Impact du creusement des ouvrages souterrains à faible profondeur en milieu urbain

Principe des essais triaxiaux

   La richesse de l’essai triaxial réside dans le fait qu’il permet d’appliquer une large gamme de pressions de confinement, et de mesurer et/ou de contrôler la pression interstitielle dans l’échantillon, selon la nature de l’essai. Dans les essais classiques, le confinement total est maintenu constant et la contrainte axiale σa est augmentée, à travers la force F(voir Figure 1.3), pour appliquer un déviateur croissant qui induit un cisaillement. Bien que ces essais soient appelés triaxiaux, en réalité, ils ne sont que biaxiaux vu que deux contraintes principales sont toujours égales à la pression de confinement sur l’éprouvette cylindrique. Des essais “triaxiaux vrais” sont réalisés sur des éprouvettes cubiques (Lanier, Di Prisco, & Nova, 1991) ou des cylindres creux (Monfared et al., 2011). Les essais triaxiaux sont réalisés selon la norme NF P94-074 (Sols : reconnaissance et essais – Essais à l’appareil triaxial de révolution). Celle-ci décrit les procédures de préparation des éprouvettes et de déroulement des essais. Les différents types d’essai triaxiaux classiques sont :
— essai non consolidé non drainé UU,
— essai consolidé non drainé CU,
— essai consolidé drainé CD.
Dans l’essai triaxial de type UU, l’éprouvette subit directement un cisaillement non drainé sous un confinement donné sans une phase de consolidation même pas pour la saturation. Ce type d’essais doit être donc réalisé sur des échantillons proches de la saturation. Cette démarche risque d’induire des valeurs trop faibles de la cohésion non drainée s’il s’avère que l’échantillon est initialement non saturé. Dans l’essai CU, une phase de consolidation a lieu après la saturation sous contre pression et le chargement est réalisé en conditions non drainées avec mesure de la pression interstitielle u. Cette dernière mesure permet d’accéder à la pression moyenne effective à partir des contraintes totales. Au cours des essais CD, le robinet de drainage est ouvert et le volume d’eau sortant est mesuré pour avoir la déformation volumique au lieu de la pression interstitielle. Ces derniers essais exigent une vitesse de cisaillement assez faible pour assurer un drainage effectif et avoir une bonne estimation des déformations volumiques. Pour les sols peu perméables, notamment les argiles, ce type d’essais dure plusieurs jours à plusieurs semaines selon le niveau de contraintes à atteindre et la nature du sol. Les résultats des essais sont présentés en utilisant les invariants du tenseur de contraintes effectives σ=. Pour un essai triaxial, la contrainte moyenne effective et le déviateur sont exprimés en fonction des contraintes totales radiale et axiale (σr et σa) tels que p = (2σr + σa)/3 − u et q = σa − σr où u est la pression interstitielle qui est nulle pour les essais drainés. En termes de déformations, on utilise la déformation axiale εa mesurée par un comparateur et la déformation volumique εv mesurée à partir de la variation du volume de l’eau contenue dans l’échantillon dans le cas des essais drainés. Avec la cellule triaxiale classique, on peut réaliser des chemins de chargement particuliers tels que des chemins à rapport de cisaillement q/p constant ou à pression moyenne constante. Les essais à contrainte moyenne constante sont moins courants que les essais à confinement constant à cause des contraintes techniques, comme la modification synchronisée des contraintes axiale et de confinement. Cependant, ce type d’essais offre un grand avantage de maintenir les déformations volumiques élastiques constantes. Les déformations volumiques mesurées sont donc directement les déformations volumiques plastiques. Ces essais ont été réalisés dans le cadre de ce travail pour reproduire un chemin de cisaillement pur assez proche du chemin de contraintes particulier autour du tunnel lors de son excavation.

Essais triaxiaux consolidés drainés

   La réponse du sol à un essai triaxial consolidé drainé est analysée à travers des données documentées de la littérature. Par exemple, les résultats des essais réalisés par Sultan, Cui, et Delage (2010) sur l’argile de Boom sont donnés dans la Figure 1.6a. Les échantillons ont d’abord subi une compression isotrope jusqu’à 9 MPa avant une compression triaxiale à différents confinements. L’essai réalisé à un confinement σc = 5 MPa présente une réponse d’un sol légèrement surconsolidé avec un OCR = 1.8 tandis que la réponse d’un échantillon fortement surconsolidé est présentée par l’essai avec un confinement σc = 0.9 MPa pour un OCR = 10. Pour comparaison, les résultats d’essais de compression triaxiale réalisés sur l’argile de Weald par A. W. Bishop (1957) à différents OCR sont présentés dans la Figure 1.6b. Les résultats des essais des deux argiles montrent que la réponse dépend du degré de consolidation. Le comportement d’un échantillon normalement consolidé (OCR = 1) ou légèrement surconsolidé (OCR = 1.8) est durcissant avec une contractance en termes de déformations. On note que selon la convention adoptée de la mécanique des sols, la contractance représente une diminution du volume de l’échantillon et une augmentation de la déformation volumique. En revanche, la réponse d’un échantillon surconsolidé exhibe une dilatance après une phase de contractance. Cette variation de la nature des déformations volumiques est accompagnée par un radoucissement dans le cas de l’argile de Boom et un plateau qui diminue légèrement pour l’argile de Weald. Une idéalisation de ces observations expérimentales a été proposé par Roscoe, Schofield, et Wroth (1958). La réponse d’un sol normalement consolidé (OCR = 1) ou peu surconsolidé (OCR ≤ 2) à un cisaillement en compression triaxiale est caractérisée par une diminution du volume ou une contractance tout le long de l’essai, tandis que pour un sol surconsolidé, une première phase de contractance est suivie par une phase de dilatance sous cisaillement triaxial. La phase de contractance dans la réponse en déformations est accompagnée par un écrouissage positif (durcissement) alors que la phase de dilatance correspond à un écrouissage négatif (radoucissement).

