Infection à Coxsackievirus B4 et prévention

Coxsackievirus B et diabète de type 1

Les Coxsackievirus du groupe B (CVB) et/ou leurs constituants sont retrouvés dans le sang et le pancréas de patients atteints d’un diabète de type 1 (DT1). Les infections à CVB s’accompagnent d’une activation du système immunitaire inné et adaptatif, avec comme conséquence probable une induction ou une aggravation de processus auto-immuns. Les infections persistantes et/ou répétées à CVB des cellules β pancréatiques, la production d’interféron alpha et de protéines inflammatoires qui en résulte, associées à une prédisposition génétique, pourraient induire une activation « en passant » de lymphocytes T effecteurs et une réponse auto-immune dirigée contre les autoantigènes des cellules β à travers le mécanisme de mimétisme moléculaire. En outre, l’infection des monocytes par des CVB,  dépendante d’anticorps, au même titre que l’infection du thymus pourraient jouer un rôle dans la pathogenèse viro-induite du DT1. A contrario des effets délétères des CVB, des études chez l’animal ont montré que ces virus, dans certaines conditions expérimentales, peuvent inhiber le développement du DT1. Le rôle des CVB dans les processus auto-immuns tels que le DT1 est complexe. Des mécanismes mutuellement non exclusifs peuvent jouer un rôle dans la pathogenèse du diabète de type 1 induite ou aggravée par les CVB. Ces mécanismes, et notamment l’altération des cellules β provoquées par les CVB sont présentés dans des articles de notre équipe.

Infection à CVB4 et pancréas

Cosaxckievirus B 

Les CVB appartiennent à l’espèce Entérovirus Humain B, comprenant 6 sérotypes et au genre Enterovirus. Ce sont de petits virus nus, à ARN de polarité positive, appartenant à la famille des Picornaviridea. Les entérovirus sont regroupés en 10 espèces (Tableau 1). Leur génome, de 7500 bases en moyenne, code pour 7 protéines non structurales et 4 protéines structurales (VP1, VP2, VP3 et VP4) (Figure 1). Ils sont principalement transmis selon un mode fécal-oral, mais la voie respiratoire est également évoquée (Pallansch et al. 2007 ; Oberst et al.2008).

Les CVB sont souvent responsables de manifestations cliniques bénignes de type syndrome grippal. Ils sont cependant associés dans certains cas à des manifestations cliniques plus graves telles que des infections respiratoires, des myocardites, des méningites et des pathologies chroniques comme la cardiomyopathie dilatée et le diabète de type 1 (DT1) (Pallansch et al. 2007). Un certain nombre de données épidémiologiques, cliniques et expérimentales permettent d’évoquer une association entre les infections entérovirales en général et à CVB en particulier et le DT1. Il s’agit, entre autres, de la détection plus fréquente de l’ARN entéroviral dans divers organes de patients diabétiques par rapport aux sujets contrôles ; de la présence plus fréquente d’anticorps anti-CVB chez les patients diabétiques comparativement aux sujets contrôles ; de l’isolement d’une souche de CVB (CVB4E2) du pancréas d’un patient décédé d’une acidocétose diabétique, capable d’induire un diabète chez la souris ; de la preuve in vitro de l’infection persistante des cellules β par le CVB4 (Sane et al. 2011 ; Hober and Sané 2010 ; Hober and Sauter 2010). Il ressort de ces études que les CVB apparaissent comme un facteur étiologique ou aggravant du DT1.

Cependant, bien qu’elles aient suscité un certain nombre de critiques relatives à la méthodologie adoptée, quelques études rétrospectives n’ont pu mettre en évidence cette association entre infections entérovirales et DT1 (Haverkos et al. 2003 ; Green et al. 2004).

Infection des cellules β par les Coxsackievirus B 

Les mécanismes de la pathogenèse viro-induites du DT1 restent encore à élucider. Plusieurs mécanismes sont à ce jour évoqués et explorés dans la littérature spécialisée. Il s’agit du mimétisme moléculaire et du phénomène d’ «activation en passant», de la perturbation de la fonction thymique, de l’exacerbation de l’infection par l’action d’anticorps facilitants, de l’infection persistante et/ou de la destruction directe des cellules β pancréatiques (Sane et al. 2011 ; Hober and Sané 2010) (Figure 2). Cette action directe des CVB sur le pancréas à travers l‘infection suivie d’une destruction des cellules β ou à travers l’activation de processus inflammatoires a fait l’objet de plusieurs études. Ainsi une étude in vitro a montré que les cellules β humaines sont infectables et de façon persistante par CVB4 et CVB3 et cette infection persistante est associée à une synthèse d’interféron alpha par ces mêmes cellules (Chehadeh et al. 2000). Plusieurs entérovirus peuvent ainsi infecter les cellules β avec des conséquences diverses. L’infection par les CVB se traduit par une perturbation profonde de la fonction endocrine et une mort cellulaire consécutive à une production virale lytique (Roivainen et al. 2000). L’infection d’une lignée de cellules β (INS-1) par les CVB peut également induire une surexpression de protéines inflammatoires (Nair et al. 2010). Une infection persistante avec destruction cellulaire et/ou la surexpression de protéines inflammatoires pourraient jouer un rôle important dans la perte des cellules β et la pathogenèse viro-induite du DT1.

