Implications écologiques et évolutives du parasitisme sur les structures trophiques

Depuis ces dernières années, un intérêt croissant a été porté sur le rôle des parasites dans les écosystèmes. Auparavant, les parasites n’étaient perçus que comme des organismes de faible biomasse comparativement aux organismes libres. Ainsi, bien que leurs implications au niveau de la dynamique d’une population soient connues, les effets étaient considérés comme limités sur les écosystèmes (Windsor, 1997, 1998). Cependant, les travaux des dernières décennies ont mis à mal ces idées. En effet, il apparaît que les parasites peuvent être présents en grande quantité et par conséquent en grande biomasse. Ainsi, Kuris et al. (2008) ont montré, pour des écosystèmes d’estuaires, que la biomasse de différents groupes (fonctionnels et phylogénétiques) de parasites pouvait être équivalente à la biomasse en prédateurs. Par exemple la biomasse des trématodes est équivalente à celle des oiseaux (Fig. 1a). De même, la quantité d’interactions hôte-parasite dans les réseaux trophiques serait équivalente à la quantité d’interactions prédateur-proie (Lafferty et al., 2006; Amundsen et al., 2009; Fig. 1b). Ces résultats tendent à nous faire prendre conscience de la possible importance des parasites dans les réseaux, dans leur structure, leur diversité et leur stabilité (McCallum et Dobson, 1995).

Quelques travaux illustrent comment les parasites peuvent influencer des écosystèmes entiers. Par exemple, le développement des forêts d’acacias en Afrique de l’Est est dépendant de la présence des parasites parmi les herbivores (McNaughton, 1992; Prins et van der Jeugd, 1993). En réduisant la biomasse des herbivores et en particulier des impalas, des buffles et des girafes, les parasites (pestes bovines et anthrax) ont permis l’implantation des acacias (Fig. 1d). Ainsi, l’existence de plusieurs épidémies chez les herbivores depuis la fin du 19ème siècle est visible dans la structure des forêts d’Afrique de l’Est : l’âge des acacias nous donne les dates des épidémies. Cette modification du paysage a des répercussions sur les précipitations et les feux de la région (Fig. 1e) Un second cas bien documenté est l’effet d’un parasite manipulateur de criquet sur la structure d’un écosystème de rivière (Sato et al., 2012; Fig. 1c). L’infection des criquets par un parasite nématomorphe cause le “suicide” du criquet dans une rivière, où le parasite pourra compléter son cycle de vie. L’une des conséquences est d’offrir aux prédateurs de la rivière une nouvelle ressource (entre 30 et 67% de l’alimentation des poissons). Ainsi, les petits poissons réorientent leur régime alimentaire en délaissant la communauté benthique (réduction de 50% de leur consommation) pour privilégier les criquets suicidaires. Par conséquent, la présence du parasite conduit à tripler la biomasse en invertébrés benthiques et à modifier leur compositions fonctionnelle (plus forte augmentation des prédateurs) et phylogénétique (plus grande proportion relative en Baetidae et en Gammaridae). Ces modifications ont des répercussions au niveau trophique inférieur où la biomasse en algue s’en trouve réduite de 50%. De même, le recyclage des feuilles mortes (i.e. leur consommation) est augmenté de 30%. La présence d’un parasite ayant un cycle de vie se déroulant à la fois en milieu terrestre et en milieu aquatique est ainsi capable d’affecter et la structure de l’écosystème aquatique et de lier les flux de deux écosystèmes. Nous avons donc là un exemple de cascade trophique due à un parasite : la modification du régime du topprédateur se répercute sur la biomasse et la composition des rangs trophiques inférieurs (Ripple et al., 2016; Fig. 2e). De nombreux autres exemples de cascades trophiques causées par du parasitisme sont décrits dans la review de Buck et Ripple (2017). D’autre part cet exemple nous montre également comment le parasitisme peut affecter le recyclage de la matière organique, et donc, entre autre, la stabilité des réseaux trophiques (Quévreux et al., 2018).

