Interaction entre la douleur et le système sensorimoteur vertébral

Interaction entre la douleur et le système sensorimoteur vertébral

Depuis très longtemps, l ‘homme cherche ardemment · une façon de comprendre les mécanismes expliquant le phénomène de la douleur et ainsi, établir des stratégies de soulagement de la douleur sous toutes ses formes. La douleur lombaire est l’une des douleurs les plus fréquemment ressenties dans les pays industrialisés. D’importantes sommes provenant de fonds privés et publics sont investies chaque année et plusieurs équipes de travail provenant de différents milieux conjuguent leurs efforts afin de mieux comprendre la lombalgie. Malgré tous les efforts fournis, le nombre et la qualité des travaux de recherche portant sur cette condition, les mécanismes sous-jacents sont encore mal connus. De plus; le meilleur traitement n’a pas encore été identifié.

L’objectif de ce travail est de mieux comprendre les effets d’un type de traitement manuel utilisé couramment pour traiter la lombalgie: la manipulation vertébrale. Dans un premier temps, nous allons situer la lombalgie dans son contexte épidémiologique. Ensuite, nous élaborerons sur la pathophysiologie de la douleur lombaire et sur les changements neuromécaniques observés en présence de celle-ci. Nous dresserons un tableau des effets généraux de la manipulation vertébrale ainsi· que de ses effets chez les personnes atteintes de lombalgie. Puis, un article, publié en 2012 dans le BMC musculoskeletal disorders, présentera les détails de l’étude menée dans le cadre de ce mémoire de recherche. Enfin, nous discuterons des résultats et des potentielles retombées scientifiques des travaux présentés.

Épidémiologie de la lombalgie 

La lombalgie est couramment décrite par la communauté scientifique comme une douleur se situant dans la région délimitée par la 12e paire de côtes et les plis fessiers. Dans 85 à 90 % des cas, elle est classifiée comme non spécifique (aucune origine pathologique suspectée) (O’Sullivan, 2005; Woolf et Pfleger, 2003) et la plupart des changements détectés par l’imagerie diagnostique ne sont que faiblement corrélés avec les symptômes rapportés par les patients (Chou et Shekelle, 2010). On a longtemps tenté de prédire le pronostic en classifiant la lombalgie selon sa durée. Dans une telle classification, les phases aiguë, subaigüe et chronique ont une durée respective de moins de six semaines, de six à 12 semaines et de plus de 12 semaines. (van der Windt et Dunn, 2013). Toutefois, l’avancée des connaissances dans ce domaine suggère que la durée de l’épisode n’est pas le seul facteur à considérer pour évaluer le pronostic et choisir le traitement adéquat (van der Windt et al., 2013). Considérant cette classification, on rapporte que la majorité des épisodes de douleur lombaire aigüe se résorbent en quatre semaines tandis qu’environ 10 à 40 % de ces épisodes deviennent chroniques (O’Sullivan, 2005). En présence de douleur lombaire, le clinicien doit évaluer les drapeaux rouges, soient tous les signes et symptômes suggérant une condition pathologique sous jacente, vérifier la présence de signes neurologiques et évaluer les facteurs psychosociaux influençant le pronostic, mieux connus sous le nom de drapeaux jaunes (Chou et al., 2010). Parmi ces facteurs, notons une situation socio-économique et éducationnelle faible, la présence d’une maladie psychologique préexistante, une faible satisfaction au travail, un travail physique exigeant, l’usage du tabac, l’obésité ainsi que la réception de compensation financière en dédommagement pour blessure ou maladie (Chou et al., 2010). La mise en évidence de drapeaux jaunes lors de l’anamnèse peut influencer le pronostic et la réponse aux traitements. En effet, leur présence est souvent associée à de mauvais résultats cliniques et constitue un facteur de risque de chronicisation de la lombalgie (Chou et al., 2010). L’exposition à des épisodes de douleur lombaire répétés favorise également la chronicisation de la condition (van der Windt et al., 2013).

