Inégalités sociales de santé en lien ave

La nutrition est généralement définie comme l’ensemble des comportements concernant l’alimentation et l’activité physique. C’est cette définition de la nutrition qui est employée dans ce rapport. Les recommandations internationales en matière de nutrition, établies à partir des revues de la littérature scientifique, sont utilisées comme des éléments de base pour l’expertise qui n’avait pas pour mission d’en faire une analyse critique. La qualité de preuve scientifique de ces recommandations est le socle sur lequel s’appuie l’éthique des interventions en santé publique.

Il n’entrait pas dans les objectifs de cette expertise de reconsidérer les liens entre comportements alimentaires et santé, ni entre activité physique et santé. De même, le statut biologique et physiologique résultant des comportements alimentaires, des apports nutritionnels et de la pratique ou non d’activité physique ainsi que de la sédentarité, c’est-à-dire la question du surpoids, de l’obésité ou des déficits nutritionnels ne sont pas traités dans cette expertise (questions par ailleurs traitées dans des expertises collectives Inserm plus anciennes) . On trouvera dans cette expertise certaines études analysant par exemple, l’indice de masse corporelle, mais en tant qu’indicateur de nutrition. Comme l’objectif principal est la recherche de stratégies d’interventions visant à réduire les inégalités sociales en lien avec la nutrition considérée comme un déterminant majeur de la santé, ce travail analyse les interventions portant sur les politiques en matière de nutrition. Les interventions au regard des inégalités sociales de santé au sens large n’ont pas été analysées car dépassant largement le cadre de cette expertise.

Les inégalités sociales de santé en lien avec la nutrition sont considérées ici dans la société dans son ensemble, faisant référence à l’existence d’un gradient social formant un continuum d’états de santé et de comportements le long d’une hiérarchie sociale. Cette conception diffère de la distinction habituelle binaire entre des populations précaires extrêmement défavorisées et des populations bénéficiant d’une insertion sociale et économique satisfaisante. Cependant, l’essentiel des travaux publiés porte sur des populations précaires, ce qui pose la question du transfert à la population dans son ensemble, des acquis de connaissances et d’efficacité de ces interventions menées auprès des populations marginales. Ces connaissances sont-elles utilisables sur l’ensemble de la population proportionnellement au besoin des différents groupes de population ? Des recommandations spécifiques par tranche d’âge ou de position socioéconomique avec des stratégies propres sont-elles nécessaires ? Pour mesurer les inégalités sociales, différents indicateurs peuvent être choisis comme les revenus, le niveau d’études ou le statut professionnel, en fonction desquels les observations sur les inégalités sociales en matière de nutrition ne sont pas nécessairement les mêmes.

