de l’Université d’Angers (étudiants et enseignants) ont-ils créé Pluripass ? Quelles motivations ont amené à tenter de mieux sélectionner les étudiants en santé ? Pourquoi sélectionne-t-on les étudiants de la filière « santé » dès le début des études ?

Pourquoi sélectionne t’on

 La sélection : totem de la confiance 

Jean de Kervasdoué, dans une conférence intitulée « réformer les systèmes de santé » inscrivait la consommation de soins dans un système économique asymétrique.
L’information dont disposent l’offre (les soignants) et la demande (les patients) n’est pas partagée. C’est à dire que le consommateur ne sait pas ce qu’il achète, mais plutôt qu’il « achète de la confiance »2.

Effectivement, si le patient paye un acte, il ne sait finalement pas forcement ce que contient l’acte, ni l’ensemble des raisons, du raisonnement qui amènent à choisir une technique ou un médicament. Il y a donc un besoin de confiance. Un des déterminants de cette confiance est probablement l’image que renvoie le contrôle par l’État ou la collectivité. En santé, ce contrôle du marché (de l’offre) par la collectivité ou l’État va au-delà du corps médical.

Les activités pharmaceutiques ont été depuis longtemps contrôlées et encadrées par les collectivités, notamment par le diplôme des professionnels. Par exemple, le contrôle des activités pharmaceutiques remonte au XIIIe siècle3. Ce contrôle s’exprime aussi par la sélection à l’entrée des études de santé. L’accès difficile aux études de santé serait donc un gage de qualité, nécessaire à la « confiance ».

La sélection, une régulation

Le système de santé français d’aujourd’hui est créé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à partir de deux « systèmes » plus anciens.
Le plus ancien, le système mutualiste se développe un peu avant la Révolution5, bien que les premières sociétés mutualistes telles qu’on les connaît aujourd’hui apparaissent au XIXème siècle, lors de la Révolution industrielle. Les mutuelles accompagnent un certain nombre de progrès.

Par exemple, les caisses chirurgicales, dont la première apparait en 1914, à l’initiative des milieux médicaux et chirurgicaux, ont pour but de rentabiliser les équipements par un élargissement de la clientèle solvable.

D’autres mutuelles professionnelles permettent la prise en charge de maladies professionnelles ou de maladies transmissibles. En 1898, on compte 11 355 sociétés différentes en France6.
Les sociétés mutualistes s’unissent finalement le 28 septembre 1902 à Saint-Étienne sous la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF).

En 1939, le mouvement mutualiste compte près de 6 millions d’adhérents7, soit 15% de la population française. « La mutualité, au terme de la Troisième République présente le profil d’une institution dont l’utilité sociale est indiscutée »8. Dans l’entre-deux-guerres, plusieurs mouvements politiques soutiennent un projet d’assurance maladie semblable au modèle « Bismarck ».

Ce modèle, adopté en Allemagne entre 1883 et 1889, est fondé sur l’ouverture aux droits grâce à l’activité professionnelle (modèle « assurantiel ») et décentralisé : la gestion des sociétés d’assurance est confiée aux salariés et aux employeurs.

 La sélection comme rempart contre le déclassement 

Marc Olivier Déplaude explique, en s’appuyant sur « la distinction » de Pierre Bourdieu, que les « dynamiques pouvant conduire un groupe social à instaurer un numerus clausus s’inscri[vent] dans une analyse plus générale des stratégies de luttes contre le déclassement »14.

Dans « la Hantise du nombre – une histoire des numerus clausus », il retranscrit les mémoires d’un des dirigeants du SAEM (syndicat autonome des enseignants en médecine, très actif pour la création d’un numerus clausus), sous un pseudonyme. « Désormais c’est « l’externat pour tous ». […] Ce fut […] notre première « nuit du 4 août », le premier des privilèges abolis. » S’il est rare d’entendre l’ostracisme aussi clairement, il est probable que la conservation des privilèges de ce groupe social est une motivation en faveur du numerus clausus.
Cette préoccupation s’exprime facilement quand la protection face au chômage est citée en faveur au numerus clausus. « Les étudiants sont favorables à la sélection, sorte de rempart protecteur qu’ils ne sont pas fâchés de voir édifier derrière eux. […] Le Quotidien du médecin décrit ce virage au corporatisme en écrivant « Contre le chômage, ils choisissent la sélection » »15.

