Intoxication aiguë par la Rubigine® en Martinique

La Rubigine®

Composition : La Rubigine®, utilisée comme détachant, était présente dans les années 60 à 70, dans beaucoup de foyers martiniquais, car à cette époque, les linges se faisaient sécher généralement sur des fils ou des clôtures en fils de fer, source de tâche de rouille. Jusqu’en 1994, la composition de ce produit commercialisé sous le nom de Rubigine® TIREL et présenté sous forme liquide en petits flacons à bouchon vert comprenait 10% d’acide fluorhydrique, 10% de bifluorure d’ammoniaque, 1% d’acide oxalique et de l’eau (Tableau 1). Cette composition hautement toxique du fait de la concentration en acide fluorhydrique a été l’origine de nombreux décès dans le cadre d’intoxications aiguës par ingestion volontaire. A la suite d’un arrêté préfectoral du 20/04/1994 [3] dans le cadre d’une politique préventive de santé publique, la composition de la Rubigine® a été modifiée : elle ne contenait alors que 10% de bifluorure d’ammonium, jusqu’en 2006. Depuis, la Rubigine® retrouvée sur le marché des grandes surfaces, ne contient plus de fluorures (Figure 1) ; elle est beaucoup moins toxique, voire même atoxique comparativement aux autres solutions précédentes. Ce produit est en effet actuellement composé d’eau, d’hydroxyde d’ammonium et d’acide oxalique, cette formule ne produisant qu’un effet irritant pour les muqueuses. La prise en charge reste symptomatique et consiste à appliquer un pansement gastrique par voie orale. C’est pourquoi il n’y a plus d’indication à réaliser une fibroscopie digestive haute, car depuis 2006, la Rubigine® ne contient plus de fluorures. Depuis ces modifications de composition, l’incidence de l’intoxication par la Rubigine® a véritablement diminué. Cependant des cas sporadiques peu graves arrivent aux urgences des hôpitaux de l’ile de temps en temps. On estime l’incidence à près de 1 à 4 cas par an. Les derniers cas sévères d’intoxication remontent aux années 2009-2010.

Physiopathologie de l’intoxication aiguë par les fluorures

     L’absorption digestive est excellente (>90%); cette absorption est très rapide pour l’acide fluorhydrique et le bifluorure d’ammonium, elle est retardée pour les fluorures minéraux [11]. Au contact de l’acide chlorhydrique présent dans l’estomac, le bifluorure d’ammonium se dissocie avec formation d’un ion ammonium et 2 molécules d’acide fluorhydrique ce qui en fait une produit aussi voir plus dangereux que l’acide fluorhydrique. L’ion fluor passe facilement les membranes cellulaires par diffusion passive et du fait de son coefficient de perméabilité équivalent à celui de l’eau [10]. La biodisponibilité varie de 75 à 90 % selon les dérivés, et le pic plasmatique est à 1 heure. La distribution se fait essentiellement au niveau osseux, l’ion fluorure se substitue au groupement hydroxyle de l’hydroxyapatite et forme de la fluoroapatite. Le volume de distribution est de 0,5 à 0,7 l/kg et la demi-vie plasmatique de 2 à 9 heures. L’élimination est rapide, 50 % sont excrétés dans les heures qui suivent l’ingestion, essentiellement par voie rénale. Par contact cutané, la pénétration tissulaire est rapide, surtout pour l’acide fluorhydrique. Elle se fait par les follicules pileux ou par voie sanguine et se retrouve rapidement dans les couches sous-cutanées [12, 13]. Différents mécanismes d’action interviennent dans la toxicité des fluorures : la causticité, l’affinité pour les ions calcium et magnésium, l’inhibition des métallo-enzymes. Les fluorures sont des caustiques forts, mais à la différence des autres acides forts qui provoquent une nécrose avec coagulation en dénaturant les protéines, les fluorures créent une nécrose avec liquéfaction [14]. Cette action caustique immédiate est associée à une action retardée : la destruction cellulaire secondaire serait due à la fibrose des pédicules vasculo-nerveux ; la dégénérescence du tissu conjonctif péri vasculaire et péri nerveux formerait une gaine entraînant une ischémie en aval et des excitations douloureuses. Les fluorures ont la propriété de chélater les ions calcium et magnésium en formant des sels insolubles. De plus, l’ion fluorure se substitue au groupement hydroxyle de l’hydroxyapatite en formant de la fluoroapatite. Ces deux propriétés seraient responsables de l’hypocalcémie Différents effets sont rattachés à l’hypocalcémie : les troubles de la coagulation, les troubles cardiaques. [10] Les fluorures inhibent de nombreuses métallo-enzymes donc différentes chaînes métaboliques: le métabolisme des glucides, la chaîne respiratoire cellulaire, le cycle de Krebs, la glycolyse anaérobie, le métabolisme cellulaire. Ces inhibitions enzymatiques permettent d’expliquer certaines manifestations cliniques : les signes neuromusculaires, les troubles cardiaques, l’acidose métabolique lactique, la nécrose et la mort cellulaire.

