Implication de l’histoire dans l’industrialisation malgache

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Les stratégies d’industrialisation dominantes

A. Hirschman et François Perroux plaident pour la promotion de la croissance déséquilibrée. Ils pensent que les efforts d’investissement doivent être orientés sur les secteurs moteurs de l’économie, c’est-à-dire l’industrie lourde, afin de susciter une croissance généralisée aux travers des effets d’entraînement et de liaison. Il ne faut donc pas gaspiller le capital dans des branches qui n’auront pas de retombées positives sur toute l’économie.
En effet, c’est à partir de la conception des économies externes transmises à la fois horizontalement par l’élargissement du marché (économies d’agglomération) et, verticalement à partir de l’activité qui les a fait apparaître (la croissance déséquilibrée) que, Hirschman développe la notion d’effets d’entraînements en amont et en aval : toute activité économique qui n’est pas du secteur primaire essaiera de produire localement les inputs qui lui sont nécessaires et de même, toute activité qui ne satisfait pas exclusivement la demande finale , utilisera ses outputs comme inputs des activités nouvellement créées. De même, François Perroux avait développé la théorie du pôle de croissance qui repose sur la notion de la firme motrice, il note que la croissance n’apparaît pas partout à la fois, elle se manifeste en des points ou des pôles de croissance avec des intensités variables; elle se diffuse par différents canaux et avec des effets terminaux variables pour l’ensemble de l’économie.
Cependant, le modèle de développement introverti est construit à base d’une accumulation du capital qui obéit aux déterminismes proprement nationaux, en rupture avec le marché capitaliste mondial. Il repose sur la prédominance à la fois du secteur de production des biens de production et du secteur de consommation de masse.
Le développement autocentré est une stratégie de développement de l’économie d’un pays qui se caractérise essentiellement sur l’accroissement et le développement du marché intérieur pour assurer des débouchés à l’industrialisation dans une autonomie relative vis-à-vis du commerce extérieur. Cette stratégie de développement est basée sur la protection des industries naissantes et est également caractérisée par la substitution des productions locales aux importations. En d’autres termes, le développement autocentré insinue alors la mise en place d’une politique protectionniste pour faire obstacle aux importations afin de pouvoir élargir la part de marché des industries naissantes locales. Cela se manifeste par la mise en application d’un tarif douanier protecteur qui freine l’importation de certains biens, et produire sur le territoire un bien, qui était auparavant importé, par une politique de substitutions aux importations.
Cette politique de développement est héritée du concept de Fichte qui énonce que tous les capitaux devraient se trouver entre les mains de l’Etat et que ce dernier devrait se fermer totalement à tout commerce avec l’étranger, sauf pour les marchés des biens et marchandises indispensables, pour un développement intérieur stable. Il s’agit donc ici de renoncer à toute espèce de besoin de consommation qui ne contribue pas réellement au bien-être des citoyens. C’est donc une sorte d’élimination des biens superflus ou nuisibles du territoire économique national. La raison de ces idéaux est le fait que Fichte est un philosophe socialiste-national qui prône alors un modèle d’économie communiste et nationale.
Le développement autocentré est également une stratégie de développement qui tient son origine des idéaux de l’économiste Allemand Friedrich List considéré comme l’un des principaux fondateurs de la théorie nationaliste de l’économie. Ses travaux, dont le principal ouvrage s’intitule « Système national d’économie politique », avaient pour finalité une restructuration de l’Allemagne au niveau politique et économique. Dans cette mesure, il avance alors les stratégies suivantes : l’unité politique et économique de l’Allemagne, la suppression des barrières douanières internes et une politique nationale des chemins de fer. Selon List, au cours de l’histoire, les structures économiques se sont développées dans une perspective d’évolution par paliers. C’est-à-dire, l’Etat agraire se transforme en Etat productiviste agricole et au fur et à mesure que les économies politiques évoluent, les Etats agricoles deviennent productivistes et commerciaux jusqu’à en devenir des Etats industriels et agricoles modernes. Et cette évolution globale doit être dirigée par l’Etat, selon les critères d’une évolution positive de l’économie politique. List s’oppose donc au processus d’intégration multinationale dont principalement la doctrine anglaise du libre-échange et le libéralisme économique préconisé par Adam Smith qui est une idéologie renfermant des idées de conquête impérialiste des marchés et des débouchés. Dans sa théorie de l’opposition, List avance alors la primauté de l’industrie nationale et opte pour la création de barrières douanières protectrices au niveau politique. Ces barrières doivent contribuer à la formation d’une branche économique déterminée, à la rendre indépendante et rentable de manière à ce qu’elle favorise le bon fonctionnement de la Nation. La théorie de List se résume donc par un développement intérieur du pays à l’aide d’un système d’économie politique efficace.
Le développement autocentré peut se réaliser par deux stratégies d’industrialisation dont l’Industrialisation par Substitution aux Importations (ISI) et les Industries Industrialisantes.

