Intérêt de la programmation linéaire pour l’analyse des pratiques des producteurs et la conception des innovations

Dans la plupart des pays en voie de développement, le secteur agricole continue de jouer un rôle majeur dans l’économie nationale. Il participe pour plus d’un tiers au produit intérieur brut (PIB) de nombreux pays d’Afrique subsaharienne (Banque Mondiale, 2008). Situé au cœur de l’Afrique occidentale, le Burkina Faso ne fait pas exception. En effet, le secteur agricole contribue en moyenne à environ 40% au PIB (25% agriculture, 12% élevage, 3% foresterie et pêche) et occupe plus de 87 % de la population (MAHRI La, 2009).

L’agriculture et l’élevage sont les principales sources de revenus pour les populations les plus pauvres et constituent le pilier de la sécurité alimentaire du pays (MAHRH.b, 2009). Plus de 1 200 000 petites exploitations disséminées dans le pays sont orientées vers la production agro-pastorale (OUEDRAOGO, 2005). Les productions végétales concernent essentiellement les céréales, les cultures de rente et d’autres cultures vivrières. Quant aux productions animales, elles sont constituées principalement par les bovins, les petits ruminants, les porcs et la volaille. Au niveau des exploitations, les modes d’articulation de l’agriculture et de l’élevage au sein et entre les systèmes de production sont fortement liés à la densité de la population et à la pluviométrie des différentes régions.

Dans la région des Hauts-Bassins (Tuy, Kénédougou, Houet) à l’Ouest du Burkina, l’abondance de la pluviométrie et la disponibilité de terres fertiles ont provoqué d’importantes migrations de population au cours des dernières décennies (Lalba et al., 2005). Cet environnement, favorable à la production agro-pastorale, a conduit de nombreux agriculteurs et éleveurs à se sédentariser dans la zone (Corus, 2007). De ce fait, la densité de la population dans cette région a doublé en deux décennies, passant de 29,4 (en 1985) à 40,7 (1996) et 58,0 habitants/km2 (INSD, 2009). Cet accroissement de la population dans la région a marqué un tournant décisif dans les pratiques agro-pastorales reflétant la dynamique des systèmes de productions (Lalba et Vognan, 2004). En effet, il a favorisé l’intensification des systèmes de cultures basés sur la céréaliculture, la cotonculture et des systèmes d’élevage dominés par les petits ruminants, la volaille et surtout les bovins (McIntire et al., (1992), Steinfeld et al., (1996) cité par Lalba et al., 2005, Blanchard, 2005). Il a également pennis une intégration croissante mais encore perfectible entre cultures et élevage à travers la forte adoption de la traction animale, l’utilisation croissante de la fumure animale et des résidus de récoltes (Daho, 2006).

Selon Augusseau et Salouka (2003), le développement conjoint de l’agriculture et de l’élevage dans la région est cependant basé sur une exploitation extensive des terres cultivables et des parcours naturels. Cette exploitation inadaptée des ressources engendre des saturations foncières se traduisant par une insuffisance des terres cultivables, une disparition des jachères et une réduction des pâturages (Daho, 2006). D’où les conflits pour l’usage des ressources naturelles entre agriculteurs et éleveurs en raison de l’extension des parcelles cultivées sur les zones de parcours des animaux ou les dégâts des cultures occasionnées par les animaux des pasteurs (Blanchard, 2005). Par ailleurs, les producteurs sont soumis aux facteurs exogènes tels que l’instabilité des prix agricoles (coton, céréales, animaux), la hausse généralisée des prix des intrants (engrais, produits vétérinaires, etc.), l’inégale répartition de la pluviométrie etc. En somme, les pratiques culturales et d’élevage des producteurs se réalisent dans un environnement complexe (pressions anthropique et agro-pastorale) et incertain (risque climatique et économique) dans les Hauts-Bassins situés en zone cotonnière.

Revue de la littérature

Définition et principes de la programmation linéaire

D’une manière générale, la programmation mathématique (PM) est une représentation simplifiée mais qualifiée d’un phénomène réel (Pacaud et Cournut, 2007). Elle consiste à optimiser, dans le sens de maximiser ou de minimiser, un objectif ou une utilité sous diverses contraintes (Boussard 1987 cité par Ouédraogo, 2005). La programmation linéaire (PL) est un cas particulier de la PM où la fonction objectif et les contraintes techniques sont spécifiées de manière linéaire par rapport à des variables de décision (Gohin et Chantreuil, 1999). L’adjectif « linéaire» désigne que toutes les fonctions mathématiques du modèle sont nécessairement de caractère linéaire. Elles sont du premier degré avec des représentations graphiques sous forme de droite (Boichard, 1969). Autrement dit, la fonction objectif et les contraintes sont toutes des combinaisons linéaires de variables (IDD, 2003). Le mot « programmation » est un synonyme de planification (Hillier et Lieberman 1967 cité par Valazquez 2004). La PL est alors la planification de plusieurs activités dans le but d’atteindre un résultat optimal, c’est-à-dire un résultat qui permet d’atteindre de la façon la plus satisfaisante un but spécifique parmi toutes les autres alternatives possibles (en accord avec le modèle mathématique). En d’autres termes, elle cherche la valeur extrême d’une combinaison linéaire d’activités possibles soumises à des contraintes qui limitent leurs dimensions et la nature de leurs combinaisons.

