Instabilités agéostrophiques des écoulements baroclines

Scénario classique : l’ajustement géostrophique

   La première étude de l’ajustement géostrophique a été réalisée par Rossby (1938) dans le cadre des équations de l’eau peu profonde en rotation. En considérant que le vent a mis en mouvement la couche océanique superficielle, il a montré que les conditions initiales non-équilibrées excitent des ondes d’inertie gravité transitoires qui redistribuent la masse et la quantité de mouvement pour établir finalement un état en équilibre géostrophique. Plus généralement l’ajustement géostrophique est le processus classique par lequel l’océan ou l’atmosphère, une fois perturbé de son état d’équilibre, va retourner vers un tel état (Blumen (1972)). La partie non-équilibrée de l’état perturbé initial est évacuée en émettant des ondes d’inertie-gravité, ce que l’on pourra qualifier d’émission primaire. Ces ondes se dispersent et se propagent en laissant derrières elles la partie ajustée de l’écoulement qui évolue lentement. Ce processus est universel et accompagne la relaxation de toutes les perturbations, au moins pour les faibles Ro, puisque la partie équilibrée (vortex) et la partie non-équilibrée (les ondes d’inertie-gravité) de l’écoulement sont clairement identifiées et séparées dynamiquement dans ce régime. On peut dès lors étudier les problèmes d’ajustement analytiquement par des méthodes perturbatives de différents ordres en Ro (voir par exemple Reznik et al. (2001), Zeitlin et al. (2003), Zeitlin (2007)). L’ajustement géostrophique peut aussi être interprété comme un processus qui minimise l’énergie pour une distribution donnée de vorticité potentielle (Vallis (1992)). L’émission d’ondes d’inertie-gravité étant rapide (quelques f−1) par rapport à l’évolution de la vorticité potentielle. Pourtant, en dépit de cette séparation, les observations nous montrent que les jets et les fronts sont des sources importantes d’ondes d’inertie-gravité (Fritts & Nastrom (1992), Guest et al. (2000), Plougonven et al. (2003)). Les simulations numériques confirment ces émissions (O’Sullivan & Dunkerton (1995), Zhang et al. (2001), Plougonven & Snyder (2007)), dans le cadre de l’évolution tridimensionnelle d’un jet, mais peinent à en identifier précisément les mécanismes.

Ondes à énergie négative, pseudo-moments et pseudo-énergie

   Dans l’approximation quasi-géostrophique, la croissance d’un mode instable était nécessairement interprétée comme un transfert d’énergie de l’écoulement moyen vers le mode instable, la baisse de l’énergie de l’écoulement moyen compensant le gain d’énergie par le mode instable. Mais les travaux de Cairns (1979), Ripa (1983), qui a généralisé le théorème Rayleigh-Fjørtoft au modèle de l’eau peu profonde ou encore Marinone & Ripa (1984) et Hayashi & Young (1987) ont montré que cette interprétation n’était plus forcément valide en dehors de l’approximation quasi-géostrophique (lorsque l’écoulement peut devenir divergent). Les transferts de quantité de mouvement ou d’énergie entre un mode instable et l’écoulement moyen ne sont donc plus forcément essentiels à la croissance de l’instabilité. Ceci est particulièrement visible pour un profil de vorticité nulle ou constante puisque dans ce cas il ne peut pas y avoir de transferts d’énergie ou de quantité de mouvement entre une onde et l’écoulement moyen, étant donné que ces flux doivent être proportionnels à des flux de vorticité potentielle (Hayashi & Young (1987)). La condition d’instabilité associée à la présence de gradients de vorticité n’est ainsi jamais remplie, mais ces écoulements peuvent pourtant devenir instables.

Interaction résonante de deux ondes

   Une instabilité va se développer lorsque deux modes, par ailleurs stables lorsqu’ils sont considérés indépendamment l’un de l’autre, vont avoir des vitesses de phases identiques (ou du moins suffisamment proches) pour un nombre d’onde k donné et des pseudo-énergies (ou pseudo-moments) de signes opposés. Un point important étant que cela ne suppose aucune restriction sur les types d’ondes envisagés. Ces critères permettent ainsi de prédire l’apparition d’instabilité aisément à partir des propriétés de dispersion des différents modes présents dans le système. On raisonnera préférentiellement dans la suite sur les pseudo-moments plutôt que sur les pseudo-énergies, puisque ces dernières dépendent du référentiel considéré, ce qui n’est pas le cas des pseudomoments. Si les courbes de dispersion de deux ondes considérées indépendamment se croisent (il existe un nombre d’onde k pour lequel ces deux ondes ont la même vitesse de phase c), figure 2.21 (a), le diagramme de phase du système se comportera comme sur la figure 2.21 (b) si ces deux ondes ont des pseudo-moments de même signe, ou comme sur la figure 2.21 (c) si les signes de leurs pseudo-moments sont opposés. Dans ce cas les deux courbes de dispersion se rejoignent et ne forment plus qu’une seule courbe, correspondant à la vitesse de phase du mode instable, avec une partie imaginaire non nulle. On peut d’ailleurs montrer que le signe du pseudo-moment d’un mode est déterminé par le signe de sa vitesse de phase intrinsèque dans le cas d’un écoulement de base uniforme, ou plus généralement par le signe de la dérivée de sa courbe de dispersion dans le diagramme de phase dans le cas d’un écoulement basique quelconque.

