Impact de l’infrastructure culturelle sur le développement économique local

Cette thèse a pour premier objectif d’élaborer une méthode visant à évaluer l’impact ex-post de l’infrastructure culturelle sur le développement économique local. L’infrastructure culturelle désignera dans cette thèse l’ensemble des équipements culturels (musées, théâtres, écoles d’art, etc.), structures culturelles (troupes de danse, compagnies théâtrales, artistes, etc.) et évènements culturels (festivals, biennales, manifestations, expositions, etc.) (voir cadre 1). Le second objectif est d’appliquer cette méthode à l’évaluation de l’impact de Lille2004, Capitale européenne de la culture sur le développement économique de la métropole lilloise, Lille2004 constituant un ensemble d’évènements organisés par l’infrastructure culturelle locale .

L’UTILISATION CROISSANTE DE L’INFRASTRUCTURE CULTURELLE DANS LES POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE

Le premier constat est celui du rôle croissant accordé aux musées, aux festivals, aux bibliothèques et plus largement à l’infrastructure culturelle dans les politiques de renouvellement urbain, de développement touristique et dans les stratégies de rayonnement des villes. En France ou ailleurs, les exemples d’équipements ou d’évènements culturels présentés comme des pivots d’opérations d’urbanisme ou de marketing sont nombreux : le Musée d’Art et d’Industrie de Roubaix inauguré en 2001 dans une ville en crise et en profonde mutation économique ; Lille2004, avec ses grands évènements visant à faire rayonner la ville, et ses maisons folies construites dans les quartiers populaires ; plus récemment le Louvre Lens qui devrait voir le jour en 2009 ; le futur musée des confluences de Lyon avec son architecture provocante, à l’image de celle du Musée Guggenheim de Bilbao. Dans le lancement des grands projets culturels, il semble parfois que les objectifs culturels soient autant mis en avant que les objectifs économiques, comme si les élus et les habitants attendaient des musées ou des Opéras, non pas qu’ils diffusent des œuvres d’art ou de l’histoire, mais qu’ils développent leur territoire et qu’ils soient une source de fierté. C’est le sentiment du rapport du Conseil Economique et Social (1998, p.143) consacré au lien entre les évènements culturels et le développement local : « Combien de municipalités ont décidé de créer et d’accueillir un festival (…) non pas dans l’intérêt premier de la culture, mais bien celui d’utiliser la culture comme outil promotionnel » et d’ajouter que « dans la décision à prendre, la retombée escomptée peut l’emporter sur l’intérêt culturel premier ». L’intérêt suscité par l’arrivée du Louvre à Lens dépasse très largement le cadre culturel : les commentaires de la presse comme ceux des habitants, ou des élus de la région Nord – Pas de Calais, sont rarement consacrés aux œuvres mais presque exclusivement à la chance que constitue le futur musée pour l’image de la région et son développement touristique. L’explicitation des objectifs économiques varie fortement d’une collectivité publique à l’autre. Certaines nient catégoriquement de tels objectifs, d’autres les mettent en avant très clairement, et quelques-unes enfin les affichent timidement. Cependant, toujours ou presque, il existe une ambiguïté concernant les objectifs économiques des politiques culturelles.

LA RARETE DES PREUVES CONCERNANT LE ROLE POSITIF DE LA CULTURE DANS LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE

Cette utilisation croissante de l’infrastructure culturelle se situe en l’absence ou presque d’indicateurs montrant l’efficacité de cette stratégie de développement. Si les discours vantant les effets positifs de l’infrastructure culturelle sur le développement économique local sont fréquents, force est de constater que l’évaluation de ces effets est rare. Ce manque est le fait d’au moins deux éléments : (1) absence de culture de l’évaluation de l’impact économique de l’infrastructure culturelle et (2) volonté délibérée de ne pas évaluer, de peur que les effets attendus ne soient pas au rendez-vous. Ainsi le discours est peu le fruit d’un raisonnement scientifique et les faits avancés sont rarement intégrés à un cadre analytique équilibré ; souvent, il s’agit davantage de doctrine que de théorie, d’intuition plutôt que d’analyse empirique, ou, pour reprendre les termes de Graeme EVANS et Phyllida SHAW (2004), d’ « une évidence » .

