Impacts des changements climatique et environnemental sur la ressource en eau

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Classification des modèles hydrologiques selon leur nature

Les modèles hydrologiques peuvent être classés dans la catégorie newtonienne (approche ascendante) ou darwinienne (approche descendante) (Sivapalan et al., 2003; Blöschl et al., 2007a, 2013; Wang et Tang, 2014a). L’approche newtonienne nécessite une compréhension approfondie des processus physiques individuels agissant dans un bassin hydrographique afin de construire un modèle hydrologique détaillé basé sur les équations de conservation. L’approche darwinienne cherche à expliquer le comportement d’un système hydrologique dans son ensemble en identifiant des schémas temporels ou spatiaux simples et robustes qui capturent les processus pertinents.

Modèles newtoniens ou ascendants

L’hydrologie, science « dure », était principalement basée sur les équations de conservation de Newton pour comprendre le comportement des bassins versants (Brutsaert, 2005). Des modèles « physiques » ont ainsi été développés pour capturer les processus importants à l’échelle du bassin versant en supposant implicitement que la mise à l’échelle des processus est possible grâce à des valeurs correctes de paramètres par le biais d’observations, d’expériences et d’algorithmes d’optimisation.
Cette approche permet d’analyser les contrôles de causalité, mais le résultat est en grande partie le reflet des hypothèses du modèle. Les interrelations et les effets d’échelle sont difficiles à saisir et il n’est pas aisé de définir la structure du modèle et les paramètres de manière réaliste (Blöschl et al., 2007a). Le problème de l’équifinalité et de non-unicité, où différents ensembles de paramètres et structures de modèles peuvent donner des résultats tout aussi « bons » (Pechlivanidis et al., 2011), pose des problèmes quant à la compréhension du comportement hydrologique du bassin versant capturé par ces modèles.
Les modèles newtoniens sont basés sur une approche mécaniste, mais réductionniste. La nécessité d’approfondir la connaissance des systèmes hydrologiques de plus en plus changeants a conduit à des appels répétés pour une approche darwinienne (holistique) de la science hydrologique, ou pour un couplage des approches darwinienne et newtonienne (Harman et Troch, 2014).
Le couplage de modèles darwinien-newtoniens devrait permettre de mieux comprendre le comportement changeant des bassins versants jaugés comme non jaugés. Pour ce faire, on a besoin d’une approche qui va au-delà de la mécanique de génération de ruissellement (Approche newtonienne) et qui intègre les propriétés climatiques et paysagères sous-jacentes (Sivapalan et al., 2003; McDonnell et al., 2007; Thompson et al., 2013).

Eléments de contexte et données de l’étude

Transposition des théories de Charles Darwin en hydrologie

Charles Darwin (1809 – 1882) fut un biologiste et naturaliste anglais célèbre pour sa « théorie de l’évolution ». Cependant, il est l’auteur d’autres théories comme celle de la biogéographie (Harman et Troch, 2014). En faisant un parallèle entre les travaux de Darwin à l’hydrologie, des chercheurs ont commencé à se questionner sur la prise en compte de l’évolution des bassins versants dans la compréhension de leur réponse hydrologique. Pendant plusieurs décennies, de grands efforts ont été déployés pour analyser des systèmes hydrologiques des bassins versants, ce qui a permis d’obtenir des informations approfondies (même si incomplètes) sur la distribution spatio-temporelle et les processus contrôlant la génération de ruissellement et la répartition du bilan hydrique dans plusieurs bassins versants (Blöschl et al., 2013; Harman et Troch, 2014). Le comportement hydrologique du bassin versant est le résultat de processus géomorphologiques, pédologiques, écologiques et anthropiques qui opèrent sur de nombreuses échelles de temps. L’objectif général de l’hydrologie darwinienne est donc d’expliquer les origines des variations au sein des échantillons de bassins versants étudiés à travers le monde. Mais, est-ce que l’approche de Darwin est vraiment transférable à l’étude des bassins versants ?
Gould (1983) a constaté que Darwin a poursuivi trois grandes stratégies pour générer des théories explicatives : (1) mesurer et extrapoler des processus observables (2) classifier et remplacer l’espace-temps, et (3) chercher pour les signatures uniques des mécanismes historiques intégrés dans la forme actuelle. La mise en œuvre de ces stratégies en hydrologie devrait permettre de surmonter le problème de « l’unicité du lieu » sans nier ou simplifier les caractéristiques uniques complexes des bassins versants (Harman et Troch, 2014).

Approche darwinienne ou descendante

Le terme « approche darwinienne » est potentiellement une source de confusion, car les liens avec Darwin restent allusifs plutôt qu’explicites. Selon Harman et Troch (2014), l’approche darwinienne vise à fournir une explication de la co-évolution historique du paysage pour les modèles hydrologiques. Il s’agit en quelque sorte d’une connexion entre la paléohydrologie (Schumm, 1967; Baker, 1996) et l’hydrologie actuelle des bassins versants.
Pour ce faire, l’hydrologie darwinienne adopte les mêmes stratégies que Darwin pour développer des hypothèses explicatives : mécanismes d’extrapolation, substitution espace-temps et recherche de signatures. Elle accorde une plus grande attention au rôle des processus écologiques dans le cycle hydrologique (Harte, 2002; Harman et Troch, 2014). Ainsi, l’approche darwinienne s’intéresse moins à la description mécaniste du processus hydrologique isolément qu’à l’explication du comportement hydrologique des systèmes hydrologiques dans leur ensemble.
L’hydrologie darwinienne se distingue de celle newtonienne par le type de question à laquelle elle cherche à répondre. Elle cherche à documenter les modèles de variation dans les systèmes hydrologiques et à développer des théories qui expliquent ces modèles en matière de mécanismes et de conditions qui déterminent leur développement historique. L’hydrologie darwinienne considère le bassin versant comme le corps humain et on ne saurait étudier les éléments (crues, étiages, etc.) isolément (Blöschl et al., 2013b), contrairement à l’approche newtonienne dans laquelle, le bassin versant est considéré comme la somme de petits éléments au niveau desquels des équations de conservation et de quantité de mouvement sont appliquées. Ainsi, l’approche darwinienne consisterait à analyser l’évolution du débit par exemple et d’autres variables du bassin (propriétés physiques, topographie, végétation, pluie, etc.) pour détecter des signaux. Il s’agit donc de comprendre comment la variété, la distribution et la fonction contemporaine des systèmes hydrologiques sont déterminées par leur évolution historique (Harman et Troch, 2014).
L’approche darwinienne se base essentiellement sur la recherche de signature. Elle consiste à identifier les processus dominants qui contrôlent la réponse hydrologique dans différents environnements (paysages et climats) et à différentes échelles. Elle se base sur l’analyse des similarités et des différences et sur l’interprétation des liens climat-environnement (Blöschl et al., 2013b). Dans le contexte darwinien, l’échelle ou la taille peut être considérée comme un paramètre de similarité en soi. Plusieurs autres indices de similarité ont été utilisés : indice d’aridité, processus de génération du ruissellement (hortonien ou par saturation), NDVI, indice de Horton, indice de saisonnalité, propriétés physiques des bassins. La variabilité annuelle des écoulements par exemple est la meilleure signature qui reflète la co-évolution du climat, des sols, des végétations et de la topographie. La courbe de Budyko est le meilleur exemple d’un modèle empirique de co-évolution (Modèle de type darwinien), qui exploite les relations entre le climat, les propriétés du bassin (y compris végétation) et le débit (Blöschl et al., 2013b). La recherche de comportements d’échelle est également compatible avec une approche darwinienne.

