Impact des proliférations macrophytiques

Les macrophytes aquatiques d’eau douce forment au sein des hydrosystèmes continentaux un compartiment fonctionnel de premier ordre aux fonctions variées. Ce compartiment assure des fonctions majeures dans les cycles biogéochimiques et la productivité du milieu car cet espace constitue une zone d’interface clé. Les macrophytes sont des végétaux aquatiques, ou semi-aquatiques, le plus souvent enracinés dans le sédiment, et constituent un substrat et un espace de vie privilégié pour de nombreux micro- et macro-organismes. En raison des traits de vie et aptitudes physiologiques de certaines espèces de macrophytes, celles-ci sont en capacité d’exploiter les ressources disponibles du milieu afin de prospérer et de se développer, causant parfois des phénomènes de proliférations. Ces derniers sont amplifiés par des conditions trophiques détériorées, souvent caractérisées par des phénomènes d’hypertrophie, alimentés par des apports en nutriments largement en excès dans le milieu. De plus en plus, les nutriments ne représentent plus le facteur limitant la croissance des macrophytes, ce dernier étant remplacé par des phénomènes de compétition pour l’espace ou pour d’autres ressources comme la lumière.

Définition et contour du sujet 

Les macrophytes aquatiques

Les recherches faites sur le sujet traité dans ce rapport concernent uniquement les macrophytes aquatiques. Il convient donc dans un premier temps de définir clairement ce terme et d’identifier les différentes nuances portées par les différentes définitions apportées au fil des années.

En 1977, HOLMES & WHITTON se penchent sur l’étude de végétaux aquatiques macroscopique, observables à l’œil nu et facilement identifiables à l’observation. C’est ainsi qu’ils définissent les macrophytes aquatiques. Cette définition est essentiellement portée sur la taille de l’organisme sans aucune distinction d’ordre taxonomique. Plus tard, WIEGLEB (1988) apporte une nuance liée à la caractéristique aquatique du milieu et précise les taxa concernés : « les macrophytes aquatiques désignent des végétaux macroscopiques se développant entièrement ou partiellement dans un milieu aquatique ». L’auteur propose également plusieurs classifications permettant de distinguer les macrophytes aquatiques du reste des végétaux aquatiques :
• On peut distinguer les macrophytes par leur appartenance à différents groupes taxinomiques. En effet nous trouvons aussi bien des phanérogames (Ranunculus, Potamogeton…), que des bryophytes (Fontinalis, Cinclidotus…), des ptéridophytes (Azolla), et des algues filamenteuses (Cladophora), le cas des colonies de cyanobactéries (Oscillatoria sp.) étant controversé.
• La classification peut aussi être définie suivant l’écologie des macrophytes. LUTHER (1949) classe ainsi les macrophytes en plusieurs groupes : haptophytes (végétaux attachés mais ne pénétrant pas le substrat), rhizophytes (plantes possédant des structures basales qui pénètrent le substrat) et planophytes (espèces flottant librement).

Ces dénominations apparaissent cependant désuètes et HAURY (1992) propose une classification synthétique de ces types éco-morphologiques en prenant en compte les relations entre la morphologie des végétaux, les conditions de submersion et leur relation au substrat. Trois grandes entités éco-morphologiques sont alors définies :
• Les hélophytes (Figure 1-A), composée par les plantes dont les racines et la base de la tige se trouvent presque constamment immergées mais dont les feuilles et les inflorescences s’élèvent au-dessus de l’eau.
• Les hydrophytes (Figure 1-B), comprenant les espèces totalement submergées (se reproduisant dans l’eau) ou ayant des feuilles flottantes (développant leur appareil végétatif dans la colonne d’eau ou à sa surface). Ces dernières peuvent être ancrées au fond ou flotter librement (captant directement les nutriments dans l’eau).
• Les amphiphytes (Figure 1-C), pouvant supporter les deux types de conditions, c’està-dire, se développer aussi bien sur la terre que dans l’eau.

Système aquatique concerné : les grandes rivières

Ce rapport s’intéresse aux macrophytes évoluant en milieux aquatiques continentaux courants, les plus en aval des hydrosystèmes : les grandes rivières. Il est important de préciser les notions physiques, hydrologiques et biologiques sous-entendues par ce terme générique aux limites imprécises. En effet, plusieurs définitions et typologies des cours d’eau ont été proposées au cours du temps, en se basant le plus souvent sur gradient unidirectionnel amont-aval. Une typologie est proposée par STRAHLER en 1957, basée sur la relation des cours d’eau au sein d’un réseau, en leur attribuant un coefficient d’ordination. Le principe est simple : deux tronçons de même ordre (n) qui se rejoignent forment un tronçon d’ordre supérieur (n+1), tandis qu’un segment qui reçoit un segment d’ordre inférieur conserve le même ordre (Figure 2).

