Interactions polyphénols/macronutriments : leur nature

 INTERACTIONS POLYPHENOLS/MACRONUTRIMENTS : LEUR NATURE

Dans cette première partie, nous nous intéresserons à la nature chimique de ces interactions, en distinguant deux grands types d’interactions :
– des interactions « spécifiques », se produisant entre polyphénols et macronutriments ;
– des interactions « non spécifiques », en lien avec la solubilité des polyphénols dans la matrice.

INTERACTIONS « SPECIFIQUES »

Interactions avec les protéines : 

L’élucidation des mécanismes de formation et de la nature des interactions protéines- polyphénols n’est pas un sujet d’étude récent. En effet, l’utilisation ancestrale et empirique de ce phénomène dans le tannage du cuir amenait Sir Humphry Davy, dès 1803, à définir le terme « tanin » pour désigner la « matière astringente des végétaux » utilisée dans ce procédé. L’évolution des méthodes de mesure a permis depuis de mieux caractériser ces interactions et de réaliser ainsi que ces complexes, s’ils sont largement présents dans l’industrie alimentaire, sont aussi largement impliqués dans bon nombre de phénomènes biologiques, tels que la formation de l’exosquelette des insectes, de l’humus ou encore dans la nécrose des tissus végétaux (Haslam et al., 1992). De même, historiquement, de nombreuses études se sont intéressées au devenir des polyphénols dans le tractus gastro intestinal, les considérant souvent comme des composés anti-nutritionnels. Ceci concerne en particulier les tanins (Butler et al., 1984 ; Mitaru et al., 1984 ; Reddy et Pierson, 1985) et dans une moindre mesure les composés de masse moléculaire plus faible, comme la (+)-catéchine, qui les accompagnent (Eggum et al., 1983). Ils seraient notamment à l’origine d’une altération de la digestion des protéines (augmentation de l’excrétion azotée, (Reddy et Pierson, 1985)), et provoqueraient une diminution du gain de poids chez le rat (Chung et al., 1998b). Plusieurs hypothèses ont été suggérées pour expliquer ces résultats :

– Une complexation des protéines alimentaires par les polyphénols. Cette complexation les rendant moins accessibles à l’action des enzymes digestives, les protéines alimentaires seraient donc moins bien digérées. Ainsi, chez des rats soumis pendant 5 semaines à un régime enrichi en tanins condensés extraits de téguments de caroube, on observe une augmentation de l’excrétion azotée urinaire et fécale, une augmentation de la masse fécale totale ainsi qu’une diminution du gain de poids des animaux. La digestibilité apparente des protéines du régime est également affectée par la présence des tanins (Bravo et al., 1993).
– Une diminution de l’activité enzymatique par complexation des enzymes digestives par les polyphénols (Chung et al., 1998b). Une étude réalisée in vivo sur des rats ayant ingéré un régime enrichi en tanins, montre une diminution de l’activité enzymatique de deux enzymes du système digestif (trypsine et α-amylase) par rapport à un témoin n’ayant pas reçu ces polyphénols (figure 3, Griffith et Moseley, 1980). De plus, l’ajout de polyvinylpolyrrolidone dans le milieu réactionnel, agent connu pour sa capacité à fixer les polyphénols, permet de retrouver une activité enzymatique identique à celle constatée pour le témoin dans le cas de la trypsine. Un mécanisme d’inhibition non compétitive serait mis en cause. Cependant, quantitativement, l’hypothèse de l’altération de la digestion des protéines par une diminution de l’activité enzymatique ne saurait expliquer à elle seule une telle augmentation de la quantité d’azote fécal.
– Une origine endogène des protéines excrétées au niveau fécal et urinaire suite à l’ingestion des polyphénols (Shahkhalili et al., 1990). Des rats soumis pendant huit jours à un régime enrichi en thé noir, ont été perfusés avec de la 15N-glycine, afin d’effectuer un marquage isotopique des protéines endogènes. Le régime a été poursuivi pendant quatre jours durant lesquels les fèces ont été recueillis puis analysés. Cette analyse a révélé la présence d’azote isotopique en proportion directement corrélée à l’augmentation de l’azote fécal total due aux tanins du thé noir, ce qui permet de valider cette troisième hypothèse (figure 4).

