Impact psychologique de l’agression sexuelle et etat des lieux a antananarivo

L’agression sexuelle (AS) est un acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte ou surprise. La rencontre de cet évènement traumatique avec un individu entraine non seulement des conséquences somatiques mais surtout un impact psychologique important. Le viol est une des premières causes de traumatisme psychique parmi les plus sévères, c’est un événement stressant que l’on peut comparer en intensité aux traumatismes majeurs comme les guerres ou les prises d’otage [1].

La violence sexuelle est une réalité très présente à Madagascar, posant ainsi un problème majeur de santé publique. Elle entraine des conséquences somatiques, sociales et surtout psychologiques importantes. Depuis longtemps, les effets psychologiques ont été sous évalués car non recherchés chez des patients qui n’en parlent que peu [2], or ils sont très souvent plus importants et persistants dans le temps que les séquelles physiques [3]. La prise en charge psychologique de ces victimes est d’habitude négligée. Récemment, depuis l’année 2015, un centre de prise en charge spécialisée des victimes d’agression sexuelle est disponible à Antananarivo situé au CHUGOB (Centre Hôspitalier Universitaire de Gynéco Obstétrique de Befelatanana), permettant ainsi d’accueillir et d’aider les patients. Notre étude s’est fixée alors comme objectifs, de décrire les aspects pathologiques de la clinique psychotraumatique chez les personnes victimes de violences sexuelles, et d’expliquer la nécessité d’une prise en charge psychologique pour aider ces patients.

CONCEPTS ET CONNAISSANCES ACTUELLES

DEFINITION

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), une violence sexuelle se définit par : « Tout acte sexuel, tentative pour obtenir un acte sexuel, commentaire ou avance de nature sexuelle, ou actes visant à un trafic ou autrement dirigés contre la sexualité d’une personne en utilisant la coercition, commis par une personne indépendamment de sa relation avec la victime, dans tout contexte, y compris, mais sans s’y limiter, le foyer et le travail » [4]. La coercition inclut : le recours à la force, l’intimidation psychologique, le chantage et les menaces. La violence sexuelle survient également lorsque la personne agressée est dans l’incapacité de donner son consentement. Une étude multipays de l’OMS [5] a défini la violence sexuelle comme étant des actes par lesquels une femme :
– a été physiquement forcée à avoir des rapports sexuels contre sa volonté
– a eu des rapports sexuels contre sa volonté parce qu’elle avait peur de ce que pourrait faire son partenaire
– a été contrainte à une pratique sexuelle qu’elle trouvait dégradante ou humiliante.

D’après le rapport mondial sur la violence et la santé [6], la violence sexuelle comprend le viol, qui se définit par un acte de pénétration même légère, de la vulve ou de l’anus imposé notamment par la force physique, en utilisant un pénis, d’autres parties du corps ou un objet. Il y a tentative de viol si l’on essaie de commettre un tel acte. Lorsqu’il y a viol d’une personne par deux ou plusieurs agresseurs, on parle de viol collectif. L’agression sexuelle peut aussi comprendre d’autres formes dans lesquelles intervient un organe sexuel, notamment le contact imposé entre la bouche et le pénis, la vulve ou l’anus.

EPIDEMIOLOGIE

Dans le monde, la violence sexuelle affecte des millions de personnes chaque année posant un problème majeur de santé publique [6]. Selon l’UNICEF, 120 millions de filles, soit 1 sur 10, ont subi des rapports sexuels forcés ou d’autres actes sexuels forcés à un moment de leur vie [7]. Dans son rapport concernant les violences interpersonnelles, l’OMS souligne que 20% des femmes et 5 à 10% des hommes dans le monde rapportent avoir subi des violences sexuelles pendant leur enfance [8,9]. Selon une étude faite au Canada, environ une fille sur cinq et un garçon sur dix risque d’être victime d’une agression sexuelle [10]. L’enquête CSF (Contexte de la Sexualité en France), mentionne qu’en 2006 [11], 20,4 % des femmes et 6,8 % des hommes âgés de 18 à 69 ans interrogés rapportaient avoir été déjà confrontés à une agression à caractère sexuel, dont des tentatives de rapports forcés ou des rapports forcés pour 15,9% des femmes et 4,5% des hommes. Environ 11% des femmes (50000 par an) de 20 à 59 ans sont victimes d’agression sexuelle au moins une fois au cours de leur vie. Dans le rapport mondial sur la violence et la santé, des enquêtes ont été faites sur la prévalence des agressions sexuelles au cours des cinq années précédentes [6]. Ces études avaient montré le pourcentage de femmes déclarant avoir été victimes d’agression sexuelle qui va de moins de 2% en Bolivie, au Botswana (0.8%), en Chine (1.6%), aux Philippines (0.3%), à 5% ou plus en Albanie (6%), en Argentine (5,8 %), au Brésil (8%) et en Colombie (5%). En Afrique du Sud, l’enquête sur la prévalence d’une agression sexuelle a conclu que plus d’un homme sur cinq déclare avoir violé une femme qui n’était pas sa partenaire (une étrangère, une connaissance,…), alors qu’un homme sur sept déclare avoir violé sa partenaire actuelle ou précédente [12]. A Antananarivo, selon le registre du CHUGOB service Vonjy, on a recensé au total 650 cas de victimes de violences sexuelles en 2015.

