Interception des malocclusions en denture temporaire

Chez le jeune enfant, les anomalies morphologiques du maxillaire, de la mandibule, ainsi que celles concernant la position des dents connaissent deux types d’étiologie, qui peuvent se recouper. Elles peuvent ainsi être d’origine héréditaire, ou liée à une dysfonction orale. En outre, elles peuvent représenter un facteur prédisposant aux fractures dentaires consécutives à un traumatisme, ainsi qu’aux lésions carieuses et parodontales, et entraîner un préjudice esthétique qui sera préjudiciable pour le patient. Le rôle du chirurgien-dentiste est important auprès des jeunes enfants, en particulier lorsqu’ils sont en denture temporaire stricte (jusqu’à l’âge de 6 ans en moyenne), dans la mesure où il permet de détecter le plus précocement possible ces anomalies. Ce dépistage permet ainsi la mise en œuvre d’une démarche interceptive la plus adaptée possible, et d’éviter une perte de chance pour le patient, qui se traduirait par l’installation ou l’aggravation de ces anomalies, qui s’avèreraient plus complexes à traiter et/ou dont le traitement serait plus étalé dans le temps. Ainsi, la finalité de ces thérapeutiques interceptives est de corriger partiellement ou totalement une dysmorphose ou d’empêcher que celle-ci ne s’aggrave, pour permettre ainsi une croissance morpho-faciale la plus harmonieuse possible (1).

Malocclusions en denture temporaire

Rappels anatomiques

Développement morpho-facial
Chez l’Homme, la croissance se définit comme l’augmentation des dimensions du corps. Ce changement de volume résulte d’une prolifération cellulaire. Elle débute pendant la période intrautérine, et caractérise l’enfance de l’adolescence (2). La mise en place de l’occlusion, qui représente un état physiologique statique, correspond à la relation entre les dents maxillaires et mandibulaires, est consécutive à un phénomène de croissance s’appliquant dans les trois dimensions de l’espace sur les différents éléments qui constituent le massif facial. Ce développement s’applique à la base du crâne, au maxillaire, à la mandibule et aux arcades dentaires (3,4). La croissance de tous ces éléments relève à la fois de l’expression du patrimoine génétique de chaque individu et de l’environnement fonctionnel auquel ils sont soumis (3,4). Ainsi, le développement du squelette crânio-facial est soumis à des phénomènes de rotation, de déplacement et de modelage des différentes pièces osseuses et de l’enveloppe périostée (3,4). Dans un souci de concision, nous nous intéresserons uniquement aux structures osseuses intervenant dans notre problématique, à savoir l’os maxillaire et la mandibule.

Le maxillaire
Le maxillaire est formé de plusieurs pièces osseuses de type membraneux. Son développement et sa croissance vont se faire dans tous les plans de l’espace (3–5). Sa croissance dans le sens transversal est étroitement liée à la fonction linguale, qui permet l’élargissement du maxillaire en stimulant la suture intermaxillaire pendant divers mouvements fonctionnels tels que la succion, la déglutition, la phonation et la mastication. Son développement transversal est également dépendant de la fonction ventilatoire, garante du bon accroissement des fosses nasales et des fosses sinusiennes (3,5).

Au cours de la croissance, l’os maxillaire, qui est solidaire de la base du crâne, se déplace en bas et en avant. Cette orientation résulte de la croissance des éléments basi-crâniens, du développement des tissus mous et des fonctions musculaires .

La mandibule
La mandibule, seul os mobile de la face, est de type membraneux. Son ossification va débuter pendant les deux premiers mois embryonnaires au niveau de la branche horizontale au contact du cartilage de Meckel (6). La croissance de la mandibule sera ensuite de type secondaire, par phénomène d’apposition/résorption, et dépendante de l’activité fonctionnelle et musculaire. Tous les muscles cervicaux et faciaux interviennent : parmi les plus importants sont retrouvés les muscles masticateurs . Durant les premières années de vie, les fonctions évoluent : les phénomènes de succiondéglutition, présents dès le stade fœtal, et importants chez le nouveau-né, laissent petit à petit place à la mastication, qui fait intervenir des muscles élévateurs puissants, tels que les masséters, les muscles temporaux, les ptérygoïdiens médiaux, au fur et à mesure de l’éruption dentaire. La combinaison de ces contraintes appliquées sur l’os mandibulaire va ainsi guider sa croissance, que ce soit au niveau de la branche montante, du corps mandibulaire ou du condyle .