Couplage des modèles darwinien et newtonien

Le besoin de prédire le comportement hydrologique changeant des bassins versants qui parfois échappe aux modèles basés sur les équations de conservation et de quantité de mouvement (approche newtonienne) a amené les hydrologues à discuter de nombreux concepts et approches qui ont reçu le terme « darwinien » (Wagener et al., 2013). Pour faire face au défi du changement global, les nouvelles approches devraient être une synthèse de la physique (newtonien) et de l’écologie (darwinien) (Klemeš, 1983; Harte, 2002; Sivapalan et al., 2003; Blöschl et al., 2013b). Le couplage des deux approches peut être fait de manière hiérarchique : partir de l’exploration de contrôles de premier ordre (approche darwinienne) dans la modélisation de la réponse du bassin versant vers la complexification du modèle en réponse à des déficiences dans la reproduction des observations à différents niveaux (Figure A. 2).

Classification selon la structure des modèles hydrologiques

Selon la structure des modèles hydrologiques, on distingue des modèles empiriques, conceptuels, physiques et hybrides (Pechlivanidis et al., 2011).

Modèles empiriques

Encore appelés modèles métriques ou « boîte noire », les modèles empiriques sont basés sur les observations et cherchent à caractériser la réponse du système pour les données disponibles à travers une approche essentiellement empirique. Les modèles empiriques établissent des relations mathématiques entre les variables d’entrée et de sortie pour représenter le comportement global d’un bassin versant. La simplicité de ces modèles permet une application relativement facile sur les bassins non jaugés et en ingénierie hydrologique. Toutefois, il est à noter que ces modèles dépendent de la taille des données disponibles et les résultats sont souvent imprécis (Wheater, 2002). Parmi les approches nouvelles de modélisation empirique, on peut citer les techniques DMB (Data Based Mechanistic) et ANN (Artificial Neural Network) (Pechlivanidis et al., 2011).

Modèles conceptuels

Deux critères permettent de distinguer les modèles conceptuels : la structure du modèle et la nature des paramètres. La structure des modèles conceptuels tend à se baser sur une utilisation extensive des réservoirs schématiques interconnectés pour représenter la vue conceptuelle des caractéristiques hydrologiques importantes du bassin versant. Tous les paramètres des modèles conceptuels n’ont pas de signification physique et ils sont estimés par calage. Les modèles conceptuels considèrent donc en général le bassin versant, après quelques simplifications du cycle de l’eau, comme un ensemble de réservoirs interconnectés. Parmi les modèles conceptuels, on peut citer le modèle HBV « Hydrologiska Byrans Vattenavdelning model » (Bergström, 1976), les modèles du « Génie Rural GR » (Perrin et al., 2007), etc.

Modèles physiques

La nécessité de représenter les échanges terre-atmosphère d’une manière distribuée dans l’espace et en continu a conduit à une résurgence de modèles hydrologiques à base physique parmi lesquels on peut citer : SWAT (Neitsch et al., 2011), PRMS (Leavesley, 1984; Markstrom et al., 2015), HEC-HMS (USACE, 2000; Scharffenberg et al., 2010), BRANCH model (Schaffranek et al., 1981), Kineros (Smith et al., 1995; Hernandez et al., 2000), MHYDAS (Moussa et al., 2010), etc. Les modèles hydrologiques à base physique représentent les composants du processus hydrologique tel que l’évapotranspiration, l’infiltration, les écoulements dans les zones saturées / non saturées en utilisant des équations de mouvement basées sur la continuité. Les équations mathématiques utilisées sont souvent celles de Saint-Venant pour l’écoulement de surface dans les cours d’eau, la loi de Darcy pour l’écoulement souterrain saturé et l’équation de Richards ou Boussinesq pour l’écoulement souterrain en milieu non saturé.
Les modèles physiques sont caractérisés par des paramètres mesurables qui décrivent en principe les propriétés physiques du milieu. Cependant, ils sont généralement faits au laboratoire ou à petite échelle sur site expérimental et l’extrapolation à grande échelle entraîne souvent des hypothèses, dont l’indépendance des processus et propriétés physiques de l’échelle qui soulève des inquiétudes à propos de leur utilisation (Beven, 2004). Le problème d’échelle se pose à cause des hétérogénéités verticales et horizontales des propriétés du bassin.
En théorie, les paramètres de modèles physiques peuvent être mesurés ou calculés à partir de mesures directes de grandeurs physiques. Or, en pratique, les paramètres du modèle physique ne peuvent pas être tous déterminés à partir de grandeurs physiques mesurables en raison des non-linéarités et des hétérogénéités structurelles des systèmes hydrologiques (Beven, 1995).

Modèles hybrides

Comme leur nom l’indique, les modèles hybrides sont basés sur la combinaison des caractéristiques d’au moins deux types de modèles : empirique, conceptuel et physique (Koren et al., 2004; Yonaba, 2009). Ces modèles sont nés dans l’optique d’améliorer davantage les simulations en tirant les avantages liés à différentes structures de modèle. Par exemple, les modèles hybrides empirique-conceptuels sont développés pour remplacer des modules complexes des modèles conceptuels par des relations empiriques telles que des réseaux de neurones qui, une fois optimisés, constituent des outils de calculs très simples, rapides et transportables sur des supports informatiques simples (Yonaba, 2009). Les modèles hybrides offrent la possibilité de traiter des problèmes d’identifiabilité (équifinalité) des paramètres (Pechlivanidis et al., 2011).

Autres types de classification des modèles hydrologiques

Il existe plusieurs autres critères de classification des modèles hydrologiques. Selon la représentation de l’espace, on distingue les modèles globaux, semi-distribués ou distribués. En fonction de la nature des variables, un modèle peut être déterministe, stochastique ou mixte. Selon la discrétisation temporelle, les modèles hydrologiques peuvent être classés en modèle événementiel ou continu. La classification des modèles hydrologiques n’est pas universelle et il peut y avoir autant de types de modèles que d’hydrologues. En raison de l’ambiguïté de certains critères de classification, des confusions persistent sur l’appartenance d’un modèle à une classe donnée.