La lombalgie est l’une des affections les plus répandues et les plus coûteuses dans les pays industrialisés (Fransen, Woodward, Norton, Coggan, Dawe et Sheridan, 2002). Elle occupe le cinquième rang des motifs de consultation médicale aux États-Unis (Chou et al., 2010). Selon Dunn et Croft (Dunn et Croft, 2004), un adulte sur cinq affirme ressentir des douleurs lombaires et 40 % de la population en aurait été atteint dans le dernier mois. Il semblerait qu’environ 85 % de la population souffrirait de douleur lombaire au moins une fois à un moment ou un autre de sa vie (Walker, 2000). Responsable d’une partie importante de l’absentéisme au travail, la lombalgie est l’une des causes les plus fréquentes de consultation en matière de soins de santé et entraîne de lourdes conséquences socio-économiques dans les pays concernés (Dunn et al., 2004). Le Canada, la Grande-Bretagne, la Suisse et les PaysBas rapportent davantage de problèmes d’ absentéisme reliés aux douleurs lombaires que les États-Unis et l’Allemagne. Entre deux et huit pourcent de la main-d’œuvre en serait affecté, représentant neuf jours d’absentéisme par an par travailleur aux États-Unis, 20 jours au Canada, 25 jours aux Pays-Bas, 30 jours en Grande-Bretagne et 40 jours en Suisse (Manchikanti, 2000; Nachemson, 1992).

L’estimation des coûts reliés aux douleurs lombaires varie beaucoup selon les études. De leur côté, Dagenais et al. (Dagenais, Caro et Haldeman, 2008) estiment que les coûts totaux engendrés par cette affection aux États-Unis, comprenant les coûts directs et indirects, varient entre 84,1 et 624,8 milliards de dollars. Étant plus fréquente chez les travailleurs, la lombalgie affecterait légèrement plus les femmes. L’incidence des douleurs lombaires serait plus élevée chez les trentenaires. La prévalence globale quant à elle atteindrait son maximum entre 60 et 65 ans pour ensuite diminuer graduellement avec l’âge (Hoy, Brooks, Blyth et Buchbinder, 2010).

En somme, la lombalgie est un problème multidimensionnel regroupant des facteurs causals anatomo-pathologiques, neurophysiologiques, physiques et psychosociaux (O’Sullivan, 2005). À la lumière de l’épidémiologie de cette affection, il est impératif de mettre en place des stratégies de prise en charge et de gestion clinique efficaces afin de diminuer l’impact socio-économique de la lombalgie dans notre société. Cet objectif peut être atteint, entre autres, en étudiant les mécanismes physiologiques de la douleur et sa réponse aux traitements.

Pathophysiologie de la lombalgie 

Afm de mieux comprendre l’étiologie de la lombalgie, nous allons tout d’abord décrire les différents récepteurs sensoriels retrouvés dans le corps qui détectent les changements dans son environnement. Ensuite, nous décrirons les notions théoriques expliquant l’influence de la douleur sur le système sensorimoteur vertébral.

Perception sensorielle 

Plusieurs récepteurs interviennent dans le phénomène de la douleur. Afm de mieux comprendre les mécanismes pouvant expliquer la lombalgie ainsi que son traitement, il est tout d’ abord pertinent de décrire brièvement les principaux récepteurs retrouvés à la surface et à l’ intémur du corps qui réagissent aux changements se produisant dans leur environnement. L’information sensorielle transmise aux centres supérieurs pour être analysée est d’ abord captée par les récepteurs somesthésiques. Cette catégorie inclut les mécanorécepteurs tactiles et proprioceptifs.

Parmi les récepteurs tactiles, notons les corpuscules de Pacini qUI sont sensibles à la pression et à la vibration à haute fréquence et qui se localisent principalement dans les couches profondes de la peau, tout près des articulations ainsi qu’ à la surface des tendons.

