Influence des régularités graphotactiques et morphologiques sur l’apprentissage orthographique à l’école élémentaire

De nombreuses études ont montré, à l’aide d’épreuves de dictées de mots, que les performances en orthographe lexicale d’élèves de l’école élémentaire étaient influencées par leur sensibilité aux régularités graphotactiques et morphologiques (e.g., Pacton, Fayol, Nys et Peereman, 2019 ; Sénéchal, Basque et Leclaire, 2006 ; Sénéchal, Gingras et L’Heureux, 2016). D’autres études, plus rares, ont montré l’influence de ces deux types de régularités dans des situations d’apprentissage de l’orthographe de pseudo-mots insérés dans des histoires que les enfants lisent. Ces études de self-teaching (Share, 2008) ont comparé l’apprentissage de l’orthographe de pseudo-mots selon qu’ils incluent des patrons graphotactiques plus ou moins fréquents (e.g., Pacton, Sobaco, Fayol et Treiman, 2013) ou selon que des informations morphologiques justifiant l’orthographe des pseudo-mots sont présentes ou non dans les histoires (e.g., Pacton et al., 2018), mais elles n’ont jamais examiné l’intégration de ces deux types de contraintes. Seules trois études se sont intéressées à l’intégration des contraintes graphotactiques et morphologiques (Deacon et Pacton, 2007, cités par Pacton et al., 2019 ; Kemp et Bryant, 2003, cités par Pacton et al., 2019 ; Pacton, Fayol et Perruchet, 2005, cités par Bégin, Saint Laurent et Giasson, 2010) mais aucune n’a été menée en situation de self-teaching. Ces études suggèrent que, si des élèves de l’école élémentaire et des adultes prennent en compte les régularités graphotactiques et morphologiques, la possibilité de se fonder sur des règles morphologiques (e.g., /ɛt/ s’écrit toujours ette quand il correspond à un suffixe diminutif) ne supprime pas l’influence des régularités graphotactiques (e.g., ette est plus fréquent après un r qu’après un f).

Notre étude vise à mieux comprendre l’intégration des contraintes graphotactiques et morphologiques en comparant l’apprentissage implicite de l’orthographe de pseudo mots chez des élèves de CE2 et CM2 dans trois conditions expérimentales. Dans les trois conditions, six pseudo-mots morphologiquement simples se terminent par une rime orthographique fréquente (e.g., -ant) et six autres par une rime orthographique plus rare (e.g., -and). L’orthographe de ces pseudo-mots est justifiée par des formes morphologiquement complexes pour le premier type d’item dans la condition « morphologique fréquent » (e.g., loufant et loufantette), pour le deuxième type dans la condition « morphologique rare » (e.g., loufand et loufandette) mais pour aucun des deux dans la condition « tout opaque ». Notre hypothèse est que les patrons graphotactiques fréquents devraient être mieux appris que les patrons graphotactiques rares. Cet effet graphotactique devrait néanmoins être modulé par la présence de contraintes morphologiques. Comparativement à la condition « tout opaque », l’effet devrait être plus prononcé dans la condition « morphologique fréquent », mais réduit dans la condition « morphologique rare ». Nous nous attendons à retrouver ce patron de performances pour les deux niveaux scolaires, même si le niveau d’apprentissage moyen devrait être meilleur en CM2 qu’en CE2.

Tests standardisés de lecture et d’orthographe 

Les compétences en lecture et en orthographe sont évaluées avec le test TeCoPé (Test de Compréhension de Phrases écrites) (Ecalle, 2011) et l’épreuve de dictée du Corbeau issue de la L2MA-2 (Batterie langage oral, langage écrit, mémoire, attention – 2nde édition), (Chevrie-Muller, Maillart, Simon, et Fournier, 2010). Le TeCopé permet de tester la compréhension en lecture à l’aide d’une tâche de jugement d’adéquation sémantique non chronométrée. Il s’adresse à une population âgée de 7 à 15 ans et se compose de deux parties de 24 items chacune. Chaque item comporte deux phrases linguistiquement différentes. L’enfant doit dire si ces deux phrases signifient ou non la même chose (e.g., le garçon bondit – l’enfant saute). Au vu de l’âge de nos sujets, seul le niveau P1 est effectué par les élèves. La dictée du Corbeau est issue de la batterie L2MA-2. Elle est étalonnée du CE1 à la 6ème et se compose de deux parties (A1 et A2). La partie A1 est administrée aux enfants de CE2. Les CM2 effectuent, eux, les parties A1 et A2. Cette dictée aboutit à l’obtention de trois notes selon les capacités en orthographe phonétique, orthographe d’usage et orthographe grammaticale, ainsi qu’à une note globale. C’est cette dernière à laquelle nous nous référons afin d’apparier les sujets dans notre étude.