Nous considérerons dans ce rapport comme « grandes rivières », les cours d’eau ayant un coefficient de drainage supérieur à 5 . AMOROS & PETTS (1993) introduisent un gradient longitudinal fondé sur les caractéristiques géomorphologiques et écologiques des cours d’eau, aboutissant à une typologie en trois secteurs :
• La zone de production des alluvions dans la partie supérieure des cours d’eau (forte pente, faible largeur et faible débit mais fort courant, phénomènes d’érosion très importants)
• La zone de transfert : transfert de l’eau et des matériaux vers l’aval (la pente et les vitesses diminuent, la largeur et le débit augmentent)
• La zone de stockage des matériaux transportés : elle présente classiquement une très faible pente qui provoque un ralentissement des écoulements, des dépôts de matériaux, formant de larges plaines alluviales.

D’autres typologies ont été proposées, et notamment basées sur la faune piscicole des cours d’eau, et ont permis d’en établir une typologie associée aux cortèges présents et relié aux grandeurs physiques du cours d’eau. Ainsi HUET (1949) présente une classification en considérant que des cours d’eau présentant la même largeur, la même profondeur et des pentes similaires ont des populations piscicoles comparables. De l’amont à l’aval, nous retrouvons les zones à truites, à ombres, à barbeaux et à brèmes. Les « grandes rivières » concernent les zones les plus en aval, c’est à dire les zones à barbeaux et à brèmes. En France, il n’existe aucune zonation des cours d’eau basée sur les macrophytes aquatiques, probablement pour des raisons économiques (en comparaison à l’attrait général pour les espèces piscicoles). Cependant, des travaux réalisés en Angleterre (HOLMES et al.,1998) ont proposés une classification des cours d’eau britanniques à partir des macrophytes. Cette classification aboutit à la formation de quatre groupes principaux, de A à D, représentant un gradient allant des rivières des plaines eutrophes à celles de tête de bassin, essentiellement torrentielles et oligotrophes. Cependant, la transposition avec les cours d’eau français n’apparait pas évidente. En effet, les dimensions des cours d’eau britanniques utilisés pour caractériser les cours d’eau les plus en aval dépassent rarement 20 m de large et 1 m de profondeur. Ces dimensions sont très inférieures à celles des grands cours d’eau des plaines françaises.

Impact des proliférations macrophytiques 

Définition du terme prolifération cette partie est à mettre en I

Le terme de prolifération est communément employé pour décrire des développements jugés excessifs d’espèces végétales ou animales. PARENT (1991) définie ce terme pour les espèces végétales comme étant « l’apparition d’une production surnuméraire » d’un organisme qui en est alors initialement dépourvu. ROBERT (1971) oriente sa définition sur le cycle de vie des organismes et plus particulièrement sur la « multiplication rapide des êtres vivants ». Selon ce même auteur, la prolifération est alors synonyme de « se multiplier en abondance, […] pulluler ». Cependant, cette définition est dotée d’une connotation assez négative, puisque l’auteur l’emploi pour des espèces exotiques à caractère envahissant. Le Groupement d’Intérêt Scientifique Macrophytes (1997) définit les proliférations comme étant des phénomènes caractérisés par leur dynamique de population : « une plante proliférante est une espèce occupant rapidement un site donné, en colonisant les habitats disponibles, souvent au détriment des espèces présentant une moindre vitalité ». Il y a également derrière cette définition une notion d’extension de l’aire de répartition biogéographique d’une espèce, indiquant une progression spatiale.

