Intérêts supposés de la mise en place de cette démarche au sein de la classe 

Apports théoriques

La recherche apporte de multiples bilans concernant le tutorat chez les jeunes enfants, tant positifs que négatifs. Commençons en premier lieu par définir ce qu’est le tutorat. Christine Berzin, maître de conférence à l’Université de Picardie Jules Verne, spécialiste en psychologie des apprentissages, défini le tutorat comme « l’ensemble des moyens mis en œuvre par un adulte ou « un spécialiste » pour venir en aide à quelqu’un de moins adulte ou spécialiste que lui ».

Le développement de l’enfant

Les élèves de la classe sont tous dans la tranche d’âge se situant entre trois et cinq ans.
Selon Jean Piaget et ses travaux de psychologie du développement, dans cette tranche d’âge, l’enfant est dans un stade pré-opératoire, il entre dans l’accès à la fonction sémiotique ainsi que dans la pensée intuitive : cela se traduit par un attrait de l’enfant pour les jeux symboliques avec un développement de la représentation, des images mentales, une imitation différée (des pairs, des adultes,… traduite notamment par le jeu symbolique de type jeux du « papa et de la maman », du coiffeur, du marchand,…). L’enfant a une pensée égocentrique et est dans le syncrétisme, c’est-à dire qu’il demeure dans une appréhension globale, indifférenciée, du monde extérieur et de ses relations avec lui.
De même, le psychologue Henri Wallon considère qu’à partir de trois ans, l’enfant entre dans le stade de personnalisme (Académie d’Orléans Tours, s.d.). Celui-ci entre dans une phase d’opposition, d’indépendance, et s’exprime par le « moi » et par le « je » et « mien ». Il considère, contrairement à Piaget, que l’affectivité est plus forte que la pensée syncrétique de l’enfant, pré-catégorielle. C’est une période durant laquelle l’enfant est dans l’imitation etl’admiration jalouse des autres.
Si l’on mêle et synthétise les différents travaux de ces deux psychologues, il apparaît que l’enfant, entre 2 et 5 ans, est dans l’imitation, la volonté d’indépendance (de réussir, de faire par lui-même, « comme celui qui y arrive »), mais demeure narcissique et dans une pensée égocentrique. Il est important d’avoir ces éléments à l’esprit, d’avoir une meilleure idée des pensées, attentes et ressentis des enfants de cet âge pour mettre en place le tutorat entre élèves de la bonne façon, afin que cela se passe dans de bonnes conditions et pour obtenir les meilleurs résultats possibles.

Intérêts du tutorat chez les jeunes enfants

Il existe nombre d’articles de recherche qui vantent les mérites du fonctionnement en tutorat à l’école (motivation, entraide, amélioration des résultats) mais le nombre devient plus limité lorsqu’il s’agit de la mise en place du tutorat chez les jeunes enfants.
Pourtant, certains chercheurs comme Christine Berzin y sont favorables. Dans son article « Interactions entre pairs et apprentissages à l’école maternelle » paru dans la revue Spirale en 2005, elle fait mention de nombreux arguments en faveur de sa mise en place, bien qu’émettant quelques limites à ce fonctionnement.
Ses recherches montrent que sur des sujets ayant résolu une tâche en binôme, on constate une progression plus importante sur le plan cognitif que sur les sujets ayant résolu la tâche seul. Elle démontre l’intérêt de cette organisation du travail pour le tutoré, mais également pour l’élève tuteur, qui va lui aussi progresser sur le plan cognitif.
En effet, l’élève tuteur va devoir faire intervenir d’autres mécanismes que ceux qu’il utiliserait entemps normal, lorsqu’il va devoir réfléchir à ses propres actions en vue de réaliser la tâche demandée, afin de faire comprendre à son tutoré comment réaliser la tâche. C. Berzin insiste néanmoins sur le réel risque de difficulté pour l’élève tuteur, car il doit « reconstruire sur le plan logico-verbal la logique de résolution de la tâche » afin de l’expliciter à son tutoré .Il est donc primordial en amont d’informer l’élève tuteur de son rôle auprès de son tutoré, et de lui faire comprendre qu’il ne s’agit pas uniquement de « faire à sa place » en vue de la réussite collective, mais de l’aider en vue de sa réussite personnelle.
De plus, C. Berzin nous informe que, dans la mesure où le tuteur aurait des difficultés à verbaliser les moyens de résolution de la tâche, d’autres mécanismes sociocognitifs d’acquisition intéressants entrent en jeu pour le tutoré, comme par exemple le mécanisme d’imitation, qui dépasse l’idée d’imprégnation passive et inutile. Les élèves ont besoin d’imiter, et imiter un élève qui résout un problème est un premier pas vers la résolution de celui-ci par ses propres moyens.
Claude St Marc, dans la Revue Française de Pédagogie (1992) s’est intéressé aux travaux de F. Winnykamen, spécialiste en psychologie du développement et de l’éducation de l’enfant. De la même manière, il en ressort que l’apprentissage socio-cognitif par observation est très riche, car il est source de renforcements sociaux et de motivation. La fonction de communication qui entre en jeu dans l’imitation va doubler la fonction d’acquisition intellectuelle et sociale.
En revanche, il est à noter que, selon C. Berzin (2005), la mise en place du tutorat auprès des jeunes enfants doit rester un moyen au service des apprentissages, et ne doit pas être mis en place dans la seule optique de socialisation. Malgré les ressources que le langage apporte dans le tutorat, celui-ci ne doit pas être une fin en soi.