Mise en œuvre d’une modélisation hydrologique

Choix d’un modèle

Le choix ou le développement d’un modèle est un compromis entre le niveau de complexité du modèle, la disponibilité des données et la performance du modèle (Figure A. 3). En effet, pour une quantité fixée de données disponibles, la performance d’un modèle hydrologique est optimale pour un degré de complexité déterminé. Un modèle trop simple ne permettra pas d’exploiter toutes les informations dérivables dans les données et, à l’inverse, il n’est pas opportun d’utiliser un modèle très complexe et non vérifiable à partir des données disponibles. En général, en fonction des données disponibles, un essai de modélisation peut permettre d’identifier le modèle le plus parcimonieux. La parcimonie est un principe consistant à n’utiliser que le minimum de causes élémentaires pour expliquer un phénomène. Un modèle parcimonieux sera le modèle le moins complexe, mais aussi performant que les autres.
Le choix d’un modèle dépend essentiellement donc de l’objectif de l’étude, des données disponibles, du milieu, des échelles spatio-temporelles et des moyens (matériels et financiers). Il faut aussi prendre en compte la facilité d’utilisation qui concerne l’expérience du modélisateur ou de son équipe de travail avec le modèle ou de la disponibilité de ressources pour l’apprentissage. L’adéquation modèle-zone d’étude (milieu et échelles spatio-temporelles) consiste à s’assurer que le modèle est capable de reproduire les principaux processus hydrologiques du comportement hydrologique de la région d’études au travers d’une revue de littérature. De nos jours, cette phase de la revue de littérature semble être la première étape pour baliser le chemin et cibler un ensemble restreint de modèles capables d’aider à atteindre l’objectif de l’étude.

Analyse de sensibilité d’un modèle

L’analyse de sensibilité évalue l’impact des changements dans les paramètres sur les sorties du modèle (Pechlivanidis et al., 2011). Elle vise à comprendre le comportement du système modélisé, évaluer l’applicabilité du modèle et identifier les paramètres les plus sensibles pour lesquels il faut des valeurs plus précises. Il y a deux types d’analyse de sensibilité : locale et globale.
L’analyse de sensibilité locale consiste à changer un paramètre tout en maintenant les autres paramètres constants pour analyser son effet sur les résultats de simulation (Abbaspour et al., 2018). Le coefficient de sensibilité (variation) locale peut être constant ou variable. Un coefficient de sensibilité constant indique une relation de proportionnalité linéaire entre le paramètre analysé et la sortie du modèle tandis qu’une relation non linéaire se traduit par un coefficient de sensibilité variable. L’analyse de sensibilité locale est facilement réalisable et interprétable. Cependant, elle ne prend pas en compte les interactions entre paramètres qui peuvent influencer les sorties du modèle. Or, les paramètres des modèles hydrologiques sont très souvent dépendants.
L’analyse de sensibilité globale est plus difficile à mettre en œuvre car elle prend en compte le changement de tous les paramètres. Sa mise en œuvre nécessite l’utilisation des techniques d’échantillonnage aléatoires telles que celles de Monte-Carlo, d’Hypercube Latin, etc. L’avantage de l’analyse sensibilité globale est qu’elle produit des résultats plus fiables, mais les plages de paramètres et le nombre d’exécutions affectent la sensibilité relative des paramètres (Abbaspour et al., 2018). L’analyse de sensibilité globale estime les changements moyens de la fonction objectif résultant des changements de chaque paramètre, pendant que tous les autres paramètres changent. Il est donc très difficile d’attribuer la variation dans la sortie du modèle à un paramètre spécifique.
Pour les modèles à plusieurs paramètres, l’analyse de sensibilité permet d’identifier les paramètres les plus sensibles qui seront calés afin de leur attribuer des plages de valeurs plus précises.

Calage d’un modèle

Le calage est un processus de sélection des jeux de valeurs appropriées des paramètres d’un modèle pour reproduire au mieux la réponse observée (Figure A. 4).
Le processus d’ajustement des paramètres peut être manuel ou automatique. Le calage manuel (essai-erreur) nécessite l’expertise du modélisateur dans la compréhension du comportement hydrologique des bassins versants de la zone d’étude. La calibration automatique se base sur des fonctions objectifs (critères de performance) avec des algorithmes d’optimisation pour rechercher les valeurs optimales des paramètres, mais ne peut entièrement remplacer le jugement humain. Le processus de calage automatique peut être achevé par un calage manuel (calage mixte). Une fonction objectif est une mesure numérique de la différence entre la sortie du modèle et les observations (Pechlivanidis et al., 2011). L’algorithme d’optimisation recherche dans la surface de réponse (surface décrite par la fonction objectif dans l’espace des paramètres) les valeurs des paramètres qui optimisent la valeur numérique de la fonction objectif, en fonction des plages admissibles prédéfinies des paramètres.
L’algorithme d’optimisation peut être local ou global (Pechlivanidis et al., 2011). En effet, il y avait deux courants dans la conception des algorithmes d’optimisation pour le calage des paramètres d’un modèle. Le premier croit en l’existence d’un optimum réel tandis que le deuxième suppose la non-unicité des résultats et utilise des méthodes statistiques pour trouver des plages de valeurs optimales de paramètres (Chahinian, 2004). Les conditions de continuité et de dérivabilité au second degré qu’exigent les algorithmes de recherche globale (déterministes) ne peuvent être respectées par les modèles hydrologiques, raison pour laquelle ils ne sont plus acceptables pour l’étalonnage des paramètres (Abbaspour, 2015). Les algorithmes d’optimisation les plus utilisés en modélisation hydrologique sont SUFI2 (Abbaspour et al., 2004, 2007) ; GLUE (Beven and Binley, 1992) ; ParaSol ( Van Griensven et Meixner, 2003, van Griensven et Meixner, 2007) ; MOCOM (Yapo et al., 1998) ; SCE (Duan et al., 1993) ; MOSCEM-UA (Vrugt et al., 2003) ; AMALGAM-SO (Vrugt et al., 2008a) et DREAM (Vrugt et al., 2008b).