Cette peur du chômage, ou plutôt du déclassement est aussi présente dans les autres filières de santé.
Les études de pharmacie connaissent une histoire similaire. L’accès à l’exercice de la profession est depuis longtemps contrôlé, et à partir du 11 septembre 1941, la loi dispose que le nombre de pharmacies par habitant desservi est limité. Cet outil de régulation est complété en 1980 par un numerus clausus par faculté16.

La création du numerus clausus en fin de première année de médecine

Entre 1960 et 1966, donc après la création de la sécurité sociale, le nombre d’étudiants en médecine et odontologie passe de 31 500 à 54 70023. D’après Marc-Olivier Déplaude, plusieurs facteurs expliquent cette augmentation. L’appétence croissante des bacheliers pour les études supérieures, encouragée par les pouvoirs publics, et la plus grande mobilité sociale pour les femmes et les étudiants issus de classes défavorisées, permettent l’augmentation des effectifs étudiants dans l’enseignement supérieur.

Par ailleurs, les succès récents de la médecine (antibiotiques, chirurgie) et « le développement de la médecine conventionnée […] rendent l’exercice libéral de la médecine plus sécurisant qu’autrefois sur le plan économique ». A l’époque, si le titre de docteur est accessible à tous, la formation pédagogique est réservée à « l’élite ».
Deux concours marquent les études de médecine, celui de l’externat et celui de l’internat. Les étudiants reçus au concours de l’externat accèdent à un apprentissage significativement meilleur que les étudiants recalés.

Cette inégalité provoquera une des principales revendications des étudiants en médecine en mai 1968 : celle de « l’externat pour tous ».

 De la PACES à PLURIPASS

La mise en place en 2010 de la PACES (première année commune aux études de santé), c’est à dire la fusion de la première année de médecine (maïeutique et dentaire) et de la première année de pharmacie n’a pas franchement amélioré la situation des étudiants en santé. C’est aussi à partir des principaux défauts de la PACES que PLURIPASS s’est construite.

 Le gâchis humain

La première année de médecine a pendant longtemps été synonyme d’impasse pour les étudiants. Avant la fusion des premières années de médecine et de pharmacie, 80% des étudiants n’avaient pas de place dans les filières contingentées.

Une partie des étudiants qui échouaient en médecine (en redoublant) tentaient alors pharmacie.
S’ils échouaient (en redoublant), les étudiants avaient finalement passé 4 ans dans l’enseignement supérieur sans avoir validé aucune année ni ECTS (European Credit Transfert System). La réforme de la PACES et la création de passerelles vers d’autres études pour les étudiants ayant obtenu des notes suffisantes ont permis de réduire ce phénomène.

Les étudiants qui avaient obtenu des notes suffisantes en PACES pouvaient accéder à des passerelles (ex. deuxième année de droit, de biologie). De plus, comme le concours était commun pour les études de pharmacie et de médecine, les étudiants ne pouvaient se présenter que deux fois au lieu de quatre, ce qui limitait le nombre d’années perdues à essayer d’intégrer une formation contingentée.
Néanmoins le gâchis humain perdurait, puisque autant d’étudiants en première année échouaient encore en France en 2015. Sur ce nombre, une partie non négligeable avait pourtant des résultats aux examens et des profils intéressants pour d’autres filières de l’enseignement supérieur, notamment des cursus longs (master, doctorat).

Un certain nombre d’étudiants s’orientaient d’emblée ou se réorientaient vers des métiers du soin à plus faible niveau de responsabilité, alors qu’ils pouvaient prétendre à des niveaux de qualification supérieurs.