En outre, la dynamique mandibulaire, mise en jeu lors de la réalisation des différentes fonctions, permet d’adapter la croissance de la mandibule, dans le but de maintenir l’engrènement dentaire. En effet, la mandibule se développe en suivant à la fois le déplacement du maxillaire, vers le bas et l’avant, et celui des cavités glénoïdes de la base du crâne auxquelles elle est appendue, qui se déplacent vers le bas et vers l’arrière au cours de la croissance. Ainsi, la croissance mandibulaire doit être quantitativement plus importante que celle du maxillaire, afin de conserver un engrènement dentaire suffisant entre ces deux entités .

Courbe de croissance
La croissance squelettique varie en fonction du temps : le rythme et les quantités de croissance diffèrent d’un organe à l’autre. De fait, en 1977, Bjork a établi une courbe de croissance staturale permettant de définir les différentes étapes de croissance squelettique (2,3). Ainsi, l’interception consistera à intervenir afin d’induire une réponse adaptative des tissus ostéocartilagineux crânio-faciaux, et notamment sur le tissu condylien. De fait, certaines périodes de la croissance ou du développement de l’enfant seront plus ou moins favorables pour traiter telle ou telle dysmorphie, en particulier quand il s’agit de stimuler ou freiner la croissance (3,8,9). Ainsi, selon la période dans laquelle se trouve l’enfant, les thérapeutiques, ne seront pas les mêmes, et n’auront pas le même objectif.

Epidémiologie des malocclusions en denture temporaire

La présence de malocclusion en denture temporaire peut engendrer des perturbations de la croissance de la face et de la mise en place de la denture, voire des malformations squelettiques (13,23). De nombreuses études ont été réalisées au niveau mondial afin de pouvoir évaluer la prévalence des malocclusions chez les enfants de 3 à 6 ans. Ainsi, en 2018, dans une revue systématique de littérature portant sur les études réalisées en Chine sur une période de trente ans, Shen et al déterminaient une prévalence de 45.5 % de malocclusions en denture temporaire (24). En 2015, dans une étude menée en Allemagne portant sur près de 400 enfants âgés de 3 ans, Wagner et al obtenaient une prévalence de malocclusion comparable, équivalent à 45.2% de la population étudiée (10.9 % d’articulé croisé antérieur, 41.2 % surplomb supérieur ≥ 3 mm, 40.8 % relations classe II ou III canine, 3,4 % articulé croisé postérieur) (25). De plus, ces études insistent sur la nécessité de prendre en charge précocement ces malocclusions, qui sont très répandues dans la population générale, afin de les corriger et de rétablir des conditions favorables au développement de la face et de la denture (13,23).

L’interception

Définition de l’interception

Intercepter, c’est « interrompre le cours » d’un phénomène, d’une pathologie, d’une anomalie, afin d’éviter son expression clinique totale (3,13,26). Dans notre problématique, l’interception en denture temporaire consiste donc à dépister, évaluer, contrôler ou enrayer les mécanismes d’aggravation d’une malocclusion initiale chez des enfants de 3 à 6 ans, dans le but de guider la croissance faciale et prévenir des complications et l’aggravation de dysfonctions (par exemple ayant trait à la mastication, la respiration, la déglutition, la phonation, ou la position de la langue) ou de dysmorphoses squelettiques (11,27,28). Cette définition s’est étoffée avec les années. En effet, en 2002, la HAS recommande « d’intervenir en denture temporaire afin de corriger :
– Les anomalies fonctionnelles pouvant nuire aux fonctions orales et nasales.
– Les anomalies de l’occlusion ayant une incidence fonctionnelle ou pouvant altérer la croissance physiologique des arcades dentaires, voire osseuses (1) ». En 2017, la Fédération Française d’Orthodontie précisait cette définition en stipulant « qu’il est recommandé de surveiller l’éruption et le développement des dentures temporaire et mixte afin de pouvoir dépister précocement des anomalies dentaires, des malocclusions, la présence d’habitudes nocives déformantes (par exemple, tics de succion), des problèmes au niveau des voies aériennes, et des dysmorphoses squelettiques en développement (27) ».

Intérêts de l’interception
En fonction des malocclusions prises en charge, l’interception permet de :
– Retrouver précocement un bon équilibre facial
– Favoriser la mise en place des dents permanentes
– Diminuer le risque de traumatismes sur les incisives
– Améliorer les fonctions orales
– Obtenir un environnement parodontal favorable
– Simplifier et réduire la durée des traitements multi-attaches (dans sa durée ou de réduire les indications chirurgicales).
– Assurer la stabilité des résultats finaux .

Critères de mise en œuvre de l’interception
Les traitements interceptifs se basent sur :
– Un déploiement précoce, dépendant d’un dépistage à réaliser le plus tôt possible
– La mise en œuvre d’outils thérapeutiques les plus simples possibles
– Un temps de traitement limité (6 à 9 mois), associée un objectif déterminé à l’avance
– Le potentiel de croissance et de l’éruption dentaire et de l’harmonisation des fonctions (13).