Ainsi, dans l’organisme, il existe trois sites de formation de complexes protéines – polyphénols : la bouche (phénomène d’astringence), l’estomac et l’intestin. Mais de tels complexes sont également susceptibles de se former dans l’aliment. De fait, qu’il s’agisse de complexes formés dans un organisme animal ou végétal, ou de complexes résultant d’un procédé de fabrication, les mécanismes sont divers et plus ou moins bien élucidés. On dispose de données assez précises concernant les interactions de polyphénols avec des protéines « organisées » telles que la sérum albumine bovine, dont les constantes d’affinité pour de nombreuses molécules telles qu’acides phénoliques ou quercétine ont été calculées (Dufour et Dangles, 2005 ; Papadopoulou et al., 2005 ; Prigent et al., 2003). En revanche, la compréhension des interactions avec les protéines à structure déployée (« random coil »), telles que les protéines salivaires demeure plus délicate, même si de nombreuses études ont été réalisées sur ce thème. On peut néanmoins distinguer deux grands types d’interactions :
– Des interactions réversibles : formation par liaisons de faible énergie de complexes solubles qui finissent par précipiter (figure 5). Il s’agit soit des complexes se formant dans l’organisme lorsque les polyphénols sont ingérés non complexés, soit de la première étape de la formation des complexes trouvés dans les aliments (Haslam et Lilley, 1988) ;
– Des interactions irréversibles : formation de complexes comportant des liaisons covalentes, dont la formation peut impliquer des phénomènes d’oxydation. Elles se rencontrent plutôt dans des aliments ayant subi une transformation industrielle : bière, jus de fruits.

La complexation réversible 

Interactions des polyphénols avec les protéines à structure déployée: le phénomène d’astringence 

Lorsque l’on consomme des produits riches en polyphénols tels que le vin rouge jeune ou des fruits encore verts, on ressent souvent une sensation râpeuse sur la langue associée à une sécheresse buccale et à un sentiment de contraction du palais. Ces sensations, non immédiates, ne sont pas circonscrites à une région particulière de la bouche, ce qui suggère qu’elles ne sont pas dues à un phénomène classique d’interaction avec des bourgeons gustatifs. En revanche, la sensation de sécheresse buccale laisse supposer une implication de la salive dans le phénomène. Ces observations s’appliquent également à de nombreux remèdes astringents utilisés dans la médecine chinoise comme agents anti-diarrhéiques ou antihémorragiques, remèdes dont on considère en général les polyphénols comme étant les principes actifs (Haslam et Lilley, 1988). Ces utilisations médicales impliquant une liaison des protéines avec les polyphénols, un rapprochement avec une précipitation possible des protéines salivaires par les polyphénols dans le cas des sensations décrites ci-dessus, a rapidement été établi.

Ce mode d’action a donné son nom à ce phénomène : l’astringence, du latin ad (vers) et stringere (lier). Ces interactions ont été largement étudiées et la littérature abondante existante sur ce phénomène fournit de nombreuses clés de compréhension concernant les phénomènes d’interactions réversibles susceptibles de se produire entre ces protéines à structure déployée et les polyphénols, aussi bien dans l’aliment que dans l’organisme. En effet, les observations réalisées sur les protéines salivaires semblent généralisables aux interactions des polyphénols avec les protéines à structure déployée.