CULTURE ET INFRASTRUCTURE CULTURELLE : ANALYSE DES CONCEPTS

L’infrastructure culturelle est réalisée dans le cadre de projets ou de politiques culturelles mais n’a pas pour objectif, au moins dans le discours officiel, de générer de l’activité économique. Pourtant, même en l’absence d’arguments, il semble que la réalisation de musées, de théâtres ou de centres culturels entre parfois davantage dans la logique de politiques économiques que dans de véritables stratégies de développement culturel. Face à ce constat, une question apparaît : pourquoi les pouvoirs publics utilisent la culture dans les politiques de développement économique si les arguments venant conforter l’efficacité de cette démarche sont manquants ? Même si ces choix semblent souvent réalisés sur la base de la supposée «évidence » du lien entre la culture et la dynamique économique, nous rechercherons dans les caractéristiques propres de l’infrastructure culturelle s’il existe des indices permettant de lui conférer un rôle économique. Pour atteindre cet objectif, nous procéderons en deux temps. Dans un premier, nous étudierons la composante culturelle de l’infrastructure. Dans un second, nous traiterons des formes et des activités de l’infrastructure, en particulier ses formes juridique et physique, puis ses activités économique et culturelle.

LA CULTURE

La culture et le développement personnel

En étudiant la question de la culture sous un angle anthropologique, c’est à dire centré sur l’Homme et son existence, nous voulons d’abord mieux connaître la signification la plus large de ce terme qui nous suivra tout au long de cette thèse en définissant la culture comme élément descriptif de l’homme (ce qu’il est), puis comme l’ensemble de ses connaissances (ce qu’il sait). Ensuite, nous chercherons les implications de ces deux définitions en termes comportementaux avec l’apparition d’une question déjà centrale : l’accès à la culture permetil aux hommes de vivre mieux en société ?

La culture de l’homme : traduction de ce qu’il est 

A partir de la seconde moitié du 19ème siècle, les anthropologues ont pris le relais des philosophes et vont donner une nouvelle définition de la culture. Contrairement à la période précédente qui réservait la culture aux peuples ayant dépassé le stade de la barbarie, les anthropologues vont considérer la culture comme applicable à toutes les sociétés. L’une des premières recherches appartenant à cet élan anthropologique a été entreprise en 1872 par un groupe du « British Association for the Advancement of Science » dirigé par Edward TYLOR. En 1881, dans son livre « Anthropology : an introduction to the study of man and civilization » il définit la culture comme étant « un ensemble complexe incluant le savoir, les croyances, les arts, la morale, les lois, les coutumes, et toutes les autres aptitudes et habitudes acquises par un homme en tant que membre d’une société ». Au total, Edward TYLOR recense 76 de ces aptitudes sans qu’aucun classement hiérarchique n’ait été effectué. Plus récemment, Alfred KROEBER et Clyde KLUCKHOHN (1952), deux anthropologues américains, ont publié une liste de 160 composantes de la culture. Avant eux et encore bien après, de nombreux chercheurs ont essayé de dénombrer les composantes de la culture aboutissant à de nouvelles classifications. Dans ce débat Jean Pierre MARTINON (1997) a une approche qui dépasse cette volonté de dénombrement. Il définit ainsi la culture comme « l’ensemble d’éléments propres à tout groupe humain, comprenant aussi bien la religion que les mœurs sexuelles, le droit, les pratiques culinaires, les habitudes esthétiques, etc. ; l’essentiel de cette définition énumérative étant le “etc.” placé en fin de phrase ». Jean Pierre MARTINON poursuit en affirmant que « toutes les fois que des aspects, des segments de la vie sociale peuvent être  discernés et compris à partir d’une cohérence, il s’agira de culture » et que « tout ce  qui peut être saisi comme une organisation, comme une régulation symbolique de la vie sociale, appartient à la culture ». Toutes ces définitions indiquent que la culture est le résultat d’un processus social sans que l’individu n’en ait forcément conscience. La culture ne peut être que collective et ainsi, sans société, il ne peut y avoir de culture .