Les limites rencontrées par un tel dispositif chez les jeunes enfants

Les limites exposées par les chercheurs ayant travaillé sur cette thématique sont avant tout attendues chez l’élève tuteur. En effet, comme dit précédemment, C. Berzin craint que ladifficulté pour le tuteur de se décentrer de la tâche, de la comprendre et de la reconstruire sur leplan logico-verbal pour la rendre intelligible pour l’élève tutoré soit trop complexe pour de nombreux jeunes élèves. Cela risquerait de plus de leur donner un sentiment d’échec, ce qui serait contraire au but envisagé. L’élève tuteur ne doit à aucun moment se sentir en position d’échec, de faiblesse, ou d’incapacité à réaliser ce qu’on lui demande, de même que l’élèvetutoré.
Alain Baudrit, enseignant chercheur à l’Université de Bordeaux, a écrit de nombreux ouvrages en faveur de la mise en place du tutorat dans l’enseignement. En revanche, il n’est pas en faveur de sa mise en place au sein d’un public de jeunes enfants . Il met en lumière que les jeunes tuteurs ne sont pas capables d’aider leurs pairs, malgré la capacité supérieure à celle des adultes, à repérer et à décoder les comportements non verbaux de l’enfant tutoré. Le jeune tuteur sera plus à même de comprendre l’élève tutoré, mais difficilement à même de l’aider à réaliser la tâche, d’une part à cause de la limitation langagière, d’autre part du fait de son jeune âge.
Il mentionne également un risque de surcharge cognitive important, toujours pour l’élève tuteur.
Comme le mentionnait C. Berzin, l’élève doit se décentrer de la tâche, comprendre les mécanismes de résolution du problème afin de les expliciter à son tutoré. Outre la difficulté langagière, il y a donc bien un risque important de surcharge cognitive chez le jeune enfant, même s’il est habituellement en situation de réussite sur la tâche demandée.

