Implication d’aires corticales unisensorielles de bas niveau

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Implication d’aires sous corticales

Cette implication nouvelle des aires corticales dites unisensorielles dans les processus d’intégration multisensorielle reflète l’abondance et l’importance des interactions multisensorielles dans le néocortex. Ghazanfar et Schroeder (Ghazanfar et Schroeder 2006) se sont alors demandé si les structures sous corticales ne pouvaient pas elles-mêmes intégrer les signaux de différentes modalités. Dans cette partie, nous allons rapporter les études qui ont montré que le colliculus supérieur était un centre intégrateur et également apporter les preuves qui font de certains noyaux thalamiques des potentiels centres intégrateurs, tel que le pulvinar médian par exemple.

Le colliculus supérieur (CS)

Les colliculi, appelés également tubercules quadrijumeaux, se situent au niveau du tectum et sont composés de quatre petites masses arrondies. La paire caudale est appelée colliculi inférieurs alors que la paire rostrale est appelée colliculi supérieurs. Ils sont structurés en couches comme dans le cortex (Figure1.14), à savoir avec trois couches qui forment la partie superficielle, et quatre couches qui désignent la partie profonde (May 2006). Les couches superficielles et profondes du colliculus supérieur sont interconnectées (May 2006), via des connexions inhibitrices (Lee et al. 2007) et excitatrices (Ghitani et al. 2014). Nous allons, ici, nous concentrer sur les couches profondes, lieu de l’intégration multisensorielle.
Le colliculus supérieur reçoit dans ses profondes des afférences visuelles provenant du noyau parabigéminal, du prétectum, du noyau géniculé latéral (May 2006), du noyau réticulaire, du cortex visuel (White et al, 2009) et frontal (FEF) (W. Fries 1984). Les entrées auditives proviennent majoritairement du colliculus inférieur (Knudsen et Knudsen 1983; May 2006), mais également du cortex auditif (Bajo et al. 2007). Il reçoit des projections somatosensoriels du noyau trigéminal (Stein et al. 2014), du cunéiforme et du cortex somesthésique primaire (Triplett et al. 2012; Wise and Jones 1977) et des projections vestibulaires du noyau vestibulaire médian. De plus, la substance noire (pars reticulata), le cervelet (May 2006) et le cortex moteur (W. Fries 1984) apportent des informations motrices. Enfin, il est connecté à des aires corticales multisensorielles, comme notamment le dlPFC (Selemon et Goldman-Rakic 1988), le LIP (Colby et Goldberg 1999) et AES, mais seulement des projections des neuronaux unimodaux (Wallace et al. 1993, voir également May 2006).
Les couches profondes du colliculus supérieur projettent majoritairement vers le tronc cérébral et la moelle épinière, surtout dans les régions impliquées dans le déplacement des yeux, des oreilles, de la tête et des membres (Benevento et Fallon 1975; May 2006). Il envoie également des efférences vers des régions sensorielles et motrices du thalamus et du cervelet. Enfin, il revoie des informations au colliculus inférieur créant ainsi une boucle de rétrocontrôle.
Le colliculus supérieur présente une activité d’intégration des informations multisensorielles. Plus particulièrement, des neurones répondants à des stimulations auditives, visuelles et somesthésiques ont été retrouvés. Cette structure a fait l’objet d’une recherche approfondie par Stein et Meredith (1993) sur les mécanismes qui sous-tendent cette intégration neuronale des différences sources sensorielles. Il est apparu que les neurones multisensoriels présentaient une augmentation de l’activité en condition multisensorielle par rapport aux conditions unisensorielles et que cette activité pouvait être caractérisée par un effet sous-additif, additif ou supra-additif. De plus, ces travaux ont permis de déterminer les règles fondatrices de la multisensorialité, à savoir la règle temporelle, la règle spatiale et le principe d’efficacité inverse (pour plus de détail voir la section 1.2.1). Ces résultats ont également été retrouvés chez le primate non humain (Wallace et al. 1996).
Comme on l’a vu précédemment (section 1.2.2.4), une inactivation de l’AES réduisait le comportement d’orientation des chats à un comportement basé seulement sur des stimulations unisensorielles et non plus multisensorielles(Wilkinson et al. 1996). Par ailleurs, des enregistrements neuronaux dans les couches profondes du colliculus supérieur simultanés à une inactivation de l’AES ont montré une suppression au niveau neuronal des réponses intégratives du CS (Wallace et Stein 1994). Ceci a conduit à la conclusion que l’AES avait une influence directe sur les propriétés intégratives du CS. Comme seuls les neurones unimodaux de l’AES projettent vers les neurones multisensoriels du CS (Wallace et al. 1993), ces entrées sont donc critiques pour la capacité des neurones SC à intégrer des indices multisensoriels (Wallace et Stein 1994), et pour le développement de cette capacité (Wallace et Stein 2000).
Le CS présente une organisation des champs récepteurs des neurones. En effet, l’axe rostro-caudal correspond aux entrées ipsi-contro-latérales et l’axe médio-latéral correspond aux entrées de haut en bas (Stein et al. 2013). Ces cartes sensorielles ont également été mises en évidence chez le singe (Sparks, 1988). Plus particulièrement, il est apparu que ces cartes sensorielles soient en concordance non seulement entre sensorialités, mais également avec la carte de la motricité (Sparks 1988; Stein et al. 2014).
Une stimulation des neurones du CS provoque un mouvement de saccade de l’œil et ce mouvement va permettre de pointer le regard dans le champ récepteur du neurone stimulé (Robinson et al. 1972). De par cette organisation en cartes sensorielles du CS, il est dit que les mouvements oculaires sont représentés par l’ensemble de la population neuronale. De plus, une inactivation ou une lésion du CS empêche le mouvement des yeux vers une cible (Sprague et Meikle 1965). Ces résultats sont autant de preuves qui montrent que le colliculus supérieur aurait un rôle dans les saccades oculaires. Plus précisément, le CS agirait en synergie avec le FEF et le cervelet, eux même impliqués dans les saccades oculaires. Bien que le rôle du CS dans la génération de saccades oculaires ait été clairement identifié, il semblerait que le CS soit plus largement impliqué dans le comportement d’orientation (yeux, oreilles, moustache, tête et corps) pour un meilleur percept et comportement face à un stimulus d’intérêt (Stein et al. 1993; Gandhi et Katnani 2011) et ce, grâce à une organisation du CS sous forme de cartes sensorielles. Enfin, le CS aurait un rôle dans l’attention spatiale. Plus précisément, il permettrait de piloter l’attention spatiale non seulement lors de mouvements d’orientation, mais également lors de tâches perceptives ne nécessitant pas de mouvement d’orientation (Krauzlis et al. 2013). Il semblerait que le CS opérait ces fonctions d’attention visuelle dans un réseau distinct de celui décrit au niveau cortical (FEF et LIP), Contrairement à ce qu’il était pensé initialement.