Interaction entre la douleur et le système sensorimoteur vertébral 

Les sources de lombalgie sont multiples et les lésions discales, les dommages à l’articulation zygapophysaire, les traumatismes, la hernie discale, la dégénérescence articulaire et la dysfonction sacro-iliaque font partie des principales causes lUlses en lumière ces dernières années. Les mécanismes à l’origine du développement des douleurs lombaires sont complexes et encore mal connus. L’hypothèse proposée par Holm et al. en 2002 stipule que des lésions des structures passives du rachis peuvent entraîner des perturbations proprioceptives des mécanorécepteurs. L’information afférente provenant des structures viscoélastiques passives contribue à la régulation de la tension musculaire ainsi qu’au contrôle de la stabilité lombaire. L’information sensitive transmise au système nerveux central en provenance des structures passives est essentielle au déclenchement des réponses réflexes et volontaires (Holm, Indahl et Solomonow, 2002).

Lors d’étirement excessif ou de lésions des structures de soutien passives ainsi qu’en présence d’inflammation, les fonctions proprioceptives des récepteurs semblent altérées. Ces perturbations provoqueraient une augmentation et une prolongation de l’activité musculaire pouvant alors causer de la douleur (Rolm et al., 2002). Dans le même ordre d’idée, la stimulation des terminaisons nerveuses libres à bas seuil d’excitation, retrouvées au sein des articulations sacro-iliaques et zygapophysaires ainsi qu’à l’intérieur des disques intervertébraux, peut déclencher des réflexes d’activation des muscles fessiers et paraspinaux potentiellement douloureux (Rolm et al., 2002). En effet, l’injection de solution saline hypertonique à l’intérieur des articulations zygapophysaires lombaires provoque des douleurs dans la région lombaire ainsi que dans les membres inférieurs (Indahl, Kaigle, Reikeras et Holm, 1997).

Parallèlement, il semblerait qu’un étirement de la capsule articulaire des articulations zygapophysaires provoquerait une modulation de la réponse motrice à la douleur. Indahl et al. (Indahl et al., 1997) a enregistré, chez le porc ayant reçu une stimulation électrique douloureuse au niveau du disque intervertébral, une diminution de l’activité musculaire des muscles paraspinaux lors de l’injection de solution saline dans les articulations zygapophysaires. Holm et al. (Holm et al., 2002), quant à eux, ont obtenu des résultats similaires chez le chat. Dans les deux études, où l’électromyographie implantée permettait l’enregistrement des muscles ciblés, un stimulus douloureux provoquait une augmentation de l’activité des muscles longissimus et multifides au niveau lombaire, tandis que l’étirement . capsulaire provoquait une diminution des potentiels d’action de ces mêmes muscles. On a alors observé trois types de diminution: une diminution immédiate et constante, graduelle ou retardée de l’activité musculaire. Cette diminution est survenue en moyenne cinq minutes après l’étirement capsulaire (Ho lm et al., 2002; Indahl et al., 1997). La stimulation des mécanorécepteurs lors de l’étirement capsulaire semble, dans un tel cas, moduler la réponse neuromusculaire en présence de douleur induite expérimentalement chez l’animal. Ces observations permettent d’expliquer, en partie, les changements neuromécaniques observés en présence de lombalgie que nous expliquerons dans les paragraphes suivants.

Adaptations neuromécaniques chez les personnes atteintes de lombalgie 

Phénomène de flexion-relaxation 

Les études électromyographiques ont permis l’avancement des connaissances au sujet des propriétés électrophysiologiques des muscles. Dans l’évaluation des patients atteints de lombalgie, on utilise généralement l’électromyographie (EMG) de surface. Cette méthode d’enregistrement objective est non invasive, renseigne sur l’activité et la fonction musculaire et est utilisée par plusieurs biomécaniciens et cliniciens (Colloca et Hinrichs, 2005)Lors de la contraction musculaire, la membrane cellulaire des fibres musculaires se dépolarise sous l’effet de variations physiologiques. Cette dépolarisation produit alors un potentiel d’action électrique. La sommation des potentiels d’actions émis par les unités motrices peut être enregistrée à l’aide de capteurs (électrodes) placés sur la surface de la peau. L’amplitude du signal ainsi que la fréquence d’émission enregistrées, amplifiées et filtrées, renseignent sur l’activité musculaire (Lehman, 2012). Toutefois, seuls les muscles superficiels peuvent être étudiés à l’aide de cette méthode (Demoulin, Crielaard et Vanderthommen, 2007).