Expérimentation

Elaboration d’un dispositif

A la lumière de ces apports théoriques, j’ai pu me lancer dans l’élaboration de ce projet de tutorat au sein de la classe. Celui-ci se déroule en plusieurs étapes, nécessaires au bon déroulement de l’expérimentation.
En premier lieu, il est nécessaire de faire passer aux élèves une évaluation diagnostique.
Cette évaluation sera nécessaire pour pouvoir mesurer exactement le niveau des élèves dans le domaine « construire les premiers outils pour structurer sa pensée », et plus particulièrement dans le sous domaine « découvrir les nombres et leur utilisation ». Ils ont déjà bien entendu été plusieurs fois évalués sur le dénombrement, mais pour ce travail, il est nécessaire que je connaisse exactement le niveau des élèves avant de commencer la phase d’expérimentation.
Cela sera nécessaire pour pouvoir comparer les résultats à l’issue de l’expérimentation.
L’évaluation que j’ai choisie de faire passer aux élèves est inspirée de celle qui se trouve dans le Accès – Vers les Maths – MS, car elle semble pertinente et correspondre aux besoins d’évaluation. En effet, plusieurs demandes sont formulées à l’élève, qui ne sait évidemment pas qu’il est évalué : tout d’abord, de « compter le plus loin qu’il peut », afin d’évaluer sa connaissance de la comptine numérique, et ainsi d’asseoir ou non le principe de suite stable chez l’élève (les 5 principes de Gelman ; 1983 ). Plusieurs critères d’évaluation sont proposés :
 Enonce spontanément une suite de nombre conventionnelle (noter jusqu’où) puis s’arrête.
 Enonce spontanément une suite de nombre conventionnelle (noter jusqu’où) puis continue.
 Enonce spontanément une suite de nombre non conventionnelle.
Ensuite, il s’agit de faire dénombrer à l’élève une quantité déplaçable d’objets (par exemple, des petites voitures). Il est recommandé dans le Accès d’adapter le nombre d’objets au niveau de connaissance de la suite de nombre de l’élève. Les critères d’évaluation sont les suivants :
Lorsque les étapes précédentes auront été réalisées, il sera ensuite temps de débuter les activités tutorées. Comme dit précédemment, j’ai fait le choix de mettre en place des jeux coopératifs, notamment pour deux raisons. La première, c’est que cela limite les risques que l’élève tuteur veuille faire à la place de l’élève tutoré : chaque joueur joue lorsque vient son tour, tous les joueurs évoluant vers un même but.
Cela favorise également l’entraide, car si on aide son partenaire, on progresse vers la victoire ou la fin de la tâche.
La seconde raison est que ces jeux sont, d’une manière ou d’une autre, propices à l’imitation.
Cela est tout d’abord bénéfique en soi, comme on l’a vu précédemment, mais également parce que cela diminue l’importance des échanges langagiers, qui peuvent être une barrière tant pourle tuteur que pour le tutoré.
Le premier jeu proposé est une sorte de jeu de l’oie géant, en salle de motricité, sans aucune case spéciale. Les binômes ont chacun une ligne de cerceaux servant de cases. Le tuteur dispose d’un gros dé, et le tutoré se déplacera sur les cerceaux. Le but est que chaque binôme arrive au bout du chemin des cerceaux, en se déplaçant à chaque fois du nombre de case indiqué par le dé. Le tuteur lance le dé, et dit au tutoré le nombre de cases sur lesquelles il doit se déplacer. Le nombre est bien entendu compris en 1 et 6. Le tuteur veille à ce que le tutoré avance du bon nombre de cases.
J’avais, dans un premier temps, envisagé de faire s’affronter les différents binômes afin de donner plus d’attrait au jeu, mais, souhaitant éviter toute tentation de tricher, j’ai craint que certains tuteurs laissent leurs tutorés commettre des erreurs dans le nombre de cases qu’ils franchissent, afin d’arriver plus rapidement au bout. Le fait que le but ne soit que d’arriver jusqu’au bout sans se tromper, cela enlève la tentation de la vitesse, qui pourrait également