Le Thalamus

Il est maintenant évident que l’intégration multisensorielle prend place dans des aires corticales et dans le colliculus supérieur, néanmoins il est tout à fait possible que d’autres structures puissent également être impliqué dans ces processus, notamment des structures sous corticales comme le Thalamus. En effet, des neurones multisensoriels ont été observés dans certains noyaux du Thalamus. Il a, par exemple, été retrouvé des neurones somato-visuels dans le noyau ventral postérieur médial (VPM) (Allen et al. 2016), des neurones vestibulo-visuels dans un complexe de noyaux ventro-postérieurs (Meng et al. 2010) et des neurones répondant à des stimulations auditives, visuelles et somatosensorielles dans le complexe CM-Pf (noyau central médian et parafasciculaire) (Matsumoto et al. 2001). Dans la partie postérieure du Thalamus, des enregistrements électrophysiologiques ont révéler des réponses neuronales multisensorielles auditives, visuelles et/ou somesthésiques chez le pigeon dans le noyau postérieur latéral dorsal (LD) (Korzeniewska 1987) et chez le chat dans le complexe Pulvinar-Lateralis postérieur (Avanzini et al. 1980). Ces influences multisensorielles chez l’animal ont également été observées chez l’homme dans le thalamus postérieur lors d’une tâche de détection audio-visuelle, par la méthode de tomographie par émission de positrons (TEP) (Bushara et al. 2001) et par imagerie de résonnance magnétique (IRMf) (Bonath et al, 2013). Enfin, l’enregistrement de l’activité neuronale dans le noyau géniculé médian (MGN) chez le rat a permis de mettre en évidence des influences visuelles sur les réponses auditives (Komura et al. 2005). Une étude en IRMf chez l’homme a montré qu’un gain comportemental audio-visuel était en lien avec une augmentation de l’activité du cortex auditif, visuel et du STS ainsi que des noyaux thalamiques LGN et MGN. Il s’est avéré par ailleurs que ce gain était d’autant plus important que le couplage LGN/MGN avec le STS était fort (Noesselt et al. 2010).
Ces études électrophysiologiques et d’imageries apportent la preuve de l’existence de neurones multisensoriels dans des noyaux thalamiques. Parallèlement, des études anatomiques ont été conduites sur la connectivité thalamo-corticale et cortico-thalamique, permettant ainsi d’avoir une vue d’ensemble et de déterminer des centres intégrateurs potentiels. Cappe et collaborateurs (Cappe et al. 2009b) ont injecté des traceurs rétrogrades dans 6 aires corticales, i.e. dans le cortex auditif rostral et caudal, les subdivisions PE et PEa de l’aire 5 et le cortex pré-moteur dorsal et ventral, chez deux macaques, ce qui a permis de révéler les projections thalamo-corticales (Figure1.15). De manière générale, il est apparu que les projections vers le cortex pré-moteur provenaient majoritairement du thalamus antérieur et les projections vers le cortex auditif et l’aire 5 du thalamus postérieur. Plus précisément, le cortex pré-moteur reçoit des afférences de noyaux moteurs, à savoir du noyau ventral antérieur (VA), du noyau ventral latéral (VL) et de l’aire X, et reçoit également des noyaux latéral postérieur (LP), médiodorsal (MD), pulvinar médian (PuM), centre médian (CM), parafasciculaire (Pf), central latéral (CL), limitans (Li) et plus modérément du MGN. Le cortex auditif reçoit des projections majoritairement du MGN auditif et du PuM et dans une moindre mesure de CL, VA, VL, MD, du pulvinar latéral (PuL) et du noyau ventral postérieur latéral (VPL). Enfin, l’aire 5 reçoit des projections principalement de LP et VPL qui sont des noyaux somatosensoriels et des noyaux PuM, VA, VL, CL, MD, pulvinar antérieur (PuA), PuL et plus faiblement du MGN. En regard d’une intégration multisensorielle, il est intéressant de regarder quels sont les noyaux qui vont projeter vers plusieurs aires corticales sensorielles. Grâce à cette étude, les auteurs ont observé que les noyaux VA, VL, CL, PuM, MD et LP projetaient et vers le cortex pré-moteur et vers l’aire 5. Le cortex auditif et le cortex pré-moteur reçoivent tous deux des afférences des noyaux CL, PuM, MD et VA, alors que seuls les noyaux CL et PuM, et dans une moindre mesure MD, VPL et PuL, projettent vers le cortex auditif et l’aire 5. Lorsque l’on restreint la liste des noyaux thalamiques à ceux qui projettent vers les 6 aires corticales étudiées, seuls restent le PuM, le MD, le CL et dans une moindre mesure le MGN. Tous ces noyaux thalamiques sont donc apparus comme étant de possible centre intégrateur de l’information multisensorielle. Il est important de noter ici que le PuM est le noyau thalamique qui présente la connexion la plus dense avec toutes les aires corticales étudiées et présente de larges zones de chevauchement des projections à chacune des aires. Une autre étude anatomique menée par ces mêmes auteurs dans laquelle des traceurs rétrogrades et antérogrades injectés dans l’aire 5 chez deux singes a permis de mettre en évidence que les connexions cortico-thalamiques et thalamo-corticales concernaient les mêmes noyaux thalamiques (Cappe et al. 2007).

