Impact humain sur la biosphere et crise de la biodiversite

Impact humain sur la biosphère et crise de la biodiversité

Ces derniers siècles ont été les témoins d’un accroissement de la population humaine sans précédent (Ehrlich, 1968). Nous sommes ainsi passés d’un milliard d’habitants aux alentours de 1800 à près de six milliards au début du XXIième siècle (Harrison & Pearce, 2000b). Cette croissance exponentielle de la population s’est accompagnée d’un impact croissant sur l’ensemble des ressources naturelles de la biosphère suivant le principe de la « tragédie des biens communs » formalisé par Hardin en 1968 (Hardin, 1968). L’auteur y décrit le processus de surexploitation auquel est vouée toute ressource soumise à une forte demande, lorsqu’elle se trouve limitée et en libre accès (atmosphère, ressources halieutiques, minières, etc.). À l’appui de cette théorie, nombre d’études relèvent une exploitation des ressources naturelles de la planète à des vitesses bien supérieures à leurs possibilités de renouvellement, ce qui ne peut qu’aboutir à leur épuisement. Ainsi près de la moitié des réserves accessibles en eau potable a été consommée, et 20% des ressources halieutiques se trouvent au bord de l’extinction (40% supplémentaires étant à la limite de la surexploitation) (Vitousek, Mooney, Lubchenco, & Melillo, 1997). Outre les effets directs liés à la surexploitation, les activités humaines ont également un impact majeur sur la biosphère via les modifications d’occupation du sol et diverses pollutions. Ainsi, entre deux tiers et la moitié des habitats terrestres ont été soumis à des changements d’utilisation du sol par l’homme depuis le néolithique (Vitousek et al., 1997). Dans le même temps, nombre de grands cycles biogéochimiques ont été bouleversés; la concentration de dioxyde de carbone et de méthane, deux gaz à effet de serre, s’est accrue respectivement de 30% et 145 % depuis le début de l’ère industrielle (Harrison & Pearce, 2000a), tandis que plus de la moitié de la fixation actuelle d’azote atmosphérique peut désormais être attribuée aux activités humaines (Vitousek et al., 1997). Au travers de ces modifications, l’être humain a un impact considérable sur l’ensemble de la biodiversité, et ceci à chacun de ses trois niveaux hiérarchiques. (1) Au niveau des écosystèmes, nombre d’entre eux, complexes et riches en espèces endémiques, sont en train de disparaître au profit de communautés simplifiées beaucoup moins originales, et pouvant rendre de plus faibles services écosystémiques (Chapin et al., 2000; Díaz & Cabido, 2001). Les forêts tropicales, par exemple, régressent continuellement au niveau mondial à un rythme de 11 millions d’hectares par an (Harrison & Pearce, 2000c) .