MECANISMES NEURO-BIOLOGIQUES

Lors des traumatismes majeurs comme la violence sexuelle, des mécanismes de survie neuro-biologiques [13] se déclenchent chez la victime pour échapper au risque psychologique, cardiologique et neurologique provoqué par une terreur et un stress extrême impossibles à contrôler par le cerveau, du fait d’un état de sidération et de paralysie psychique de celui-ci [14]. Cet état de sidération, qui peut empêcher la victime de crier, de réagir et de se débattre [15], est provoqué par le caractère insensé, inconcevable et terrorisant des violences, c’est une réaction neuro-psychique normale et universelle. Ces mécanismes de survie, qui se déclenchent en vue d’échapper au stress extrême, sont assimilables à une disjonction avec la production par le cerveau de drogues dures endogènes proches d’un cocktail morphine-kétamine du circuit émotionnel et de la mémoire qui « éteint » le stress et entraîne un état dissociatif accompagné d’une anesthésie émotionnelle [16]. Cet état dissociatif provoque la sensation d’être absent, déconnecté (déréalisation), et spectateur de la situation (dépersonnalisation), comme indifférent [17]. La disjonction est également à l’origine de troubles mnésiques, par interruption des circuits d’intégration de la mémoire, provoquant des amnésies partielles ou complètes et surtout une mémoire traumatique [18].

CONSEQUENCES PSYCHOTRAUMATIQUES DES VIOLENCES SEXUELLES

L’agression sexuelle fait partie des violences qui ont le plus d’impact sur la santé mentale que ce soit à court ou à long termes. Et plus les victimes sont jeunes, plus les conséquences sont lourdes.

ETAT DE STRESS POST TRAUMATIQUE (ESPT) 

La définition de l’ESPT reprend la clinique de la névrose traumatique, actuellement connue aussi sous l’appellation de syndrome psychotraumatique. Les séquelles psychologiques des victimes de violences sexuelles, ont été décrites pour la première fois en 1974 dans la publication de BURGESS A. et HOLMSTROM L. [19] de l’hôpital Boston City View, dénommé « Rape trauma syndrome » ou le syndrome du traumatisme du viol. C’est à partir de 1980 que l’état de stress post traumatique a été répertorié dans la troisième édition du DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), l’ouvrage de référence publié par l’American Psychiatric Association (APA) [20]. Il est ensuite apparu dans la CIM (Classification Internationale des Maladies), dixième version en 1992 publiée par l’OMS [21]. Selon le DSM IV, six critères permettent de poser le diagnostic d’un ESPT [22] : A. Le sujet a été exposé à un événement traumatique dans lequel les deux éléments suivants étaient présents :
(1) le sujet a vécu, a été témoin ou a été confronté à un événement ou à des événements durant lesquels des individus ont pu mourir ou être gravement blessés ou bien ont été menacés de mort ou de grave blessures ou bien durant lesquels son intégrité physique ou celle d’autrui a pu être menacée.
(2) la réaction du sujet à l’événement s’est traduite par une peur intense, un sentiment d’impuissance ou d’horreur.
A noter que chez les enfants, un comportement désorganisé ou agité peut se substituer à ces manifestations.
B. L’événement traumatique est constamment revécu, de l’une (ou de plusieurs) des façons suivantes :
(1) souvenirs répétitifs et envahissants de l’événement provoquant un sentiment de détresse et comprenant des images, des pensées ou des perceptions. A noter que chez les jeunes enfants peut survenir un jeu répétitif exprimant des thèmes ou des aspects du traumatisme.
(2) rêves répétitifs de l’événement provoquant un sentiment de détresse. A noter que chez les enfants, il peut y avoir des rêves effrayants sans contenu reconnaissable.
(3) Impression ou agissements soudains « comme si » l’événement traumatique allait se reproduire (incluant le sentiment de revivre l’événement, des illusions, des hallucinations, et des épisodes dissociatifs (flash-back), y compris ceux qui surviennent au réveil ou au cours d’une intoxication spécifique du traumatisme peuvent survenir.
(4) Sentiment intense de détresse psychique lors de l’exposition à des indices internes ou externes évoquant ou ressemblant à un aspect de l’événement traumatique en cause.
(5) Réactivité physiologique lors de l’exposition à des indices internes ou externes pouvant évoquer ou ressembler à un aspect de l’événement traumatique en cause.
C. Evitement persistant des stimuli associés au traumatisme et émoussement de la réactivité générale (ne préexistant pas au traumatisme), comme en témoigne la présence d’au moins trois des manifestations suivantes :
(1) efforts pour éviter les pensées, les sentiments ou les conversations associés au traumatisme.
(2) efforts pour éviter les activités, les endroits où les gens qui éveillent des souvenirs du traumatisme.
(3) Incapacité de se rappeler d’un aspect important du traumatisme.
(4) Réduction nette de l’intérêt pour des activités importantes ou bien de réduction de la participation à ces mêmes activités.
(5) sentiment de détachement d’autrui ou bien de devenir étranger par rapport aux autres.
(6) Restriction des affects (exemple : incapacité à éprouver des sentiments tendres).
(7) Sentiment d’avenir « bouché » (exemple : pense ne pas pouvoir faire sa carrière, se marier, avoir des enfants ou avoir un cours normal de la vie).
D. Présence de symptômes persistants traduisant une activation neurovégétative (ne préexistant pas au traumatisme) comme en témoigne la présence d’au moins deux des manifestations suivantes :
(1) difficultés d’endormissement ou sommeil interrompu.
(2) irritabilité ou accès de colère.
(3) difficultés de concentration.
(4) hypervigilance
(5) réaction de sursaut exagérée.
E. La perturbation (symptômes des critères B, C et D) dure plus d’un mois.
F. La perturbation entraîne une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.