La culture de l’homme : traduction de ce qu’il sait

Mais la culture d’un être, ce n’est pas seulement ce qui le caractérise et ce qu’il est, c’est aussi ce qu’il sait ou ce qu’il connaît. Ainsi, si toute société est caractérisée par des valeurs, des idéaux ou des comportements, au sein de chaque société, tous les hommes n’ont pas le même niveau de connaissance. Plus un individu a de connaissances, plus il est cultivé. Ce niveau de connaissance dépend de plusieurs facteurs tels que l’éducation transmise par les parents (apprentissage de l’éthique et du comportement familial et social, de l’histoire, de la littérature, etc.), l’enseignement reçu à l’école ou encore la simple curiosité des individus, par la lecture ou l’observation.

Cependant, comme le souligne André SIEGFRIED (1953), pour être cultivé, il n’est pas nécessaire d’être instruit livresquement, mais « il faut avoir assimilé, consciemment ou inconsciemment, tout l’apport séculaire de la civilisation, tout ce que la tradition des siècles antérieurs a donné à l’homme », ajoutant que « la culture peut appartenir à n’importe qui : l’homme de métier, le paysan et le professeur peuvent être des hommes cultivés ». Dans nos sociétés, l’individu cultivé est souvent mis sur un piédestal. C’est ce que montrent aussi les nombreux jeux télévisés basés sur la connaissance (« Questions pour un Champion », « Qui veut gagner des Millions », etc.) qui remportent un franc succès auprès du public, friand de ces personnages capables de répondre à toute sorte de questions3 . Mais, ces héros de jeux télévisés ne sont pas les êtres cultivés dont parle André SIEGFRIED (1953). En effet, alors que MONTAIGNE (1990, 1 ère édition en 1580) considérait au 16ème siècle que « mieux vaut tête bien faite que tête bien pleine », la popularité de ces jeux télévisés laisse à penser que le succès est aux têtes bien pleines. Cependant, la volonté de se cultiver n’est pas propre à tous les individus ou à tous les groupes sociaux, économiques ou religieux. Ainsi, dans son ouvrage « l’Ethique protestante et l’Esprit du Capitalisme », Max WEBER (1967, 1ére édition en 1905) explique que les Catholiques favorisaient davantage l’épanouissement culturel à travers l’étude des « humanités » alors que les Protestants se préparaient de manière beaucoup plus pragmatique aux « études techniques et aux professions industrielles et commerciales ». André SIEGFRIED en parlant de son éducation affirmait que « la culture n’y entrait pour rien » et que son père, en parlant de lui, disait : « Il n’aura jamais de culture intellectuelle et ne se souciera jamais d’en avoir. Il sera instruit, remarquablement informé, saura tout ce dont il a besoin de savoir pour son action du moment, mais le goût désintéressé des choses de l’esprit lui restera étranger » (cité par BOURDIEU, 1992). La culture de l’esprit, le plaisir de connaître ou le goût désintéressé des choses ne constituent donc pas une norme de comportement et si la culture générale est considérée comme le signe de la vertu chez les uns, elle est perçue comme un élément superflu chez les autres .