Écoulement et ruissellement

En général, le terme « écoulement » renvoie au mouvement d’un fluide (WMO et UNESCO, 2012). En hydrologie, il se rapporte à la circulation de l’eau et peut être souterrain ou de surface. Toutefois, l’emploi du terme « écoulement » sans spécifications particulières dans ce document doit être compris comme « écoulement de surface », car l’écoulement de surface est le principal phénomène étudié. L’écoulement de surface concerne la circulation de l’eau dans le réseau hydrographique.
Le ruissellement se produit sur les versants en dehors du réseau hydrographique et peut être direct ou retardé (WMO et UNESCO, 2012). Le ruissellement peut se produire sous deux formes : ruissellement par dépassement de la capacité d’infiltration (appelé ruissellement hortonien) et ruissellement par saturation. Le ruissellement hortonien apparaît lorsque l’intensité de la pluie dépasse l’infiltrabilité du sol, alors que le ruissellement par saturation se produit lorsque la capacité du sol à stocker l’eau est épuisée et que la capacité à transmettre latéralement le flux d’eau est également dépassée (Musy et Higy, 1998). La présence d’écoulement latéral dans un bassin versant indiquerait donc la nature hortonienne du ruissellement sur ce bassin versant.
Eu égard à ces définitions, l’écoulement dans le réseau hydrographique (écoulement de surface) regroupe le ruissellement (direct et retardé) et le débit de base. Cependant, des confusions persistent dans l’usage des termes « écoulement » et « ruissellement » (Musy et Higy, 1998). Sur le plan quantitatif, les deux termes s’équivaudront dans un bassin versant sans débit de base et sans contribution des eaux souterraines à l’écoulement dans le réseau hydrographique.
Le ruissellement et l’écoulement se quantifient par des mesures directes de débits. Le coefficient d’écoulement représente le ratio entre la quantité d’eau écoulée et la quantité d’eau précipitée pendant une période donnée sur un bassin versant spécifique et n’implique pas que toute l’eau écoulée provienne des précipitations considérées. Le coefficient de ruissellement représente, lors d’une crue, la part de l’eau précipitée qui a ruisselé. Le coefficient de ruissellement est donc événementiel (à court terme), alors que celui d’écoulement peut être calculé à long terme. Dans ce document, nous employons le terme « coefficient d’écoulement », lorsque la période concernée est d’au moins un an.

Changement global

L’expression « changement global », traduction du terme anglais « global change », est apparue dans les années 1970 (Buttel et al., 1990) et désigne le changement des conditions climatiques dans l’atmosphère terrestre liées aux activités humaines. L’objectif de l’étude du changement global est de comprendre les interactions à court et long termes entre climat, environnement (biosphère, hydrosphère, sol), et les activités humaines (Cossart, 2018).
La figure A. 5 illustre les interactions possibles entre le climat et les terres gérées (utilisées par l’Homme) ou non gérées. La terre et le climat interagissent de manière complexe à différentes échelles spatiales et temporelles (Jia et al., 2019). La terre est à la fois émettrice et puits d’absorption des gaz à effet de serre. Les conditions physiques, écologiques et hydrologiques de la terre déterminent son interaction avec le climat. Selon un rapport spécial du GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat) paru en 2019, les changements de couverture ou d’occupation des sols peuvent affecter le climat (Jia et al., 2019). Les changements de couverture de sol impactent les flux du gaz carbonique (CO2) qui affectent toutes les variables climatiques et atmosphérique à l’échelle locale comme régionale. Ils peuvent réduire ou aggraver le réchauffement à l’échelle de la région et influencer l’intensité, la fréquence et la durée des phénomènes météorologiques extrêmes. Sur la base des scénarios de reboisement à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest, il a été démontré que les pays peuvent annihiler les effets du réchauffement induit par les gaz à effet de serre, aux niveaux local et régional, en plantant des arbres (Dupar, 2020). En effet, un quart des mesures visant à limiter le changement climatique et adoptées par les pays concerneraient les sols (Jia et al., 2019). Le changement climatique affecte également la dégradation des terres. Ces constats exposent l’interrelation climat-environnement et montrent qu’une gestion durable des sols est un moyen efficace pour limiter le changement climatique.
Dans cette thèse, le changement global est analysé au travers des changements climatique et environnemental. Le terme « changement climatique » renvoie à plusieurs définitions. D’après la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), les changements climatiques sont dus directement ou indirectement aux actions anthropiques et sont différents de la variabilité naturelle du climat (CCNUCC, 1992). Il serait donc très difficile de quantifier le changement climatique en se basant sur cette définition de la CCNUCC. C’est pourquoi, ailleurs, le changement climatique est défini comme la variation de l’état du climat, que l’on peut déceler au moyen de tests statistiques et qui persiste pendant une longue période (GIEC, 2013). Cette deuxième définition du changement climatique inclut variabilité naturelle et changements dus aux activités humaines. Le changement environnemental étudié dans le présent document est relatif aux états de surface au sens de Casenave et Valentin (1991). Il inclut la couverture et l’occupation des sols. Le terme « variabilité » est souvent utilisé pour englober la variabilité naturelle et le changement.

Études d’impact des changements climatique et environnemental sur la réponse hydrologique d’un bassin versant

Le cycle hydrologique et ses composants sont affectés par le changement climatique et les activités humaines. Le débit, l’un des composants les plus vulnérables, subit des impacts qui entraînent des conséquences alarmantes. Par conséquent, il est important de comprendre séparément les effets de chacun des facteurs sur les écoulements afin d’élaborer des stratégies et politiques d’adaptation pour la planification et la gestion des ressources en eau. Si l’étude des impacts du changement climatique a connu un grand essor, la quantification des impacts du changement environnemental a été très peu abordée. Pour quantifier les impacts, la période de données disponibles est subdivisée en plusieurs sous-périodes dont une de référence (naturelle) ou de base. Les méthodes de quantification des impacts des changements sur les écoulements supposent que la différence entre le débit moyen sur la période impactée et celle de référence/base constitue la variation totale d’écoulement et est égale à la somme de la variation due au changement climatique et au changement des états de surface.
Le choix de la période de référence (naturelle) n’est pas évident, et pour surmonter cette difficulté, des tests statistiques sont souvent utilisés pour déceler le point de changement. La période de référence identifiée sur la base des tests statistiques de détection de changement est appelée période de base. Les méthodes de détection de changement les plus utilisées pour identifier la période de base sont le test de détection de rupture de Pettitt (Pettitt, 1979), le test de détection de tendance séquentielle et conventionnelle de Mann-Kendall (Mann, 1945; Kendall, 1975b; Sneyers, 1990), la méthode de double cumul (Searcy et Hardison, 1960), le test de détection de tendance de Buishand (Buishand, 1984) et l’approche visuelle.
Quatre techniques regroupées en trois approches méthodologiques sont généralement utilisées pour quantifier les impacts du changement climatique et des actions anthropiques sur les écoulements (Sivapalan et al., 2003; Blöschl et al., 2007b; Wang, 2014a; Dey and Mishra, 2017). L’approche expérimentale nécessite le suivi d’au moins deux bassins versants proches dont un naturel et l’autre modifié par les activités anthropiques, tandis que l’approche descendante (méthodes analytiques et conceptuelles) et celle ascendante (modélisation à base physique) se basent sur les données hydrométéorologiques disponibles.
La figure A. 6 présente le cadre méthodologique global de quantification des impacts sur la base des approches descendante et ascendante. Les méthodes analytiques sont applicables lorsqu’il existe une relation pluie-débit indépendante de l’évolution du climat ou en cas d’existence de période naturelle (référence). Compte tenu de l’impact hydrologique des actions anthropiques, elles peuvent être regroupées en deux catégories (Wang, 2014a). Les actions anthropiques de type I concernent les activités humaines à effet immédiat sur les écoulements comme la construction des barrages, les rejets importants, etc. Seule, l’approche ascendante de modélisation permet la quantification des impacts des activités de type I sur la réponse hydrologique d’un bassin versant (Figure A. 6). L’évolution des états de surface (LULC) due aux actions de l’Homme (activité type II) affecte l’évolution à long terme des écoulements (Kramer et al., 1999).