Synthèse sur les observations expérimentales

   Les observations expérimentales montrent une dépendance directe entre la réponse du sol et son historique de chargement. Les sols denses sous de grandes pressions ont une réponse similaire aux sols lâches sous de petites pressions. Comme les contraintes ne sont pas suffisantes pour reproduire cette réponse, une autre variable d’état doit être introduite. L’identification d’au moins une variable d’état, en plus des paramètres intrinsèques du matériau, est alors nécessaire pour intégrer l’influence de l’historique du chargement du sol. Idéalement, la variable d’état choisie doit avoir une signification physique tout en pouvant être mesurée par un essai donné. L’état de consolidation des argiles est caractérisé par la pression de pré-consolidation, étant directement la plus grande pression effective que le sol a subi durant son histoire.  Par ailleurs, la nature de la réponse contractante ou dilatante dépend du rapport entre la pression moyenne appliquée et sa pression de pré-consolidation (OCR). Pour intégrer ces caractéristiques dans un modèle de comportement, l’une des possibilités est de considérer une relation entre l’indice des vides et une pression moyenne caractéristique pour les argiles (Hvorslev, 1961). En outre, la variation de la réponse du sol en déformation d’un comportement contractant à un comportement dilatant indique que la variable caractérisant l’historique de chargement du sol doit être liée à une variable cumulative. L’approche la plus courante est de relier les déformations volumiques plastiques à la pression de pré-consolidation (Roscoe et al., 1958). De plus, la prise en compte de l’historique du chargement sans l’intégration de l’existence de l’état critique serait erronée (Wood, 1990) ou du moins ne représenterait pas la nature de la réponse du sol. L’étude du comportement du sol à partir d’essais triaxiaux montre que la réponse du sol converge vers un état asymptotique où le rapport des contraintes η = q/p devient constant. Il est d’usage de caractériser cet état dans le plan (p − q) par la droite de l’état critique dont la pente est notée M. L’idéalisation des observations expérimentales dans le cadre de la théorie de l’état critique est illustrée dans la Figure 1.10. Elle donne la réponse idéalisée de deux essais drainés, sur le même sol, avec la même pression de pré-consolidation initiale et deux confinement différents. La surface de charge initiale est identique pour les deux échantillons si elle ne dépend que de la pression de pré-consolidation initiale. L’essai numéro 1 étant un essai très surconsolidé, exhibe un comportement radoucissant après un pic de résistance accompagné par une contractance suivi d’une dilatance qui est une augmentation du volume de l’échantillon. Au contraire, l’essai numéro 2, représentant un échantillon peu surconsolidé, montre un comportement durcissant tout en étant contractant durant tout l’essai. A partir de l’ensemble de ces observations, la dépendance de l’historique de chargement et le concept de l’état critique doivent être pris en compte lors de l’élaboration de lois de comportement capables de correctement simuler les essais triaxiaux classiques. Nous allons d’abord commencer par étudier les lois de comportement utilisés actuellement non seulement pour la reproduction des essais de laboratoire mais spécialement pour l’application à la modélisation du creusement de tunnels.