Les disparités et inégalités selon le genre peuvent être aussi considérées comme des inégalités sociales mais ne sont cependant pas traitées en tant que telles dans cette expertise. La structure sociale est telle qu’il existe une hiérarchie de genre et les femmes sont de façon générale, au regard de la hiérarchie sociale, dans une position défavorisée par rapport aux hommes et sont surreprésentées dans les catégories les plus pauvres de la population. C’est par exemple le cas des familles monoparentales, dans lesquelles le parent isolé est une femme dans plus de 80 % des cas. Le groupe d’experts a pris pour acquis le fait que ces inégalités doivent être réduites dans notre société et n’analyse pas les raisons philosophiques et sociétales pour lesquelles il est nécessaire de les réduire. En revanche, les théories de la justice sont abordées lorsque plusieurs modalités de politiques ou d’interventions sont possibles, conduisant à des situations où différents groupes peuvent subir certains désavantages. Une précision s’impose concernant l’utilisation des termes d’inégalités et de disparités. Comme dans l’ensemble de la littérature sur le sujet, le terme de disparités est utilisé pour décrire des variations, des différences entre groupes sans référence à une valeur sociale particulière. Le terme d’inégalités est utilisé en référence à la justice, dans la mesure où il s’agit de disparités de répartition d’un bien considéré comme fondamental dans une société, ce qui est le cas de la santé dans la société française. Des disparités d’état de santé sont donc qualifiées d’inégalités au regard de la justice et des textes fondamentaux qui caractérisent notre pays. S’agissant de comportements, la question est encore plus complexe. Des différences de comportement ne peuvent être considérées a priori que comme des disparités, puisqu’il ne s’agit pas de biens considérés comme primaires, et ne se rattachent pas à la notion de justice. De surcroît, ils peuvent résulter de choix réels, dans le cadre d’un libre arbitre. Ce n’est que lorsque ces comportements ont été montrés comme défavorables à l’état de santé que la question de la justice se pose. La question de la responsabilité individuelle devient alors essentielle. Si le comportement relève de la pure responsabilité individuelle, le terme de disparités peut être employé avec raison. Si l’on admet que la responsabilité individuelle d’un comportement est partielle et que des déterminants culturels, sociaux, économiques  sont impliqués, celle de la collectivité et des politiques publiques entre en jeu. Il est dès lors possible d’employer le terme d’inégalités s’il s’avère que l’environnement sociétal est important à considérer. C’est pourquoi dans cette expertise, les variations de comportement seront qualifiées soit de disparités, soit d’inégalités s’il est avéré que ces comportements ont des conséquences délétères pour la santé et ne relèvent pas purement de la responsabilité individuelle. Une des difficultés particulières au champ de la nutrition est la complexité des impacts potentiels des interventions. Intervenir sur la nutrition implique de toucher à des phénomènes culturels, sociaux et économiques fondamentaux et complexes. Il importe de ne pas sous-estimer les conséquences inattendues de telles interventions sur un phénomène éminemment culturel et social, qui imprègne profondément la vie des personnes, voire même constitue une partie de leur identité culturelle et sociale. C’est aussi une sphère intime, ce qui peut entraîner une résistance aux injonctions externes, perçues comme une atteinte au librearbitre. Tenter de modifier les pratiques en nutrition doit s’accompagner d’une réflexion éthique afin d’identifier des conséquences éventuellement inattendues de ces interventions, de les anticiper, les prévenir voire même de renoncer à une intervention et, s’accompagner également d’un dispositif de suivi. Un exemple pourra suffire à illustrer la complexité des interventions. Si l’on suppose que l’activité physique de loisirs est un élément favorable à la santé, une recommandation de bon sens peut être d’augmenter la mise à disposition d’installations sportives dans les quartiers qui en sont dépourvus. Cependant, un premier niveau d’analyse souligne que ces équipements risquent d’être prioritairement utilisés par les groupes disposant de ressources financières et culturelles. Au-delà de ce phénomène attendu, il s’agit aussi d’examiner les conséquences de la modification de l’équipement sur le prix du foncier dans le quartier et les éventuelles modifications de sa composition sociologique, ce qui pourrait atténuer l’effet positif à court terme d’une intervention isolée sur les inégalités sociales de nutrition. Plus technique, mais représentant un élément de difficulté de cette expertise, est l’absence de typologie clairement établie des différentes stratégies d’intervention. L’examen de la littérature fait apparaître de très nombreux articles sur l’évaluation d’interventions, portant d’ailleurs principalement sur des populations précaires plus que sur le gradient social. Mais il est difficile d’analyser ces interventions, dans la mesure où les théories qui les sous-tendent ainsi que les contextes dans lesquels elles sont menées ne sont souvent pas bien distingués. L’évaluation constitue l’autre difficulté d’analyse. Le paradigme dominant en matière d’intervention pour prouver la causalité, en épidémiologie est l’essai expérimental, fondé sur la répartition aléatoire en deux groupes d’individus ou de population, permettant d’inférer la causalité de l’intervention mise en œuvre. Cette méthode porte une grande attention à la validité interne des méthodes employées. Elle place au second plan la question de la validité externe, dans la mesure où les contextes nationaux, les populations, les modes de recrutement des échantillons étudiés, les modalités de l’intervention dans des conditions expérimentales particulières ne permettent que très imparfaitement d’apprécier la faisabilité, la transférabilité, l’acceptabilité et « l’acceptance » de ces interventions, sans compter leur coût.