Approche expérimentale

L’approche expérimentale est basée essentiellement sur l’étude de bassins versants appariés. C’est la plus ancienne méthode d’analyse des effets des actions anthropiques sur la réponse hydrologique et elle est recommandée pour analyser l’effet du changement du couvert végétal sur la variation de débit (Bosch et Hewlett, 1982). La méthode de bassins versants appariés exige le suivi et la collecte des observations à long terme sur des bassins naturels et modifiés situés dans des conditions environnementales et climatiques similaires. Un groupe de bassins est suivi en condition naturelle et l’autre sous actions anthropiques. La mise en œuvre de cette méthode repose sur l’hypothèse que la corrélation entre le débit dans deux bassins versants physio-graphiquement similaires restera la même si le couvert végétal reste le même ou change de manière similaire (Zhao et al., 2010). Ainsi, la mise en œuvre des techniques de régression sur le bassin de référence (naturel) permet d’évaluer la corrélation et d’établir l’« équation de prédiction» qui est utilisée pour prédire le débit du bassin traité (sous actions anthropiques) pendant la période de prévision. La différence entre les débits mesurés et prédits permet d’estimer l’effet du traitement (actions anthropiques). La méthode de bassins appariés est adaptée pour les petits bassins versants (< 1 Km2), car les bassins versants relativement moyens et grands (100 – 2 500 km2) subissent une grande variabilité environnementale et il est extrêmement difficile de trouver plusieurs bassins de ce genre dans une même zone climatique (Lørup et al., 1998; Zhao et al., 2010).

Approches descendantes

Les approches descendantes regroupent des méthodes analytiques et conceptuelles.

Méthodes analytiques

Les méthodes analytiques sont pour la plupart basées sur l’élasticité du climat ou la sensibilité hydrologique. La théorie de l’élasticité a été élaborée à la base pour les études de l’offre et de la demande en économie. Elle stipule que le prix d’un produit est fonction de l’offre et de la demande (Whewell, 1829; Cournot, 1838; Henderson, 1973). En supposant la continuité de la fonction reliant le prix à l’offre et à la demande, Cournot (1838) a montré que l’élasticité-prix peut être obtenue selon l’équation Eq A. 1. Cette expression du coefficient d’élasticité est similaire à celle obtenue par McCuen (1974) en ce qui concerne les variables entrant dans l’estimation de l’évapotranspiration potentielle. = = Eq A. 1 e est le coefficient d’élasticité ; est la variation du prix par rapport à celle de la demande; p est le prix et q la demande.
À l’échelle d’un bassin versant, le débit est fonction de plusieurs paramètres climatiques dont la pluie (P), l’évapotranspiration potentielle (ETP) qui tient compte des températures (T), du rayonnement solaire (Rn), de la vitesse moyenne du vent (U). En appliquant l’équation Eq A. 1, on a l’expression de la variation des écoulements due au climat (Eq A. 2). = + + + Eq A. 2
R représente l’écoulement à l’exutoire du bassin versant et dRc est sa variation due au climat. , , et sont les coefficients d’élasticité ou de sensibilité des écoulements aux facteurs climatiques et dP, dT, dRn et dU leurs variations.
Plusieurs travaux de recherche ont utilisé l’équation Eq A. 2 pour quantifier les impacts du changement climatique sur les écoulements (Yang et Yang, 2011; Wang et al., 2016b), mais les coefficients d’élasticité dépendent du modèle de relation climat-débit, ce qui est très peu réaliste. Si les modèles ne représentent pas bien le processus d’écoulement, alors les impacts calculés sur la base de la dérivation de ces modèles n’auront aucun sens. Pour surmonter cette difficulté, plusieurs expressions non paramétriques des coefficients d’élasticité des facteurs climatiques ont été développées (Dey et Mishra, 2017; Bourgin et al., 2021).
Les méthodes basées sur l’élasticité du climat permettent de quantifier l’impact du climat alorsque celui de l’environnement est déduit en supposant que la variation de débit est uniquement due au climat et à l’environnement.

Méthodes conceptuelles

Les méthodes conceptuelles concernent les cadres de Budyko (Budyko, 1963, 1974a; Wang et Hejazi, 2011) et de Tomer Schilling (Tomer et Schilling, 2009). Dans cette sous-section, nous présentons uniquement le cadre de Tommer et Schiling, la méthode basée sur le cadre de Budyko est présentée dans la sous-section I.2.2 du chapitre V. Tomer et Schiling (2009) ont montré que les changements dus au climat, à la végétation ou aux pratiques de gestion des terres peuvent être analysés au travers du mouvement de deux indices : excès d’eau (Pex) et excès d’énergie (Eex) (Figure A. 7).
Les paramètres d’excès d’eau (Pex) et d’énergie (Eex) sont calculés sur la base des données de précipitations (P), d’évapotranspiration potentielle (ETP) et d’évapotranspiration réelle (ETR).
Les directions des changements hydrologiques peuvent indiquer les impacts relatifs du changement climatique et des activités humaines sur l’hydrologie du bassin versant. L’approche de Tomer et Schiling (2009) repose sur l’hypothèse selon laquelle les activités humaines sont indépendantes du changement climatique et que le changement d’affectation des sols n’a d’incidence que sur l’évapotranspiration réelle, mais pas sur les précipitations ou l’évapotranspiration potentielle. Par conséquent, les changements éco-hydrologiques résultants de l’excédent d’eau et d’énergie augmentent ou diminuent, en fonction de l’évapotranspiration réelle. D’un autre côté, les changements dans les rapports P/ETP sont nécessaires pour augmenter l’excès d’eau et diminuer la demande évaporative excédentaire, ou vice-versa. La méthode de Tomer et Schiling ne fournit pas directement la variation du débit, mais fournit des indications générales quant à savoir si la variation est due au changement climatique ou aux activités humaines. Elle est donc qualitative et non quantitative.