pousser à commettre des erreurs involontaires, tant de la part du tuteur que du tutoré. Dans un second temps, tutoré et tuteur peuvent échanger leurs rôles, car ils font intervenir différentes compétences concernant les nombres et leur utilisation.
Cette activité permet au tuteur comme au tutoré de travailler ces compétences du programme de 2015 de la maternelle :
– « Évaluer et comparer des collections d’objets avec des procédures numériques ou non numériques ».
– « Utiliser le nombre pour exprimer la position d’un objet ou d’une personne dans un jeu, dans une situation organisée, sur un rang ou pour comparer des positions ».
– « Mobiliser des symboles analogiques, verbaux ou écrits, conventionnels ou non conventionnels pour communiquer des informations orales et écrites sur une quantité ».
La seconde activité proposée est le jeu du marchand. Cette activité se fait en petit groupe d’environ 6 élèves. Les tuteurs sont les clients, et les tutorés sont les vendeurs. Dans le magasin, il y a plusieurs objets en grande quantité (feutres, figurines d’animaux, livres, cubes, légos,…). Devant les tuteurs, une pile de cartes faces contre la table. Les tuteurs tirent tour à tour une carte, qui mentionne une quantité (sous forme de collection pour éviter les erreurs). Chaque client demande à son vendeur la quantité de l’objet qu’il a choisi. Par exemple, le tuteur tire la carte « 4 », et demande « je voudrais quatre crayons s’il te plait ». Le tutoré doitaller les chercher, et ils vérifient ensemble que la quantité correspond à la commande.
La compétence travaillée durant cette activité est « Réaliser une collection dont le cardinal est donné. Utiliser le dénombrement pour comparer deux quantités, pour constituer une collection d’une taille donnée ou pour réaliser une collection de quantité égale à la collection proposée. » (B.O. spécial n°2 du 26 mars 2016).
La troisième activité s’intitule « le jeu de la pizza » (figure 1). Sous format papier, une pizza ronde est vierge d’aliment. Il y a plusieurs cartes « commandes », avec les ingrédients souhaités et leur quantité, exprimée de différentes manières (numérique, avec les doigts de la main, avec la constellation du dé…).
Les élèves, tuteur et tutoré, font équipe afin que la commande de la pizza soit honorée.
J’ai choisi pour cette activité (qui est dans un premier temps dirigée, puis autonome) de laisser tuteur et tutoré s’organiser comme ils le souhaitent (un ingrédient chacun, le tutoré fait et letuteur surveille,…)
De la même manière que précédemment, le tuteur guide le tutoré s’il en a besoin. Il vérifie avec lui qu’il a bien reconnu/compté la constellation de la carte, puis qu’il a pris le bon nombre de pierres.
Cette activité se fera, dans un premier temps de manière dirigée, avec moi, puis elle sera laissée à disposition des élèves qui souhaiteraient y jouer en autonomie, de la même manièreque le jeu de la pizza.
La compétence mobilisée pour cette activité est « Réaliser une collection dont le cardinal est donné. Utiliser le dénombrement pour comparer deux quantités, pour constituer une collection d’une taille donnée ou pour réaliser une collection de quantité égale à la collection proposée » (B.O. spécial n°2 du 26 mars 2016).
Pour terminer, les élèves seront soumis à une évaluation sommative, strictement identique à l’évaluation diagnostique. Si l’on veut pouvoir comparer les résultats ainsi que rendre compte des éventuels progrès, il est nécessaire que ces deux évaluations soit similaires.
Sinon, il serait impossible de déterminer si ce sont les modalités de l’évaluation qui ont été favorables ou défavorables, ou si c’est l’élève qui a, ou n’a pas progressé.