Mise en place des postes d’expérimentation

Lorsque nous avons débuté ce projet, le CerCo nous a mis à disposition une salle d’expérimentation que nous avons dû équiper d’un poste de comportement et d’un poste d’électrophysiologie.

Poste de comportement

La salle d’expérimentation étant entièrement vide, cela nous a laissé une grande liberté afin de créer un poste parfaitement adapté aux besoins de nos projets (Fig 2.1). L’étude des processus sensoriels nécessite que pendant les sessions d’expérimentation, l’animal soit isolé de toutes autres stimulations sensorielles que celles désirées lors de l’étude. Nous avons donc fait construire une cabine aveugle pour éviter les stimulations sonores et visuelles extérieures. A l’intérieur de cette cabine, nous avons installé le matériel d’expérimentation sur une étagère modulable qui nous a permis d’agencer chaque module de manière la plus adaptée à nos singes. Nous avons placé au centre de l’étagère un écran (BenQ, 60 cm de diagonal, 1920 × 1080 pixels, 120 Hz) de telle manière que le centre de l’écran soit à la hauteur des yeux des animaux une fois la tête fixée. En haut à droite de l’écran a été placée une photodiode afin de pouvoir acquérir des informations temporelles précises de la présentation des stimuli. Des haut-parleurs (Creative Gigaworks t20 serie II) ont été disposés de chaque côté de l’écran de sorte que le son était perçu de manière centrale et engendrait une audition binaurale. Nous avons également placé une dalle tactile transparente à l’avant de l’écran et un boitier tactile en bas de cette dalle tactile. Un eye tracker (ISCAN ETL 200, Woburn, MA 01801) a été disposé à gauche du dispositif écran/haut-parleurs pour suivre le mouvement des yeux. Enfin, une caméra infra-rouge a permis de surveiller l’animal et de déterminer la fin de la session expérimentale. Toute cette procédure expérimentale a été exécutée à l’aide d’un logiciel de présentation EventIDE (Okazolab Ltd) sur un ordinateur dédié à la partie comportementale.

Poste d’électrophysiologie

Nous avons monté le poste d’électrophysiologie (Fig 2.2) dans le but de pouvoir enregistrer deux canaux, l’un pour enregistrer l’activité unitaire et le second pour enregistrer les potentiels de champs locaux (LFP : local field potentials). Les signaux captés par l’électrode ont d’abord été amplifiés par un facteur 1000 par un amplificateur (NL104, Neurolog system, Digitimer, Hertfordshire, UK), puis transformés en signaux digitaux (1401power, CED, Cambridge, UK). Un Hum bug a ensuite permis de filtrer le signal à 50Hz, artefacts captés provenant des prises. Les signaux LFP ont été obtenus sans filtrage (NL125-126, Neurolog system, Digitimer, Hertfordshire, UK) alors qu’un filtrage en passe haut (entre 200 Hz to 8 kHz) a permis l’enregistrement de l’activité unitaire. Enfin le logiciel Spike 2 (CED, Cambridge, UK), sur un ordinateur uniquement dédié à l’électrophysiologie, a reçu et enregistré les signaux des deux canaux mais également de la présentation des stimuli, de la fixation du point par l’animal et des codes des stimuli, permettant ainsi une synchronisation des informations comportementales et électrophysiologiques.

Comportement

Pour la première étude de cette thèse, deux animaux (Mk Hi et Mk Wo) ont été entrainés à réaliser une tâche de détection de stimuli naturels auditifs, visuels et audio-visuels. Pour cela, le singe devait poser sa main sur le pad pour initier un essai. Après un délai aléatoire (entre 300 et 700 ms), un stimulus était présenté et l’animal bénéficiait de 2s afin de toucher l’écran le plus rapidement possible, activant ainsi la dalle tactile. Si l’animal réussissait correctement l’essai, c’est-à-dire réussissait à détecter le stimulus dans le temps imparti, il recevait une récompense hydrique. Le temps entre le début de la présentation de stimulus et l’activation de la dalle tactile correspond au temps de réaction de l’animal. Les temps de réaction sont des indicateurs de la perception des stimuli sensoriels. Dans cette étude, plusieurs centaines de stimuli naturels différents ont été utilisés, tous présentés dans les trois modalités sensorielles. Les paramètres de saillance des stimuli uni- et multi-sensoriels et de congruence sémantique des stimuli multisensoriels ont été variés afin de comprendre l’influence de ces facteurs sur la perception multisensorielle pendant une tâche de détection. Dans cette étude, une cohorte de sujets humains a réalisé une même tâche de détection de stimuli naturels dont la saillance et la congruence sémantique variaient. Leurs temps de réaction ont été analysés de la même façon que ceux des animaux.
Pour les deux autres études, deux animaux (Mk H et Mk C) ont été entrainés à une tâche de fixation de stimuli. Un point de 0.5 degrés était présenté au centre de l’écran et l’animal initiait un essai en le fixant dans une fenêtre de 2.5 degrés. Après un délai aléatoire (500 et 1200 ms), un stimulus était présenté pendant 250 ms et l’animal devait maintenir sa fixation (en l’absence du point de fixation). Si l’animal parvenait à la maintenir, un délai aléatoire de 300 à 700 ms précédait la délivrance d’une récompense alimentaire de 0.05ml. Les stimuli utilisés étaient au nombre de trois : un bruit, un macaque et un serpent à sonnette. Chacun de ces stimuli était présenté en condition auditive (à 60dB), visuelle (image de 19 × 19 degrés) et audio-visuelle. Les stimuli audio-visuels étaient toujours congruents temporellement et sémantiquement. La saillance des stimuli ne variait pas et était à un niveau assez fort. Pendant que les singes réalisaient la tâche de fixation, des enregistrements électrophysiologiques ont été effectués dans le gyrus cingulaire postérieur (GCP, Etude 2) et dans le pulvinar médian (PuM, Etude 3).