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Table des matières

INTRODUCTION
ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
I. Interactions polyphénols/macronutriments : leur nature
I.1. Interactions « spécifiques »
I.1.1. Interactions avec les protéines
I.1.1.1. La complexation réversible
I.1.1.2. La complexation irréversible
I.1.2. Interactions avec les glucides et les fibres
I.1.2.1. Fruits et légumes, matrices naturelles des polyphénols
I.1.2.2. Interactions constitutives
I.1.2.3. Interactions formées lors de la transformation des fruits
I.1.3. Interactions avec les lipides des fruits
I.2. Interactions « non spécifiques » : en lien avec la solubilité des polyphénols
I.2.1. Influence des lipides
I.2.2. Influence de l’alcool
II. Influence des interactions polyphénols/macronutriments sur le pouvoir antioxydant des polyphénols
II.1. Interactions dans l’aliment et pouvoir antioxydant des polyphénols
II.1.1. Interactions se produisant lors de la fabrication ou la conservation de l’aliment
II.1.1.1. Evolution du pouvoir antioxydant des fruits pendant leur conservation
II.1.1.2. Pertes de pouvoir antioxydant liées à la transformation des fruits
II.1.1.3. Valorisation de sous produits alimentaires : vers une amélioration du pouvoir antioxydant des aliments ?
II.1.2. Interactions se produisant lors de la consommation de l’aliment
II.1.2.1. Effets de la préparation domestique des aliments
II.1.2.2. Effets de la cuisson domestique des aliments
II.1.2.3. Préparation domestique des boissons au lait
II.2. Interactions dans l’organisme et pouvoir antioxydant des polyphénols
II.2.1. Interactions se formant lors de la digestion des composés phénoliques
II.2.1.1. Interactions au niveau buccal : l’astringence
II.2.1.2. Interactions au niveau gastro-intestinal
II.2.1.3. Devenir des complexes polyphénol / macromolécules au niveau du côlon
II.2.2. Interactions après absorption
III. Influence des interactions polyphénols/macronutriments sur la biodisponibilité des polyphénols
III.1. Evaluation de l’influence de la matrice alimentaire sur la biodisponibilité des polyphénols de manière « indirecte »
III.2. Evaluation de l’influence de la matrice alimentaire sur la biodisponibilité des polyphénols de manière « directe »
III.2.1. Difficultés couramment rencontrées lors de l’étude de l’influence de la matrice alimentaire sur la biodisponiblité des polyphénols
III.2.2. Données disponibles
III.2.2.1. Etudes de biodisponibilité faisant intervenir des matrices contenant des protéines
III.2.2.2. Etudes de biodisponibilité faisant intervenir des matrices contenant des fibres alimentaires, des polysaccharides
III.2.2.3. Etudes de biodisponibilité faisant intervenir des matrices lipidiques
III.2.2.4. Etudes de biodisponibilité faisant intervenir des matrices contenant de l’alcool
MATERIEL ET METHODES
I. Réactifs et solvants utilisés
II. Echantillons de Café
II.1. Préparation des Cafés extemporanés
II.2. Préparation des Cafés atomisés
II.3. Préparation des Cafés à base de café en grains (vert et torréfié)
II.4. Détermination des matières sèches
III. Dosage des acides hydroxycinnamiques dans les solutions de Café et Café au lait par CLHP-DEC
III.1. Mise au point des conditions d’analyse par CLHP-DEC
III.1.1. Système chromatographique
III.1.2. Etablissement des voltamogrammes des acides hydroxycinnamiques et dérivés
III.1.3. Etablissement de gammes d’étalonnage pour l’analyse des acides phénoliques
III.2. Extraction des acides hydroxycinnamiques et dérivés du Café
III.2.1. Extraction directe des acides hydroxycinnamiques
III.2.2. Hydrolyse basique et extraction des dérivés hydroxycinnamiques
III.2.3. Détermination des taux de récupération
IV. Séparation des acides hydroxycinnamiques et des produits de la réaction de Maillard présents dans les solutions de Café
IV.1. Séparation chromatographique sur colonne LH-20
IV.2. Séparation par ultrafiltration
V. Mesure du pouvoir antioxydant des solutions de Café et de Café au lait
V.1. Test DPPH
V.1.1. Principe
V.1.2. Protocole expérimental
V.1.3. Calculs et expression des résultats
V.2. Test AAPH
V.2.1. Principe
V.2.2. Protocole expérimental
V.2.3. Calculs et expression des résultats
V.3. Test TAC
V.3.1. Principe
V.3.2. Protocole expérimental
V.3.2.1. Extraction et analyse du substrat d’oxydation : la crocine
V.3.2.2. Protocole du test TAC
V.3.3. Calculs et expression des résultats
CONCLUSION

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