Il est possible que l’infection initiale des tissus pancréatiques, touchant notamment les cellules de régénération survienne à l’âge adulte, ou plus jeune voir dans la période néonatale ou même pendant la vie in utéro. Le nouveau–né est exposé au risque d’infection à entérovirus transmis par la mère (Hyoty et al. 1995). Il ne peut être exclu que l’infection se produise in utéro, dans la mesure où des auteurs ont observé que la survenue d’une infection entérovirale pendant la grossesse exposait l’enfant à un risque accru de développer un diabète de type 1 (Lonnrot et al. 2000 ; Otonkoski et al. 2000).

Néogenèse des cellules β

Le déclenchement du DT1 suite à un déficit en insuline va dépendre étroitement de la masse de cellules β ou en tous cas de la masse de cellules fonctionnelles à un moment donné. Le maintien de cette masse de cellules à un niveau capable de protéger l’individu d’une évolution vers le déficit en insuline va dépendre de la capacité du tissu endocrine à se renouveler. La prolifération, la survie et la néogenèse font partie des mécanismes explorés au cours des études expérimentales.

Le tissu endocrine pancréatique humain se différencie à partir de cellules épithéliales ductales progénitrices lors de l’organogenèse embryonnaire (Teitelman et al. 1987). Cependant, des données expérimentales montrent que cette différenciation ne semble pas limitée à la période embryonnaire, mais continue, certes à des degrés moindres, tout au long de la vie du sujet (Bonner-Weir et al.1993). Ainsi, les cellules ductales pancréatiques adultes sont considérées par de nombreux auteurs comme une source de cellules souches capables de se différencier en cellules β (Wang et al. 1995 ; Heremans et al. 2002 ; Grapin-Botton et al. 2005). Il est démontré in vitro chez l’homme et le rongeur et in vivo chez le rongeur l’existence d’un processus de renouvellement des cellules β, avec une mort cellulaire par apoptose et leur remplacement par une réplication de cellules β préexistantes ainsi que par la néogenèse de cellules endocrines à partir de la différenciation de cellules ductales progénitrices (Bonner-Weir et al. 2001). Bien que les deux processus – prolifération et néogenèse – agissent de concert pour assurer le renouvellement des cellules endocrines, il a été montré que la voie de la néogenèse semble prédominante chez l’homme, alors que la réplication prédomine chez le rongeur (Bonner-weir et al. 2004 ; Forsyth et al. 2002). Afin de faire face au besoin croissant en insuline, une augmentation de la masse de cellules β par néogenèse est observée chez des sujets obèses (Butler et al. 2003) et cette néogenèse de cellules endocrines est obtenue in vitro chez l’homme adulte à partir de tissu épithélial exocrine notamment les cellules ductales (Hao et al. 2006).

Les résultats de ces différentes études montrent qu’une destruction de cette source de cellules ductales progénitrices après la naissance ou, tout au moins, une altération du processus de néogenèse pourrait compromettre durablement le maintien d’un pool de cellules β indispensable à l’homéostasie glucidique.

Facteurs naturels de prévention 

Infections virales et facteurs alimentaires

Les infections entérovirales sont fréquentes dans l’enfance. Les modifications de nos modes de vie, en particulier de nos habitudes alimentaires, sont autant de facteurs qui pourraient jouer un rôle important dans l’apparition et/ou l’aggravation de maladies. En particulier, plusieurs études épidémiologiques ont concluent que l’absence d’allaitement maternel est associée à un risque plus élevé de développement du DT1 (Malcova et al. 2006 ; SchackNielsen et al. 2005 ; Sadauskaite-Kuehne et al. 2004). Des études antérieures avaient suggérées que le lait maternel contenait des molécules naturelles capables de prémunir l’enfant contre les agents infectieux (Zaman et al. 1993 ; Seganti et al. 2004). Parmi ces composés, les anticorps neutralisants maternels, la lactoferrine, les composés lipidiques joueraient un rôle prépondérant (Isaacs et al. 1990 ; Newburg et al. 2004 ; Sadeharju et al. 2007). L’absence d’allaitement maternel est associée à un risque plus élevé d’infections entérovirales, (Sadeharju et al. 2007) mais la nature du ou des facteurs protecteurs du lait conférant cette protection n’a pas été élucidée. Cependant il n’est pas exclu que les constituants du lait maternel ci-dessous énumérés puissent jouer un rôle dans la protection qu’il apporte aux jeunes enfants vis-à-vis du DT1.