Procédures chirurgicales

Pour réaliser ces deux études électrophysiologiques, nous avons effectué deux opérations chez deux macaques rhésus. La première a eu pour but d’implanter une pièce de fixation de tête en titane, IRM compatible (Crist Instrument) et la deuxième une chambre d’enregistrements en titane également (Crist Instrument). Nous avons d’abord réalisé des IRM anatomiques sous cadre stéréotaxique chez chacun des deux animaux afin de déterminer les coordonnées auxquelles les chambres d’enregistrements ont dû être centrées. Nous avons choisi de placer les chambres au niveau du cortex pariétal à 6.5 mm en antéro-postérieur et 0.75 mm en médio-latéral, ce qui nous a permis d’accéder autant au GCP qu’au PuM.
Toutes les opérations chirurgicales se sont pratiquées dans des conditions aseptiques. Vingt minutes avant la chirurgie, l’animal a reçu une dose de Robinul® (0.01 mg/kg) afin d’éviter une salivation trop abondante qui obstruerait les voies respiratoires. Les anesthésies ont été induites par une injection intramusculaire (i.m.) de Zoletil 50® (5 mg/kg). Lorsque l’animal a été endormi, le crâne et les pattes arrières ont été rasés à la tondeuse électrique, puis au rasoir jetable. Une fois l’animal intubé, l’anesthésie a ensuite été maintenue par Isoflurane (1.5%). Les paramètres physiologiques de l’animal (fréquence cardiaque, saturation en oxygène du sang, fréquence respiratoire et CO2 expiré) ont été surveillés pendant la chirurgie, permettant ainsi d’ajuster le niveau d’anesthésie. L’animal a reçu en continu de la solution de chlorure de sodium Cooper injectable (0.9%) par voie intraveineuse. La voie intraveineuse nous a donné l’opportunité d’injecter d’autre substance en cas de problème, ce qui ne s’est jamais produit. Une couverture chauffante avec sonde rectale a régulé la température de l’animal tout au long de l’opération afin d’éviter une éventuelle hypothermie. L’animal a également reçu des injections en i.m. de Tolfédine (4 mg/kg) pour minimiser la formation d’œdème, de Vétergésic® (0.01 mg/kg) pour diminuer la douleur liée aux gestes chirurgicaux pendant et après opération et d’un antibiotique, le Clamoxyl LA (15 mg/kg) pour éviter les risques infectieux.
Nous avons continué à administrer le traitement antiobiotique pendant une semaine et le traitement analgésique quelques jours post-opératoires. Des soins réguliers de la cicatrice ont été effectués en désinfectant à l’aide d’une solution iodée (Bétadine). La dure-mère mise nue a été recouverte par un disque de sylastique stérilisé et la chambre refermée par un chapeau en plastique stérile.

Electrophysiologie

Les enregistrements électrophysiologiques ont été effectués à l’aide de micro-électrodes en tungsten (Frederick Haer Company, Bowdoinham, ME) d’un diamètre de 250 µm avec une pointe inférieure à 1 µm. Leurs impédances ont été comprises entre 5-7 MΩ à 1 kHz pour s’assurer d’une bonne sélectivité des enregistrements. Les électrodes ont été descendues quotidiennement à l’aide d’un micro-descendeur (Narishige MO-972). Quelle que soit la structure étudiée, nous avons exploré une région de 3 mm en antéro-postérieur et de 4 à 6 mm en médio-latéral. Lorsqu’un neurone était détecté, nous avons enregistré son activité pendant le temps nécessaire pour que le singe ait réalisé environ 20 essais pour chacun des 9 stimuli, excepté lorsque nous perdions le neurone avant la fin des 180 essais désirés. Une descente d’une distance minimale de 100 µm a été considérée suffisante pour que l’électrode ne capte plus ce neurone. L’analyse des enregistrements électrophysiologiques a été réalisée en off-line sur Spike 2. Le tri des neurones a été effectué grâce à une analyse en PCA (principal component analysis) et nous avons confirmé le tri si la période réfractaire entre deux potentiels d’action d’un même neurone était supérieure ou égale à 1.2 ms.

Ethique

Toutes ces procédures ont été approuvées et validées par le comité national de réflexion éthique sur l’expérimentation animale conformément aux directives de la Communauté européenne sur la protection des animaux et par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (numéro d’autorisation : 01000.02).
Pour évaluer l’état général de chaque animal, nous avons relevé toute déviation du comportement habituel tel que la perte d’appétit, la déshydratation, l’état du pelage et les interactions avec les congénères en enclos. Par ailleurs, le poids des animaux a été relevé quotidiennement et une perte supérieure à 10% aurait engendré l’arrêt de l’expérimentation jusqu’au retour au poids de référence, ce qui ne s’est pas produit.

Etude éAlectrophysiologique de l’implication du Pulvinar Médian (PuM) dans les réseaux cérébraux de la multisensorialité chez le macaque rhésus

Introduction

L’interaction multisensorielle a longtemps été pensée comme étant un processus de haut niveau, impliquant des structures corticales associatives (Benevento et al. 1977; Desimone et Gross 1979; Joseph et Barone 1987; Duhamel et al. 1998;Grunewald et al. 1999; Bremmer et al. 2002a; Avillac et al. 2005; Barraclough et al. 2005; Schlack et al. 2005; Sugihara et al. 2006; Romanski 2012). Récemment, des aires corticales (visuelle et auditive) de bas niveau ainsi que des aires sous-corticales e.g. CS ont été impliquées dans l’intégration multisensorielle (Calvert et al. 1999; Wang et al. 2008; Ghazanfar 2009; Kayser et al. 2009; voir aussi Cappe et al. 2009a pour revue). Dans ce projet de thèse, nous avons examiné un noyau thalamique, le pulvinar médian pour ses éventuelles fonctions multisensorielles et intégratives. Dans l’introduction qui suit, nous présentons les évidences anatomiques et physiologiques qui font du pulvinar un bon candidat pour l’étude de la multisensorialité. Ensuite, nous détaillons notre étude portant sur les réponses électrophysiologiques du pulvinar médian à des stimuli sensoriels auditifs, visuels ainsi qu’audio-visuels. Nous discutons enfin les possibles fonctions attribuées au pulvinar sur la base de notre étude électrophysiologique et de la littérature.