Approches de modélisation

La quantification des impacts des changements climatique et environnemental par l’approche de modélisation nécessite que le modèle hydrologique prenne en compte de façon explicite la dynamique environnementale des bassins versants. Il existe une multitude de modèles hydrologiques, mais peu prennent en compte la dynamique d’évolution du milieu dans leur conception. Des indicateurs de pression anthropique peuvent servir de base à la transcription de la dynamique du milieu dans certains paramètres des modèles conceptuels. Cependant, la sensibilité de tels modèles aux paramètres concernés n’est pas prouvée (Diello, 2007a). Il s’avère donc nécessaire d’utiliser un modèle hydrologique qui prenne en compte dans sa conceptualisation une évolution de l’environnement. D’après Parkin et al. (1996), la façon la plus rationnelle d’évaluer l’impact du changement environnemental est d’utiliser des modèles distribués à base physique.
Le choix du modèle hydrologique fait, il est calé sur la période de base et les simulations sur la période affectée par les changements permettent de quantifier les impacts. Pour quantifier les impacts des changements climatique et environnemental, deux scénarios sont considérés sur la période d’impact. Dans le premier scénario, les propriétés du bassin versant (végétation et autres) sont supposées stationnaires et les conditions climatiques réelles sont prises en compte. Dans le second scénario, les données environnementales réelles de la période d’impact sont prises en compte. Les contributions des différents changements à la variation d’écoulement sont données par l’équation Eq A. 4.

Présentation de la zone d’étude

Le fleuve Nakanbé

Le Nakanbé (Volta blanche) est un affluent de la Volta (Figure A. 10) dont les ressources en eau sont partagées par six pays de l’Afrique de l’Ouest que sont le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Mali et le Togo. Le bassin du Nakanbé fait donc partie de l’Autorité du Bassin de la Volta (ABV). Au Burkina Faso, le Nakanbé a pour principaux affluents, le Nakanbé stricto sensu (subdivisé en Nakanbé supérieur, moyen, et inférieur), le Nazinon, la Sissili, la Pendjari et le Nouhao. Le Nakanbé stricto sensu est le plus important et draine une aire de 45 186 km2 (AEN, 2015).
Le Nakanbé stricto sensu prend sa source dans la zone sahélienne, sous le quatorzième parallèle (Figure A. 10). Cette source est en réalité un marigot qui ne débite que sous les fortes averses de la saison des pluies. Il coule vers le sud en passant par les stations hydrométriques de Rambo et de Ramsa pour alimenter le réservoir de Dourou (encore appelé Toécé ou Kanazoé) d’une capacité nominale de 75 millions de m3. Sa pente longitudinale déjà faible s’adoucit encore et il passe à la station hydrométrique de Yilou. Le Nakanbé stricto sensu reçoit sur sa rive gauche notamment des petits affluents aux débits intermittents, qui sont les petits cours d’eau de la région de Tikaré. Après avoir reçu d’autres petits affluents, le Nakanbé alimente le réservoir de Ziga d’une capacité nominale de 208 millions de m3, destiné à l’approvisionnement en eau potable de la ville de Ouagadougou et des communes environnantes et passe à la station de Wayen. Après la station hydrométrique de Wayen, il reçoit sur sa droite le Massili, qui alimente les barrages de Loumbila et de Ouagadougou.
Sur sa rive gauche après la station de Wayen, le Nakanbé reçoit trois affluents que sont le Bomboré, le Dougoula et le Tcherbo. Sur la rive droite, à l’Ouest, le bassin est très étroit, car le Nakanbé stricto sensu coule à une cinquantaine de kilomètres à peine du Nazinon (Figure A. 11) qui suit un tracé sensiblement parallèle. La pente du Nakanbé s’adoucit à son arrivée au barrage Bagré d’une capacité de 1 700 millions de mètres cubes (1 700 Mm3) alimentant une centrale hydroélectrique de 16 MW et un périmètre irrigué de 3 380 ha en 2018. Le potentiel de terre irrigable par le barrage de Bagré est estimé à 30 000 ha (Bidon, 1995). A la frontière ghanéenne, le Nakanbé reçoit sur sa rive gauche, la Nouhao. Sur le territoire Ghanéen, il reçoit le Nazinon puis passe à la station de Pwalagu.