Réalisation de l’expérience

L’expérimentation a pu se dérouler durant le mois de mars, au cours de mes trois semaines de stage. Si nécessaire, elle pourra éventuellement se poursuivre au cours de la période suivante.

Évaluations diagnostiques

J’ai commencé par faire passer chacun des élèves de moyenne section individuellement afin d’évaluer son niveau en matière de dénombrement. Au niveau des progressions prévues pour cette période, les élèves devraient savoir dénombrer jusqu’à 8 éléments à la fin de celle-ci.
Certains élèves y sont donc, d’autres, pas encore. En figure 3, deux des fiches d’évaluations que j’ai remplies lorsque je m’entretenais avec les élèves.
Cela s’est correctement déroulé. Si l’élève connaissait la comptine numérique au-delà de 8, je lui proposais ensuite 8 objets à dénombrer. S’il échouait, j’en proposais moins pour voir jusqu’où il était à l’aise. La petite Inès, par exemple, en figure 3, se trompait si elle devait dénombrer plus de 6 objets. J’ai donc noté 6.
Étonnamment, il n’y a eu de différence chez aucun des élèves lorsqu’il s’agissait de passer du dénombrement d’objets déplaçables à celui d’objets non déplaçables. J’ai très vite compris que cela se justifiait par le fait que, objets déplaçables ou non, les élèves ne faisaient que poser leur doigt sur l’objet, sans jamais organiser le dénombrement en séparant les objets comptés et ceux restants à compter. C’est donc une séance qu’il sera nécessaire de mener, pour leur faciliter le dénombrement d’objets déplaçables.
En revanche, il y a eu un relatif équilibre entre les élèves qui énonçaient la suite conventionnelle de la comptine numérique, puis continuaient, et ceux qui s’arrêtaient. La majorité s’arrêtait tout de même. Aucun élève n’a énoncé spontanément de suite non conventionnelle.
L’élève le plus en difficulté, Dylan, n’a énoncé la comptine numérique et dénombré que jusqu’à 2.

Tri des résultats et constitution de binômes

A l’issue de ces évaluations, j’ai utilisé les fiches pour constituer les binômes de tutorat.
Evidemment, j’ai choisi de mettre Alexis et Dylan ensemble, Alexis ayant un niveau suffisant pour tenir le rôle de tuteur et ayant, à priori, besoin d’un rôle de ce type pour entrer dans une activité, et Dylan ayant besoin d’être aidé par un camarade dont il est proche affectivement.
J’ai ainsi placé chacun de mes élèves de moyenne section en binôme, en commençant par les élèves les plus en difficulté, bien que certains élèves au sein d’un même binôme soient de niveaux assez proches, étant donné l’effectif. Il y a également eu un trinôme (pour des élèves sans retard majeur), dont le tuteur faisait les activités en alternance avec l’un ou l’autre de ses tutorés.
Je n’ai pas eu au cours de l’expérimentation à modifier les binômes, ceux -ci ont semblé bien fonctionner tout au long de cette séquence.

Formation des tuteurs

Durant la première semaine de la période, j’ai réuni plusieurs fois mes élèves tuteurs afin de leur faire faire les activités qui seront ensuite proposées aux binômes. Pour le jeu de la pizza et celui du château, cela s’est fait durant le temps d’accueil. J’appelais deux élèves tuteurs et nous jouions une partie. Le jeu de l’oie a été fait en salle de motricité, en une seule fois, avec mes 7 tuteurs repartis en binômes, et avec un élève qui jouait avec moi. Le jeu du marchand n’a pas être fait durant cette semaine-là par manque de temps, mais il a déjà été fréquemment réalisé au sein de la classe. Je savais donc qu’il ne poserait aucune difficulté à mes élèves tuteurs.
Une fois ces activités réalisées, j’ai pu réunir une nouvelle fois les élèves tuteurs, sur un temps d’atelier, afin de leur expliquer leur mission.
Nous avons ensemble essayé de définir très simplement ce qu’étais un tuteur, terme qu’ils ne connaissaient évidemment pas.
Nous avons ensuite réfléchi ensemble à ce que signifiait « aider quelqu’un ». Les élèves ont rapidement compris qu’il y avait une différence entre «faire à la place de quelqu’un » et l’aider, et ont fait le parallèle avec moi, qui les aidais lorsqu’ils étaient en difficulté, mais qui ne faisais pas pour autant à leur place.
« Comment aider quelqu’un alors, si on ne fait pas à sa place ? » a été la question la plus difficile pour eux. Je les ai invités une nouvelle fois à faire le parallèle avec les enseignants en général : « Que font les maîtresses pour aider ? ». Les termes « expliquer », « montrer », ont été prononcés par les élèves. Nous avons donc fait un petit bilan :
– Le tuteur doit aider son camarade.
– Pour l’aider, il doit lui expliquer comment faire, vérifier qu’il fait correctement.
– S’il n’y arrive pas, on peut lui montrer comment faire.
Tous les élèves ont semblé très volontaires pour cette mission. J’ai le sentiment qu’ils se sont sentis valorisés, grandis par ma proposition. Ils avaient tous le sourire à l’issue de ce petit moment d’échange.