Ce choix résultait probablement en partie d’un sentiment de dévalorisation que l’étudiant pouvait ressentir à la suite de deux échecs. Ainsi, à Nancy, un suivi sur 4 ans des étudiants redoublant la PCEM1 n’ayant pas réussi à intégrer une filière sélective dénombrait 22% des étudiants ayant obtenu un diplôme d’infirmier, 4,7% un diplôme universitaire technologique (DUT) et 6,4% un brevet de technicien supérieur (BTS)29. (Répondants : 298 sur 632). 6,4% avaient réussi à intégrer les études de pharmacie.
Enfin, la PACES induisait une sélection par l’échec, y compris pour les filières sélectives, bien souvent associée à une orientation qui reposait plus sur l’imaginaire que sur la réalité des métiers.

Les études de pharmacie par exemple étaient délaissées par un certain nombre d’étudiants « primants » et considérées « comme solution de repli » par les redoublants, peut-être à cause de l’image du pharmacien « vendeur », qui n’est pourtant pas, et de loin, la seule activité d’un pharmacien.

L’impasse pédagogique

La PACES représente également une impasse pédagogique. Sur le plan qualitatif, il est matériellement impossible, avec 1200 étudiants inscrits en première année à Angers (près de 60 000 au niveau national en 2014- 2015), de dispenser des enseignements de qualité, c’est à dire dans la recherche d’acquisition de compétences plutôt que de transmission des savoirs. Les étudiants de PACES consacrent leur temps à noter « mot pour mot » les explications des enseignants et le travail personnel se résume souvent à de l’apprentissage par coeur. « Les modalités de la sélection, reposant presque exclusivement sur des questionnaires à choix multiples ciblent exclusivement des étudiants capables d’acquérir une grande quantité de connaissances déclaratives.

Les aptitudes au questionnement, au raisonnement, au travail collaboratif sont explicitement découragées. » 30
Par ailleurs, si les notions abordées en PACES ont été élargies, ces dernières années, au-delà du champ bio-pathologique, elles restaient centrées sur des enseignements « mono-disciplinaires » qui pouvaient se rattacher en partie à la santé.
Ces enseignements avaient finalement été constitués comme un agglomérat de compétences fondamentales pour comprendre des notions de santé abordées dans les années supérieures pour les étudiants reçus. Néanmoins, ils ne constituaient pas un ensemble forcément cohérent pour exercer dans le secteur de la santé.

Place des MEM dans l’expérimentation de l’Université d’Angers : PLURIPASS

PLURIPASS est une expérimentation angevine d’accès aux études de santé contingentées (médecine, maïeutique, pharmacie, odontologie, kinésithérapie) autorisée à titre expérimental et pour une durée de six ans par l’article 39 de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 (Annexe n°1 p 145) relative à l’enseignement supérieur et à la recherche.

Cet article permet à la communauté universitaire d’expérimenter pour réformer l’accès aux études contingentées, ce qui était une volonté forte exprimée en juillet 2012 lors des assises de l’enseignement supérieur et qui se traduisit par la proposition 23 (Annexe n°2 p 146) du rapport du professeur Vincent Berger remis le 17 décembre 2012 au président de la République.
PLURIPASS est née d’une réflexion collective entre enseignants et étudiants qui s’étaient fixé pour objectifs :
• d’améliorer la pédagogie par l’approche par compétences, académiques et nonacadémiques, et de diversifier les profils d’étudiants recrutés ;
• d’ouvrir les enseignements sur une approche bio-psycho-sociale des études de santé et non seulement sur une approche purement biomédicale ;
• D’ouvrir les études de santé à l’enseignement international par l’accompagnement des étudiants internationaux ;
• de lutter contre le « gâchis humain » de la PACES, en capitalisant sur les compétences acquises lors des années consacrées à préparer le concours pour déboucher si possible sur un niveau master et en proposant aux étudiants des parcours de réussite au lieu d’une sélection par l’échec.

 Semestre 4

Enfin, lors du semestre 4, les étudiants choisissent spécifiquement une filière, en cohérence avec leur semestre 3, préfigurant leur choix pour la future filière qu’ils intégreront pleinement lors du semestre 5 (soit en Licence 3, en dehors du parcours PLURIPASS). Le semestre 4 est donc l’occasion, pour les étudiants ayant échoué à intégrer les filières contingentées, ou choisissant délibérément une autre orientation, de suivre des enseignements fondamentaux dans ces filières.