L’Espace de Compétence de l’Agence de l’Eau du Nakanbé

Le Burkina Faso fait face à une forte pression sur ses ressources en eau due à de nombreuses situations : le réchauffement climatique, l’accroissement de la population (taux de croissance de 3,10% par an), le développement des activités économiques et industrielles (AEN, 2015).
Pour mitiger ces problèmes liés à l’eau et s’inscrire dans la dynamique de la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE), cinq Agences de l’Eau recouvrant tout le territoire ont été créées (Figure A. 11). Il s’agit des agences de l’eau des Cascades, du Gourma, du Liptako, du Mouhoun et du Nakanbé. L’Espace de Compétence de l’Agence de l’Eau du Nakanbé (EC-AEN) comprend tous les affluents du Nakanbé stricto sensu à l’exception de la Pendjari attribuée à l’Agence de l’eau du Gourma (AEN, 2015).
La superficie totale de l’EC-AEN est de 60 337 km², et couvre totalement ou partiellement les territoires de 145 communes. L’espace totalise plus de 4 700 villages et compte administrativement 23 provinces et 7 régions (Nord, Centre, Centre Nord, Centre Ouest, Centre Sud, Centre Est, Plateau Central) ainsi que certaines parties de 3 autres régions (Boucle du Mouhoun, Sahel, Est). L’EC-AEN couvre 22% de la superficie du Burkina avec plus de 40% de la population totale du pays. La démographie est marquée par un fort taux de croissance (3,12% entre 2006 et 2015 contre 3,10% au niveau national), une forte densité (86 habitants/km²) au-dessus du seuil supportable pour l’équilibre écologique (50 habitants/km²) au Burkina Faso (MECV, 2004; INSD et al., 2009). L’EC-AEN abrite 44,9% des villes du pays dont Ouagadougou la capitale politique (AEN, 2015).
Les principaux types de formations végétales rencontrées sur l’Espace de Compétence de l’Agence de l’Eau du Nakanbé sont constitués de steppes, de savanes et de forêts galeries. Les steppes sont définies comme les formations typiques de la zone sahélienne. Ce sont des formations couvertes par un tapis herbacé discontinu disposé en touffes plus ou moins espacées. Les savanes sont des formations comportant un tapis herbacé dense, continu d’au moins 80 cm de hauteur. Il faut signaler que les plus vastes savanes se localisent au sud dans les aires classées (parc national de Pô appelé Parc National Kaboré Tambi, le ranch de gibier de Nazinga et la forêt classée de la Sissili). Les forêts galeries sont des formations forestières tributaires de cours d’eau à écoulement temporaire ou permanent. On rencontre quelques forêts claires et forêts galeries surtout dans la partie sud de l’EC-AEN (sous-bassins du Nakanbé inférieur, de la Sissili et de la partie sud du Nazinon). Il est à noter que ces écosystèmes naturels perdent du terrain du fait d’une dynamique d’occupation des sols où les champs de cultures pluviales en particulier s’élargissent très sensiblement à leurs dépens. Le bois et le charbon de bois constituent de loin les principales sources d’énergie domestique en milieux rural et urbain. L’agriculture pluviale est la plus dominante et reste marquée par des pratiques extensives à faible rendement. L’agriculture irriguée se pratique à l’aval et parfois à l’amont des plans d’eau de surface et dans les bas-fonds. Le système d’élevage reste de loin dominé par le mode traditionnel extensif avec une charge en bétail au-dessus de la capacité naturelle d’accueil (AEN, 2015).
Sur le plan relief et géomorphologie, l’EC-AEN se présente comme une vaste pénéplaine faiblement ondulée. Les formations géologiques rencontrées sont variées et peuvent être regroupées en deux grands ensembles géologiques constitués de roches plutoniques et volcano-sédimentaires. On note également, la présence de l’arsenic à forte teneur dans certaines formations rocheuses. L’espace de compétence de l’AEN est essentiellement couvert par des formations géologiques peu productives. La productivité hydraulique des ouvrages de captage de l’eau souterraine dépend de l’importance des failles qui affectent le socle rocheux et des faciès pétrographiques des différentes formations lithologiques traversées. En 2012, 4 827 puits et 25 353 forages ont été recensés dans l’EC-AEN (AEN, 2015). En ce qui concerne la productivité hydraulique, les différentes formations géologiques de l’EC-AEN peuvent être qualifiées de la manière suivante :
• Une productivité hydraulique très bonne pour les formations plutoniques telles que la granodiorite, tonalite et diorite quartzifère. Les débits permanents peuvent dépasser 20 m3/h.
• Une bonne productivité hydraulique pour les orthogneiss, les micaschistes à disthène, les leptynites à grenat, les micaschistes à grenat, les sillimanites et staurotide.
• Une productivité hydraulique faible pour les formations volcano-sédimentaires, qu’il s’agisse des schistes, des gabbros et diorites, des basaltes, des andésites. La productivité des ouvrages peut également chuter en cours d’exploitation suite au colmatage des fissures par les argiles d’altération.
• Une productivité hydraulique très faible pour les plutons intrusifs post-tectoniques (granites alcalins, syénite, leuco-granite, granite à biotite et souvent à amphibole). Il y est difficile d’atteindre 5 m3/h et lorsqu’ils sont fins et à grains homogènes, atteindre même 2 m3/h n’est pas chose aisée.
Les caractéristiques biophysique, géomorphologique et hydrogéologique de l’EC-AEN sont peu favorables à une mobilisation importante des ressources en eau souterraine. Les eaux de surface restent la principale source d’approvisionnement en eau dans l’Espace de Compétence de l’Agence de l’Eau du Nakanbé. Les ressources en eau de surface renouvelables sont estimées à 1 220 Mm3 (AEN, 2015). Les taux d’accès à l’eau potable varient d’une région à l’autre entre 64% (région du Centre–Ouest) et 79% (région du Centre Sud). Au niveau des villes, seules Ouagadougou et Koudougou ont un taux d’accès de 100% ; onze villes ont un taux d’accès inférieur à 50% et neuf entre 50 et 85% (AEN, 2015). L’accroissement de la production en eau potable (3 à 10%) est nettement en dessous du taux d’urbanisation qui est de l’ordre de 90% dans la région du Centre qui abrite Ouagadougou et de 11% à 29% pour les autres régions de l’Espace de Compétence de l’Agence de l’Eau du Nakanbé. Dans le sous-bassin du Nakanbé supérieur, des zones à forte teneur d’arsenic dans l’eau du fait de certaines formations géologiques sont localisées. Les ressources en eau, aussi bien souterraine que de surface de l’Espace de Compétence de l’Agence de l’Eau du Nakanbé, sont soumises aux aléas climatiques.

La partie sahélienne du bassin du Nakanbé

L’Espace de Compétence de l’Agence de l’Eau du Nakanbé couvre trois régimes hydro-climatologiques (Figure A. 12). La zone sahélienne qui couvre la totalité du sous-bassin du Nakanbé supérieur est caractérisée par une pluviosité moyenne annuelle inférieure ou égale à 600 mm, une courte saison des pluies, une grande variabilité dans la répartition des pluies, une forte évapotranspiration et d’importantes amplitudes thermiques. La zone soudano-sahélienne qui couvre pratiquement la totalité des sous-bassins du Nakanbé moyen et inférieur, est caractérisée par une pluviosité annuelle moyenne comprise entre 600 et 900 mm, des pluies n’excédant pas une période de 6 mois au cours d’une année et des amplitudes thermiques annuelles moyennes. La station hydrométrique de Wayen est celle disposant d’une chronique de données suffisante dont la majeure partie du bassin jaugé se trouve dans le Sahel.
Plusieurs travaux dont la revue a été faite par Descroix et al. (2018) ont montré le comportement hydrologique paradoxal des bassins versants du Sahel depuis la grande sécheresse de 1970-1980 qui s’est caractérisé par un accroissement des coefficients de ruissellement. Ainsi, pour mieux comprendre la réponse hydrologique du bassin du Nakanbé face au changement global, il est judicieux de s’intéresser au bassin versant contrôlé par la station de Wayen qui comporte la partie sahélienne du bassin. L’une des causes (les plus indexées) du paradoxe hydrologique sahélien est la dégradation environnementale due aux actions anthropiques. Le bassin du Nakanbé à Wayen (21 178 km2) couvre moins de 8% de la superficie du Burkina Faso et abrite plus de 11% de la population du pays en 2006 (Boubacar, 2012). De même, le bassin du Nakanbé à Wayen abrite plus de 50% des retenues d’eau (369 sur 667) du bassin de Nakanbé alors que le fleuve Nakanbé alimente plus de la moitié des retenues du pays (Boubacar, 2012). Eu égard à tous ces constats, le bassin du Nakanbé à Wayen a été retenu comme cadre physique de notre étude dont l’objectif principal est de parvenir à une compréhension fine de la réponse hydrologique de la partie sahélienne du bassin du fleuve Nakanbé.

