Interfaces grains/fluide dans les suspensions non-Browniennes

Sédimentation et ségrégation

   Dû à un contraste de densité entre les grains et le fluide, des effets de sédimentation et de ségrégation peuvent apparaître. Ces effets viennent modifier localement la fraction de grains de la suspension et rendent donc cette dernière inhomogène. La sédimentation est simplement induite par la gravité. La vitesse de sédimentation résulte de l’équilibre entre le poids effectif des grains et le frottement visqueux avec le fluide auquel s’ajoutent l’encombrement et la modification de l’écoulement dus aux autres particules [88]. Dans le cas des particules non-Browniennes sphériques, la vitesse de sédimentation est obtenue par l’équation empirique de Richardson–Zaki (Eq. 3.3). Lors d’écoulement de suspensions, la différence de densité peut également provoquer une migration des particules [95, 96], ce qui aboutit à leur ségrégation, c’est à dire à des zones plus ou moins denses en grains.

Forces hydrodynamiques et forces de contact

   Considérons maintenant le cas des suspensions non-Browniennes et monodisperses de sphères dures de même densité que le fluide. Il s’agit du cas le plus simple existant, puisque les forces détaillées précédemment sont nulles ou négligeables. C’est celui dans lequel se place notre étude. Restent alors en présence les forces véhiculées par le fluide et celles de contact :
– Dans une suspension, la présence d’un grain modifie l’écoulement du fluide autour qui influence à son tour le mouvement d’une autre particule. C’est le principe de l’interaction hydrodynamique. Cette interaction entre particules est indirecte puisque véhiculée par le fluide en écoulement. Elle est donc susceptible d’avoir une influence sur le mouvement des particules et leur répartition comme nous le verrons pour la migration de particules induite par cisaillement.
– Lorsque la fraction de grains devient élevée et avant le contact solide entre grains, il est possible d’avoir un régime dit de lubrification avec des forces concentrées sur les zones de plus forte approche entre les particules. Si la distance inter-particule devient comparable à la rugosité des surfaces, les grains rentrent en contact et ces forces de lubrification laissent la place à des forces de frottement solide [76].
– Des forces de frottement solide entre les grains apparaissent lorsque les particules restent suffisamment longtemps en contact l’une de l’autre, formant alors un réseau de contacts solides. Ce type de forces n’apparaît que pour les fractions de grains φ élevées (pour des sphères monodisperses typiquement vers 55%). Elles sont responsables de phénomènes de blocage et de seuil d’écoulement. Les figures 1.1(a) et 1.1(b) représentent deux cas possibles de distributions de particules. Un réseau de contacts entre grains apparaît si la suspension est suffisamment dense en grains et sous certaines conditions (faibles cisaillements).

Migration de particules induite par cisaillement

   La migration induite par cisaillement est un phénomène résultant de la structure diphasique du milieu. Elle est la conséquence d’interactions irréversibles entre particules. Elle apparaît quand il existe des champs de contrainte ou de cisaillement inhomogènes et tend à faire diffuser les particules dans les zones de faibles cisaillements. La première mise en évidence expérimentale d’un phénomène de migration de particules par cisaillement est due à Gadala-Maria et Acrivos en 1980 [37]. Ces derniers ont ainsi observé la décroissance permanente de viscosité d’une suspension concentrée dans un rhéomètre de Couette. Plus tard, en 1987, Leighton et Acrivos [2, 61, 62] ont montré avec de nouvelles expériences que cette décroissance était due à la migration des particules de l’entrefer vers le réservoir situé en dessous et qui se trouvait donc à un taux de cisaillement beaucoup plus faible. Les auteurs [62] expliquent ainsi ce phénomène par une fréquence d’interaction entre particules et une viscosité effective toutes les deux variables spatialement. Le phénomène de migration de particules due au cisaillement a été, depuis, mis en évidence dans de nombreuses études expérimentales : écoulements de Couette [1, 84], écoulements de Poiseuille en conduite circulaire [6, 43, 44] ou rectangulaire (i.e. cellule de Hele-Shaw) [53, 72], autres géométries [5, 23].

Mode de sélection de la largeur relative

   Les études de sélection et de stabilité du doigt de Saffman–Taylor prenant en compte la tension de surface ont d’abord été numériques. En 1980, McLean et Saffman [75] ont ainsi calculé numériquement la dépendance de λ en fonction de 1/B et ont pu reproduire la limite 0.5 pour des 1/B élevés. Ce résultat montrait donc que la sélection des doigts est induite par la tension de surface. Cependant, ce n’est seulement qu’en 1986 que trois groupes : Combescot et al. [25], Hong et Langer [48] et Shraiman [97] ont effectué simultanément une démonstration analytique de la sélection de la largeur des doigts de Saffman–Taylor. Leur travaux montrent que la tension de surface représente une perturbation singulière du problème et introduit ainsi (bien que les forces capillaires soient très faibles devant les forces visqueuses à vitesse élevée) une condition supplémentaire à la pointe des doigts. Pour une valeur donnée du paramètre de contrôle 1/B, seule une famille de solutions discrètes λn provenant du continuum de Saffman et Taylor vérifie cette condition. Quelle que soit la famille de solutions, λn tend toujours vers 0.5 lorsque 1/B devient grand.