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE PREMIER CULTURE ET INFRASTRUCTURE CULTURELLE : ANALYSE DES CONCEPTS
INTRODUCTION DU CHAPITRE PREMIER
1. LA CULTURE
1.1. La culture et le développement personnel
1.1.1. La culture de l’homme : traduction de ce qu’il est
1.1.2. La culture de l’homme : traduction de ce qu’il sait
1.1.3. Niveau de connaissance et comportements
1.2. L’Art dans la culture
1.2.1. Qu’est ce que l’art ?
1.2.2. L’artiste
1.2.3. La consommation de l’art
1.2.4. L’art, instrument politique
1.3. La culture dans la science économique
1.3.1. Les effets externes des activités artistiques
1.3.2. La culture, élément déterminant du développement économique
1.3.3. La culture un secteur économique à part entière
2. L’INFRASTRUCTURE CULTURELLE EN FRANCE
2.1. La forme juridique
2.1.1. L’infrastructure de droit public
2.1.2. L’infrastructure de droit privé
2.2. La forme physique
2.2.1. Les bâtiments
2.2.2. Les organismes sans lieu
2.3. L’activité économique
2.4. L’activité culturelle et artistique
CONCLUSION DU CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE 2 POLITIQUES CULTURELLES ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE LOCAL
INTRODUCTION DU CHAPITRE 2
1. LES OBJECTIFS ECONOMIQUES DES POLITIQUES CULTURELLES
1.1. Les motivations des constructeurs de théâtres et de bibliothèques : quelques exemples passés
1.1.1. Le théâtre : du lieu de représentation au monument urbain
1.1.2. Les bibliothèques
1.2. Les motivations des politiques culturelles en France
1.2.1. Les politiques culturelles locales
1.2.2. La politique culturelle de l’Etat
1.3. Désigna tion des variables expliquées de la thèse
1.3.1. Objectifs culturels et objectifs économiques
1.3.2. Les objectifs économiques des politiques culturelles
2. INTERDEPENDANCE DES AGENTS ECONOMIQUES, RAYONNEMENT ET ATTRACTIVITE DES VILLES
2.1. L’interdépendance des acteurs
2.1.1. Les économies externes
2.1.2. L’effet multiplicateur
2.2. La question de l’image et de la notoriété des villes dans la théorie économique
2.2.1. La construction de l’image
2.2.2. La manipulation de l’image
2.2.3. Le marketing urbain pour changer l’image des villes et attirer
2.2.4. Quelle efficacité pour le marketing urbain ?
2.2.5. Mesurer l’image et la notoriété des villes
2.2.6. Présentation critique d’une étude sur le rayonnement des villes européennes
2.3. La question de l’attraction et de la localisation des agents économiques
2.3.1. L’attraction des firmes
2.3.2. Les choix de résidence des ménages
2.3.3. Les choix des touristes
CONCLUSION DU CHAPITRE 2
CHAPITRE 3 L’EVALUATION DE L’IMPACT ECONOMIQUE DE L’INFRASTRUCTURE CULTURELLE : UN SURVEY
INTRODUCTION DU CHAPITRE 3
1. DEFINITIONS ET PROCESSUS DE L’EVALUATION
1.1. Introduction sur l’évaluation en France
1.1.1. Le cadre institutionnel de l’évaluation des politiques publiques en France
1.1.2. La mise en débat de l’évaluation
1.2. Le cadre de l’évaluation : une approche analytique
1.2.1. Le ou les objets à évaluer
1.2.2. La temporalité de l’évaluation
1.2.3. Le point de vue privé ou collectif
1.2.4. Les effets face aux objectifs
1.2.5. Les effets face aux coûts
1.2.6. Les objectifs du commanditaire
1.3. Reformulation de nos objectifs
2. LECTURE CRITIQUE D’ETUDES D’IMPACT EX-POST DE STRUCTURES ET D’EQUIPEMENTS CULTURELS
2.1. Le poids économique du secteur culturel pour estimer l’impact de la dépense culturelle
2.1.1. Les dépenses du secteur culturel
2.1.2. Les revenus du secteur culturel
2.2. Etude de l’effet multiplicateur
2.2.1. L’effet multiplicateur dans les évaluations
2.3. La mesure de l’image et de la notoriété
2.4. L’attractivité
2.4.1. L’attraction des touristes
2.4.2. L’attraction des ménages
2.4.3. L’attraction des commerces et des entreprises
2.5. Les dépenses des visiteurs de l’infrastructure culturelle
2.5.1. Les sondages effectués auprès des visiteurs pour connaître leurs dépenses
2.5.2. L’enquête menée auprès des commerces pour connaître l’origine de leur clientèle
2.5.3. La distinction entre visiteurs locaux et visiteurs externes
2.6. La question de la localisation géographique de l’impact économique
2.7. La structure de l’évaluation
2.7.1. L’impact économique direct
2.7.2. L’impact économique indirect
2.7.3. L’impact économique induit
2.7.4. Quelle dénomination ?
CONCLUSION DU CHAPITRE 3
CONCLUSION GENERALE

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