Impact de l’urbanisation sur l’hydrologie

Impact de l’urbanisation sur l’hydrologie

A l’échelle locale du processus hydrologique

En considérant des surfaces artificielles imperméabilisées, les zones urbaines ont des impacts hydrologiques assez visibles localement (Figure 1-2) :
1. Réduction de la capacité à infiltrer et à stocker les eaux précipitées, ce qui entraîne un ruissellement de surface accru ;
2. Diminution du couvert végétal, ce qui limite l’interception et l’évapotranspiration (Weng et Lu, 2008) ;
3. Compactage et mise à nu des sols (Booth et al., 2002), ce qui peut augmenter l’érosion des versants.

Les études passées ont souvent focalisé leurs analyses de l’impact de l’urbanisation sur le ruissellement à l’échelle locale, des toits et des routes (Hollis et Ovenden, 1988; Li, 2015). Ramier et al (2011) ont étudié les impacts des surfaces imperméabilisées de deux rues à Nantes (France) sur une période de 38 mois. Leur résultat a montré une augmentation du ruissellement avec l’urbanisation dans leur zone d’étude. Si ces effets locaux peuvent être mesurés et sont assez bien compris, la généralisation aux plus grandes échelles est complexe. L’hétérogénéité des caractéristiques hydrodynamiques des surfaces urbaines rend complexe ce changement d’échelle. Ceci est aussi lié à l’organisation des réseaux hydrographiques (naturels ou anthropisés) (Vrebos et al., 2014). Walsh et Kunapo (2009) ont par exemple montré que les impacts des surfaces imperméabilisées sont atténués quand elles ne sont pas à proximité des rivières.

A l’échelle du bassin versant

La difficulté de généraliser les connaissances acquises sur les processus à l’échelle locale à des échelles plus grandes, telles que celle du bassin versant a encouragé certains auteurs à travailler directement sur l’impact de l’urbanisation à cette échelle, en analysant les débits à l’exutoire des bassins urbains. L’urbanisation dans un bassin versant peut produire des changements importants dans le cycle naturel de l’eau, changements dus essentiellement au fait que les sols perméables ont été recouverts par des surfaces moins perméables. Les conséquences de cette urbanisation peuvent être importantes et sont multiples. Les effets peuvent être purement quantitatifs (par exemple des quantités d’écoulement et des inondations accrues en aval (McMahon et al., 2003)), qualitatifs (par exemple une pollution accrue des milieux récepteurs (Hammer, 1972)) ou géomorphologiques (par exemple des modifications de la morphologie des cours d’eau (Pizzuto et al., 2000)). Bien que nombreux et localement bien renseignés, ces impacts restent difficiles à généraliser et les résultats de la littérature sont assez disparates lorsque l’on s’intéresse aux caractéristiques hydrologiques à l’échelle spatiale du bassin versant de quelques dizaines à quelques centaines de km².

Compte tenu de la diversité des impacts de l’urbanisation, un grand nombre de caractéristiques hydrologiques des bassins versants ont été analysées pour quantifier l’impact de l’urbanisation (voir par exemple Braud et al., 2013).

A partir des changements d’occupation du sol, il y a trois effets interdépendants mais séparables sur les réponses hydrologiques d’un bassin versant : les changements de haut débit, de bas débit et de débit moyen (Leopold, 1968). Le Tableau 1-1 présente un résumé non exhaustif des caractéristiques souvent utilisées dans la littérature. Ces caractéristiques peuvent être estimées à de multiples échelles temporelles (l’échelle de l’évènement, saisonnière, annuelle ou pluriannuelle).Par la suite, nous listons succinctement les études portant sur l’impact de l’urbanisation sur ces trois caractéristiques (haut débit, bas débit, débit moyen).

Haut débit
De nombreuses caractéristiques sont utilisées pour caractériser les hauts débits. Ces caractéristiques peuvent être estimées à partir de l’analyse des évènements de crue (temps de réaction du bassin, pointe de crue, etc. cf. l’hydrogramme schématique de la Figure 1-3) ou sur des caractéristiques fréquentielles de la distribution des débits (débit maximal annuel, ajustements sur les distributions des débits maximaux annuels permettant de caractériser les crues pour des périodes de retour données, quantile à 95% de la distribution des débits, etc) (Tableau 1-1). L’analyse peut reposer sur une séparation préalable de l’écoulement en une composante lente et rapide. L’évolution de la proportion de l’écoulement rapide annuel peut alors être analysée de la même façon que les autres caractéristiques des débits de crue.

