Inhibition de l’action : Analyse d’un construit

INHIBITION DE L’ACTION : ANALYSE D’UN CONSTRUIT

Contrôle inhibiteur : éléments de classification et de définition

“The ability to suppress irrelevant or interfering stimuli or impulses is a fundamental executive function essential for normal thinking processes and, ultimately, for successful living.” (Garavan et al., 1999, p. 8301)

Dans un environnement dynamique, il est essentiel que nous soyons capables d’ajuster nos pensées et notre comportement aux évènements extérieurs ainsi qu’à nos propres orientations internes. Cela implique une interaction entre des processus d’activation et d’inhibition des réponses comportementales. Bien qu’il existe une vaste littérature sur les mécanismes impliqués dans la préparation et l’exécution des réponses, qu’elles soient de nature motrice ou cognitive, les recherches explorant les processus d’inhibition sont bien plus récentes. En effet, l’absence d’action manifeste a, historiquement, été considérée comme la simple conséquence d’une non activation motrice (Diamond et al., 1963). Cependant, à l’heure actuelle, les chercheurs comprennent la nécessité d’examiner à la fois l’action et l’inaction. Des travaux ont ainsi donné naissance à la conceptualisation de l’inaction comme l’effet d’un agent suppresseur de l’activité motrice, plutôt qu’en tant que sous-produit d’une activation motrice réduite (Diamond et al., 1963; Noorani & Carpenter, 2017).

Le dictionnaire anglais Oxford Dictionary définit l’inhibition comme : « L’action de prévenir, d’entraver ou de contrôler » (Oxford, 1933). Brunton, tel que cité dans Oxford (1933) stipule : « Par inhibition, nous entendons l’arrêt des fonctions d’une structure ou d’un organe, par l’action sur lui d’un autre, alors que son pouvoir d’exécuter ces fonctions est toujours maintenu, et peut se manifester dès que la force de restriction est supprimé » (Brunton, 1883, p. 419, notre traduction). Également, Clark définit l’inhibition au sens large comme « tout mécanisme qui réduit ou amortit l’activité neuronale, mentale ou comportementale » (Clark, 1996, p. 128, notre traduction). Tel que le soulignent ces définitions, le contrôle inhibiteur peut s’exprimer à différents niveaux de fonctionnement mais, sous une forme ou une autre, il implique une suppression (désignée dans les trois propos cités par «entrave», « arrêt » et « réduit »). Ainsi, l’inhibition est un terme parapluie qui peut être utilisé pour décrire, de manière large, la suppression d’une activité à un niveau comportemental, cognitif ou biologique. La littérature en neurosciences est, à cet égard, riche de travaux s’intéressant aux circuits et systèmes d’inhibition synaptiques et neuronaux, notamment. Dans le domaine de la psychologie, plus spécifiquement, le concept d’inhibition volontaire a principalement été appréhendé en tant que processus de contrôle exécutif.