Anatomie

Le pulvinar est le plus gros noyau du thalamus chez les primates et est particulièrement volumineux chez les primates anthropoïdes (Stepniewska 2004; Steriade et al. 1997). Il est également le plus postérieur du thalamus. Il s’agit d’une structure hétérogène et a été subdivisé de plusieurs façons. Des critères cytoarchitectoniques ont permis de le diviser en quatre principales régions : une région inférieure (PuI), latérale (PuL), médiane (PuM) et antérieure (PuA, également appelée « orale ») (Figure 3.3.1A, Olszewski 1952). Dans cette configuration, les fibres du brachius du colliculus supérieur (BrSC) délimitent la partie dorsale comprenant le PuM et le PuL de la partie ventrale formée par le PuI. Ces divisions ont été retrouvées chez la plupart des espèces simiennes. Actuellement, les divisions de Olszewski ont été affinées et subdivisées, mais sont encore utilisées dans nombreuses études. Une analyse de la myéloarchitecture a donné lieu à une extension du PuL ventralement jusqu’au bord inférieur du pulvinar (Figure 3.3.1.1B). Cependant, ces subdivisions ne permettent pas de concilier les résultats d’électrophysiologie (Allman et Kaas 1972; Gattass et al. 1978; Bender 1981) ni de connectivité (L. G. Ungerleider et al. 1984). Il semble donc que l’architecture cellulaire ou de la myéline seules ne suffisent pas à rendre compte de la complexité de l’organisation du pulvinar.
(A) Division d’Olszewski basée sur la cytoarchitecture grâce à des marquages du Nissl. (B) Division de walker basée sur les libres de myéline. (C et D) Divisions du groupe de Cusick (gauche) et du groupe de Kaas (droite) basée sur la chémoarchitecture. (Stepniewska et al. 2004)
PM : pulvinar médian, PMm : partie médiane du PM, PMl : partie latérale du PM, PI : pulvinar inférieur, Pic : partie centrale du PI, PIcL : portion latéro-centrale du PI, PIcM : portion médio-centrale du PI, PIL : partie latérale du PI, ‘s’ : portion ‘shell’ du PIL, Pim : partie médiane du PI, PIp : partie postérieure du PI, PL : pulvinar latéral, PLd : partie dorsale du PL, MGN : noyau géniculé médian, BrSC : brachius du colliculus supérieur.
Les avancées techniques en immuno- et histo-cytochimie ont permis de réévaluer l’architecture du pulvinar selon sa composition en molécules et en neuro-transmetteurs reflétant ainsi davantage une organisation fonctionnelle. La chémoarchitecture a révélé des organisations pouvant aller jusqu’à 9 subdivisons (Gutierrez et al. 1995; Stepniewska et Kaas 1997; Adams et al. 2000; Gutierrez et al. 2000). Deux organisations du pulvinar ont été proposées, une par le groupe de Cusick (Figure 3.3.1.1C) et une par le groupe de Kaas (Figure 3.3.1.1D). Le groupe de Cusick a étudié le marquage de plusieurs molécules (calbindine, cytochrome oxydase, acétylcholine estérase, SMI-32, Cat-301 et agglutinine binding) alors que le groupe de Kaas s’est basé sur le marquage au Nissl et de la myéline. Ces deux organisations présentent des différences mais les deux s’accordent sur le fait que le PuI s’étend davantage dorsalement, au-dessus du BrSC, contrairement aux divisions d’Olszewski et de Walker. Dans la division proposée par le groupe de Cusick (Gutierrez et al. 1995; Stepniewska et Kaas 1997; Stepniewska et al. 2000; Stepniewska 2004; Kaas and Lyon 2007), le PuI comprend toute la partie inférieure du pulvinar et est divisée en 5 portions : postérieure (PIp), médiane (PIm), centrale (PIc), latérale (PIl) et la partie « shell » du PIl (PIls). Le PuL n’existe donc plus que dorsalement et est appelé PL dorsale (PLd) et le PuM est scindé en PuM latéral (PMl) et en PuM médian (PMm). Le PMm contient en son centre une région ovale appelée PMm central (PMmc) (Cavada 1995). Le groupe de Kaas divise le PuI en quatre portions : PIp, PIm et PIc, lui-même divisé en parties médiane (PIcM) et latérale (PIcL). Dans cette division, la présence de fibre de myéline et la distribution des afférences du SC indiquent que le PIp et le PIcM sont connectés ventralement, formant ainsi un pont. Le PuL est conservé sur toute la portion dorso-ventrale et est divisé en partie latérale (PLl) et médiane (PLm) (Stepniewska et Kaas 1997) et le PuM est laissé intact. Récemment, une nouvelle division du PuL a été proposée par le groupe de Kaas à partir de sa connectivité (Lyon et al 2010). Une mince portion latérale et inférieure du PuL reçoit des projections de l’aire MT et de V3 (comme Pim) et serait ainsi nommé pulvinar inférieur latéral (PIL).
Dans cette étude, nous nous sommes focalisés sur le pulvinar médian dont les limites ne varient pas énormément suivant les différentes études et auteurs. Grâce aux avancées technologiques en IRM, nous avons pu localiser les sites d’enregistrements sans avoir recours à des marquages immuno-histochimiques. Pour cela, nous avons utilisé deux atlas de cerveau de macaques (Paxinos et al. 2000 et Saleem et Logothetis 2007) qui se sont basés sur la division d’Olszewski.