Dans le cadre de travaux de recherche, l’EMG permet entre autres d’enregistrer les adaptations musculaires chez une population souffrant de lombalgie telles : le déconditionnement musculaire, la diminution de la contraction volontaire maximale ou encore la fatigabilité musculaire lors d’une tâche d’endurance (Demoulin et al., 2007). Grâce à cet outil, Floyd et Silver ont pu identifier pour la première fois, en 1951, une de ces adaptations bien étudiées ces dernières années, soit le phénomène de flexion relaxation (PFR). Caractérisé par un silence électromyographique lors de la flexion volontaire complète du tronc, ce phénomène est présent et prévisible chez la majorité des personnes saines n’ayant pas connu d’épisode significatif de lombalgie. La figure 2a illustre ce phénomène. Les tissus mous passifs, dont les ligaments et les fascias, sont en majeure partie responsables du support lombaire lors de la flexion complète, diminuant ainsi l’activation des muscles érecteurs du rachis dans cette position (Mayer, Neblett, Brede et Gatchel, 2009). L’étirement des structures passives provoquerait une stimulation des récepteurs musculaires et ligamentaires sensibles à l’étirement, activant alors une rétroaction inhibitrice sur les muscles érecteurs du rachis (Colloca et al., 2005). Toutefois, certaines études démontrent que le phénomène est absent lorsque la flexion est effectuée en position couchée, remettant en question cette hypothèse (OIson, Solomonow et Li, 2006).

CONCLUSION

Le fardeau socio-économique associé à la lombalgie motive la recherche de solutions efficaces afm de diminuer la prévalence de cette affection. Malgré plusieurs propositions de traitement, aucune approche universellement efficace n’a encore été identifiée. Il semblerait que la MV soit efficace pour le traitement de ce type de problème, bien que pour l’instant les recherches scientifiques ne rapportent que de petits effets positifs comparables à plusieurs autres approches thérapeutiques. Malgré les difficultés relatives à l’identification défmitive d’ingrédient actif pouvant expliquer les résultats cliniques, cette étude montre que la MV peut moduler l’activité musculaire de la réponse de flexion relaxation lombaire chez les personnes atteintes de douleur lombaire. On peut également conclure que la MV a un effet sur la douleur et la fatigue musculaire provoquées par la répétition de la tâche de . flexion-extension. La MV ne semble cependant pas avoir d’effet important sur le mouvement du tronc et plus particulièrement sur celui des régions lombaire et pelvienne. Toutefois, une évaluation plus précise de la cinématique segmentaire pourrait révéler des changements iocalisés découlant des modifications de l’activité musculaire engendrées par la MV. Les prochaines études fondamentales portant sur les mécanismes d’action de la MV devraient entre autres s’attarder aux effets de la MV à plus long terme, l’évaluation de la dose nécessaire pour provoquer ces effets ainsi que la corrélation des changements physiologiques avec les résultats cliniques. La catégorisation des sujets en sous-groupes est également prometteuse en ce qui a trait au pronostic ainsi qu’à l’élaboration d’un plan de traitement efficace. Ces perspectives de recherche préciseront sans doute les mécanismes à l’origine des résultats cliniques.

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Table des matières

1. INTRODUCTION
Épidémiologie de la lombalgie
Pathophysiologie de la lombalgie
Perception sensorielle
Interaction entre la douleur et le système sensorimoteur vertébral
Adaptations neuromécaniques chez les personnes atteintes de lombalgie
Phénomène de flexion-relaxation
Rythme lombopelvien
Manipulation vertébrale et lombalgie
II. OBJECTIFS ET HypOTHÈSES 
III. ARTICLE SCIENTIFIQUE PUBLIÉ DANS LA REVUE BMC MUSCULOSKELETAL DISORDERS
Abstract
Introduction
Methods
Participant
Procedures Measurements
Statistical analyses
Results
Discussion
Conclusion
IV. DISCUSSION 
Retour sur les objectifs et hypothèses
Synthèse des principaux résultats
Limites
Perspectives de recherche
Perspectives à court terme
Perspectives à long terme
V. CONCLUSION

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