Examiner la littérature à l’aune de ces critères peut aboutir à qualifier l’ensemble des études de méthodologiquement faibles et conduire à conclure à une très grande pauvreté de la littérature. C’est par exemple la conclusion fréquente des revues de la collaboration Cochrane. Deux éléments de discussion peuvent être avancés. D’une part, les essais expérimentaux ont une validité externe limitée et l’attention qu’ils portent aux processus est marginale, si bien que des essais d’intervention peuvent ne pas montrer d’efficacité pour deux raisons : soit ils reposent sur une logique d’intervention qui n’est pas adaptée et qu’il s’agit de remettre en question ; soit la logique d’intervention pourrait être adaptée, mais les conditions de mise en œuvre ne permettent pas de mettre en évidence l’efficacité de cette intervention. La question de l’examen du processus en cours est donc de première importance. D’autre part, il s’agit de ne pas retarder la mise en place d’interventions s’il existe un ensemble d’arguments suffisamment forts, issus de travaux de bonne qualité scientifique, qui permettent de penser que l’intervention pourrait être efficace. C’est pourquoi les recommandations doivent tenir compte à la fois du niveau de preuve scientifique, mais également de la nécessité d’intervenir et de ne pas retarder la mise en place d’interventions potentiellement efficaces. Dans ce rapport d’expertise sont donc rappelés les concepts et mesures qui caractérisent les inégalités sociales de santé, ainsi que leurs rapports avec les comportements. Mesurer les comportements alimentaires ou quantifier l’exercice physique soulèvent des problèmes de mesure qui seront ensuite détaillés, avant de présenter un bilan sur les disparités socioéconomiques en matière de nutrition dans les pays occidentaux et sur les déterminants de la différenciation sociale des comportements nutritionnels. Le nombre, la nature de ces déterminants, souvent reliés entre eux par des enchaînements de causalité forment un réseau complexe, dont l’importance sera soulignée dans le chapitre qui propose un bilan des interventions, tant ciblées qu’universelles et des choix stratégiques auxquelles elles renvoient.

Synthèse, discussion et perspectives 

La question des inégalités sociales de santé a fait l’objet de nombreuses recherches depuis quelques décennies en France comme à l’étranger et a conduit à des publications de qualité et diversifiées. Les connaissances issues de ces études sont difficilement exploitables de façon immédiate pour identifier des interventions efficaces et aider à définir des politiques de santé publique qui permettraient de réduire les inégalités sociales de santé, ou du moins de ne pas les aggraver. Parmi les déterminants majeurs de l’état de santé à tous les âges de la vie, les consommations alimentaires et la pratique d’activité physique, désignées ici par le terme nutrition, sont considérées a priori comme des comportements de santé susceptibles d’être modifiés par des interventions. C’est dans ce contexte qu’une expertise collective a été mise en œuvre pour présenter un bilan des connaissances scientifiques sur les déterminants et les mécanismes permettant de mieux comprendre les inégalités sociales de santé en lien avec l’alimentation et l’activité physique, et pour proposer une analyse des interventions envisageables dans ce domaine. Les inégalités sociales de santé en lien avec la nutrition sont considérées ici dans la société dans son ensemble, faisant référence à l’existence d’un gradient social formant un continuum d’états de santé et de comportements le long d’une hiérarchie sociale. Cette conception diffère de la distinction habituelle binaire entre les personnes précaires très défavorisées et le reste de la population. Cependant, l’essentiel des travaux publiés porte sur des populations précaires, ce qui pose la question du transfert à la population dans son ensemble, des acquis de connaissances et d’efficacité de ces interventions menées auprès des populations marginales.