Encadré 1 : Réalité et ampleur de la crise actuelle de la biodiversité
En 1989 J. Diamond (Diamond, 1989) recensait quatre causes principales de perte de biodiversité, attribuables aux activités humaines (« evil quartet ») :
• La surexploitation ; consistant à prélever des individus en excès, par exemple pour la pêche ou la chasse.
• La dégradation des habitats naturels ; causée par l’urbanisation croissante, ou la mise en culture de terres. Il en résulte une fragmentation des milieux de vie des espèces conduisant à une réduction de leur surface, lorsque ce n’est pas leur disparition.
• Les invasions biologiques ; résultant de l’introduction d’espèces allochtones dans des écosystèmes où elles peuvent proliférer jusqu’à l’élimination d’espèces autochtones.
• Les cascades d’extinctions en chaînes ; la disparition d’une espèce donnée n’est pas sans conséquence sur les autres espèces d’une communauté, qui peuvent dépendre d’elle, et être ainsi amenées à disparaître à leur tour. Nous pourrions ajouter à ces quatre causes les changements climatiques, qui devraient entraîner à terme des déplacements d’aires et des extinctions d’espèces (Walther, 2004). L’ampleur des extinctions occasionnées par ces différentes causes a donné lieu à d’intenses débats entre écologues. Le nombre total d’espèces de la biosphère est à l’heure actuelle inconnu, les estimations pouvant varier d’un facteur 50 (Erwin, 1991; May, 1988). Toutefois en utilisant le modèle insulaire de MacArthur et Wilson (MacArthur & Wilson, 1967) — qui permet de relier un nombre d’espèces à une surface donnée — et en évaluant les pertes occasionnées par des destructions d’habitat, divers auteurs avancent des chiffres situant les taux d’extinction actuels entre 27000 et 100000 espèces par an (Wilson, 1985). De tels taux d’extinction se rapprochent de ceux classiquement inférés par les paléontologues pour les cinq dernières grandes crises d’extinction de la biodiversité, de sorte que le terme de sixième crise d’extinction est souvent employé pour qualifier la situation actuelle(Leakey & Lewin, 1995). Un certain nombre d’auteurs se sont toutefois élevés contre ces chiffres, au premier rang desquels, Lomborg dans son ouvrage « The Skeptical Environmentalist», qui fait valoir que les régions d’Europe et d’Amérique tempérées ayant vu leurs surfaces forestières réduites au cours des siècles passés n’ont pas été le théâtre d’extinctions spectaculaires, conformément à ce qui serait attendu en s’appuyant sur la théorie de MacArthur et Wilson. Deux types d’arguments ont été opposés à ceux de Lomborg, (1) le nombre d’espèces éteintes est faible par rapport à ce qui serait attendu, simplement parce que les milieux concernés contenaient originellement peu d’espèces(Pimm, 2002) (on peut penser que la situation sera toute autre dans les forêts tropicales). (2) De plus, il peut s’écouler un laps de temps assez long au cours duquel une espèce survit dans des patchs d’habitat résiduels avant son extinction complète (phénomène de dette d’extinction évoqué dans ce chapitre). Si la démarche sceptique de Lomborg a le mérite d’inciter les écologues à redoubler de prudence quant à la manière de communiquer les chiffres aux décideurs, elle ne doit pas occulter le fait que la crise d’extinction actuelle reste une crise majeure. Ainsi, lorsqu’on calcule les estimations des taux actuels d’extinction en ne prenant en compte que des périodes récentes (bien documentées), et des groupes bien inventoriés, tels que les plantes et les vertébrés, on arrive à des taux d’extinction de 0,1% et 0,6%. Bien qu’inférieurs aux taux évoqués précédemment, ces taux sont respectivement 50 fois et 560 fois supérieurs au taux d’extinction naturelle (0,002%). Si l’ampleur de la crise actuelle peut (et doit) rester l’objet de débat, le fait que nous traversions effectivement une crise pour la biodiversité est aujourd’hui impossible à ignorer. et sont remplacées par des pâturages et des parcelles agricoles. (2) Au niveau spécifique, l’homme, en modifiant l’ensemble les processus naturels au sein des écosystèmes entraîne l’extinction de nombreuses espèces. Devant l’ampleur du phénomène, certains auteurs (Leakey & Lewin, 1995) ont été amenés à évoquer une sixième crise d’extinction (Encadré 1). Bien qu’un temps controversé (Lomborg, 2001; Mann, 1991), ce phénomène de crise de la biodiversité est aujourd’hui largement admis parmi les biologistes (Levin & Levin, 2002; Pimm, 2002). De nombreuses extinctions ont en effet été documentées ; ainsi près du quart des espèces d’oiseaux de la planète ont disparu (Vitousek et al., 1997). (3) Enfin, au niveau de la diversité génétique, les activités humaines engendrent de lourdes pertes notamment en réduisant rapidement la taille des populations naturelles de nombreuses espèces (Lacy, 1997). Ces goulots d’étranglement induisent une baisse de la variabilité intraspécifique et notamment, par dérive, la perte d’allèles qui pourraient jouer un rôle dans l’adaptation des espèces à des caractéristiques environnementales nouvelles.