Écoulements diphasiques dans les milieux poreux

   Les écoulements diphasiques dans les milieux poreux sont très souvent décrits par des lois macroscopiques [32, 42]. L’approche classique consiste à considérer les fractions volumiques de chaque fluide en présence et à écrire une équation de Darcy pour chacune des deux phases en introduisant des perméabilités relatives. Cependant, quand les forces capillaires (i.e. le saut de pression à l’interface) deviennent importantes par rapport aux forces visqueuses et aux forces de gravité, ces lois ne sont pas capables de rendre compte des phénomènes observés [68]. À ce stade, il faut donc arriver à mieux décrire ce qui se passe au niveau microscopique, c’est à dire à prendre en considération le caractère fortement hétérogène du milieu. Il existe un certain nombre d’études à la fois expérimentales [36, 67, 68, 71] et numériques [3, 67, 71] portant sur ce problème. La plupart de ces études considère des milieux poreux modèles à deux dimensions constitués de pores et de canaux. L’hétérogénéité est modélisée en introduisant une variabilité dans la taille de ces derniers. Au niveau expérimental, il peut ainsi s’agir de micro-canaux moulés dans de la résine [67] ou gravés dans le verre [36] ou bien également de billes prises en sandwich et bloquées entre 2 plaques de verre [71]. Soulignons pour finir qu’il existe des modèles statistiques rendant compte des propriétés observées [67]. Un milieu poreux à 2 dimensions est initialement rempli d’un fluide 1  puis un fluide 2  est injecté par un des cotés. Les caractéristiques principales de ces fluides sont leurs viscosités, η1 et η2, et leur tension de surface γ.

Caractéristiques des grains et du fluide pur

Grains Les grains utilisés sont des billes de polystyrène « Dynoseed » fabriquées par une société Norvégienne, Microbeads. Leur densité est d’environ 1050 kg m−3 . Nous avons utilisé différents diamètres : 20, 40, 80 et 140 µm. Le procédé de fabrication garantit l’obtention de grains bien sphériques et de milieux très majoritairement monodisperses. Cependant,comme il est possible d’avoir des grains intrus de taille double, nous avons filtré nos particules avec un tamis de taille légèrement supérieure à leur diamètre. La photographie de la figure 3.1 permet de se rendre compte de la sphéricité des particules. Nous avons également effectué la granulométrie de nos poudres tamisées par une technique de granulométrie LASER [4] à l’aide d’un appareil de marque Horiba. Cette dernière est en figure 3.2 et permet de vérifier la bonne monodispersité de nos particules. Fluides Les huiles de silicone (huiles polydiméthylsiloxaniques) sont classiquement utilisées en cellule de Hele-Shaw pour étudier l’instabilité de Saffman–Taylor car elles présentent de nombreux avantages : elles mouillent correctement les plaques de verre, elles existent dans une grande gamme de viscosité et sont miscibles entre elles et, enfin, leur viscosité est relativement indépendante de la température. Leur densité est cependant inférieure à 1000 kg m−3 et il n’est donc pas possible de les utiliser avec les grains de polystyrène de densité 1050 kg m−3 en vue d’obtenir une suspension isodense. Nous avons essayé plusieurs couple grains+fluides pour obtenir une suspension isodense. La qualité des billes de polystyrène nous ayant rapidement convaincus, il restait à trouver le fluide adéquat. La solution la plus simple aurait été de réaliser une suspension isodense avec de l’eau salée. Cependant l’eau ne mouille pas bien les plaques de verre et cela perturbe nettement les doigts. L’ajout de tensio-actifs permet à l’eau de mieux mouiller les plaques mais cela entraîne une modification de la tension de surface qui est très loin d’être simple (e.g. micelles portées à l’interface) et surtout non-uniforme. En particulier, pour l’instabilité de Saffman–Taylor, où la tension de surface est déterminante, l’ajout de tensio-actifs modifie le comportement de l’instabilité et le mode de sélection de la largeur des doigts [14, 21]. La solution retenue a finalement été d’utiliser des huiles de silicone modifiées. Nous en avons retenues deux :
– l’huile silicone phénylée Dow Corning 704 et
– l’huile silicone polyétherée Shin Etsu KF-6011, dont les caractéristiques « constructeur » sont mentionnées tableau 3.12 . Elles présentent l’intérêt d’avoir une densité plus importante que les huiles de silicone classiques tout en conservant une bonne mouillabilité des plaques de verre. Cependant elles ne sont pas bien miscibles à d’autres fluides et surtout elles ont des viscosités qui dépendent notablement de la température