Industrialisation par Substitution aux Importations (ISI)

Cette stratégie était au départ une simple improvisation des grands pays d’Amérique latine, elle fût ensuite théorisée par la Commission économique pour l’Amérique latine (CEPAL) notamment à travers les travaux de Raul Prebisch qui reprenne le «protectionnisme éducateur» de Friedrich List (Raul Prebisch, 1971). Elle est Adoptée en Amérique latine dans les années 30 et 40, puis reprise dans les années 50 et 60 par de nombreux pays en voie de développement (Corée du Sud, Iran, Inde, Taiwan, Kenya, Sénégal, etc.).
La finalité de cette stratégie d’industrialisation est de se libérer de la dépendance au commerce international. A cet effet, dans un premier temps par le principe de remontée de filières; elle vise à remplacer progressivement les importations par une production locale en commençant par les industries les plus simples (vêtements, produits alimentaires, etc.). La substitution par l’amont, et dans un deuxième temps la substitution par l’aval doit aboutir à une production industrielle diversifiée de biens complexes comme les biens de consommation durables et les biens de luxe (Alain Lipietz, 1988).
Cependant, la mise en oeuvre de cette stratégie nécessite un certain nombre de préalables (Elsa Assidon, 2002): la constitution d’un marché intérieur en vue de permettre l’absorbation de l’accumulation de la production nationale et d’éviter la crise de surproduction, la mise en place d’une réforme agraire pour redistribuer les revenus et la constitution de marchés intégrés régionaux, la mise en place d’un ensemble de mesures favorisant l’accumulation du capital dans les activités manufacturées au détriment des importations notamment les mesures de protection douanières, un accès facile aux crédits manufacturiers, les subventions et le cas échéant, l’encouragement des capitaux étrangers par l’octroi de garanties de rapatriements des bénéfices (André Dumas, 1971). Dans un premier temps, cette stratégie avait enregistré un succès considérable en particulier pour les biens de consommation durable. Le Brésil aboutit ainsi dans une deuxième phase de substitution avec l’implantation d’industries lourdes et de biens intermédiaires, à enregistrer de notables percées.
Toutefois, elle atteignit des limites et progressivement des contre-performances apparurent, la surprotection des industries qui ; en absence de concurrence, menaient à des résultats médiocres: Les produits locaux n’arrivent pas à soutenir la concurrence internationale et arrivent très mal à pénétrer les marchés extérieurs, soit en raison de leur qualité, soit de leur prix. La dépendance était encore persistante du fait que la remontée vers les biens intermédiaires et les biens d’équipement exigeait un capital élevé et fut donc difficile. Dès lors, beaucoup de pays se tournèrent vers l’emprunt afin d’importer du matériel sophistiqué, mettant en péril l’équilibre du commerce extérieur et parfois favorisant les firmes multinationales qui n’étaient intéressées que par le secteur moderne.
On peut donc dire que l’industrialisation par substitution aux importations se définit comme étant une politique de développement qui consiste à la mise en place des barrières tarifaires ou non tarifaires permettant au pays de produire lui-même ce qu’il importe, en favorisant le développement autocentré de ce pays. Le principal objectif de cette politique est l’indépendance du pays vis-à-vis des pays d’importations. L’idée des pays qui se sont engagés sur cette voie de développement est de substituer aux importations une production nationale sans pour autant être exposés à des difficultés de manquements (Elsa Assidon, 2002). Il s’agit donc, ici, d’une vision négativiste face à l’insertion au commerce international surtout en matière d’importation. De plus dans l’ISI, on retrouve la notion de stratégie de remontée de filière dont le but est l’aptitude du pays à réaliser ou à fabriquer les biens intermédiaires et à maitriser localement les techniques et facteurs nécessaires à la fabrication d’un bien destiné à être vendu. Mais les conditions requises pour l’efficacité de cette stratégie sont : le développement du marché intérieur pour permettre un développement de la nouvelle économie locale et aussi un pouvoir d’achat élevé de la population pour faire décoller les industries naissantes et pour éviter une crise de surproduction.