L’émergence de la biologie de la conservation 

C’est dans ce contexte que va émerger l’idée de conservation de la nature et de protection des espèces. Bien que les premiers actes concrets de conservation de l’environnement aient eu lieu dès le XIXième siècle en Amérique avec la création du premier parc national (Yellowstone en 1872), il faudra attendre le milieu du XXième siècle pour voir l’apparition des premiers parcs nationaux en Europe, la loi sur la création des Parcs Nationaux français datant de 1960. Ce type d’action est alors basé sur l’idée d’une sanctuarisation de la nature, la conservation passant par la mise en réserve de quelques îlots de nature, reconnus d’intérêt patrimonial car hébergeant souvent des espèces emblématiques. Cette idée de préservation de la nature en tant que valeur esthétique et spirituelle est largement inspirée d’une éthique de conservation romantique développée par des auteurs tels que Thoreau (1854) ou Emerson (1836). Parallèlement à ces créations de parcs, la formalisation des connaissances sur la conservation de la nature va engendrer une nouvelle discipline : la biologie de la conservation. Cette branche de l’écologie se donne comme double objectif de comprendre les processus menant à la dégradation des écosystèmes, à la disparition des espèces, et de fournir des méthodes permettant leur préservation, leur restauration ainsi que celles des espèces qu’ils abritent. Pour mener à bien ces tâches, il est nécessaire de faire appel à un large éventail de disciplines scientifiques telles que la génétique, la biologie des populations, l’écophysiologie, l’écologie évolutive ou encore la biogéographie. En outre, pour fournir des réponses adaptées et pragmatiques, la biologie de la conservation va rapidement être amenée à intégrer des champs disciplinaires variés tels que les sciences sociales, la géographie, ou le droit. En tant que science de crise, la biologie de la conservation doit souvent fournir des méthodes et des solutions à des problèmes dans un contexte d’urgence, de sorte qu’il est fréquent de devoir prendre des décisions sur la base de données fragmentaires, et sans possibilité de mener de longues expérimentations préalables. Cette contrainte, ajoutée à sa forte pluridisciplinarité (Noss, 1999), donne à la biologie de la conservation une dimension parfois subjective, de sorte que certains auteurs y voient davantage un mélange d’art et de science au même titre que la médecine (Soule, 1985). Cette contrainte de l’urgence aura comme conséquence une polarisation durable de la biologie de la conservation sur les milieux à valeur patrimoniale et les espèces rares, qui apparaissent comme les plus menacés à court et moyen terme.