Modèles à une surface de charge

   Les premiers modèles avec une seule surface de charge sont les modèles élastiques parfaitement plastiques associés se basant sur les critères classiques utilisés en géotechnique (par exemple Mohr-Coulomb et Drucker-Prager). La réponse de ce type de modèles à l’échelle du laboratoire n’est pas satisfaisante. Bien qu’ils permettent de simuler la résistance ultime pour les essais de cisaillement, la non linéarité du comportement n’est pas simulée et les déformations volumiques sont sur-estimées surtout si la règle d’écoulement est associée. La limite principale de ces modèles est que leur surface de charge est ouverte. Ceci implique qu’ils supposent que la résistance du sol en compression isotrope est infinie. Plusieurs auteurs ont proposé des améliorations à ces modèles pour des applications en géotechnique. Par exemple, Doherty et Wood (2013) proposent d’ajouter un mécanisme d’écrouissage déviatorique au modèle de Mohr-Coulomb et une règle d’écoulement non associée pour mieux prévoir les tassements de fondations superficielles dans le sable. Cette extension du modèle de Mohr-Coulomb a été utilisée par (Dong & Anagnostou, 2014) pour la simulation du creusement d’un tunnel très profond en conditions non drainées. Ils avaient conclu que l’apport de ce modèle pour la simulation de déplacements n’était pas significatif par rapport au modèle de Mohr-Coulomb classique. Pour les sols argileux, il a été établi que leur réponse est mieux simulée avec la théorie de l’état critique avec une surface de charge fermée (Wood, 1990). Dans ce contexte, le prototype des modèles de comportement est celui de Cam-Clay Modifié (Roscoe et al., 1958) que l’on va noter MCC (Modified Cam Clay) par la suite. Il compte cinq paramètres et sa formulation est présentée en détail dans la partie 1.4.4. C’est un modèle avec écrouissage volumique qui présente le défaut de surestimer la résistance en cisaillement d’un sol surconsolidé (Gens & Potts, 1988) avec une amplification de la dilatance (Lagioia & Potts, 1988). Une estimation réaliste de la résistance au cisaillement pour les argiles surconsolidées peut être obtenue en modifiant la formulation du modèle MCC d’un seul côté de la droite de l’état critique (J. Chen, 2017) ou en modifiant sa surface de charge. En ajoutant trois paramètres par rapport au modèle MCC, Yu (1998) propose le modèle “Clay and Sand Model” (CASM). Ce modèle élastoplastique corrige la surestimation de la résistance et améliore la simulation de la dilatance dans le cadre de la théorie de l’état critique.

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Table des matières

Introduction
1 Modélisation du comportement des sols 
1.1 Introduction
1.2 Observations expérimentales
1.2.1 Principe de l’essai œdométrique
1.2.2 Principe de la compression isotrope triaxiale
1.2.3 Principe des essais triaxiaux
1.2.4 Compressibilité du sol
1.2.5 Essais triaxiaux consolidés drainés
1.2.6 Essais triaxiaux consolidés non drainés
1.2.7 Essais avec des cycles de chargement-déchargement
1.2.8 Synthèse sur les observations expérimentales
1.3 Modélisation du comportement mécanique d’un sol
1.3.1 Caractéristiques du comportement des sols à prendre en compte
1.3.2 Contexte historique
1.3.3 Principes fondamentaux
1.3.4 Modèles élastoplastiques classiques
1.3.5 Modèles avec une surface frontière
1.3.6 Modèles incrémentalement non linéaires
1.3.7 Synthèse
1.4 Formulation théorique
1.4.1 Compression isotrope
1.4.2 Réponse élastique
1.4.3 Surface de charge et règle d’écoulement généralisées
1.4.4 Modèle de Cam-Clay modifié
1.4.5 Modèle unifié pour l’argile et le sable (CASM)
1.4.6 Modèle proposé
1.4.7 Synthèse des modèles étudiés
1.5 Simulation d’essais triaxiaux
1.5.1 Essais triaxiaux non drainés
1.5.2 Essais triaxiaux drainés . 45
1.5.3 Essais triaxiaux à chemin de contraintes contrôlé
1.6 Implémentation d’une loi de comportement incrémentale
1.6.1 Loi incrémentale générale
1.6.2 Loi élastoplastique
1.6.3 L’algorithme proposé
2 Application au creusement de tunnels 
2.1 Introduction
2.2 Méthodes de creusement de tunnels
2.2.1 Méthode conventionnelle
2.2.2 Creusement au tunnelier
2.3 Observations expérimentales
2.3.1 Observations sur des modèles réduits
2.3.2 Observations sur des tunnels à grandeur réelle
2.4 Méthodes de prédiction des déplacements induits
2.4.1 Méthodes empiriques
2.4.2 Méthodes analytiques
2.4.3 Modélisations numériques
2.5 Simulation mécanique du creusement d’un tunnel en 2D
2.5.1 Modèle et géométrie
2.5.2 Résultats
2.5.3 Synthèse
2.6 Simulation mécanique du creusement d’un tunnel en 3D
2.6.1 Modèle numérique
2.6.2 Effet du choix de modélisation du tunnelier
2.6.3 Effet de l’écrouissage déviatorique
2.7 Synthèse sur les résultats des simulations numériques
2.8 Simulation hydromécanique du creusement d’un tunnel
2.8.1 Formulation du couplage hydromécanique
2.8.2 Caractéristiques des simulations
2.8.3 Résultats
2.8.4 Synthèse
2.9 Application à un tunnel du Grand Paris
2.9.1 Présentation du tunnel étudié
2.9.2 Modèle numérique
2.9.3 Résultats
2.10 Conclusions
Conclusion et perspectives

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