Le contrôle inhibiteur, système cœur du contrôle exécutif 

Lorsque l’on s’intéresse au contrôle inhibiteur, il convient de positionner le concept au sein des fonctions exécutives. Ces dernières font référence à une famille de processus mentaux descendants (ou « topdown ») intervenant lorsqu’il est nécessaire de faire face à une situation nouvelle ou changeante. Le recours aux fonctions exécutives est un exercice difficile : il est plus facile de poursuivre une action que de la modifier, il est plus facile de céder à la tentation que d’y résister et il est plus facile d’agir intuitivement que de manière raisonnée. La littérature scientifique a identifié de nombreux mécanismes relevant du fonctionnement exécutif: l’initiation et le contrôle de l’action, l’organisation, l’autorégulation, etc. Toutefois, trois processus distincts mais interdépendants formeraient le cœur du fonctionnement exécutif et seraient à l’origine de l’ensemble des capacités d’adaptabilité du comportement : le contrôle inhibiteur, la mémoire de travail et la flexibilité (e.g., Lehto et al., 2003; Miyake et al., 2000). L’interaction de ces trois processus donnerait naissance à d’autres fonctions d’ordre supérieur telles que le raisonnement logique, la résolution de problèmes et la planification de l‘action. Dans leur ensemble, les fonctions exécutives sont des habiletés essentielles à la santé mentale et physique, à la réussite scolaire et professionnelle et au développement cognitif, social et psychologique (Diamond, 2013; Oberer et al., 2018). En tant que processus exécutif, le contrôle inhibiteur permet d’administrer son attention, son comportement, ses pensées et/ou ses émotions pour passer outre une forte prédisposition interne ou un attrait externe et de réaliser ce qui est davantage approprié ou nécessaire. Sans contrôle inhibiteur, nous serions donc à la merci d’impulsions, d’anciennes habitudes de pensée ou d’action (réponses conditionnées) ou de stimuli environnementaux. De la sorte, le contrôle inhibiteur donne la possibilité de modifier et de choisir notre façon de réagir et de nous comporter plutôt que d’être sujets à des habitudes irréfléchies. Cela ne rend pas les choses faciles puisque nous sommes davantage des créatures de l’habitude. Notre comportement est soumis à l’influence de stimuli environnementaux dans une proportion qui dépasse notre conscience. Mais le fait d’avoir la capacité d’exercer un contrôle inhibiteur crée la possibilité du changement et du choix. Ces caractéristiques font du contrôle inhibiteur un processus central dans notre fonctionnement exécutif (von Bastian et al., 2020). D’une part, nombre de fonctions exécutives reposent sur notre capacité d’inhibition, et, d’autre part, l’émergence du contrôle inhibiteur au cours de l’enfance prédispose le développement de l’ensemble des fonctions exécutives (Diamond, 2013). Pour appréhender l’importance du contrôle inhibiteur dans le fonctionnement exécutif, il est possible de s’intéresser aux personnes pour qui ce fonctionnement est altéré. À cet effet, le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H), qui a pu être catégorisé comme trouble dysexécutif (Moret & Mazeau, 2019), a été particulièrement investi. En effet, une altération du contrôle inhibiteur a été suggérée comme étant le principal déficit du TDA/H (Quay, 1997). Ce déficit serait ensuite à l’origine de détériorations secondaires du fonctionnement exécutif et des symptômes d’hyperactivité ainsi que d’inattention (Barkley, 1997a).

L’inhibition de l’action, composante du contrôle inhibiteur 

Le contrôle inhibiteur a pu être dissocié en une famille de processus, comprenant notamment l’inhibition de l’action. Ainsi, une évolution notable de la notion d’inhibition volontaire est intervenue, en psychologie expérimentale, lorsqu’il a été suggéré que le concept d’inhibition désignerait plutôt un ensemble de fonctions qu’une construction unitaire (Dempster, 1993; Nigg, 2000). Bien entendu, cet ensemble, ou famille, de fonctions implique qu’il existe des points communs, mais aussi des différences entre les différentes fonctions inhibitrices (e.g., Friedman & Miyake, 2004). À cet effet, Nigg (2000) a proposé une taxonomie qui distingue différents systèmes d’inhibition .

Parmi ces différentes formes d’inhibition, l’inhibition de l’action apparaît fondamentale pour l’auteur. Elle fait référence au « contrôle délibéré d’une réponse motrice primaire en fonction de l’évolution des indices contextuels » (Nigg, 2000, p.223, notre traduction). Notons qu’à l’instar de Nigg, les modèles les plus récents du contrôle inhibiteur retiennent également la distinction opérée entre inhibition de l’action et contrôle des interférences ou inhibition cognitive (Bari & Robbins, 2013; Diamond, 2013). De la sorte, le concept d’inhibition volontaire renvoie à des processus distincts mais comprenant un certain degré de chevauchement entre eux. Dans cette perspective, l’inhibition de l’action nous permet de supprimer une action engagée suite à une modification contextuelle.