L’objectif de cette thèse est de mieux comprendre les implications du parasitisme dans les écosystèmes. En particulier, comment les parasites vont affecter la composition et la stabilité des réseaux trophiques. Pour ce faire nous partirons des effets du parasitisme à l’échelle individuelle, c’est à dire comment un parasite modifie son hôte (sa survie, sa fécondité, son aspect, son comportement), et les répercussions sur les interactions (notamment l’interaction proie-prédateur). Ayant connaissance de ces modifications, nous étudierons les implications à l’échelle d’un module trophique simple mettant en œuvre de la prédation et de la compétition. Après cette étude de dynamique écologique nous passerons à une approche éco évolutive où le parasite est susceptible, en infectant une proie, de modifier le régime alimentaire d’un prédateur. Finalement, après ces études, incluant approches théoriques et expérimentales, nous discuterons des implications à de plus larges échelles.

Les parasites, sont décrits comme étant des organismes qui vivent sur ou dans un hôte, durant tout ou partie de leur cycle de vie, utilisant les ressources de l’hôte (Hatcher et Dunn, 2011). Cette définition regroupe une diversité de stratégies réparties dans l’ensemble du vivant, la moitié des organismes est considérée comme étant des parasites (Hechinger, 2015). Les organismes non-parasites sont dits “à vie libre”.

Les parasites sont classés en différents groupes selon des dichotomies d’histoire de vie (Médoc et al., 2017). Certains parasites, physiologiquement indépendants de leurs hôtes, exploitent leur nid (parasitisme de ponte, par exemple les coucous) ou leur ressources alimentaires (klepto-parasitisme, par exemple la hyène consommant les proies du lion). Les autres parasites vont soit se fixer à l’extérieur de leur hôte, telle les tiques (ectoparasitisme), soit infecter l’intérieur de leur hôte, comme le virus de la grippe (endoparasites). Les parasites facultatifs peuvent être parasites ou à vie libre selon les contraintes environnementales. Les parasites peuvent se développer et se multiplier à l’intérieur de leur hôte, par exemple des bactéries, ce sont les microparasites. À l’inverse les macroparasites, généralement en faible effectif dans un hôte, libèrent leurs œufs à l’extérieur de l’hôte (par exemple les parasites acanthocéphales). Les parasites peuvent avoir un ou plusieurs hôtes. Les premiers sont des parasites à cycle simple, leur transmission peut être verticale (à travers la descendance de l’hôte, par exemple Wolbachia infectant les cloportes) ou horizontale (entre individus, telle des champignons). Les seconds sont des parasites à cycle complexe, ils ont besoins de passer par un (ou des) hôte(s) intermédiaire(s) avant de se reproduire dans un hôte final (par exemple l’acanthocéphale Pomphorhynchus laevis). Lorsqu’un parasite modifie le comportement de son hôte, augmentant la fitness du parasite, il est dit manipulateur. Les parasites castrateurs peuvent réduire ou supprimer la reproduction de leur hôte. Certains parasites peuvent infecter d’autres parasites : les hyperparasites (par exemple les virus infectant les parasites bactériens).

Au cours de cette thèse nous nous intéresserons plus particulièrement aux microparasites à cycle simple. Ainsi expérimentalement, nous utiliserons un virus, endoparasite à transmission horizontale. Dans l’approche théorique, cela se traduit par l’utilisation de modèles épidémiologiques qui ne considèrent pas la dynamique du parasite (i.e. la quantité totale de parasite) mais plutôt la dynamique de l’infection, c’est-à-dire la dynamique de la population hôte structurée selon les statuts infectieux (e.g. sain, infecté, immunisé …).

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Table des matières

Introduction
1. Les parasites : petits organismes, grands effets
2. Conséquences de l’infection à l’échelle individuelle
a. Diversité des parasites
b. Effets virulences : survie et fécondité de l’hôte
c. Des modifications individuelles aux effets interactions
3. Conséquences écologiques du parasitisme à l’échelle des communautés
a. L’approche module
b. Déterminants de la coexistence dans les modules trophiques
c. Déterminants de la stabilité des modules trophiques
4. Conséquences éco-évolutives du parasitisme sur le régime du prédateur
5. Structure de la présente thèse
Chapitre 1 Effets des parasites sur la coexistence et la stabilité dans les modules trophiques
Chapitre 2 L’infection par le virus DIV-1 modifie le phénotype des daphnies et en altère la profitabilité
Chapitre 3 L’évolution du régime alimentaire d’un prédateur due à l’infection d’une proie favorise la coexistence
Discussion
1. Implications du parasitisme dans les modules
2. DIV-1, prédictions dans les modules trophiques
3. Complexité du parasitisme dans les systèmes trophiques
Conclusion

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