Il conviendra également de spécifier le trouble comme Aigu, si la durée des symptômes est de moins de trois mois ; Chronique, si la durée des symptômes est de trois mois ou plus ; Survenue différée, si le début des symptômes survient au moins six mois après le facteur de stress. Il est reconnu aujourd’hui que les agressions sexuelles, avec la torture sont les violences qui ont les conséquences psychotraumatiques les plus graves. Les études montrent ainsi que deux tiers des victimes de viol, de tentatives de viol ou d’agression sexuelle, développent un état de stress post-traumatique. Les violences sexuelles représentent la cause la plus fréquente d’état de stress post-traumatique chez les femmes [23]. Ces troubles psychotraumatiques sont des conséquences normales des violences et sont aussi pathognomoniques, c’est-à-dire une preuve médicale d’un traumatisme subi par une personne. Une étude menée par une équipe de chercheurs internationaux a mis en évidence que les violences génèrent à part des blessures psychiques, des modifications neurologiques visibles sur IRM de certaines aires corticales du cerveau de femmes adultes ayant subi des violences sexuelles dans l’enfance, avec des dysfonctionnements importants des circuits émotionnels et de la mémoire [24]. Ces modifications anatomiques sont réversibles grâce à la neuroplasticité du cerveau si la victime bénéficie de soins appropriés et d’un contexte bienveillant et sécurisant [25].

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : CONCEPTS ET CONNAISSANCES ACTUELLES
1. DEFINITION
2. EPIDEMIOLOGIE
3. MECANISMES NEURO-BIOLOGIQUES
4. CONSEQUENCES PSYCHOTRAUMATIQUES DES VIOLENCES SEXUELLES
5. PRISE EN CHARGE DES VICTIMES
DEUXIEME PARTIE : NOTRE TRAVAIL
1. MATERIELS ET METHODES
1.1. Matériels
1.1.1. Description de l’étude
1.1.2. Cadre de l’étude
1.1.3. Matériels utilisés
1.2. Méthodes
1.2.1. Critères d’inclusion
1.2.2. Critères d’exclusion
1.2.3. Paramètres étudiés
1.2.4. Analyse des données
2. RESULTATS
2.1. CARACTERES EPIDEMIOLOGIQUES GENERAUX DE LA POPULATION
2.1.1. L’âge
2.1.2. Le genre
2.1.3. Domicile
2.1.4. Niveau d’étude
2.1.5. Niveau socio-économique
2.1.6. Situation matrimoniale
2.2 CARACTERES SPECIFIQUES DES VIOLENCES SEXUELLES
2.2.1. Types de violences sexuelles
2.2.2. Auteurs des violences sexuelles
2.2.3. Lieu de l’agression
2.2.4. Examen psychiatrique des patients
2.2.5. Diagnostics psychiatriques
2.2.6. Prise en charge psychologique
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION-SUGGESTIONS
1. DISCUSSION
2. SUGGESTIONS
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE

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