Contrôle de l’action chez l’homme : mouvements discrets et rythmiques

‘‘. . . while we may admit that control of movement is merely a control of ideas, the involving of motor mechanisms gives these forms of inhibition a certain descriptive significance and distinctiveness.’’ (Skaggs, 1929, p.312)

En tant que processus exécutif l’inhibition désigne un « acte de contrôle » (Logan & Cowan, 1984) que l’on exerce, dans le cas de l’inhibition de l’action, sur l’exécution de l’action, donc du mouvement, de la réponse motrice. Afin d’appréhender l’inhibition de l’action, en tant qu’acte de contrôle particulier, il convient de questionner plus largement les connaissances existantes dans le domaine du contrôle de l’action. Dans ce registre, une distinction fondamentale a été opérée entre les mouvements discrets et rythmiques. Soulignons, à cet égard, que les discussions au sein de la littérature scientifique quant à la primauté des mouvements discrets par rapport aux mouvements continus ont une longue histoire qui s’étend sur plusieurs décennies (voir ci-dessous). Cela indique déjà que la réponse à la question de savoir si ces mouvements sont contrôlés selon des lignes similaires ou non n’est pas triviale.

Les mouvements discrets sont définis comme des mouvements exercés entre une succession de moments de « posture » caractérisés par une vitesse et une accélération nulle, ẍ(t) = 0, alors que les mouvements continus ne présentent pas de telles caractéristiques et sont généralement considérés comme rythmiques s’ils constituent des répétitions (périodiques) d’évènements particuliers (Hogan & Sternad, 2007; Schmidt & Lee, 2005). Cette définition permet de distinguer assez aisément un mouvement pleinement discret (e.g., attraper un objet) d’un mouvement pleinement continu (e.g., pédaler à vélo). Entre ces deux classes de mouvements, nous pouvons positionner les séries ou séquences de mouvements discrets répétés. Un cas particulier où la distinction comportementale entre les mouvements discrets et continus devient plus malaisée intervient lorsque, dans une séquence, l’intervalle de temps entre les mouvements discrets s’approche de 0. À cet égard, Hogan et Sternad (2007) spécifient que les mouvements discrets exposent des moments de posture de sorte qu’« une posture occupe une durée non négligeable pendant laquelle une quantité négligeable de mouvement est présente » (Hogan & Sternad, 2007, notre traduction) .

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE 1 : REVUE DE LA LITTÉRATURE
1.1. Inhibition de l’action : Analyse d’un construit
1.1.1. Contrôle inhibiteur : éléments de classification et de définition
1.1.2. Contrôle de l’action chez l’homme : mouvements discrets et rythmiques
1.1.3. Paradigmes d’inhibition de l’action : l’exclusivité des réponses discrètes
1.1.4. Généralisation de l’inhibition de l’action : implications et remises en cause
1.1.5. Inhibition d’actions continues, quelles pistes d’investigation ?
Résumé 1.1.
1.2. Électrophysiologie du contrôle inhibiteur
1.2.1. Techniques d’investigation de l’activité cérébrale : l’électroencéphalographie
1.2.2. Activité cérébrale associée à l’inhibition de l’action
1.2.3. Activité cérébrale dans le contrôle des mouvements discrets et rythmiques
1.2.4. L’EEG dans l’étude de la généralisation des processus inhibiteurs
Résumé 1.2.
1.3. Synthèse et objectifs
PARTIE 2 : CONTRIBUTIONS EXPÉRIMENTALES
2.1. Approche comportementale
Étude 1 : Cancelling discrete and stopping ongoing rhythmic movements: Do they involve the same process of motor inhibition?
Étude 2 : To start or stop an action depends on which movement we do: An appraisal of the horse–race model
SYNTHESE DE L’APPROCHE COMPORTEMENTALE
2.2. Approche Électrophysiologique
Étude 3 : Hold your horses: Differences in EEG correlates of inhibition in cancelling and stopping an action
Étude 4 : Multiple brain sources are differentially engaged in the inhibition of distinct action types
Étude 5 : Cortical sensorimotor activity in the execution and suppression of discrete and rhythmic movements
SYNTHÈSE DE L’APPROCHE ÉLECTROPHYSIOLOGIQUE
PARTIE 3 : DISCUSSION GÉNÉRALE
3.1. Principaux résultats et implications
3.1.1. Conceptualisation de l’inhibition de l’action
3.1.2. Inhibition de l’action dans le TDA/H
3.1.3. Inhibition de l’action et facteurs humains
3.1.4. Importance de l’analyse du mouvement dans l’étude de l’inhibition de l’action
3.2. Limitations et Perspectives
3.3. Conclusion
CONCLUSION
Références
Annexes

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