Intérêt de l’analyse sémiologique des lésions élémentaires dermatologiques chez l’enfant

Les dermatoses pédiatriques regroupent les maladies aiguës et chroniques de la peau survenant chez les enfants. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), les enfants sont les personnes âgées de moins de 16 ans. Ces affections induisent des handicaps physiques et psychologiques qui peuvent affecter la qualité de vie de l’enfant et de sa famille. Selon l’OMS (2013), les maladies cutanées représenteraient la deuxième cause « des années vécues avec un handicap » (Years Lived with Disabilities) parmi les enfants et les adolescents [19]. En Afrique, les prévalences des dermatoses infantiles variaient entre 21% et 87% selon l’OMS [67]. Un retard de consultation des patients en milieu spécialisé pour les affections dermatologiques est souvent dû à un niveau économique bas, au recours à l’automédication et à d’autres structures religieuses des dispensaires catholiques ou les tradi-praticiens [4, 13, 36, 44]. La prévalence des consultations pour des dermatoses infantiles est variable non seulement d’un pays à l’autre mais aussi d’un service à un autre au sein d’un même pays [67]. Au Sénégal, particulièrement à Dakar, les patients âgés de moins de 20 ans représentaient 24% des consultants au service de dermatologie de l’hôpital Aristide Le Dantec (H.A.L.D) [15]. En Afrique, une revue systémique de l’OMS en 2005, suggérait que les pyodermites, la teigne du cuir chevelu (TCC), la gale, les viroses cutanées, la pédiculose, l’eczéma et les réactions cutanées aux piqûres d’insectes étaient les sept dermatoses les plus courantes chez les enfants [67].

Les maladies de la peau représentent donc, chez l’enfant un motif fréquent de consultation au service de dermatologie. Toutefois, en raison des spécificités de la dermatologie pédiatrique, la formation des médecins (généralistes et pédiatres) et des infirmiers pourrait être améliorée. Ainsi, une bonne analyse des lésions élémentaires dermatologiques les plus courantes au sein de notre service permettra d’établir un diagnostic pour la prise en charge par les professionnels de santé ou pour l’orientation vers un dermatologue. C’est dans cette optique que nous envisageons ce présent travail, avec l’objectif général d’identifier les principales lésions cutanées élémentaires rencontrées chez l’enfant au Service de Dermatologie- Vénéréologie à l’Institut d’Hygiène Sociale (IHS) à Dakar.

Nous rapportons une étude portant sur les principales lésions cutanées élémentaires rencontrées en consultation chez l’enfant, avec recueil prospectif des données sur une période de 02 mois, du 10 janvier 2020 au 10 mars 2020, dans le service de Dermatologie- vénéréologie à l’IHS de Dakar au Sénégal.

Apport de ce travail 

Il s’agirait à notre connaissance de la première étude au Sénégal qui s’intéresse aux principaux signes et lésions élémentaires cutanés rencontrés chez l’enfant permettant d’élaborer une démarche diagnostique des principales affections dermato-pédiatriques congénitales et acquises rencontrées en consultation de dermatologie.

Limites de l’étude

– Notre étude était monocentrique menée dans le service de dermatologie de l’IHS qui prend en charge les affections dermatologiques chez tous les patients indépendamment de l’âge mais au niveau duquel l’hospitalisation des enfants n’est pas effectuée.
-Une autre limite était que la plupart des diagnostics étaient retenus sur la base de la clinique. En effet, la réalisation des examens complémentaires n’était pas toujours aisée en raison de leur coût financier. Toutefois, les dermatoses infantiles ne nécessitent que rarement la pratique d’examens complémentaires pour la confirmation. En effet, le diagnostic est basé sur des critères diagnostiques comme pour la DA, et sur des arguments cliniques pour l’eczéma.

Données socio-démographiques 

Age
L’âge moyen de notre population d’étude était de 4,58 ans (± 3,94), ce qui rejoint l’étude de Katibi et al qui ont rapporté un âge moyen de 4,7 ans (± 4,1) dans leur population d’étude de 419 patients âgés de moins de 18 ans [26]. Toutefois, Fofana et al, dans leur série de 5149 enfants âgés de moins 15ans, ont noté un âge moyen de 8 ans ± (5,7) [17]. Osman et al, au H.A.L.D, ont trouvé un âge moyen de 6,8 ans (± 4.7) sur une série de 1615 patients âgés de moins de 16 ans [50] et Afsar et al, sur une population de 539 patients âgés de moins de 18 ans, ont noté un âge moyen de 5,32 (±4,75) [2]. La répartition des patients selon la tranche d’âge a montré que les nourrissons (0-2 ans) représentaient 27,39% (n= 83), résultat comparable à celui de Seudjip et al qui ont trouvé 30,6% de nourrissons dans leur étude [62], alors que la tranche d’âge (0- 2ans) était de 21,82% dans l’étude de Osman et al, [50] et de 39,9% dans l’étude de Afsar et al [2]. Ces données ont montré une variabilité d’âge des patients dans les différentes études qui était associée à un manque d’homogénéité dans les tranches d’âge, ce qui limitait la comparaison des données.