Connexions

Il est clairement établi que le pulvinar est connecté aux aires visuelles et la plupart de ces connexions sont réciproques. Plus précisément, PuI et la partie inférieure du PuL sont connectés à V1, V2, V3, V4, MT, MTS, FST, TEO et TE (Steriade et al. 1997, Soares et al. 2001; Stepniewska 2004; Kaas et Lyon 2007). La partie supérieure du PuL et le PuM sont connectés seulement à V4, aux cortex inférotemporal et pariétal postérieur (Selemon et Goldman-Rakic 1988; Steriade et al. 1997; Stepniewska 2004; Lyon et al. 2010). De ce fait, la partie inférieure du pulvinar serait impliquée dans le traitement visuel de bas niveau alors que la partie supérieure du pulvinar serait impliqué dans le traitement visuel de haut niveau. Le PuM serait également connecté aux cortex auditif et somatosensoriel (Hackett et al. 1998; Acuña et al. 1990; Rouiller et Welker 2001; Stepniewska 2004; Cappe et al. 2007; Hackett et al. 2007), ainsi qu’aux cortex insulaire, au polysensoriel temporal supérieur, parahippocampique, préfrontal et au cingulaire postérieur (Romanski et al. 1997). Le PuM semble également projeter vers FEF (Stanton et al. 1988; Shook et al. 1991). Enfin, le PuA présente des connexions avec le cortex somatosensoriel (Kaas et Lyon 2007) et avec le cortex pariétal postérieur (Cappe et al. 2007).
Des afférences sous corticales provenant de la rétine atteignent le PuI (Itaya et Van Hoesen 1983; Nakagawa et Tanaka 1984) et possiblement le PuM (Itaya et Van Hoesen 1983), mais ce résultat est controversé (Benevento et Standage 1983; Nakagawa et Tanaka 1984). Les neurones des couches superficielles du colliculus supérieur projettent vers PuI (Benevento et Fallon 1975) et PuL (Harting et al. 1980) alors que les neurones des couches profondes du SC projettent vers PuL et PuM (Harting et al. 1980). Il est classiquement considéré que seules les couches profondes du SC projettent vers le PuM. D’autres études ont décrit des afférences provenant du noyau du tractus optique (Baldauf et al. 2005), du noyau latéral postérieur (Benevento et Fallon 1975; Harting et al. 1980; Benevento et Standage 1983), du noyau thalamique réticulaire du claustrum (Trojanowski et Jacobson 1975) et de l’amygdale (Romanski et al. 1997).
Des injections de traceurs rétrogrades et antérogrades dans plusieurs aires corticales sensorielles ont permis d’évaluer le degré de chevauchement et de ségrégation des noyaux thalamiques projetant vers plusieurs de ces aires sensorielles (Cappe et al. 2007; Cappe et al. 2009b; pour revues, voir Cappe et al. 2009a; Cappe et al. 2011 et Falchier et al. 2011). Les injections ont été effectuées dans le cortex auditif, le cortex somatosensoriel et le cortex pré-moteur (Figure 3.3.3). Cette étude a révélé que le PuL reçoit des projections des cortex auditif et somatosensoriel alors que le PuA ne reçoit des projections que du cortex somatosensoriel. En revanche, le PuM est le seul noyau du pulvinar qui projette vers toutes les aires corticales sensorielles injectées. D’autres noyaux thalamiques, le noyau médio-dorsal et le noyau central latéral, présentent des chevauchements de projections vers toutes les aires sensorielles injectées. De par sa grande connectivité avec de nombreuses aires corticales, le PuM est une potentielle région de convergence des informations provenant de différentes modalités sensorielles vers le cortex et notamment vers le cortex pré-moteur. Les auteurs ont proposé quatre mécanismes permettant des réponses multisensorielles rapides. Le premier serait un mécanisme de coïncidence temporelle. Dans ce cas, des projections divergentes d’une seule et même région thalamique vers plusieurs aires corticales pourraient synchroniser l’activité des cortex, augmentant ainsi la saillance perceptive des stimuli. Par un deuxième mécanisme, un même noyau thalamique recevant des projections de multiples aires sensorielles pourrait intégrer ces informations et pourrait donc apporter des informations déjà multisensorielles au cortex. Un troisième mécanisme d’interaction multisensorielle rapide serait une convergence spatiale. Dans ce cas, une région corticale donnée recevrait des entrées de plusieurs noyaux thalamiques traitant des informations sensorielles de différentes modalités. Enfin, la présence de projections cortico-thalamiques de type « feedforward » laisse présupposer de l’existence de boucles cortico-thalamo-corticales, permettant la connexion et les interactions entre plusieurs aires corticales distantes.
CL : noyau central latéral, CM : noyau centre médian, Li : noyau limitans, LP : noyau latéral postérieur nucleus, MD : noyau médio -dorsal, MGN : noyau géniculé médian, d : partie dorsale du MGN, m : partie médiane du MGN, v : partie ventrale du MGN, PuL : pulvinar latéral, PuM : pulvinar médian
Les connexions d’une structure au sein du cerveau peuvent nous renseigner sur ses fonctions. Par exemple, le pattern de connexions cortico-pulvinar-cortical ne semble pas compenser les « déficits » des connexions cortico-corticales. De plus, des lésions du SC et du cortex visuel montrent que les neurones du pulvinar dépendent essentiellement d’entrées descendantes du cortex (Bender 1982). Le pulvinar exerce donc certainement une fonction plus complexe que celle d’un simple relai des informations ascendantes dans un système visuel secondaire. En effet, au vu des multiples connexions corticales, le pulvinar pourrait jouer un rôle de coordinateur d’activité entre plusieurs aires cérébrales, améliorant ainsi le traitement des signaux (Shipp 2001; Shipp 2003; Fries et al. 2001; Lakatos et al. 2007) De plus, cette grande connectivité pourrait conférer au pulvinar un rôle intégratif des informations ou/et plus simplement un rôle de relai de l’information, apportant des entrées au cortex par une autre voie que la voie cortico-corticale (Stepniewska 2004; Cappe et al. 2009). Par ailleurs, les connexions cortico-thalamo-corticales pourraient permettre une voie de transduction plus sûre et plus rapide que les connexions cortico-corticales (Rouiller and Welker 2001), notamment de longues distances. Comme nous l’avons vu précédemment, le pulvinar est à la frontière entre systèmes sensoriels et moteurs et dans ce contexte, le pulvinar pourrait jouer un rôle dans les réponses comportementales rapides (Cappe et al. 2007; Cappe et al. 2009b).