Méthode pseudo-spectrale de collocation

   La méthode de collocation est une méthode pseudo-spectrale : une partie des opérations s’effectue dans l’espace physique et l’autre partie s’effectue dans l’espace spectral. Elle requiert que la solution approchée vérifie exactement les équations du système qu’on cherche à résoudre en un nombre fini de points, qui sont appelés les points de collocation. On s’intéresse aux domaines bornés non-périodiques, on pourra donc toujours se ramener à l’intervalle [−1, 1]. Décomposer la solution au problème cherché en fonctions trigonométriques nous expose au phénomène de Gibbs (oscillations parasites de la solution, qui se produisent lorsqu’on périodise un signal non périodique défini sur un intervalle [a, b] et qui ne prend pas les mêmes valeurs en a et en b) étant donné que nous travaillons sur un domaine non périodique. Il est plus approprié de décomposer la solution en polynômes algébriques. Si l’on fait une interpolation avec des polynômes algébriques sur une grille de points espacés uniformément sur l’intervalle [−1, 1], on s’expose alors au phénomène de Runge (oscillations parasites de la solution qui s’intensifient lorsqu’on augmente le degré du polynôme utilisé pour l’interpolation).

De l’eau peu profonde à la stratification continue : le modèle WRF

 Le modèle WRF (Weather Research and Forecast) est un modèle numérique mésoéchelle (Une description complète est disponible dans Skamarock et al. (2005)) qui repose sur un code flexible, portable et à la pointe de la recherche. Il est développé de façon conjointe par plusieurs organismes dont le NCAR et le NCEP. Il a été conçu pour permettre non seulement des simulations météorologiques d’écoulements réels ’application opérationnelles) mais aussi des simulations idéalisées (utilisation pour la recherche). Parailleurs, il peut décrire des écoulements atmosphèriques à différentes échelles, allat de la Terre entière à la cellule convective individuelle. Il est utilisable pour de multiples échelles de longueur et de temps et permet de décrire des écoulements réels en assimilant ds données comme de simuler des écoulements idéalisés puisqu’il est conçu à la fois pour de la prévision opérationnelle et de la modélisation plus théorique pour la recherche. Il permet donc de travailler sur des configurations théoriques et simplifiées que l’on peut intégrer dans le code comme nous allons le faire ici. Le modèle WRF a été développé pour remplacer progressivement le modèle MM5 (Dudhia (1993)), largement utilisé dans le monde, mais WRF n’est pas issu de MM5. Les schémas d’advection d’ordre élevé du modèle sont un de ses atouts et en font un outil de choix pour les études de dynamique telle que la notre. Le modèle intègre les équations primitives compressibles et non-hydrostatiques. Les équations sont utilisées sous forme flux pour les propriétés de conservation. L’écriture modulaire du code, en Fortran90, a été réalisée de manière à permettre facilement de modifier un aspect spécifique du modèle (par ex. une paramétrisation) sans toucher au reste du code. Les caractéristiques techniques principales du modèle sont donc les suivantes :
– modèle non-hydrostatique (avec une option hydrostatique)
– termes prenant en compte la force de Coriolis et les effets de courbure de la terre
– coordonnée σ suivant la topographie
– possibilité de faire varier la résolution verticale avec l’altitude
– 3 types de projection (Mercator, Lambert, polaire)
– différenciation sur une grille d’Arakawa de type C
– intégration temporelle avec un schéma de Runge-Kutta d’ordres 2 et 3
– schéma d’advection d’ordre 2 à 6 (horizontalement et verticalement)
– découpage du temps en petit pas de temps pour les ondes sonores
* petit pas horizontalement explicites et verticalement implicites
* option d’atténuation de la divergence
A ces caractèristiques concernant la dynamique, il convient d’ajouter pour la description d’écoulements atmosphèriques un choix important de paramétrisation pour les options physiques de la surface, la couche limite planétaire, le rayonnement, ou encore la microphysique. Celles-ci ne seront néanmoins pas utilisées pour les simulations idéalisées décrites dans la suite.