Sexe
Une légère prédominance masculine a été notée dans notre série avec un sex-ratio de 1,07. Les données de la littérature sont controversées. En effet, les études de Fofana et al [17], Abdou et al [1] et Afsar et al [2] ont trouvé un sex-ratio de 1,2, 1,24 et 1,3 respectivement. Toutefois, Osman et al ont enregistré un sex-ratio de 0,77 [50] et dans l’étude de Oninla et al, les deux sexes étaient représentés en proportions équivalentes [49].

Les études menées au Sénégal montrent une sur présentation des enfants de sexe masculin en pédiatrie. En effet, Ly et al [35], Diouf et al [13] ont enregistré des sex-ratio de 1,1 et 1,38.

Aspects cliniques

➤ Les papules étaient les lésions élémentaires les plus rencontrées dans notre étude (53,13%) réparties en papules folliculaires et non folliculaires. Ces dernières peuvent être de type ombiliquées ou non.
➤ Le croisement des papules non folliculaires non ombiliquées avec les différentes pathologies a montré une relation statistiquement significative avec la gale uniquement (p<0,001). La gale ou scabiose est une parasitose touchant plus de 300 millions d’individus par an dans le monde [11]. Elle touche autant les femmes que les hommes, quel que soit le niveau socio-économique et sur tous les continents. Dans les pays en voie de développement, la prévalence de la gale prédomine chez les enfants en âge pré-scolaire et chez les adolescents [6, 22, 25, 55, 67]. Dans notre étude, on n’a pas trouvé de relation entre la gale et le sexe (p=0,074) d’une part et l’âge d’autre part (p=0,186) ; ce qui rejoint les données de la littérature [11]. Le prurit est fréquemment associé à la gale [18], résultat conforme à celui trouvé dans notre étude (p<0,001). La recherche de prurit dans l’entourage est un signe fonctionnel essentiel pour conforter le diagnostic clinique de gale [18]. Dans notre série, la recherche de prurit dans l’entourage était significativement associée à la gale (n=25, p<0,001), résultat conforme aux données de la littérature.

Les papules, le plus souvent excoriées, font partie des signes non spécifiques de la gale [7] et la relation entre excoriations et gale était significative dans notre étude (p=0,001). Les localisations péri-ombilicale, poignet, interdigitale, fesses, pied, main, face antérieure du thorax, face antérieure du genou et face postérieure du coude sont des localisations spécifiques de la gale [18] et dans notre étude la relation de la gale avec les différentes localisations était statistiquement significative (p<0,05). Il existe 2 types de traitement de la gale : le traitement local par le benzoate de benzyle et un traitement par voie générale à base d’ivermectine [18] et nos patients ont bénéficié de ces 2 traitements.

➤ Les papules non folliculaires représentaient 77,01% (n=124), dont 18,63% (n=30) étaient de type papules ombiliquées. Le seul diagnostic retenu dans notre étude en rapport avec les papules ombiliquées, était le MC (n=30) avec une relation statistiquement significative (p<0,001). Ce résultat est conforme à la littérature, du fait que la papule ombiliquée est un signe spécifique du MC [41]. Le MC est une lésion dermatologique induite par un virus de la famille des poxvirus : MOLLUSCIPOXVIRUS. Ce virus est présent dans le monde entier mais il est plus fréquent dans les pays tropicaux [33, 41, 45 ,66]. Dans notre étude, le MC représentait 5,88% des affections (n=31) ce qui rejoint l’étude de Olsen et al qui ont trouvé une prévalence globale de MC chez les enfants entre 5,1% et 11,1% [48]. Aucun cas de MC n’était retrouvé chez les enfants de moins de 1 an ce qui rejoint les données de la littérature qui signalent une rareté de cette affection chez le nourrisson.

Dans notre étude, la localisation au niveau du visage était la plus fréquente (n=24) avec une relation statistiquement significative (p<0,001) et ce résultat est concordant avec les données de la littérature [16, 61]. Le traitement du MC fait appel au curetage ou l’application d’hydroxyde de potassium en cas de lésions peu nombreuses [33] et tous nos patients ont bénéficié de curetage, à l’exception d’un patient qui a été traité par hydroxyde de potassium à 10%.