Fonctions

Rôle dans la perception sensorielle
Comme le PuI et le PuL présentaient des connexions avec des aires visuelles telles que le cortex strié, le CS et la rétine qui ont une représentation topographique du champ visuel, les chercheurs se sont demandés si le pulvinar ne pouvait pas lui-aussi posséder une organisation rétinotopique. Des études électrophysiologiques ont permis de mettre en avant des cartes rétinotopiques chez le singe de nuit (Allman et Kaas 1972), puis chez le capucin (Gattass et al. 1978) et enfin chez le macaque rhésus (Bender 1981). La première étude effectuée chez le singe de nuit a révélé une seule et unique carte située dans le PuI (Allman et Kaas 1972). Le PuI contenait une représentation du champ visuel central dans la partie dorso-ventrale du PuI et le champ visuel périphérique était représenté ventralement. Chez le capucin et le macaque, deux représentations coexistent dans le pulvinar : une première carte située dans le PuI correspondant à celle retrouvé chez le singe de nuit et une deuxième située dans le PuL étant moins évidente. Les deux cartes sont des représentations de l’hémi-champ controlatéral et la représentation du méridien vertical délimite les deux cartes. Ces représentations se projettent en tout point le long d’un axe rostrocaudo-médiolatéral (Shipp 2003). L’arrangement général de ces cartes dans le pulvinar chez le macaque a été confirmé par électrophysiologie par Petersen et ses collaborateurs (Petersen et al. 1985). De plus, des injections de traceurs antérogrades dans les régions rétinotopique de V1 a révélé un arrangement de ces projections vers le pulvinar en accord avec ces deux cartes rétinotopiques (Ungerleider et al. 1983). Dans cette étude, les auteurs se sont également intéressés aux projections de MT vers le pulvinar et ont proposé l’existence d’une troisième carte rétinotopique dans la partie postero-médiane du PuI. En revanche, aucune organisation n’a pu être mise en évidence des enregistrements neuronaux du PuM (Petersen et al. 1985).
Les neurones de la partie non rétinotopique du pulvinar ont été enregistré pendant des singes réalisaient des tâches de détection visuelle et de saccade oculaire (Benevento et Port 1995). Lors de la tâche de détection, les neurones répondaient à différents patterns et/ou couleurs de stimuli visuels et ne présentaient pas de préférence pour un stimulus en particulier. La magnitude des réponses neuronales ne différait pas selon la localisation des stimuli (en région centrale ou périphérique). Lors de la tâche de saccades oculaires, les neurones répondaient à la saccade soit juste avant ou juste après, soit pendant la saccade. Les auteurs ont par ailleurs noté que ni le fait de fixer, ni le fait de s’attendre à une saccade n’affectaient l’activité du pulvinar. De plus, aucune décharge spontanée en lien avec un mouvement des yeux n’a pu être observée.
Ces études montrent que le pulvinar répond à beaucoup de stimuli visuels et qu’il peut être impliqué dans la perception des évènements de notre environnement. C’est en 2009 que Wilke et collaborateurs ont montré que les parties ventrales et dorsales du pulvinar jouaient un rôle dans la perception des stimuli et plus particulièrement dans la suppression perceptive (Wilke et al. 2009). Pour cela, deux macaques ont été entrainés à tirer un levier lorsqu’un stimulus visuel (formes géométriques de différentes couleurs) était présentait en périphérie du point de fixation et devait le relâcher lorsqu’il disparaissait. La suppression perceptive du stimulus était engendrée par un mouvement de points dans le fond de l’écran. Les auteurs ont comparé l’activité neuronale du pulvinar des essais où la disparition du stimulus a été rapportée et ceux où la suppression perceptive n’a pas eu lieu. Une modulation de l’activité a été retrouvée, soit par une augmentation soit par une diminution d’activité pendant la suppression perceptive. De plus, cet effet engendré par une suppression perceptive était similaire à celui induit par une réelle suppression du stimulus. Une deuxième évidence du rôle du pulvinar dans la perception vient de l’étude de Komura et collaborateurs (Komura et al. 2013). Dans cette étude, l’activité neuronale du pulvinar a été enregistrée pendant que des singes réalisaient une tâche de perception du mouvement de points dont le pourcentage de points ayant un mouvement cohérent variait de 0 à 100% (vers le haut ou vers le bas). Les neurones du pulvinar présentaient deux phases de réponses, une rapide (50-150 ms) et une tardive (400-500 ms). Seule la dernière phase de réponse diminuait en amplitude au fur et à mesure que l’ambiguïté du mouvement augmentait. Les auteurs ont ensuite permis aux animaux de choisir une troisième option, une option d’échappatoire qui résultait systématique en une récompense mais plus petite que celles des choix plus risqués. De manière intuitive, les singes choisissaient davantage l’option sûre lorsque l’ambiguïté du mouvement augmentait. Là aussi, l’activité neuronale diminuait pour les essais ambigus lorsque le singe répondait correctement. Lorsqu’il faisait des erreurs, l’activité neuronale était basse quand l’ambiguïté était faible et augmentait avec l’ambiguïté. En revanche, c’est quand le singe choisissait l’option sécurisée que l’activité neuronale était la plus basse et n’était pas modulée par l’ambiguïté du mouvement. Enfin, une inactivation du pulvinar n’affectait pas la perception du mouvement (première tâche) mais augmentait le choix pour l’option sécurisée (deuxième tâche) excepté pour les mouvements sans ambiguïté (0 et 100%). Les auteurs ont conclu que le pulvinar est essentiel pour la confiance perceptive mais pas pour la perception en elle-même.
Toutes ces études ont porté sur la perception de stimuli visuels du pulvinar. Cependant, comme nous l’avons vu précédemment, certaines régions, notamment dorsales, du pulvinar présentent des connexions avec des structures de différentes modalités sensorielles (CS, cortex auditif et somatosensoriel et cortex de haut niveau). Deux études ont cherché à déterminer la sensorialité du pulvinar. La première étude a été réalisée par Mathers et Rapisardi (1973) dans laquelle les réponses sensorielles à des stimuli auditifs (clicks ou des sons plus complexes), visuels (barres et des disques de lumière en mouvement ou statiques de différentes tailles) ou somatosensoriels (pressions ou des mouvements circulaires de brosse sur l’avant-bras) ont été analysées dans le pulvinar de 17 singes écureuils anesthésiés. Les auteurs ont trouvé des neurones répondant à chacun des différents stimuli visuels dans les trois subdivisions du pulvinar. Dans le PuM, la majorité des cellules répondant aux stimuli visuels présentaient une sélectivité au mouvement et aux stimuli visuels larges. Les auteurs ont trouvé des neurones répondants aux stimulations somatosensorielles, majoritairement dans le PuL. En revanche, très peu de neurones répondant aux stimuli auditifs ont été observé. Cependant, la majorité de ces neurones auditifs préférait des sons complexes plutôt que des sons simples (clicks).
Suite à cette étude, Gattass et collaborateurs (Gattass et al. 1978b) ont étendu ces recherches à plus de stimuli somatosensoriels, auditifs et ont repris quelques stimuli visuels. Cette étude a été conduite chez 9 capucins anesthésiés. Ils ont observé que la majorité des neurones répondaient à des stimulations somatosensorielles. Enfin, les neurones répondaient préférentiellement aux sons complexes tels que les serpents à sonnette, comme Mathers et Rapisardi l’avaient déjà remarqué. Gattass et collaborateurs sont les premiers a apporté la preuve de l’existence et de neurones unimodaux et de neurones multimodaux et ce, dans différentes régions du pulvinar. Cependant, les auteurs se sont basés sur la division de Friedman de 1912. Or cette division n’a été que très peu utilisée dans les études et aucune étude anatomique ne l’a comparée aux divisions d’Olszewski ou de Walker. Ceci rend donc difficile la localisation précise de ces différents neurones. Gattass et collaborateur (Gattass et al. 1978a) ont proposé une équivalence qui permettrait de supposer que des neurones multimodaux de cette étude puissent se situer dans le PuM. De plus, la définition de neurones multisensoriels a évolué et les auteurs n’ont considéré que les neurones multimodaux qui répondaient à plusieurs stimuli unisensoriels et ont donc pu sous-évaluer le nombre de neurones multisensoriels. Par ailleurs, les auteurs ont noté différents types de réponses neuronales, soit seulement pendant la stimulation, soit pendant et après la stimulation. Ces patterns de réponses différaient en fonction de la stimulation dans une même modalité et une réponse pouvait être potentialisée lorsque plusieurs stimulations somatosensorielles étaient effectuées simultanément. Ceci laisse supposer que les champs récepteurs somatosensoriels pourraient être larges. Enfin, le type de réponse pour un même neurone multisensoriel différait également en fonction de la modalité de la stimulation. Plus précisément, la réponse pouvait être augmentée par une stimulation somatosensorielle, par exemple, et diminuée par des stimulations auditives et visuelles séparément.
Rôle dans l’attention et dans l’orientation du comportement
Malgré l’existence de preuves anatomiques et électrophysiologiques du lien entre le pulvinar et le système sensoriel, la fonction du pulvinar reste méconnue. Dans le cas du pulvinar, les cas de lésions ne nous renseignent pas vraiment sur un rôle car la plupart n’ont engendré aucun déficit fonctionnel évident (Ungerleider et al. 1977; Ungerleider et Pribram 1977). Cependant, deux études ont rapporté des défauts de saillance visuelle suite à des dommages au pulvinar, chez l’homme et chez le singe (Ogren et al. 1984). Les sujets n’arrivaient plus à déterminer ce qui était important dans une scène visuelle. De plus, des études électrophysiologiques ont proposé un rôle dans l’attention visuelle (David Lee Robinson and Petersen 1992). Plus précisément, il pourrait contribuer à la création d’une saillance visuelle en supprimant les informations non pertinente et en facilitant les informations qui ont une importance comportementale (R Desimone et al. 1990; LaBerge 1990).