Infections virales et facteurs de protection intrinsèque

Des inhibiteurs non spécifiques, à spectre antiviral limité, ont déjà été mis en évidence par certains auteurs (Thiry et al. 1978; Gerna et al. 1980). Cependant un intérêt particulier est aujourd’hui accordé à la mise en évidences et à la caractérisation d’inhibiteurs à large spectre, à même de protéger l’individu contre plusieurs agents viraux à la fois (Baron et al. 1989; Singh et al. 1995 ; Singh et al. 1999). L’existence d’inhibiteurs à large spectre est notamment explorée dans l’intestin de mammifère. Des inhibiteurs actifs vis-à-vis de virus à ADN (virus de la vaccine, virus herpétique) et de virus à ARN enveloppés ou non enveloppés (mengovirus et virus sendbis) ont notamment été mis en évidence dans l’intestin de souris (Singh et al. 2001). Le milieu intestinal, avec sa flore commensale, subit les influences de l’alimentation, de l’environnement et des médicaments, notamment les antibiotiques. Le mode d’accouchement (voie basse ou césarienne) et l’alimentation du nouveau-né (allaitement maternel ou lait maternisé) influencent significativement la composition de la flore microbienne (Dominguez-Bello et al. 2010 ; Gronlund et al. 1999) ; avec en particulier un risque de déclanchement du DT1 plus élevé à l’adolescence chez les enfants nés par césarienne (Cardwell et al. 2008). Le rôle de la flore intestinale dans les processus auto-immuns fait également l’objet d’une attention particulière ; et les résultats d’études épidémiologiques et expérimentales suggèrent un lien direct entre les altérations de la flore microbienne commensale intestinale et le développement de maladies auto-immunes y compris le DT1. En particulier, le régime alimentaire impacte la diversité fonctionnelle de la flore commensale en modifiant sa composition (Muegge et al. 2011) ; ce qui suggère qu’en affectant la diversité et la fonction de la flore microbienne, le régime alimentaire pourrait affecter le développement naturel du système immunitaires. Ainsi, la diminution de l’exposition des jeunes enfants aux microorganismes aussi bien pathogènes que commensaux bouleverse le développement normal du système immunitaire, avec pour conséquences une rupture de tolérance (Okada et al. 2010) ; ce qui constitue le socle de la « Théorie de l’hygiène » envisagée pour expliquer la prévalence élevée des maladies auto-immunes dans les pays développés. D’ailleurs des résultats d’études expérimentales chez l’animal et chez l’homme tendent à conforter cette hypothèse selon laquelle l’altération de la flore intestinale pourrait constituer l’élément clé de la pathogenèse des maladies auto-immunes y compris le DT1 (Oldstone et al. 1988 ; Verdu et al. 2000 ; Ochoa-Reparaz et al. 2009). Envisager une politique de prévention nécessite au préalable une compréhension des mécanismes physiopathologiques à l’origine du DT1. La compréhension de ces mécanismes fait l’objet d’études faisant appel à l’utilisation de modèles animaux développant spontanément un syndrome diabétique. En raison de leur statut génétique les prédisposant au diabète, certains modèles de souris (non-obese diabetic mouse ou NOD) et de rats (biobreding-diabetes-prone rat ou BBDP) sont préférentiellement utilisés pour l’étude de ces mécanismes. L’autre intérêt des modèles murins en particulier réside dans la présence du récepteur CAR des entérovirus qui permet leur infection par les CVB (Jaidane et al. 2009). L’adoption de souriceaux NOD nouveau-nés ou le transfert d’embryons de souris NOD à d’autres souches de souris non-NOD (ICR, DBA en particulier) se traduit par une diminution de l’incidence du DT1 variable en fonction de la souche choisie (Washburn L et al. 2007). Ces différentes observations suggèrent que non seulement le risque de développer un DT1 chez  la souris NOD peut être modulé par différents facteurs en pré- et post-natal, mais aussi que cette souche est un excellent model pour l’identification et la caractérisation de ces différents facteurs. Le modèle murin présente cependant, comme d’ailleurs tous les modèles animaux d’étude des pathologies humaines, un certain nombre de limites dont celle liée à sa petite taille, avec quelques difficultés pour la manipulation des organes (Jaidane et al. 2009). Cette limitation pourrait être surmontée en utilisant d’autres modèles un peu plus gros tel que le rat. D’ailleurs le rat BBDP, dérivé de croisements entre rats Wistar, est le premier modèle animal de DT1 spontané, avec des taux de pénétrance du diabète plus élevés que dans le cas de la souris NOD (Nakhooda et al. 1977). L’infection de lignées pancréatique (RINm5F) de rat par CVB4E2 a déjà été obtenue in vitro (Berg et al. 2005). Cette souche de rat BBDP semble particulièrement intéressante pour l’étude de l’influence des facteurs environnementaux, en particulier les virus, dans la pathogenèse du DT1 (Bortel and Yang 2012). Une infection par CVB4 de rat in vivo a précédemment été documentée chez une autre souche, la LEW.1WR1, sans induction de la maladie, cette dernière n’étant obtenue, et à de faible taux d’ailleurs, qu’après stimulation préalable de l’immunité innée de l’animal (Tirabassi et al. 2010). Une étude de l’infection des rat BBDP revêt donc un intérêt certain dans l’exploration de modèles plus adaptés pour l’étude de cette pathologie.

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Table des matières

I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION  
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME

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