➤ Parmi les papules folliculaires, le type kératosique était le plus fréquent et était associé à la KP, seul diagnostic retenu avec une relation statistiquement significative (p<0,001). Bien que l’étiopathogénie de la KP ne soit pas exactement connue, le gène qui code pour la fillagrine semble être défectueux dans les lésions de KP ce qui entraine une prolifération des kératinocytes et une inflammation [65]. La KP était significativement associée à la xérose dans notre étude (p<0,001) ; ce qui peut être expliqué par la théorie de la fillagrine défectueuse. La KP se manifeste souvent tôt dans l’enfance et se présente cliniquement sous forme de papules folliculo centriques [37]. Les filles sont plus souvent atteintes que les garçons [3,53] et les résultats de notre étude où 54,83% des patients (n=17) étaient des filles rejoignent ainsi les données de la littérature. La KP est fréquente chez les sujets ayant une DA [34] et notre étude, conforme à la littérature, montre une relation significative de la KP associée à la DA (p<0,001).Cependant, dans l’étude Mevorah et al, la KP n’a pas été trouvée plus fréquemment que chez les témoins [40].
➤ Dans notre étude, les plaques étaient les 2ndes lésions les plus retrouvées par ordre de fréquence, notées chez 40,92% des patients.

Les plaques étaient de type lichénifiées et squameuses et les plaques lichénifiées étaient les plus fréquentes.
➤ Le croisement des plaques lichénifiées avec les différentes pathologies a montré une relation statistiquement significative avec la DA et l’eczéma (p<0,001).
-La Dermatite atopique ou eczéma atopique est une maladie cutanée inflammatoire chronique prurigineuse [46]. Devant la suspicion d’une DA, il faut rechercher des antécédents personnels et familiaux d’atopie ou équivalents d’atopie (rhinite allergique, conjonctivite allergique, allergie alimentaire, asthme, DA) [31]. Dans notre étude, les antécédents personnels d’atopie ou équivalents d’atopie étaient significativement associés à la DA (p<0,001). De même, les antécédents familiaux d’atopie ou équivalents d’atopie étaient significativement associés à la DA (p<0,001) L’aspect clinique de la DA varie selon l’âge [60].
– Chez le nourrisson, les lésions débutent le plus souvent au niveau du visage. Les lésions aigues sont érythémateuses, toujours prurigineuses, parfois suintantes et croûteuses.
– Chez l’enfant, la lichénification induite par le grattage chronique forme des plaques lichénifiées et les localisations spécifiques sont réparties au niveau du pli du coude, creux poplité, cou et creux axillaire.

Il n’y a pas de « gold standard » pour le diagnostic de DA ; les critères les plus souvent utilisés sont ceux de l’« UK Working Party » [32] illustrés dans l’annexe III. Si nous tenons compte de ces critères, que nous avons utilisé dans notre étude de DA, le prurit est un signe constant et obligatoire dans la DA [46]. En effet, le prurit a été associé de manière significative à la DA (p<0,001).

Dans notre étude, la xérose cutanée était significativement associée à la DA (p<0,001), ce qui rejoint les données de la littérature [31]. Les croûtes et excoriations et la DA étaient associées de manière significative (p<0,001). En outre, une relation significative était notée entre les localisations du pli du coude (p<0,001), creux poplité (p<0,001), cou (p=0,014) et creux axillaire (p=0,009) et la DA chez les patients de plus de 2 ans, rejoignant ainsi les données de la littérature [8]. La KP était significativement associée à la DA (p<0,001) conformément aux données de la littérature [34].
-L’eczéma était le diagnostic le plus fréquemment retrouvé dans notre étude chez 22,77% des patients (n=69), résultat non conforme à l’étude menée au service de dermatologie H.A.L.D à Dakar qui ont trouvé une fréquence de l’eczéma de 4,56% [50]. L’eczéma est une affection dermo-épidermique prurigineuse [59]. Dans notre étude, le prurit était significativement associé à l’eczéma (p=0,009). L’eczéma peut toucher l’enfant à tout âge sans différence de sexe [8] ce qui a été aussi noté dans notre étude. En effet, aucune relation statistique n’a été retrouvée entre l’eczéma et l’âge d’une part (p=0,946) et l’eczéma et le sexe d’autre part (p=1). L’eczéma peut être aigu ou chronique, et la forme chronique est un eczéma sec qui peut se manifester par des plaques squameuses ou des plaques lichénifiées; ces dernières témoignent d’un eczéma de longue date [8, 63]. Les plaques lichénifiées étaient notées chez 25 patients avec une relation statistiquement significative avec l’eczéma (p<0,001).
➤ Les plaques squameuses étaient notées chez 19 patients avec une relation statistiquement significative avec l’eczéma (p=0,001).