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Table des matières

1 Introduction générale
1.1 Intégration multisensorielle au niveau comportemental
1.1.1 Modifications de la perception
1.1.2 Modèles des processus multisensoriels
1.2 Bases neuronales de l’intégration multisensorielle
1.2.1 Neurones multisensoriels
1.2.2 Cortex associatifs
1.2.3 Implication d’aires corticales unisensorielles de bas niveau
1.2.4 Implication d’aires sous corticales
1.4 Problématique
2 Méthodes
2.1 Mise en place des postes d’expérimentation
2.1.1 Poste de comportement
2.1.2 Poste d’électrophysiologie
2.2 Comportement
2.3 Procédures chirurgicales
2.4 Electrophysiologie
2.5 Ethique
3 Travaux de thèse
3.1 Etude 1 : Etude chez l’homme et le macaque rhésus, de la réponse comportementale de détection de stimuli naturels et de l’influence de facteurs : saillance, congruence sémantique, changement de modalité et paramètres physiques des stimuli
3.1.2 Résultats
3.1.3 Discussion
3.1.4 Article 1 : Variabilité des processus multisensoriels des stimuli naturels chez le primate humain et non humain lors d’une tâche de détection.
3.2 Etude 2 : Etude électrophysiologique de l’implication du gyrus cingulaire postérieur (GCP) dans les réseaux cérébraux de la multisensorialité chez le macaque rhésus
3.2.1 Introduction
3.2.2 Résultats
3.2.3 Discussion
3.2.4 Article 2 : Intégration multisensorielle et latences courtes dans le cortex cingulaire postérieur de primate
3.3 Etude 3 : Etude électrophysiologique de l’implication du Pulvinar Médian (PuM) dans les réseaux cérébraux de la multisensorialité chez le macaque rhésus
3.3.1 Introduction
3.3.2 Problématique
3.3.3 Matériels et méthodes
3.3.4 Résultats
3.3.5 Discussion
4 Discussion générale
4.1 Effet de facteurs et intérêt des stimuli naturels
4.2 Effets des oscillations
4.3 Bases neuronales et système pulvino-cingulaire
4.4 Intégration multisensorielle et charge cognitive
Références bibliographiques

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