Géologie du bassin du Nakanbé à Wayen

La géologie du bassin montre qu’il repose sur des roches dures et imperméables : roches magmatiques, métamorphiques dures et sédimentaires imperméables (Figure A. 13).
La nature des formations géologiques qui couvre le bassin est l’une des causes de la faible productivité hydraulique des ouvrages de captage de l’eau souterraine.

Caractéristiques physiographiques des bassins emboîtés du Nakanbé à Wayen

L’analyse des stations hydrométriques installées dans le bassin du fleuve Nakanbé a permis de retenir sept bassins jaugés respectivement à Tougou, Rambo, Dombré, Ramsa, Yilou, Tempelga et Wayen (Figure A. 14).
Le réseau hydrographique du Burkina Faso a été obtenu auprès de l’Institut Géographique du Burkina (IGB). Le modèle numérique de terrain (MNT) du bassin a été téléchargé sur le site de l’agence d’exploration aérospatiale japonaise qui fournit l’altitude de n’importe quel point du globe avec une résolution horizontale de 30 m (https://www.eorc.jaxa.jp/ALOS/en/aw3d30/index.htm). À partir du MNT, les sept bassins versants ont été délimités sur la base des positions géographiques des sept stations hydrométriques en prenant une surface minimale critique adaptée pour faire ressortir le plus petit sous-bassin (Nakanbé à Tougou d’environ 38 km2). L’extraction des limites des bassins a été faite sur la base d’un réseau hydrographique corrigé par rapport à celui obtenu de l’IGB, considéré comme référence. Le bassin du Nakanbé a été donc délimité en sept sous-bassins emboîtés (Figure A. 14) : Nakanbé à Tougou (38 km2), Rambo (2 471 km2), Nakanbé à Dombré (1 060 km2), Nakanbé à Ramsa (3 826 km2), Nakanbé à Yilou (11 276 km2), Nakanbé à Tempelga (4 906 km2) et Nakanbé à Wayen (21 178 km2). Dans cette étude, la station dite de Tempelga est placée pour évaluer les apports du bras du cours d’eau drainant la partie Nord-Est du bassin qui comporte les lacs Bam, Sian et Dem. Cette station ne dispose donc pas de données de débits mesurés.
Les propriétés physiographiques de chacun des sept bassins emboîtés ont été extraites ou calculées. Elles concernent la surface, le périmètre, la pente moyenne (Eq A. 5), la longueur du rectangle équivalent (Eq A. 6) et l’indice de forme (Eq A. 7). 10√ = − Eq A. 5
I est la pente moyenne en %, Altmax et Altmin sont respectivement les altitudes minimales et maximales en mètre (m) de la surface du bassin versant, S sa surperficie en km2. L = + √ 2 − 16 Eq A. 6
L (km) est la longueur du rectangle équivalent, P (km) le périmètre et S (km2) est la superficie du bassin versant. 2√ = Eq A. 7
P (km) le périmètre et S (km2) est la superficie du bassin versant. KG est le coefficient de compacité de GRAVELIUS ou indice de forme (sans unité) qui permet de caractériser la forme du bassin versant.
Sur la base des propriétés physiques des bassins versants, le temps de concentration a été estimé en utilisant la formule empirique de Ventura (Eq A. 8). Le temps de concentration tc est le temps nécessaire pour que tout le bassin versant contribue au ruissellement à l’exutoire du bassin versant. La formule de Ventura est adaptée pour l’estimation du temps de concentration des bassins versants ruraux (CEREMA, 2021). = 76,3 √ Eq A. 8
S est en km2, I en % et tc en mn.
Le tableau A. 2 présente les caractéristiques physiographiques et les temps de concentration théorique des sept bassins étudiés. Selon la classification ORSTOM des bassins versants en fonction de la pente longitudinale moyenne (Rodier et Auvray, 1965), le bassin du Nakanbé à Wayen appartient à la classe des bassins à pentes extrêmement faibles (I<0,2%). De l’amont vers l’aval la pente moyenne du cours d’eau s’adoucit. Les coefficients de GRAVELIUS des sept bassins versants sont supérieurs à 1 indiquant la forme allongée du bassin du Nakanbé à Wayen. L’analyse des temps de concentration des bassins montre que le pas de temps journalier est adapté pour l’analyse de la relation pluie-débit au niveau de toutes les stations à l’exception de Tougou où des données infra-journalières sont nécessaires. Enfin, l’analyse du réseau hydrographique montre qu’il est dendritique (Figure A. 14).

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Table des matières

RESUME
ABSTRACT
VULGARISATION DES RÉSULTATS DE RECHERCHE
SOMMAIRE
LISTE DES SIGLES, ACRONYMES ET ABREVIATIONS
INTRODUCTION GENERALE
I Contexte et problématique
II Objectifs de la thèse
III Aperçu synoptique de la bibliographie consultée
IV Cadre méthodologique globale
V Organisation du document
PARTIE A : ELEMENTS DE CONTEXTE ET DONNEES DE L’ETUDE
Introduction partielle
Chapitre I : Généralités sur la modélisation hydrologique et le changement global
I Modélisation hydrologique
II Écoulement et ruissellement
III Changement global
IV Études d’impact des changements climatique et environnemental sur la réponse hydrologique d’un bassin versant
Chapitre II : Cadre physique et données de l’étude
I Cadre physique de l’étude
II Données de l’études
Conclusion partielle
PARTIE B : VARIABILITE HYDRO-CLIMATIQUE ET ENVIRONNEMENTALE
Introduction partielle
Chapitre III : Variabilité hydro-climatique
I Méthodologie : tests statistiques et techniques d’extraction d’indices
II Résultats de l’étude de variabilité hydro-climatique dans les bassins versants du Nakanbé
III Discussion
Chapitre IV : Variabilité environnementale et interrelations avec le climat
I Méthodologie pour l’analyse de la variabilité environnementale
II Résultats de l’étude de variabilité environnementale
III Discussion
Conclusion partielle
PARTIE C : CONTRIBUTIONS INDIVIDUELLES ET COMBINEE DES CHANGEMENTS CLIMATIQUE ET ENVIRONNEMENTAL AUX CHANGEMENTS D’ECOULEMENTS DANS LES BASSINS EMBOITES DU NAKANBE A WAYEN
Introduction partielle
Chapitre V : Impacts des changements climatique et environnemental sur la ressource en eau
I Méthodologie
II Résultats de l’étude d’impact des changements climatique et environnemental sur les écoulements du Nakanbé sur la période 1965-2018
III Discussion

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