Application de la programmation linéaire en agriculture

La première PL a été appliquée en agriculture dans les années 60. En effet, elle avait pour objectif de définir le plan de production optimal pour l’agriculteur suite à l’application de nouvelles mesures économiques décidées à Bruxelles (la nouvelle Politique Agricole Commune des années 60) (Velazquez, 2004). Elle a permis ainsi de mesurer l’effet de la politique agricole (choix technologique) sur la production agricole et le revenu des producteurs.

La PL repose sur une hypothèse selon laquelle l’exploitant agricole cherche à maximiser son profit par la conduite de ses activités agricoles, tout en satisfaisant une série de contraintes concernant par exemple, la terre, la main d’œuvre, et le capital disponible au niveau de son exploitation (Fall, 2002). Cette hypothèse, issue de la théorie néoclassique, a fortement contribué au développement de cette approche en tant qu’outil d’analyse et d’aide à la décision car elle correspond parfaitement à celle de la microéconomie classique: rationalité et caractère optimisateur de l’agent (producteur) (Bortzmeyer, 1992). De ce fait, la PL pennet d’explorer la rationalité du changement technique comme le choix des activités ou des systèmes de production (culture, élevage), ou des substitutions entre intrants (Barbier, 1994). Selon Barbier et Benoît-Cattin (1997) et Kokou (2007), la PL apparait comme un outil qui offre la meilleure possibilité de prendre en compte la complexité des liens entre les différents facteurs qui interagissent dans le fonctionnement des systèmes de production paysans. En effet, elle permet de représenter le fonctionnement technico-économique des exploitations agricoles et de simuler les impacts de chocs exogènes (un changement de politique agricole par exemple) sur les variables de décision des producteurs (Gohin et Chantreuil, 1999). Pour cela, elle oblige à faire un inventaire très complet de toutes les productions possibles et de toutes les contraintes auxquelles est, ou croit être, soumis le producteur. Elle permet ainsi de s’interroger sur les conséquences, pour les décisions des producteurs, de modifications envisageables dans l’environnement technique et économique (Brossier, 1980).

Chaque type d’exploitation peut être modélisé suivant l’importance des différentes activités agro-pastorales (Lalba et al., 2005). Dans ce cas, la PL détermine les niveaux des variables de l’exploitation qui optimisent l’objectif de chaque type de producteur. Autrement dit, pour chaque type d’exploitation, le modèle maximise une fonction objectif (F) par une meilleure allocation des ressources ou facteurs de production aux activités les plus productives (Ouédraogo, 2005). En définitive, la PL est un outil d’analyse des pratiques des producteurs et de planification des exploitations agricoles.

Analyse des principales approches de la programmation linéaire à l’échelle des exploitations d’Afrique de l’Ouest