Les inégalités sociales analysées dans cette expertise peuvent être mesurées par différents indicateurs comme les revenus, le niveau d’études, la catégorie socioprofessionnelle ou d’autres caractéristiques socioéconomiques. L’inégalité de genre, si elle n’est pas traitée en tant que telle, sera présente partiellement dans la mesure où les femmes sont surreprésentées dans les catégories les plus défavorisées de la population. Après la présentation du bilan sur les disparités socioéconomiques en matière de nutrition et sur les mécanismes associés à la différenciation sociale des comportements nutritionnels, seront examinées les politiques de prévention et les interventions, tant ciblées qu’universelles et les choix stratégiques auxquelles elles renvoient seront discutés.

Consommations alimentaires, activité physique et état de santé : observation des inégalités sociales

Des inégalités sociales de santé qui concernent l’ensemble de la population

Il existe généralement une relation linéaire entre la position socioéconomique des individus (estimée par le revenu, le niveau d’éducation, ou la catégorie socioprofessionnelle) et leur état de santé. Cette relation, parfois appelée « gradient social », est observée pour tous les indicateurs de santé, non seulement l’espérance de vie et la mortalité, mais aussi la plupart des pathologies chroniques, notamment celles directement liées à la nutrition, telles que le diabète, l’obésité, les maladies cardiovasculaires, l’hypertension, l’ostéoporose, la santé bucco-dentaire et certains cancers. La différence de morbidité et de mortalité observée entre les groupes socio économiques constitue l’un des résultats les plus constants de la recherche en épidémiologie. Les caractéristiques socioéconomiques sont associées à la santé chez les hommes et les femmes, à tous les âges de la vie, y compris dans l’enfance. La mortalité a globalement diminué au cours des 40 dernières années mais certaines catégories de population en ont plus bénéficié que d’autres. Les comparaisons étendues à l’ensemble des classes d’âge et des catégories de diplôme montrent que, globalement, les inégalités liées au niveau d’études ont augmenté depuis 1968. Elles se sont accrues du fait d’une augmentation des écarts entre les actifs qui ont un emploi rémunéré et ceux qui ne travaillent pas. En 2000-2008, les hommes cadres supérieurs de 35 ans ont une espérance de vie de 47 ans, soit 6 ans de plus que les ouvriers. À ces inégalités de mortalité s’ajoutent des inégalités dans la qualité de vie, conséquences de diverses incapacités. Sur les 47 années d’espérance de vie, un cadre supérieur de 35 ans peut espérer en vivre 34 sans aucune incapacité (difficultés visuelles, auditives, de la marche ou des gestes de la vie quotidienne), soit 73 % du temps qui lui reste à vivre. Un ouvrier vivra en moyenne 24 ans sans incapacité, soit 60 % du temps qui lui reste à vivre. Les différences persistent avec l’avancée en âge : à 60 ans, les problèmes fonctionnels courants concernent 45 % des années d’espérance de vie des cadres et 62 % de celles des ouvriers. Il existe donc pour les catégories de niveau social moins favorisé une « double peine » portant sur la durée de vie mais aussi sur les conditions de celle-ci. Les inégalités sociales de mortalité sont plus importantes en France que dans d’autres pays d’Europe, particulièrement pour les hommes. Sur la période s’étendant de 1980 à 1989, le taux de mortalité des travailleurs manuels (hommes de 45 à 59 ans) rapporté à celui des travailleurs non manuels, était de 1,7 en France et de l’ordre de 1,4 dans onze autres pays européens. En France, la mortalité des hommes exerçant des métiers non manuels est comparable à celle de leurs homologues en Europe, mais celle des hommes de 45 à 59 ans exerçant des métiers manuels est plus élevée. Une décennie après ces premiers travaux, la position de la France ne s’est améliorée que par l’inclusion de pays d’Europe Centrale dans lesquels les inégalités sont encore plus marquées.

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Table des matières

I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION  
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME

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