 Les autres unités d’enseignement

D’autres unités d’enseignement sont dispensées dans le parcours PLURIPASS.
Elles ont pour objectifs de diversifier les enseignements et compétences enseignées dans PLURIPASS. Pour certaines, elles permettent également aux étudiants de travailler sur des aspects transdisciplinaires et concrets de la santé.

 Conclusions générales

Les Mini Entretiens multiples de l’Université d’Angers doivent être évalués au regard de leurs objectifs initiaux. La place particulière des MEM dans le processus de sélection des étudiants dans les filières de santé reflète ces objectifs.

Il semble que les MEM ont d’abord pour but de créer un « deuxième filtre » de discrimination. Ils interviennent après une première étape de sélection par critères académiques et n’interviennent que pour une petite partie des étudiants.
Dans cette optique, accuser les MEM de ne pas sélectionner des profils différents, ou de ne pas avoir modifié les caractéristiques socio-démographiques des admis, ne peut être recevable. Cette critique devrait plutôt s’adresser au processus global de sélection, mais si elle peut être facile à énoncer, elle est beaucoup plus difficile à confronter aux différentes attentes inhérentes à un tel concours.

Dans ce design, l’utilité des MEM réside surtout dans la valorisation d’étudiants aux compétences humaines au sein d’un petit groupe d’étudiant académiquement compétents. Une deuxième utilité des MEM dans ce contexte est pédagogique. Si l’épreuve ne concerne que peu d’étudiants, le risque (ou la chance) de la subir existe pour tous.

Ce risque entraine un travail spécifique des étudiants à la fois sur les compétences évaluées et sur cette nouvelle docimologie. Cette assertion n’est pas vraie pour tous les étudiants, mais la répartition singulière des notes à la station 2 évaluant le projet personnel et professionnel semble indiquer qu’une part non négligeable des étudiants a effectivement travaillé sérieusement ce domaine. Bien qu’à confirmer, un tel phénomène permettrait la mise en exergue de certaines compétences d’un point de vue pédagogique.

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Table des matières

Introduction
1. Pourquoi sélectionne t’on ?
1.1. La sélection : totem de la confiance ? 
1.2. La sélection, une régulation ? 
1.3. La sélection comme rempart contre le déclassement ?
1.4. La sélection, gage de qualité pédagogique ?
1.5. La création du numerus clausus en fin de première année de médecine
2. De la PACES à PLURIPASS
2.1. Le gâchis humain
2.2. L’impasse pédagogique 
3. Les ambitions de PLURIPASS. 
3.1. Une ambition sur l’orientation 
3.2. Une ambition sur les compétences
Place des MEM dans l’expérimentation de l’Université d’Angers : PLURIPASS
1. Structure de PLURIPASS
1.1. Les 4 semestres
1.2. Les 3 blocs d’enseignement. 
1.3. Les autres unités d’enseignement 
1.4. Processus de sélection et d’orientation.
1.5. Les débouchés de PLURIPASS
2. Les mini-entretiens multiples
2.1. Définition
2.2. Des oraux aux MEM
2.3. Les Mini Entretiens Multiples
3. Matériel et méthode : les premières sessions de MEM à Angers en 2016 
3.1. Les modalités des épreuves 
3.2. Pour les MEM en fin de 2ème semestre (MEM S2) 
3.3. La population concourant aux MEM
3.4. Données et analyses.
Résultats des MEM
1. Population passant les MEM S2 
2. Les résultats des MEM de S2 
2.1. Validité interne des MEM
2.2. Validité externe des MEM
2.3. Équité des MEM 
Analyses multivariées 
Effet des MEM et de Pluripass sur la sélection. 
1. Gain ou perte de places pour la filière médecine. 
2. Devenir des étudiants exclus d’une filière
3. Évolution de la population inscrite en première année
4. Evolution de la population admisse 
5. Risque relatif des populations à être admises
Discussion et conclusions

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