Mesure de l’écart-type moyen

   Pour obtenir une mesure plus objective du seuil de déstabilisation, nous nous sommes intéressés aux écarts-types de largeur relative de doigt. Pour chaque image de doigt, le programme de traitement de données (voir sous-partie 3.2.2) permet en effet d’extraire le profil de largeur relative : la figure 3.26(a) présente le profil d’un doigt typique et la figure 3.26(b) la largeur relative qui en est déduite le long du doigt. Le programme calcule ensuite la moyenne, que nous noterons simplement λ, et l’écart-type δλ, en ne considérant que les largeurs suffisamment loin de la tête (typiquement au delà de 2 cm). La figure 3.27 représente l’écart-type moyen de la largeur relative en fonction de la vitesse dans une géométrie de cellule donnée pour différentes fractions de grains. Cet écart-type moyen est simplement calculé en moyennant les écarts-types pour des doigts ayant une vitesse comparable.

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Table des matières

Introduction
1 Généralités 
1.1 Caractérisation des suspensions granulaires 
1.1.1 Propriétés des suspensions granulaires
1.1.2 Étude du comportement des suspensions non-Browniennes
1.1.3 Structuration des écoulements
1.2 Cellule de Hele-Shaw et instabilité de Saffman–Taylor 
1.2.1 Cellule de Hele-Shaw
1.2.2 Équations du mouvement
1.2.3 Analyse de stabilité linéaire
1.2.4 Évolution non-linéaire
1.2.5 Déstabilisation des doigts
1.2.6 Effets tridimensionnels
1.3 Milieux poreux 
1.3.1 Caractérisation des milieux poreux
1.3.2 Écoulement dans les milieux poreux saturés
1.3.3 Modèles de perméabilité
1.3.4 Écoulements diphasiques dans les milieux poreux
1.3.5 Drainage, phénomènes de digitation
1.4 En résumé
2 Effets d’inertie dans la digitation de Saffman–Taylor 
2.1 Introduction des effets d’inertie
2.1.1 Petit historique
2.1.2 Corrections de la loi de Darcy dues à l’inertie
2.2 Dispositif expérimental 
2.3 Loi de Darcy 
2.4 Largeur des doigts 
2.4.1 Paramètre de contrôle classique 1/B
2.4.2 Nombre de Reynolds modifié Re∗
2.4.3 Nombre de Weber modifié We∗
2.4.4 Extension à une nouvelle courbe maîtresse
2.5 Quelques éléments théoriques 
2.5.1 Profil des doigts
2.5.2 Perturbation de la loi de Darcy
2.5.3 Simulations numériques et comparaison
2.6 Conclusion
3 Digitation dans les suspensions granulaires 
3.1 Caractérisation des suspensions
3.1.1 Caractéristiques des grains et du fluide pur
3.1.2 Caractéristiques des suspensions
3.2 Protocole expérimental 
3.2.1 Dispositif expérimental
3.2.2 Traitement des données
3.3 Écoulement et loi de Darcy 
3.3.1 Résultats expérimentaux
3.3.2 Migration de particules induites par cisaillement
3.3.3 Modèle simple
3.3.4 Modèle de diffusion de particules
3.4 Motifs et stabilité
3.4.1 Motifs observés
3.4.2 Transitions
3.4.3 Interprétation
3.4.4 Comparaison du modèle aux résultats expérimentaux
3.5 Largeur relative des doigts stables 
3.5.1 Traitement des données
3.5.2 Analyse des courbes de Saffman–Taylor
3.6 Vers de plus fortes fractions de grains
3.7 Conclusion
4 Déstabilisation d’un milieu granulaire immergé 
4.1 Protocole expérimental 
4.1.1 Préparation du milieu
4.1.2 Dispositif expérimental
4.2 Déroulement typique d’une expérience
4.3 Traitement des données 
4.3.1 Traitement typique d’une image
4.3.2 Mesures effectuées
4.4 Temps d’attente et décompaction du milieu
4.4.1 Modèle théorique de décompaction
4.4.2 Obtention des paramètres du modèle
4.4.3 Mesures expérimentales et comparaison au modèle
4.5 Mobilisation du milieu et phénomène de digitation
4.5.1 Évolution de la compaction
4.5.2 Écoulement du fluide effectif
4.5.3 Modèles d’écoulement
4.5.4 Évolution conjointe de la mobilité et de la compaction
4.5.5 Largeur des structures observées
4.6 Conclusion 
5 Injection d’air dans un milieu poreux réorganisable 
5.1 Protocole expérimental 
5.1.1 Préparation du milieu
5.1.2 Configurations expérimentales
5.2 Motifs observés, vue large
5.2.1 Cas des milieux non-décompactés
5.2.2 Évolution des motifs dans les milieux décompactés
5.3 Phénomènes locaux, vue rapprochée 
5.3.1 Techniques de corrélation d’images
5.3.2 Étude du cas non-décompacté
5.3.3 Structures fines et recompaction locale
5.3.4 Structures larges et écoulement du milieu
5.4 Conclusion 
Conclusion
Bibliographie

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