La mise en place des activités tutorées

Jeu de l’oie géant

Cette activité a été réalisée en salle de motricité (figure 4), par groupes de trois binômes tuteurtutoré, pour que je puisse suivre ce qu’il se passe au sein de chaque binôme. Les élèves on t beaucoup aimé cette activité et se sont pris au jeu très rapidement. Tous ont souhaité participer, et les mauvais comportements de quelques élèves se sont révélés seulement après avoir pu jouer une première partie dans le calme.

Jeu du marchand

Le jeu du marchand s’est déroulé en atelier dirigé, par groupes de quatre binômes. Les élèves tuteurs devaient passer commande auprès de leurs tutorés, et le binôme devait vérifier ensemble si le nombre d’objet amenés par l’élève tutoré était conforme à la commande passée. Cette activité s’est un petit peu moins bien déroulée que la première, même s’il n’y a pas eu de problème de comportement et que tous les élèves ont participé à l’activité. Il était difficile pour moi de gérer et de guider tous les binômes autant que nécessaire, ainsi, si je suis amenée à reconduire une telle activité, je prendrai moins de binômes à la fois.
En revanche, tous les élèves se sont intéressés à l’activité, ils ont tous semblé prendre du plaisir à y participer. J’ai pu observer les tuteurs refuser les objets apportés, demander à leur tutoré de recompter, et demander de retourner chercher le bon nombre d’objets.
Ils ont parfois semblé avoir du mal à les aider, dans la mesure où ils ne maitrisent pas encore les ajouts ou suppressions d’unité pour obtenir une collection : par exemple lorsque la commande indique 8 objets, et que le tutoré ramène 5 objets, l’élève tuteur n’est pas capable de se dire qu’il manque 3 objets. Il sait qu’il n’y en a pas assez, mais il ne sait pas combien il en faut en plus. Ils ont donc invité un certain nombre de fois leurs tutorés à retourner chercher le bon nombre d’objets, sans les aider à partir du nombre déjà amené.

Le jeu de la pizza

Comme pour la formation des tuteurs, le jeu de la pizza a été essentiellement fait durant le temps d’accueil, le matin (figure 5). Ainsi, j’ai pu observer comment s’organisait le binôme, et comment le tuteur aidait son tutoré.
Certains binômes mettaient tour à tour un ingrédient chacun sur la pizza (un mettait les champignons, l’autre le fromage…), quelques tuteurs laissaient le tutoré faire et se contentaient de vérifier, d’observer. D’autres prenaient les ingrédients ensemble et les disposaient ensemble sur la pizza, comptant après pour vérifier le nombre d’ingrédients.

Le jeu du château

De la même manière, le jeu du château (figure 6) a été mis en place sur des temps où les élèves de la classe étaient en autonomie (accueil, fin d’ateliers dirigés, etc.). J’ai ainsi pu prendre les binômes individuellement pour pouvoir les observer. Cette activité s’est révélée assez complexe pour les élèves de niveaux moyens et faibles, mais l’aide de leur binôme, et mes explications lorsque cela se révélait nécessaire, ont permis que tous puissent jouer et comprendre les règles.

Evaluations sommatives

Enfin, j’ai fait à nouveau passer aux élèves des évaluations, avec exactement les mêmes modalités et questions, cette fois en guise d’évaluation sommative. Ces évaluations ont permis de montrer si l’expérimentation a porté ses fruits et a permis de faire progresser mes élèves ou non.

Mesure des indicateurs

Les évaluations diagnostiques et sommatives ont permis d’obtenir de bons indicateurs de progrès des élèves. En effet, en comparant le niveau des élèves avant, et celui des élèves à l’issue de la phase d’expérimentation, nous pourrons voir si elle a été bénéfique ou non.
Cependant, il faut garder en tête que l’expérimentation n’a duré que trois semaines, et que, si progrès il y a, il faut s’attendre à ce qu’ils soient légers.