Procédure

L’ensemble des épreuves est effectué collectivement dans les classes. Les livrets incluant les 6 textes ainsi que les 6 séries de 3 questions de compréhension sont présentés et distribués aux élèves. Il n’est pas précisé aux sujets que ces textes contiennent des mots qui n’existent pas, ni qu’ils doivent se souvenir de leur orthographe. Nous demandons aux élèves de lire silencieusement les textes, puis de répondre aux questions, en leur précisant que l’épreuve n’est pas chronométrée. Nous leur spécifions également qu’après avoir lu un texte, il n’est plus possible de revenir sur ce dernier afin de répondre aux questions. Une fois lus, les livrets sont ramassés et nous procédons à l’épreuve évaluant l’apprentissage de l’orthographe des pseudo-mots. Pour ce faire, nous réalisons une dictée des douze pseudomots (en formes simples) en demandant aux élèves de les orthographier comme ils l’étaient dans les textes. Une fois cette épreuve réalisée, les tests standardisés de lecture et d’orthographe sont administrés. La dictée du corbeau est énoncée en respectant les instructions de passation du manuel L2MA-2 (Chevrie-Muller et al, 2010). Nous distribuons ensuite le TeCoPé (Ecalle, 2011) en demandant aux élèves de lire silencieusement chaque phrase puis d’entourer le bon item selon qu’ils pensent que les deux phrases veulent dire la même chose ou pas du tout la même chose. Avant le début de l’épreuve, nous procédons à deux exemples collectivement, conformément aux consignes de passation du test, afin de s’assurer que tous les sujets ont compris la consigne.

Apprentissage de l’orthographe des pseudo-mots 

Les analyses statistiques ont été conduites en utilisant deux variables dépendantes : le nombre de productions orthographiques entièrement correctes et le nombre de productions avec la rime finale correctement orthographiée parmi les productions qui sont phonologiquement correctes (e.g., vensois orthographié correctement vensois, mais aussi vansois, vençois ou venssois mais pas vendois ou venzois). Des résultats identiques ayant été obtenus avec ces deux types d’analyses, seules les analyses utilisant le nombre d’orthographes entièrement correctes comme variable dépendante seront rapportées dans ce travail. Les résultats obtenus pour la rime finale correcte sont néanmoins présentés en annexe E.

Afin de déterminer si les performances varient en fonction des régularités graphotactiques, le nombre d’orthographes correctes a été soumis à une ANOVA avec les variables fréquence graphotactique à deux modalités (fréquent et rare), niveau scolaire à deux modalités (CE2 et CM2) et condition expérimentale à trois modalités (« tout opaque », « morphologique fréquent » et « morphologique rare »). Les pseudo-mots incluant des patrons graphotactiques fréquents sont plus souvent orthographiés correctement que les pseudo-mots incluant des patrons graphotactiques rares (en moyenne : 48.7% vs. 26.4%, F(1, 292)=194.0, p<.001) et les scores sont meilleurs en CM2 qu’en CE2 (en moyenne : 42.6% vs. 32.6%, F1(1, 292)=28.17, p<.001). La variable fréquence graphotactique interagit avec la condition expérimentale et le niveau scolaire (respectivement, F(2, 292)=8.14, p<.001 et F(1, 292)=10.79, p=.001) et il n’y a pas d’interaction simple entre le niveau scolaire et la condition expérimentale (F(2,292)=.34, p=.72) ni d’interaction double entre la fréquence graphotactique, le niveau scolaire et la condition expérimentale (F(2,292)=1.60, p=.20).

Afin de préciser la nature de l’interaction entre la fréquence graphotactique et le niveau scolaire, une ANOVA a été conduite avec les variables fréquence graphotactique et condition expérimentale pour chaque niveau scolaire séparément. Cette analyse révèle un effet graphotactique pour les deux niveaux scolaires mais d’amplitude plus prononcée en CM2 (56.3% – 28.8% = 27.5%, F(1,146)=171, p<.001) qu’en CE2 (41.0% – 24.1% = 17.0%, F(1, 146)=49.95, p<.001).

Afin de préciser la nature de l’interaction entre la fréquence graphotactique et la condition expérimentale, une ANOVA a été conduite avec les variables fréquence graphotactique et niveau scolaire pour chaque condition expérimentale séparément. Cette analyse révèle un effet graphotactique pour les trois conditions expérimentales mais son amplitude est plus prononcée dans la condition « morphologique fréquent » (53.4% – 22.1% = 31.3%, F(1,99)=148.17, p<.001) que dans la condition « tout opaque » (46.9% – 28.6% = 18.3%, F(1,96)=38.62, p<.001) et dans la condition « morphologique rare » (45.7% – 28.6% = 17.1%, F(1,97)=37.99, p<.001).

Pour mieux comprendre comment la présence d’informations morphologiques module l’influence des régularités graphotactiques, nous avons calculé la différence entre le nombre de productions orthographiques correctes pour les items incluant un patron graphotactique fréquent et pour les items incluant un patron graphotactique rare, notée « diff.F-R » ci-après. La Figure 1 représente cette différence en fonction de la condition expérimentale pour les deux niveaux scolaires. La diff.F-R a été soumise à deux ANOVAs : la première, qui compare les conditions « tout opaque » et « morphologique fréquent », utilise les variables fréquence graphotactique à deux modalités (fréquent et rare), niveau scolaire à deux modalités (CE2 et CM2) et condition expérimentale à deux modalités (« tout opaque » et « morphologique fréquent ») ; la deuxième, qui compare les conditions « tout opaque » et « morphologique rare », utilise les variables fréquence graphotactique à deux modalités (fréquent et rare), niveau scolaire à deux modalités (CE2 et CM2) et condition expérimentale à deux modalités (« tout opaque » et « morphologique rare»).

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Table des matières

I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION  
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME

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