L’impact de l’urbanisation sur les débits de crue est étudié depuis longtemps (voir par exemple les travaux Espey Jr et al (1966)). Les travaux sur la question rapportent en général que l’imperméabilisation dans la zone urbaine augmente le débit de pointe du fait du raccourcissement de la durée de l’hydrogramme et de la diminution de son amortissement (Chocat, 1997). De nombreuses études ont montré qu’entre l’urbanisation et les débits de pointes une corrélation positive pouvait être établie (McMahon et al., 2003; Braud et al., 2012). Rose et Peters (2001) ont étudié les caractéristiques de l’hydrogramme moyen annuel sur plus de 38 ans et sur deux bassins : un bassin fortement urbanisé et un autre moins urbanisé dans la région d’Atlanta. Une augmentation du débit de pointe a été constatée pour le bassin urbanisé par rapport au bassin non-urbain. Sheeder et al. (2002) ont trouvé un doublement du débit de pic dans les hydrogrammes en zone urbaines qu’ils attribuent notamment à la localisation spatiale de l’urbanisation. Si l’impact de l’urbanisation sur les hauts débits est bien renseigné, la quantification a priori de cet impact reste délicate. La notion de seuil d’urbanisation à partir duquel ces impacts sont quantifiables est aussi une question qui reste ouverte aujourd’hui, ce qui est en partie dû au fait que les études passées se sont focalisées en général sur un ou quelques bassins versants.

Bas débit
Dans les milieux naturels, les débits d’étiage sont dépendants de la présence d’aquifères sousjacents. Dans les milieux anthropisés, ces débits d’étiage sont également liés à la présence de stations d’épuration rejetant les effluents dans le réseau hydrographique ainsi qu’à la présence de retenues. Plusieurs caractéristiques sont utilisées pour déterminer les débits d’étiage (cf. Tableau 1.1). On peut distinguer deux catégories de caractéristiques :

➤ Les statistiques sur le débit à l’exutoire. Ces estimations peuvent être des débits caractéristiques utilisés pour la gestion de l’eau, tels que le débit minimum mensuel (QMNA) et le débit minimum sur 10 jours (VCN10), ou alors des débits caractérisant la queue de distribution des débits (en général journaliers), tel que le quantile à 5% ;
➤ Les statistiques sur le débit de base, déterminé par des modèles conceptuels permettant de séparer l’écoulement en un écoulement lent (dit écoulement de surface). Le débit de base correspond à la composante du débit produit pendant les périodes sans précipitation, par vidange des nappes souterraines, des réserves du bassin et du stock neigeux. Le débit de base est naturellement influencé par plusieurs facteurs géomorphologiques du bassin (par exemple : la surface, la forme, le réseau hydrographique) ainsi que géologiques (perméabilité du sol, profondeur de la nappe). Cependant, ce débit de base ne peut pas être mesuré directement et l’hydrologue utilise alors des approches géochimiques ou de traitement du signal (Hingray et al., 2009) en faisant l’hypothèse que le débit de base correspond à la composante basse fréquence du débit observé à l’exutoire du bassin.

En plus de l’effet des retenues ou de stations d’épuration sur les débits de base, le changement d’occupation du sol et les travaux ou aménagements en surface peuvent être à l’origine d’une modification du débit de base. Il est souvent admis que l’augmentation de la surface imperméabilisée diminue l’infiltration, la recharge des aquifères et, finalement, le débit de base. Plusieurs études ont en effet montré que l’urbanisation diminue l’écoulement de base (Rose et Peters, 2001; Meyer et Wilson, 2002; Kauffman et al., 2009; Rozell, 2010). Rose et Peters (2001) ont constaté que la diminution du débit de base est liée à l’augmentation des surfaces imperméabilisées dans les zones urbaines de la région d’Atlanta (Géorgie, EtatsUnis). Les études réalisées à New York, en Géorgie et dans l’Oregon ont également montré qu’une réduction du débit de base est associée à l’urbanisation (Siriwardena et al., 2006). Konrad et Booth (2002) ont obtenu des conclusions différentes sur le débit de base dans les bassins de Puget Sound de Washington. Ils ont montré que le débit de base peut augmenter quand la densité des routes passe de 6% à 10%. De même, Harris et Rantz (1964) ont observé une augmentation du débit de base annuel pour les zones urbaines. Une augmentation du débit de base a également été observée dans les bassins versants de Harlow (Grande Bretagne) et dans le sud de la ville de New York (Hollis, 1977; Burns et al., 2005). En conclusion, il n’y a pas de consensus sur le changement du débit de base lorsque l’urbanisation évolue (Tableau 1-2). La hausse du débit de base pourrait être due à l’augmentation de la fuite des infrastructures d’approvisionnement en eau, de l’irrigation des espaces verts urbains ou de la diminution de l’évapotranspiration due à la réduction de la couverture végétale (Meyer et Wilson, 2002; Brandes et al., 2005; Poff et al., 2006).

Débit moyen

L’impact de l’urbanisation sur le débit moyen est plus difficile à appréhender d’un point de vue des processus hydrologiques mis en jeu. Nous avons vu aux paragraphes précédents que l’urbanisation augmentait en général les débits de crue et pouvait diminuer les débits de base. Cette redistribution de l’écoulement peut ne pas avoir d’impact sur le débit moyen annuel. Les processus pouvant impacter le débit moyen (et donc le bilan hydrique d’un bassin versant) sont liés :

♦ à la diminution de l’évapotranspiration en milieu urbain même si cela est encore assez peu étudié ;
♦ à des transferts d’eau inter-bassins pour la gestion de l’eau (réseaux d’eau potable et/ou réseaux d’eaux usées).