En Afrique de l’ouest, il existe différentes utilisations de la PL comme outil d’analyse à l’échelle de l’exploitation et du terroir villageois. Les distinctions entre les utilisations sont liées aux types de questions abordées par les auteurs. Globalement, elles sont axées sur l’analyse de la durabilité des systèmes de production, l’intensification agricole, l’évaluation des impacts des politiques agricoles ou de l’introduction de technologies. Cabanilla et al., (2004) ont développé un modèle de PL pour analyser l’impact de l’introduction du coton Bt sur le revenu des exploitants agricoles des pays C4 (Burkina Faso, Benin, Mali, Sénégal) d’Afrique de l’ouest. Diagna et al., (1996) analysent les effets de la dévaluation du franc CFA sur le choix des cultures et de technologies de production agricole effectuée par les ménages ruraux du bassin arachidier du Sénégal. Au Benin, Adegbidi (2003) a élaboré le plan de production optimal des exploitants agricoles à travers une analyse de l’incidence de la pluviométrie sur le revenu. Il s’agit spécifiquement du village de Bagou situé en zone cotonnière au nord du pays. Kokou (2007) a centré ses travaux sur la recherche de stratégies optimales d’intensification agricole réalisables par les exploitations familiales du village de Poissongui au Togo. Au Burkina Faso, Barbier (1994) a utilisé un modèle de PL pour analyser la durabilité agricole du village de BaIa dans la zone cotonnière à l’Ouest. Dans le même village, Barbier et Benoît Cattin (1997) ont analysé la viabilité à moyen et long terme du système agraire. Lalba et al., (2005) ont évalué l’impact économique et environnemental de mécanismes de régulation de la gestion des parcours, à l’échelle d’un terroir de Ouara à l’ouest. L’analyse de Ouédraogo (2005) a porté sur les possibilités d’une intensification de l’agriculture dans le plateau central du Burkina Faso à partir de nouvelles technologies. Au Sud-Ouest, Youl et al., (2008) ont modélisé les principaux déterminants socio-économiques de la gestion des exploitations agricoles. A l’exception de Ouédraogo (2005), les auteurs ont utilisé la PL comme outil pour modéliser une exploitation représentative ou un village en raison de la complexité et du nombre des exploitations. L’exploitation représentative est définie comme une exploitation hypothétique mais représentative de l’ensemble des exploitations agricoles (Maatman, 2000; Adegbidi, 2003). Les modèles construits à partir d’une exploitation représentative ne prennent pas en compte la variabilité observée entre les différentes exploitations (Kokou, 2007). Par conséquent, ils introduisent de nombreux biais dans les résultats obtenus (Ouédraogo, 2005). Ces biais montrent la nécessité de tenir compte de la diversité des exploitations dans la modélisation. Selon Hazell et Norton (1986) cité par Ouédraogo (2005), l’idéal serait de construire un modèle pour chaque exploitation afin d’éviter ces biais. Dans la pratique, il est quasiment impossible de construire ces modèles au regard du nombre élevé des exploitations. Cependant, il est possible de minimiser les biais en identifiant des critères de classification des producteurs. Il s’agit précisément de déterminer une typologie des producteurs. Contrairement aux études précédemment citées, basées sur une exploitation représentative, la présente étude adopte la démarche utilisée par Ouédraogo (2005). Cependant, elle reste tout de même différente de celle de cet auteur puisqu’il s’agira non seulement d’analyser l’impact de technologies innovantes mais aussi d’analyser le fonctionnement de différents types d’exploitations (analyse des écarts entre réalité et optimum) dans une perspective de dialogue avec les acteurs. Un modèle de PL sera construit par catégorie de producteurs. L’originalité de notre recherche réside donc dans la modélisation de la typologie des producteurs des villages étudiés et dans l’analyse du fonctionnement de ces types pour co concevoir avec les producteurs des innovations.

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Table des matières

INTRODUCTION
1. PROBLEMATIQUE, OBJECTIFS ET REVUE DE LA LITTERATURE
1.1 Problématique
1.2 Objectifs de la recherche
1.3 Hypothèses de recherche
1.4 Revue de la littérature
1.4.1 Définition et principes de la programmation linéaire
1.4.2 Application de la programmation linéaire en agriculture
1.4.3 Analyse des principales approches de la programmation linéaire à l’échelle des exploitations d’Afrique de l’Ouest
1.4.4 Limites et avantages de la programmation linéaire
II. CADRE DE L’ETUDE ET METHODOLOGIE DE RECHERCHE
2.1 Cadre de l’étude
2.1.1 Justification du choix de la zone d’étude
2.1.2 Caractéristiques physiques
2.1.3 Caractéristiques socio-économiques
2.1.4 Typologie des producteurs des villages de l’étude
2.1.5 Choix des exploitations et méthode de collecte des données
2.1.6 Traitement et analyse des données
2.2 Méthodologie de recherche
2.2.1 Fonnulation du modèle de programmation linéaire
2.2.1.1 Schématisation du système de production de l’exploitation
2.2.1.2 La planification des activités des exploitations
2.2.1.3 Les activités au sein des exploitations
2.2.1.4 Disponibilité et allocation de la terre aux cultures
2.2.1.5 Disponibilité des ressources animales
2.2.1.6 Disponibilité et allocation de la main d’œuvre de l’exploitation
2.2.1.7 Le capital financier de l’exploitation
2.2.1.8 Les produits végétaux et leurs utilisations
2.2.1.9 Les produits animaux et leurs utilisations
2.2.1.10 La fonction objectif
2.2.2 Validation du modèle
2.2.3 Proposition de scénarii à partir du modèle construit
2.2.4 Présentation de l’outil de programmation
III. RESULTATS ET DISCUSSION
3.1 Analyse des pratiques des producteurs dans les villages
3.1.1 Analyse des pratiques des producteurs de Koumbia
3.1.1.1 L’allocation des terres aux différentes cultures
3.1.1.2 Les stocks de résidus de cultures nécessaires à l’alimentation des animaux
3.1.1.3 Les quantités de produits agricoles
3.1.1.4 Le revenu des producteurs
3.1.2 Analyse des pratiques des producteurs de Kourouma
3.1.2.1 L’allocation des terres aux différentes cultures
3.1.2.2 Les stocks de résidus de cultures nécessaires à l’alimentation des animaux
3.1.2.3 Les quantités de produits agricoles
3.1.2.4 Le revenu des producteurs
3.2 Analyse de sensibilité
3.2.1 Premier scénario: introduction de l’embouche bovine dans les exploitations
3.2.1.1 Pratique de l’embouche bovine
3.2.1.2 Impact sur le revenu des producteurs
3.2.2 Deuxième scénario: réduction de la superficie du coton dans l’assolement
3.2.2.1 Contexte
3.2.2.2 Impact sur le revenu des producteurs
3.3 Discussion générale
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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