Sur le compartiment physique

Modification des paramètres hydrauliques

Les processus de prolifération des macrophytes conduisent à la formation d‘herbiers, souvent denses, pouvant être considérés comme des entités relativement homogènes du point de vue de l’organisation ou de la structure, mais surtout au regard de la cohérence hydraulique (SAND-JENSEN & PEDERSEN, 1999). LUHAR et al. (2008) suggèrent que la meilleure unité d’étude et de prise en compte de l’impact des herbiers sur les écoulements est la surface frontale d’herbier développée par unité de volume. Une étude (CHAMION & TANNER, 2000) menée sur des cours d’eau de plaine de Nouvelle-Zélande a montrée qu’en période d’étiage, les herbiers de macrophytes ont eu un impact majeur sur les vitesses d’écoulement au sein du chenal. En effet, les auteurs ont estimés une réduction des vitesses d‘écoulement de 41 % en moyenne. Aussi, il a été mis en évidence la relation linéaire positive entre la rugosité du lit (coefficient de rugosité de Manning) et l’abondance relative de macrophytes. Cependant, les modèles de calcul de cet effet de résistance joué par les macrophytes évoluent constamment du fait de la complexité d’intégration de multiples paramètres et en raison du contraste entre conditions théoriques en laboratoire et conditions in-situ. GREEN (2005) a développé un modèle prédictif de la résistance à l’écoulement engendré par les herbiers de macrophytes, en prenant en compte la taille des macrophytes, leurs propriétés structurales (agencement, résistance, rigidité…), leur emplacement dans le canal et des conditions d’écoulement local. Ce modèle théorique démontre que la relation entre la résistance à l’écoulement du canal et la proportion du canal occupé par des macrophytes est non linéaire, contrairement à ce qui était avancé par CHAMPION & TANNER (2000). Selon l’étude de GREEN, le paramètre déterminant concernant la résistance à l’écoulement est la répartition spatiale des macrophytes au sein du chenal. Pour étudier cette résistance, l’auteur décrit la relation chenal-résistance au travers de trois « facteurs d’obstruction ». Le premier intègre l’obstruction en coupe transversale et représente la fraction de la section occupée par les macrophytes. Le second facteur est un facteur de surface, symbolisé par la proportion de la surface horizontale occupée par les macrophytes. Enfin, le dernier facteur est lui volumétrique. Il représente la fraction du volume du chenal contenant des macrophytes. Ces trois facteurs ont été comparés à l’aide de mesures de terrain effectuées sur trente-cinq sites contenant l’espèce Ranunculus fluitans. Les résultats sont sans appel et indiquent une relation linéaire positive entre chaque facteur d’obstruction et le coefficient de résistance de Manning.

L’étude de JENSEN & PEDERSEN (1999), s’intéresse à l’évolution de la vitesse du courant et la turbulence engendrée par les herbiers de macrophytes (basée sur trois espèces : Callitriche cophocarpa, Elodea canadensis et Sparganium emersum). Les auteurs ont observés dans un premier temps une constance de la vitesse d’écoulement au sein des « canopées » de macrophytes. De façon logique, c’est au niveau de la surface des herbiers que les profils de vitesse sont abrupts avec une baisse significative de la vitesse d’écoulement au niveau de cette interface. Cependant les auteurs relèvent la présence de profils de vitesse moins escarpés pour une des espèces étudiées. Cette différence de pente des profils de vitesse est due à la structure formée par les macrophytes au niveau de la périphérie de la canopée : certaines espèces de macrophytes forment une structure de blindage, densément ramifiée et avec des valeurs de biomasse élevée. Alors que d’autres espèces forment des canopées plus « ouvertes », avec une biomasse plus homogène et distribuée tout le long de la structure végétale. Cette étude analyse également un autre paramètre influencé par la présence des herbiers de macrophytes : la turbulence. Les auteurs concluent que ce paramètre augmente proportionnellement avec la vitesse moyenne de l’écoulement. Cependant, la relation vitesse moyenne-turbulence est plus ou moins forte selon l’espèce considérée (influence de la morphologie et la structure végétale). Les herbiers de macrophytes ont donc un impact fort sur les vitesses d’écoulements dans les cours d’eau puisqu’ils engendrent de fortes diminutions des vitesses et une dissipation des turbulences. Ce constat engendre d’autres conséquences assez évidentes. En effet, puisque les herbiers sont des éléments contraignants les écoulements, leur présence va logiquement entrainer une rehausse de la ligne d’eau (DAWSON & KERN-HANSEN, 1979). Cette variation du niveau d’eau a déjà posé des problèmes et notamment en rompant la relation débit-hauteur d’eau (tarage) au niveau de plusieurs stations de mesure de débit (SURUGUE, 1997).

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Table des matières

Introduction
I. Définition et contour du sujet
1. Les macrophytes aquatiques
2. Système aquatique concerné : les grandes rivières
II. Impact des proliférations macrophytiques
1. Définition du terme prolifération
2. Sur le compartiment physique
a. Modification des paramètres hydrauliques
b. Rétention des sédiments fins
c. Réduction de la bande active
d. Barrière pour la lumière
e. Modification de la température
3. Sur le compartiment chimique
a. Processus chimiques dans les sédiments accumulés
b. Modification des cycles chimiques de l’eau
c. Absorption et relargage d’éléments dans la colonne d’eau
4. Sur la biodiversité
a. Rétention des sédiments fins
b. Modification des paramètres hydrauliques
c. Les herbiers constituent un habitat
5. Sur les usages
a. Colmatage des prises d’eau
b. Dévalorisation des cours d’eau
c. Perturbation des activités de loisirs
Conclusion
Bibliographie

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