Le modèle de développement extraverti

Les bases du modèle de développement extraverti équilibré ont été esquissées par P. N. Rosenstein-Rodan et R. Nursk. Leurs analyses étaient développées à partir de deux principes:
 Le premier concept est le principe d’indivisibilité qui caractérise notamment les services collectifs et qui se manifeste au niveau de l’offre (production), pour des niveaux d’investissements critiques. Il existe des seuils en dessous desquels toute production entraine des pertes croissantes, d’où la nécessité de disposer de capacités financières et techniques et des débouchés correspondants, permettant d’atteindre ces seuils : il existe un minimum d’infrastructures profitables à une gamme plus large d’industries. Quant à l’indivisibilité au niveau de la demande, elle concerne les services pour lesquels l’accessibilité d’un individu ou d’un groupe entraine une accessibilité des autres membres du groupe sans coûts supplémentaires (principe de non exclusion): une entreprise ne peut se développer en comptant sur la demande générée par les revenus qu’ell distribue, d’où l’impératif de la diversification du tissu industriel.
 Le deuxième principe est relatif aux économies externes dont on distingue également deux types. D’une part, il y a les effets externes technologiques qui représentent des externalités auxquelles sont soumises les firmes dans le cas où leurs processus de production dépendent de facteurs non maitrisés par ces dernières. Et d’autre part, les effets externes pécuniaires ou appelés également dynamiques, engendrent des processus cumulatifs d’entraînement sans pour autant modifier les conditions de production (l’expansion d’une firme sur le marché engendre une distribution supplémentaire de revenus, ces derniers accroissent les débouchés d’autres entreprises mais ne modifient pas les conditions de sa production).

L’industrialisation de substitution d’exportations (ISE)

Appelée également stratégie de promotion des exportations, elle vise à substituer progressivement aux exportations de produits primaires des produits de plus en plus élaborés par la remontée de filières : remplacer les exportations traditionnelles par de nouvelles, plus intensives en capital et à plus forte valeur ajoutée; passer de l’industrie légère à l’industrie lourde, en intégrant progressivement le progrès technique et en assurant la formation de la main-d’oeuvre.
En effet, il s’agit d’une part, d’une industrialisation par promotion des exportations (IPE) qui consiste à développer le secteur primo-exportateur et à affecter les recettes d’exportation au secteur lui-même et aux activités connexes de biens intermédiaires et d’équipement. Une partie des ressources sert également à l’importation de biens de consommation et d’équipement qui ne peuvent être produits sur place. D’autre part, d’une industrialisation par substitution des exportations (ISE), qui consiste à substituer l’exportation de produits manufacturiers à l’exportation de produits de base ou à substituer l’exportation de produits à forte valeur ajoutée et à l’exportation de produits à faible valeur ajoutée. Quand un pays engagé dans l’ISI se heurte à l’étroitesse du marché local, il peut alors envisager les marchés extérieurs.
Cette stratégie a été adoptée par un grand nombre de pays dont, à partir des années 50 par les pays asiatiques (Hong Kong et Singapour, la Corée du Sud, Taiwan) ; et certains pays d’Amérique latine comme le Brésil, le Chili ou le Mexique dans les années 1980.
Les effets bénéfiques dus à la mise en place d’une stratégie de développement axée sur l’exportation sont multiples : elle favorise la production des biens dont les coûts d’opportunité en termes de devises étrangères sont les plus faibles; elle permet l’exploitation maximale des économies d’échelle contribuant ainsi à la réduction des coûts unitaires et, stimule l’innovation technologique par le biais de l’exposition à la concurrence étrangère. De plus, cette stratégie permet de financer les besoins accrus d’importation de biens d’équipement auxquels le pays fait face au cours de son processus d’industrialisation. Enfin, alors que le stade secondaire de processus de substitution d’importation fait appel à une technologie qui tend à incorporer de plus en plus de capital, une stratégie d’industrialisation fondée sur les exportations peut, dans le cas où il existe une abondance relative de main-d’oeuvre, être concentrée dans les secteurs les plus susceptibles d’absorber cette main-d’oeuvre et contribuer ainsi à réduire le taux de chômage.