Caractéristiques pronostiques biologiques

    Les différentes études montrent que l’hypocalcémie est la conséquence biologique la plus fréquente dans ce type d’intoxication [30, 31]. L’hyperkaliémie est aussi un trouble fréquemment retrouvé dans les intoxications graves aux fluorures [10,27, 32, 33]. Dans notre étude, un seul patient avait présenté une hyperkaliémie à 6 mmol/l. L’acidose constitue aussi un facteur pronostique. Il s’agissait d’une acidose métabolique et lactique. Les taux de lactates sont en moyenne de 15mmol/l chez les patients décédés. En effet, il existe un lien significatif entre la présence d’un syndrome inflammatoire biologique, d’une atteinte hépatique et d’une thrombopénie avec la survenue d’un décès. Ces complications biologiques constituaient des critères de mauvais pronostiques chez les patients intoxiqués par la Rubigine®.

Prise en charge hospitalière

    L’intoxication par acide fluorhydrique est une urgence thérapeutique, sa prise en charge est multidisciplinaire et fait intervenir les médecins urgentistes, régulateurs, toxicologues réanimateurs, gastroentérologues ainsi que les chirurgiens cardiaques. Les patients doivent être orientés vers un centre de référence dotée de compétences. La première mesure consiste à corriger les troubles métaboliques, à supplémenter les ions et à contrôler régulièrement l’ECG et le bilan biologique notamment la calcémie corrigée et la fluorémie[20]. Ce bilan biologique doit être répété toutes les 4h, ainsi que l’ECG. Une consultation psychiatrique doit être réalisée avant la sortie du service.

Perspectives d’avenir et problèmes à résoudre

    Il apparait nécessaire de mener une campagne pour sensibiliser les gens à se débarrasser des anciennes formes de la Rubigine®. Il est vrai que notre situation géographique ne favorise pas l’éradication des produits caustiques dangereux pour la santé de l’homme. Certains de ces produits sont en vente libre dans les îles avoisinantes (Sainte Lucie, et La Dominique). L’adhésion de la Martinique à l’Organisation des Etats de la Caraïbe Orientale (OECO), depuis 2015, devrait favoriser la libre circulation de certains produits commerciaux, mais il est un peu tôt pour savoir si cela aurait un impact sur l’arrivée de certains produits interdits en Martinique. Dans le cadre de la coopération inter-régionale, il serait intéressant de travailler ensemble sur les problématiques communes dont la Rubigine® fait partie.

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Table des matières

I. PREMIERE PARTIE : GENERALITES 
a. Introduction
b. La Martinique
c. La Rubigine®
1.Composition
2.Définition de l’assistance circulatoire
3.Caractéristiques chimiques 
– Acide fluorhydrique
– Bifluorure d’ammonium
– Acide Oxalique
d. Physiopathologie de l’intoxication par les fluorures
– L’intoxication systémique
e. Analyse toxicologique
f. Prise en charge
1. Prise en charge pré hospitalière
2. Prise en charge hospitalière 
g. Traitement
1. Traitement symptomatique
2. Traitement spécifique/ antidote 
II. DEUXIEME PARTIE : ETUDE 
a. Objectifs de l’étude
b. Matériel et méthode
1. Type de l’étude et population étudiée
2. Analyse statistique
c. Résultats
1.Caractéristiques épidémiologiques et démographiques 
 L’âge des patients
 Flow chart
 Prévalence des intoxications aiguës par la Rubigine®
 Intoxication aiguë par la Rubigine® et décès
2.Caractéristiques cliniques
3.Caractéristiques biologiques
4.Analyse univariée des facteurs prédictifs de décès
5.Description des patients traités par ECMO
 Cas cliniques
d. Discussion
1.Données sociodémographiques et épidémiologiques
2.Facteurs pronostiques de survie
 Profil démographique
 Atteinte digestive
 Atteinte cardiaque
 Caractéristiques pronostiques biologiques
 Dose supposée ingérée
 Facteurs de mauvais pronostique dans les intoxications aiguës par la Rubigine®
3.Prise en charge des intoxications aiguës par les fluorures
 Prise en charge pré hospitalière
 Prise en charge hospitalière
 Correction des troubles ioniques
 Prise en charge des troubles du rythme
 Place de l’endoscopie digestive précoce
 Place de l’épuration extra rénale
 Place de l’assistance circulatoire
e. Perspectives d’avenir et problèmes à résoudre
f. Limites de l’étude
g. Conclusion
Références

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