La mise en œuvre d’une prise en charge interceptive d’un enfant en denture temporaire est décidée à partir de l’analyse des données recueillies grâce à l’anamnèse médicale, aux examens exobuccal et endobuccal, à l’examen fonctionnel et aux examens complémentaires. Ce sont ces différents éléments que nous allons maintenant détailler.

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Table des matières

Introduction
I. Malocclusions en denture temporaire
1) Rappels anatomiques
a) Développement morpho-facial
i. Le maxillaire
ii. La mandibule
iii. Courbe de croissance
b) Eruption dentaire
2) Relations inter-arcades et intra-arcades en denture temporaire
a) Présence de diastèmes antérieurs
b) Sens transversal
c) Sens vertical
d) Sens antéro-postérieur
3) Types de malocclusions rencontrées en denture temporaire
a) Malocclusions dans le sens transversal
b) Malocclusions dans le sens vertical
c) Malocclusions dans le sens sagittal
4) Epidémiologie des malocclusions en denture temporaire
5) L’interception
a) Définition de l’interception
b) Intérêts de l’interception
c) Critères de mise en œuvre de l’interception
II. Examen de dépistage réalisé par le chirurgien-dentiste
1) Anamnèse médicale
a) Motif de consultation
b) Interrogatoire médical
i. Pathologies générales
ii. Allergies et troubles ventilatoires
c) Histoire familiale
d) Habitudes
i. Alimentaires
ii. Hygiène bucco-dentaire
iii. Qualité de sommeil
e) Comportement de l’enfant
2) Examen exobuccal
a) Examen du visage de face
i. Typologie et forme du visage
ii. Proportion des étages
iii. Symétrie ou asymétrie faciale
b) Examen de profil
i. La posture générale
ii. Type de profil
iii. Les lèvres
iv. Angle naso-labial
v. Le menton
3) Examen endobuccal
a) Examen dentaire
b) Evaluation de la santé parodontale
c) Evaluation des éléments anatomiques intra-oraux
i. La langue
ii. Amygdales palatines
d) Evaluation de l’hygiène bucco-dentaire et du RCI
e) Examen des bases osseuses maxillaire et mandibulaire et des arcades dentaires
f) Examen des relations occlusales
i. Examen statique des relations occlusales
ii. Examen dynamique des relations occlusales
4) Examen fonctionnel
a) La ventilation
i. Ventilation physiologique
ii. Ventilation non physiologique
iii. Diagnostic de la ventilation buccale
b) La déglutition
i. Déglutition physiologique
ii. Déglutition dysfonctionnelle
iii. Diagnostic d’une déglutition dysfonctionnelle
c) La phonation
d) La mastication
i. Mastication fonctionnelle
ii. Mastication dysfonctionnelle
iii. Diagnostic de mastication dysfonctionnelle
e) Les parafonctions
i. Différents types de parafonctions
ii. Répercussions des parafonctions sur la sphère orale
iii. Le diagnostic de parafonction
III. Interception des anomalies en denture temporaire
1) Prise en charge des anomalies dans le sens transversal
a) Par appareillage
i. Les gouttières d’éducation fonctionnelle
ii. Les plaques palatines à vérin
iii. Les disjoncteurs
iv. Le quad-hélix
b) Par meulage
i. Meulage des canines temporaires
ii. Meulage de Planas
2) Prise en charge des anomalies dans le sens vertical
a) Traitement de la supraclusion
i. Plaque palatine de Hawley
ii. Cales en CVI (Ciment Verre Ionomère)
iii. Port d’un éducateur fonctionnel
b) Traitement de l’infraclusion
i. Enveloppe linguale nocturne (ELN) de Bonnet.
ii. Appareil à perle de Tucat
iii. Le Froggy mouth
iv. Educateur fonctionnel : Lip trainer
v. La plaque de Hawley
vi. Méthodes d’arrêt de succion digitale (hors appareillage)
vii. Dispositif anti-pouce ou anti-langue
3) Prise en charge des anomalies dans le sens sagittal
a) Distoclusion mandibulaire (future classe II)
i. Educateurs fonctionnels
b) Mésiocclusion mandibulaire (future classe III)
i. Educateurs fonctionnels
ii. Plaques de Hawley
iii. Plaque palatine avec ressort
iv. Masque de Delaire (réalisé par un orthodontiste)
4) Prise en charge fonctionnelle pluridisciplinaire
a) L’orthodontiste
b) L’orthophoniste
c) L’oto-rynho-laryngologiste (ORL)
IV. Cas cliniques : exemples de prises en charge des malocclusions en denture temporaire
1) Sens transversal
2) Sens vertical
3) Sens sagittal
Conclusion

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