En conséquence, les études portant sur l’impact de l’urbanisation sur le débit moyen sont assez peu nombreuses par rapport aux études sur les débits d’étiage et de crue, et renvoient des informations assez contrastées. DeWalle et al. (2000) ont déterminé l’effet combiné des changements climatiques et de l’urbanisation sur le débit moyen annuel sur cinquante années dans quatre régions aux Etats-Unis. Ils ont développé des modèles de régression linéaire entre le débit moyen annuel et la densité de population. Ils ont constaté que la densité de population est positivement corrélée avec le débit moyen annuel pour 28% des bassins. Leurs résultats sont proches de ceux obtenus par Konrad and Booth (2005) qui ont comparé les évolutions des caractéristiques de débit de 13 bassins versants (huit bassins urbanisés et cinq bassins de référence non-urbanisés) aux États-Unis. Cependant, Booth et al. (2004) ont comparé six bassins versants urbains du Delaware aux Etats Unis et leurs résultats ont montré que l’urbanisation peut également diminuer significativement le débit moyen annuel. Ce débit moyen annuel peut diminuer ou rester constant (Konrad et Booth, 2005) avec une urbanisation qui conduit à la redistribution temporelle de l’écoulement.

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Table des matières

Introduction générale
Contexte général
Problématique et questions scientifiques associées
Organisation du mémoire
1. Contexte scientifique
1.1. Introduction
1.2. Impact de l’urbanisation sur l’hydrologie
1.2.1. A l’échelle locale du processus hydrologique
1.2.2. A l’échelle du bassin versant
1.3. L’urbanisation d’un point de vue hydrologique
1.3.1. Indicateurs quantitatifs pour caractériser l’urbanisation
1.3.2. La fragmentation des surfaces urbaines
1.3.3. L’impact de l’urbanisation sur les chemins de l’eau
1.4. Revue des méthodologies pour quantifier l’impact de l’urbanisation
1.4.1. Illustration des problèmes classiquement rencontrés
1.4.2. Approches statistiques spatio-temporelles
1.4.3. Approches par modélisation conceptuelle
1.4.4. Approches par modélisation physique
1.5. Synthèse et positionnement de la thèse
2. Présentation des données utilisées
2.1. Introduction
2.2. Description des données climatiques
2.2.1 Données météorologiques
2.2.2 Données maillées issues de la réanalyse de Livneh et al. (2013)
2.2.3 Données d’évapotranspiration potentielle
2.2.4 Données de neige
2.3. Comparaison des données NOAA et Livneh et al. (2013)
2.4. Sélection des bassins versants
2.5. Caractéristiques générales des 306 bassins versants utilisés
2.6. Données d’occupation du sol
2.6.1 Données de la base de données nationale d’occupation du sol
2.6.2 Données de densité de logement (« Housing density », HD)
2.7. Conclusion
3. Top-down approaches to detect land use changes
3.1. Préambule
3.2. Abstract
3.3. Introduction
3.3.1. Urbanization and hydrology: well-spread ideas and subtleties
3.3.2. Quantifying flow changes due to urbanization (or other land use change)
3.4. Scope of the paper
3.5. Methods
3.5.1. Paired catchment approach
3.5.2. Model residual approach
3.5.3. Model parameters calibration and uncertainty analysis
3.5.4. Detection and quantification of flow changes due to urbanization
3.6. Data
3.6.1. Hydroclimatic data
3.6.2. Land use data and urban analysis
3.7. Selected paired catchments
3.8. Results and discussion
3.8.1. Paired and model residual basic information analysis
3.8.2. Trend and change detection results (paired approach)
3.8.3. Comparison of paired and model residual approaches
3.9. Conclusion
4. Assessing urban sprawl impact on catchment hydrology
4.1. Préambule
4.2. Abstract
4.3. Introduction
4.4. Methods
4.4.1. Model residual analysis to quantify the hydrological impact of urbanization
4.4.2. Land scape analysis and catchment characteristics
4.4.3. Regression model to evaluate the influence of catchment characteristics
4.5. Data
4.5.1. Criteria of selection of urban catchments
4.5.2. Hydroclimatic data
4.5.3. Land use data and urban analysis
4.5.4. Catchment characteristics
4.6. Results
4.6.1. Estimated flow changes on the set of 157 urbanized catchments, and associated uncertainties
4.6.2. Multiple regression modelling
4.7. Conclusion
5. Évaluation de l’impact de l’urbanisation sur la réponse hydrologique
5.1. Préambule
5.2. Résume
5.3. Introduction
5.3.1. Contexte
5.3.2. Problématique et questions scientifiques associées
5.3.3. Objectifs scientifiques et/ou techniques
5.4. Revue / synthèse bibliographique
5.5. Méthodologie
5.5.1. Données
5.5.2. Méthodologie générale et modèle hydrologique
5.6. Résultats et discussion
5.6.1. Analyse des tendances sur les chroniques observées
5.6.2. Analyse des tendances sur les chroniques reconstituées (simulées)
5.7. Conclusions et perspectives
Conclusion générale

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