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Table des matières

I. INTRODUCTION GENERALE: CRISE DE LA BIODIVERSITE, PLACE ET INTERET DE LA NATURE ORDINAIRE EN BIOLOGIE DE LA CONSERVATION
A. IMPACT HUMAIN SUR LA BIOSPHERE ET CRISE DE LA BIODIVERSITE
B. L’EMERGENCE DE LA BIOLOGIE DE LA CONSERVATION
C. LES LIMITES DE LA SANCTUARISATION DE LA NATURE
D. L’IMPORTANCE DE LA NATURE ORDINAIRE
E. L’UTILISATION DES ESPECES RARES ET LEURS LIMITES EN TANT QU’INDICATRICES
F. L’INTERET DE L’UTILISATION DES ESPECES COMMUNES DANS LE CADRE DE SUIVIS
G. QUELLE PLACE POUR LA FLORE COMMUNE DANS LES SUIVIS DE BIODIVERSITE ?
H. OBJECTIFS DE LA THESE
II. MATERIEL ET METHODES: COMMENT SUIVRE LES COMMUNAUTES DE PLANTES COMMUNES ? TERRITOIRE D’ETUDE ET PROTOCOLES UTILISES
A. LES SUIVIS DE LA BIODIVERSITE
1. Généralités
a) Utilité des données historiques
b) Utilité et limites des données d’inventaires
2. L’intérêt des suivis quantitatifs des espèces communes
B. PRESENTATION DU TERRITOIRE D’ETUDE
1. Géographie
2. Répartition humaine et occupation du sol
3. Intérêt en tant que modèle d’étude
C. SUIVI DE LA FLORE A LARGE ECHELLE
D. SUIVI DE LA FLORE EN MILIEU AGRICOLE
III. PEUT-ON SE PASSER DES CONNAISSANCES NATURALISTES POUR SUIVRE LA BIODIVERSITE ? TEST D’UNE METHODE ALTERNATIVE : LA PARATAXONOMIE
A. LES METHODES D’EVALUATION RAPIDE DE LA BIODIVERSITE
1. La parataxonomie outil de suivi de la biodiversité ?
2. Controverses autour de la parataxonomie
a) Une concurrente de la taxonomie ?
b) Des informations limitées et biaisées?
c) Une méthode non scientifique?
d) Objectifs de notre étude
B. MANUSCRIT : ON THE USE OF PARATAXONOMY IN BIODIVERSITY MONITORING: A CASE STUDY ON WILD FLORA
C. SYNTHESE ET PERSPECTIVES
1. Nécessité de l’honnêteté scientifique dans l’emploi de la parataxonomie…et de toute autre méthode d’inventaire
2. Nécessité de maintenir et renouveler les savoirs naturalistes
IV. EFFET DES PRESSIONS HUMAINES SUR LES COMMUNAUTES DE PLANTES COMMUNES A LARGE ECHELLE : OCCUPATION HUMAINE ET HOMOGENEISATION BIOTIQUE
A. EFFET DES PRESSIONS HUMAINES SUR LES COMMUNAUTES DE PLANTES COMMUNES: ETAT DES CONNAISSANCES ACTUELLES
1. Origine des données disponibles
2. Les changements documentés
3. L’homogénéisation biotique
a) L’homogénéisation biotique taxonomique
b) L’homogénéisation biotique fonctionnelle
B. MESURER L’HOMOGENEISATION FONCTIONNELLE
1. Notion de spécialisation des espèces
2. Quantification de la spécialisation des espèces
a) Méthodes basées sur l’habitat
b) Méthodes basées sur la co-occurrence entre espèces
C. COMPARAISON DES DIFFERENTS INDICES DE SPECIALISATION CHEZ LES PLANTES
1. Objectifs
2. Matériel et méthodes
a) Origine des données utilisées
b) Calcul des indices
(1) Rareté des espèces
(2) SSI (species specialization index)
(3) IndVal (Indicator value)
(4) Indice de Fridley
c) Étude du lien entre degré de spécialisation et caractéristiques des espèces
3. Résultats et discussion
a) Liens entre les différents indices et la rareté des espèces
b) Comparaison entre l’indice de Fridley et le SSI
c) Quels indices utiliser sur notre jeu de données?
D. ÉTUDE DE L’HOMOGENEISATION TAXONOMIQUE ET FONCTIONNELLE DES ASSEMBLAGES DE PLANTES COMMUNES
1. Objectifs
2. Manuscrit : Functional and taxonomic response of common plant species assemblages to human disturbance (in. prep.)
3. Synthèse, limites et perspectives
V. ETUDE D’UNE PRESSION A L’ECHELLE LOCALE : L’EFFET DES PRATIQUES AGRICOLES SUR LES COMMUNAUTES DE PLANTES COMMUNES 143
A. CONTEXTE DE L’ETUDE : L’IMPACT CROISSANT DE L’AGRICULTURE SUR LA FLORE SAUVAGE
B. MANUSCRIT : LES MESURES AGRO-ENVIRONNEMENTALES FAVORISENT-ELLES VRAIMENT LA BIODIVERSITE ?
C. SYNTHESE, LIMITES ET PERSPECTIVES
VI. CONCLUSION GENERALE

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