Une forte corrélation entre le secteur agricole et le secteur industriel

Cette liaison entre le secteur agricole et le secteur moderne est théorisée par l’économiste Arthur W. Lewis (1954) et formalisée par Fei et Ranis (1964). Cette théorie est connue sous le nom de dualisme qui prône que l’économie est dominée par deux secteurs qui sont : le secteur traditionnel caractérisé par l’agriculture, et le secteur moderne caractérisé par le secteur industriel. Selon les théoriciens dualistes, le secteur agricole est un secteur de subsistance dont la productivité marginale du travail est nulle. En d’autres termes, c’est un secteur qui présente une surabondance de travail. C’est-à-dire, en soustrayant cet excédent de main d’oeuvre dont dispose le secteur agricole et en le transférant au secteur moderne industriel, cela n’aurait aucun impact sur le niveau de la production agricole. Le développement du secteur secondaire se trouve donc sur la base d’un transfert de travailleurs en provenance du secteur traditionnel. On peut alors dire que l’agriculture est une source de main d’oeuvre potentielle du secteur industriel car pour se développer, elle n’a pas besoin d’une quantité importante de main d’oeuvre. Mais à son tour, le secteur industriel devrait fournir la mécanisation nécessaire au secteur agricole de manière à ce que le niveau de la production de l’agriculture s’améliore avec une quantité moins importante de main d’oeuvre. C’est ce transfert de l’excédent de main d’oeuvre du secteur agricole vers le secteur industriel qui est le fondement de la théorie dualiste de Lewis et de Fei et Ranis. Ce transfert est, selon eux, source de croissance. En effet, selon Lewis, faire travailler cet excédent de main d’oeuvre agricole engendrerait des profits croissants et la meilleure allocation est celle vers le secteur industriel. A noter que cet excédent de main d’oeuvre du secteur de l’agriculture résulte de l’effet combiné de la croissance démographique, du progrès technique du secteur agricole et de l’extension des droits de propriété ; et cet excédent devrait être impérativement libéré pour asseoir les bases de l’industrialisation.
De son coté, Simon Kuznets (1966) développe son approche qui stipule qu’il y a quatre voies par lesquelles l’agriculture contribue à l’industrialisation. Cette contribution du secteur agricole à l’industrialisation se manifeste à travers les quatre éléments dont : les produits, les marchés, les devises et les facteurs de production.
 En termes de produits, l’agriculture approvisionne en nourriture les travailleurs du secteur moderne ainsi que les citadins ou ruraux dans le secteur des services. De plus, elle produit également des matières premières qui seront transformées par l’industrie. En effet, une agriculture performante fournira des produits agricoles bon marché ce qui va entrainer la réduction des couts salariaux et cela faciliterait l’accumulation du capital. Par contre, si la productivité agricole stagne, les prix agricoles s’élèveront ce qui entrainera la hausse des salaires nominaux et la baisse des profits et des investissements industriels. On peut donc affirmer que la croissance de la production agricole aura un effet déterminant sur la croissance économique globale, dans des économies en décollage où le monde rural reste dominant.
 Sur les marchés, le secteur agricole est à l’origine d’une demande de produits manufacturés de tout type. Sa prospérité permet donc de fournir des débouchés croissants à l’industrie et sa stagnation entrave le développement industriel par des problèmes de débouchés. Dans les pays où le développement est en phase embryonnaire, c’est-à-dire les pays dont l’essentiel de la population est rurale, ces débouchés sont cruciaux.
 En termes de devises, les produits agricoles constituent l’essentiel des exportations au départ, et sont donc les seuls à pouvoir fournir les devises nécessaires à l’importation des équipements, pièces, matières premières, dont l’industrie a besoin pour se développer. D’ailleurs, l’agriculture peut également permettre d’économiser des devises, en produisant des denrées jusqu’à les importer. Un échange fructueux tripartite se met alors en place : l’agriculture fournit des devises, lesquelles permettent d’acquérir des machines pour l’industrie, qui produit alors des biens manufacturés pour les paysans.

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Table des matières

Remerciements
Liste des abréviations
Liste des tableaux
Liste des figures
Introduction
Partie 1 : Revue de la littérature sur l’industrialisation
I. Notions et définitions sur l’industrialisation
II. Les stratégies d’industrialisation dominantes
Partie 2 : Cas de Madagascar en termes d’industrialisation
I. Implication de l’histoire dans l’industrialisation malgache
II. Réalités sur l’industrie malgache
Conclusion
Bibliographie
Annexe 1
Annexe 2
Annexe 3

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