Capacité à dénombrer

Avant l’expérimentation, j’ai évalué la capacité de mes élèves à dénombrer, et jusqu’où ils étaient capables d’aller. J’avais d’abord distingué le dénombrement en deux catégories : les objets déplaçables et les objets non déplaçables. Comme indiqué précédemment, les résultats ont été strictement similaires chez chaque élève, ainsi donc, nous réunirons les deux catégories pour comparer les évolutions avant et après expérimentation.

Discussion

Les résultats de cette expérimentation sont indéniablement concluants : les élèves ont progressé dans le domaine de la numération, et le niveau du groupe-classe s’est homogénéisé.
Plusieurs facteurs peuvent être entrés en jeu afin de les rendre tels :
– La motivation et l’implication des élèves, d’autant plus pour les élèves rencontrant des problèmes comportementaux, ont été stimulées par les activités en binômes affinitaires.
– L’aide prodiguée par les pairs n’a pas été ressentie comme un échec (à contrario de celle de l’enseignant, qui parfois conduit les élèves à se braquer), et a peut-être été mieux perçue par les élèves, qui ont pu progresser.
Il est tout de même important de rester prudents sur de tels résultats. En effet, l’expérience a été conduite sur trois semaines seulement. Si les progrès sont indéniables, ils sont encore fragiles, et demandent à être constamment consolidés et entretenus afin qu’ils ne s’effacent pas.
De plus, il est également possible de penser que les progrès des élèves sont également dus à d’autres facteurs, qui seraient rentrés en jeu au même moment, comme une évolution de la maturité des élèves, due au moment de l’année durant lequel cette expérimentation a été menée.
On peut également supposer que cela a pu être facilité par rapport aux progrès que j’aurais pu faire au sein de ma classe : une meilleure gestion de classe, de meilleures activités proposées aux élèves…

Conclusion

Si l’on écarte les éventuels facteurs extérieurs à l’expérimentation (maturité des élèves, progrès de l’enseignant,…) qui auraient pu jouer un rôle, il est possible de conclure que l’expérimentation du tutorat au sein de ma classe de moyenne section a été très favorable à mes élèves, non seulement ceux en difficulté, mais également aux autres élèves, tous niveaux confondus.
En effet, la mise en place de ces activités tutorées a permis aux élèves présentant des difficultés comportementales au sein de la classe de se sentir, en quelque sortes, apaisés lorsque nous travaillions dans le domaine « construire les premiers outils pour structurer sa pensée », avec ces modalités d’organisation. Les uns avaient une tâche responsabilisante, valorisante, qui leur permettait de souhaiter s’impliquer, tandis que les autres étaient épaulés par leurs pairs, ce qui leur a probablement permis de se sentir mieux, plus enclins à essayer de faire l’activité qui était proposée. Les résultats ont montré que les élèves les plus en difficulté avaient pu faire d’importants progrès, et cela est très positif dans la mesure où peu de progrès avaient été faits depuis le début de l’année pour eux.
Les activités tutorées ont, je pense, été pertinentes dans la mise en place de ce système de tutorat dans la classe, car elles ont réellement permis de passer outre les difficultés de décentration et de langage qui étaient prouvées lors d’activité tutorées classiques.
Durant la dernière période de l’année, je vais essayer de poursuivre dans cette voie, tant pour les élèves très en difficulté que pour les élèves de petite section. En effet, je souhaite poursuivre le tutorat des élèves de moyenne section très en difficulté, mais aussi d’essayer de désigner une partie de mes élèves de moyenne section comme tuteurs des élèves de petite section. Cela me permettra de voir si la différence d’âge est un frein ou au contraire un levier à cette modalité de mise en place du tutorat.

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Table des matières
1. Le tutorat en maternelle
1.1 Description
1.2 Intérêts supposés de la mise en place de cette démarche au sein de la classe
1.3 Problématique
2. Mise en perspective de la situation 
2.1 Approche de la situation rencontrée
2.2 Apports théoriques
2.3 Analyse et hypothèses
3. Expérimentation .
3.1 Elaboration d’un dispositif
3.2 Réalisation de l’expérience
3.3 Mesure des indicateurs
4. Discussion

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