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Table des matières

1 Introduction 
1.1 Équilibres et séparation d’échelles dans l’atmosphère et l’océan 
1.1.1 Échelles et forces
1.1.2 Équilibres à grande échelle
1.1.3 Les modèles équilibrés
1.1.4 Mouvements non-équilibrés
1.2 Séparation des mouvements équilibrés et non-équilibrés 
1.2.1 Scénario classique : l’ajustement géostrophique
1.2.2 Émission spontanée
1.2.3 Instabilités agéostrophiques
2 Ondes et instabilités dans le modèle de l’eau peu profonde 
2.1 Hypothèses et équations du modèle de l’eau peu profonde 
2.2 Propriétés importantes du modèle
2.2.1 Conservation de la vorticité potentielle
2.2.2 Séparation entre mouvements lents et mouvements rapides
2.3 Généralités sur les analyses de stabilité 
2.4 Ondes dans le modèle de l’eau peu profonde
2.4.1 Ondes de Rossby
2.4.2 Ondes de gravité dans un modèle sans rotation
2.4.3 Ondes de Poincaré
2.4.4 Conditions aux bords
2.4.5 Mode de Kelvin
2.4.6 Mode frontal
2.4.7 Mode inertiel
2.5 Les critères classiques d’instabilité 
2.5.1 Instabilité barotrope
2.5.2 Instabilité barocline
2.6 Instabilités et résonances d’ondes 
2.6.1 Ondes à énergie négative, pseudo-moments et pseudo-énergie
2.6.2 Interaction résonante de deux ondes
2.6.3 Instabilité et niveaux critiques
2.7 Instabilités dans le modèle de l’eau peu profonde à gravité réduite 
2.7.1 Instabilité d’un écoulement cisaillé
2.7.2 Instabilités frontales
2.8 Instabilités dans un modèle de l’eau peu profonde à deux couches 
2.8.1 Instabilité barocline
2.8.2 Instabilité Kelvin-Helmholtz
2.8.3 Instabilité Rossby-Kelvin
2.8.4 Instabilités frontales dans le modèle à deux couches
2.9 Contenu et organisation de la thèse
3 Modélisation numérique 
3.1 Méthode de collocation pour les problèmes de stabilité linéaire
3.1.1 Équations aux valeurs propres
3.1.2 Méthode pseudo-spectrale de collocation
3.2 Méthode aux volumes finis pour les systèmes hyperboliques 
3.2.1 Rappel sur les systèmes hyperboliques
3.2.2 Description de la méthode générale
3.2.3 Schéma pour l’eau peu profonde en rotation avec topographie et assèchement
3.3 De l’eau peu profonde à la stratification continue : le modèle WRF
4 Instabilités dans un anneau en rotation 
4.1 Introduction 
4.1.1 Résultats expérimentaux
4.1.2 Émission spontanée d’ondes d’inertie-gravité ?
4.1.3 Instabilités dans le modèle de l’eau peu profonde
4.2 Instabilities of two-layer shallow-water flows in the rotating annulus
4.2.1 Introduction
4.2.2 One-layer shallow water in the rotating annulus
4.2.3 Two-layer shallow water in the rotating annulus
4.2.4 Summary and discussion
4.3 Conclusion
5 Instabilités dans un canal : évolution non-linéaire de l’instabilité RK
5.1 Introduction
5.2 Ageostrophic instabilities of fronts in a channel in a stratified rotating fluid
5.2.1 Introduction
5.2.2 Linear stability analysis in the two-layer fluid
5.2.3 RK instability in the continuously stratified fluid
5.2.4 Non-linear evolution of the Rossby-Kevin instability
5.2.5 Summary
5.3 Conclusion
6 Instabilités d’un courant côtier 
6.1 Introduction
6.2 Instabilities of buoyancy driven coastal currents and their nonlinear evolution. Part I. Passive lower layer 
6.2.1 Introduction
6.2.2 The model and the linear stability problem
6.2.3 Non-linear evolution of the leading instability
6.2.4 Summary and concluding remarks
6.3 De la gravité réduite au modèle deux couches
6.4 Instabilities of buoyancy driven coastal currents and their nonlinear evolution. Part II. Active lower layer 
6.4.1 Introduction
6.4.2 The 2-layer rotating shallow water model and the linear stability problem
6.4.3 Non-linear evolution of unstable modes
6.4.4 Summary and Conclusions
6.5 Conclusion
7 Résumé et conclusions 
A Compléments au chapitre 5
A.1 Toit rigide Vs surface libre
A.2 Evolution non-linéaire du mode RK dans le modèle de l’eau peu profonde
Bibliographie

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