Ainsi, dans notre étude les eczémas chroniques étaient les plus fréquemment rencontrés (45 patients ont consulté après 4 semaines du début des lésions) et ceci est généralement dû au retard de consultation du fait d’une difficulté financière d’accessibilité aux soins. Le traitement de l’eczéma chronique fait appel aux dermocorticoïdes et aux émollients kératolytiques [8] tel était le cas chez nos patients.
➤ Dans notre étude, les macules érythémateuses étaient associées à une dermite séborrhéique et une dermite irritative avec une relation statistiquement significative (p<0,001). Les dermites de siège du nourrisson les plus retrouvées au cours d’un érythème de siège étaient la DS et la dermite irritative qui y étaient associées de façon significative (p<0,001). Nos résultats rejoignent l’étude de Diatta et al à Dakar [12]. La dermite de siège constitue une pathologie fréquente chez le nourrisson [30]. Dans notre étude, la dermite de siège (à l’exception des anites infectieuses) n’a été trouvée que chez les nourrissons avec une relation statistiquement significative (p<0,001). Les dermites de siège les plus fréquentes sont de cause irritative, liées à la macération de la peau en contact prolongé ou fréquent avec les couches souillées. D’autres causes existent et sont infectieuses, inflammatoires et générales (prolifératives ou carentielles comme l’acrodermatite entéropathique) [30]. Dans notre étude, la DS (n=18) était plus fréquente que la dermite érythémateuse irritative (n=8).
-La DS est une dermatose érythémato-squameuse souvent bipolaire associée à une atteinte du cuir chevelu, des sillons rétro-auriculaires, parfois de l’ombilic et des creux axillaires [30, 43]. Dans notre étude, la relation entre atteinte du cuir chevelu et DS était statistiquement significative (p<0,001) ce qui rejoint les données de la littérature.

-L’érythème au cours de la dermite irritative respecte les plis ce qui est un élément important pour le distinguer des autres érythèmes d’autres causes, notamment fongique et DS. Au cours de la dermite irritative, lorsque le nourrisson est allongé, les cuisses relevées, la lettre « W » est dessinée par cet érythème qui peut s’étendre secondairement à l’ensemble du siège [30]. Dans notre étude, nous n’avons pas précisé l’atteinte des plis au cours des dermites de siège.
➤ Les macules hyperpigmentées dans notre étude étaient en rapport essentiellement avec le diagnostic de taches mongoliques notées dans 46,87% des cas (n=15, p<0,001). Les taches mongoliques étaient diagnostiquées à un âge inférieur à un an dans 80% des cas (n=12) ce qui rejoint les données de la littérature [10, 20, 32]. La corrélation entre les taches mongoliques et l’âge a montré une relation significative négative avec un coefficient de corrélation r= -0,293 et p<0,001 ce qui rejoint les données de la littérature disant que la majorité des cas de taches mongoliques disparaissent à l’âge de 1 an et persistent rarement après l’âge de 6 ans.

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Table des matières

INTRODUCTION
NOTRE ETUDE
PATIENTS ET METHODES
I. Cadre d’étude
II. Type et période d’étude
III. Population d’étude
IV. Variables et collecte des données
V. Saisie et analyse des données
VI. Considérations éthiques
VII. Aspects financiers
RESULTATS
I-Phase Descriptive
1. Profil socio-démographique des patients
2. Profil clinique de la population d’étude
3. Examens paracliniques
4. Profil thérapeutique
II- Phase analytique
1. Relation entre les antécédents personnels des patients et les dermatoses
2. Relation entre la présence de prurit dans l’entourage et la gale
3. Relation entre prurit chez les patients et les dermatoses courantes
4. Relation entre les lésions de la peau glabre et les dermatoses
5. Relation entre les localisations des lésions et les dermatoses
6. Relation entre l’âge des patients et les dermatoses
7. Relation entre lésions et pathologies les plus fréquentes des phanères
8. Relation entre le sexe des patients et les dermatoses
9. Association entre les différentes pathologies
DISCUSSION
I. Apport de ce travail
II. Limites de l’étude
III. Données socio-démographiques
1. Age
2. Sexe
IV. Aspects cliniques
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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